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Mots et images de Joe Krapov
texte d'atelier d'ecriture
6 mars 2019

RECHERCHER MARILYN M.

Ils ont détruit l’hôtel de Verdun. Quelle idée aussi, au pays du Saint-Nectaire et des volcans éteints, d’évoquer ainsi les taxis de la Marne, l’ossuaire de Douaumont, les tranchées dans le lard d’une génération et la guerre préférée de Georges Brassens, celle de 14-18 ? J’y avais habité quelques temps à mon arrivée au Mont-Dore, au pied du Puy-de Sancy. Puis j’avais trouvé une pension de famille, moins chère, baptisée « Les Tilleuls ».

Que faisais-je à dix-huit ans dans cette station thermale réputée ? Eh bien, comme tout le monde, je m’y embêtais à cent sous de l’heure, sans idée de ce que serait mon avenir, de ce que je ferais plus tard, sans envisager le moins du monde qu’un jour je reviendrais, dans ce cœur de l’Auvergne, chercher le souvenir de Marilyn M.

150718 B 049

***

Elle était assise dans le hall de l’Hermitage, sur l’un des grands canapés du fond, et ne quittait pas des yeux la porte-tambour, comme si elle attendait quelqu’un. Quand je suis entré elle s’est levée, s’est approchée de moi. Elle faisait star de cinéma, gravure de mode comme le sont toutes les jeunes filles aujourd’hui mais cela ne m’impressionna pas.

- C’est vous qui êtes envoyé par l’agence Westminster ? Je suis Mademoiselle Modiano.

- Enchanté, Madame. Comme vous le voyez, nous ne sommes pas difficiles à identifier grâce à notre uniforme de groom jaune pétant et notre chapeau à la Spirou sur lequel le nom de l’agence est inscrit en lettres dorées. « C’est étudié pour » comme dit un comique local.


- Suivez-moi, nous allons monter dans ma chambre. Je vais vous présenter Trésor et Trésor.

AEV 1819-20 Domergue 1 76Nous prîmes l’ascenseur dans lequel le garçon, lui aussi sanglé dans l’uniforme de l’hôtel, me jeta un sale œil. Je n’étais pourtant pas venu lui piquer sa place à ce gros naze. Moi mon boulot consistait à promener dans la ville les clébards improbables de ces cocottes de la haute. Tant pis pour lui s’il devait se contenter de voir monter les poules de luxe sans les approcher plus.

Nous nous engouffrâmes dans le couloir. Une moquette à motifs orientaux étouffait le bruit de nos pas. Elle sortit sa clé et ouvrit la porte de la chambre 13.

A l’Hermitage elle disposait non seulement d’une chambre mais aussi d’un salon meublé de trois fauteuils à tissus imprimés, d’une table ronde en acajou et d’un divan. Un vieux type au crâne dégarni était assis à cette table. Il faisait du tri dans une montagne de correspondance et de dossiers divers. Un petit bichon tout blanc avec un nœud rose entre les oreilles était venu frétiller de la queue et respirer mes pompes quand nous étions entrés.

- Comment vous appelle-t-on, Monsieur de Westminster ?

- Vous pouvez m’appeler Patrick, Madame Modiano.

- Eh bien Patrick je vous présente Trésor et Trésor. Le Trésor plein de poils s’appelle Trésor et le trésor sans poils sur le caillou s’appelle Jean-Philippe Meinthe. C’est mon secrétaire.

- Enchanté ai-je répondu.

- Vous viendrez chercher Trésor et le promènerez le matin de 11 heures à 12 heures. Puis, c’est convenu ainsi avec votre agence, de 18 h à 19 h.

- C’est aussi ce que j’avais noté.

- Si vous n’y voyez pas d’inconvénient je vais vous accompagner pour la première promenade. C’est aussi inscrit dans le contrat.

La cliente est reine. Je n’ai pas tiqué. J’étais prêt à tout accepter de ces foldingues en villégiature. Je n’étais pas en mesure de réclamer quoi que ce soit dans ce boulot de larbin. C’était mon premier contrat de travail à temps partiel. De 9 h à 10 h je sortais le lévrier de madame Simenon qui résidait au Grand hôtel des Thermes. De 14 h à 15 h c’était le caniche noir de la princesse Troubetzkoï. Le reste du temps je bouquinais dans le parc s’il faisait beau ou dans ma chambre aux Tilleuls les jours d’intempérie.

***

Il suffirait que je retrouve l’un des programmes édités par le syndicat d’initiative, couverture blanche sur laquelle se détachaient en vert le casino et la silhouette d’une femme dessinée à la manière de Jean-Gabriel Domergue pour que, immédiatement, parce que c’était elle sur le croquis, je retrouve son parfum, son charme et sa désinvolture.

Etait-ce le prestige du ridicule uniforme jaune ? Etait-ce ma juvénilité empreinte d’une totale naïveté ? Fut-ce un caprice de star, une lubie du mannequinat, un besoin irrépressible dû à une nymphomanie chronique ? Toujours est-il que quelques jours plus tard j’ai quitté les Tilleuls pour habiter avec elle à l’Hermitage.

Le soir nous prenions sa Facel Vega, la Facellia, cette voiture qu’on a appelée ensuite « le piège de cristal »et nous nous rendions dans un café de La Bourboule qui s’appelait « L’Âne rouge ». C’est elle qui conduisait à l’aller avec Meinthe à la place du mort et moi à l’arrière. Au retour le secrétaire prenait le volant tandis qu’à l’arrière de la berline nos lèvres se touchaient et nos mains se baladaient.

Quand nous sommes entrés la première fois dans ce bistrot typiquement auvergnat Meinthe a regardé attentivement l’homme en imperméable qui rangeait les verres derrière le comptoir. Puis il lui a serré la main et il a plaisanté.

- Je suis désolé, Colombeau, mais j’ai embouti votre 403. Je vais vous envoyer la facture du garage. C’est à vous de la payer. Vous étiez stationné en zone bleue et votre disque était absent du apre-brise.

- Qu’est-ce que je vous sers, madame Modiano ?


- Tu peux l’appeler Marilyn, toi aussi, si tu veux. Et on dit mademoiselle aux actrice. Quelque chsoe de léger.


- Une Suze ?


- Un porto.


- Un Saint-Pourçain blanc ?


- Un porto, le plus clair possible, mon petit, répète Meinthe.

Je trouvais bizarre que ces gens de la haute, enfin, des superstructures de la haute société, viennent s’acoquiner tous les soirs avec des prolétaires du coin dans cette gargote typique du début des années soixante. Il y avait derrière le comptoir, outre les cartes postales des clients, des photos de Louison Bobet, Jean Stablinski, des trophées de courses cyclistes, une coupe hideuse que le patron ou quelqu’un de sa famille avait dû gagner dans les boucles des gorges d’Avèze ou lors d’une ascension du Puy-de-Dôme.

Cette coupe, où se trouve-t-elle maintenant ? Si l’hôtel de Verdun n’existe plus, le bistrot « L’Âne rouge » n’a pas dû survivre bien longtemps lui non plus. J’irai le vérifier demain à La Bourboule.

Le temps a enveloppé toutes ces choses d’une buée aux couleurs changeantes, tantôt vert pâle, tantôt bleu légèrement rosé.

AEV 1819-20 slider_Suze-690x363

***

C’est arrivé un soir simplement. C’est son troisième porto clair. Meinthe et Colombeau jouent au 421.

Elle m’embrasse goulûment et je n’en peux plus d’être ici avec une érection incandescente qui ne s’éteindra… jamais.

De son sac elle sort une enveloppe volumineuse et me la remet sans un mot. Puis elle sort, seule, et on entend la Facel Vega qui démarre.

***

Ce fut à peu près à cette époque-là que Marilyn Monroe nous a quittés.

Et Marilyn Modiano aussi. Je ne l’ai jamais revue, je n’ai plus entendu parler d’elle. On aurait dit une sentinelle qui rapetissait, rapetissait. Un soldat de plomb.

AEV 1819-20 Domergue 2

Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 5 mars 2019 d'après la consigne ci-dessous.

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2 mars 2019

L'UNIJAMBISTE

Am stram gram pic et pic et calligramme !
Voici mon humble contribution, plus inspirée par Apollinaire que par Rimbaud, pour illustrer le mot «unijambiste» :

DDS 548 verre à pied

 


Composé pour le Défi du samedi n° 548 d'après cette consigne : unijambiste 

2 mars 2019

99 DRAGONS : EXERCICES DE STYLE. 34, Phylactère ibérique

DDS 397 Saint-Georges 34

Confectionné pour le Défi du samedi n° 397 à partir de cette consigne : Moulin à vent.

27 février 2019

SIX FATRASIES

 1

Aujourd’hui Madame Charlotte
S’est nourrie de matelote :
Demain elle sera enceinte.

Au pays des sans-culottes
Il faut ranger sa carotte
Si jamais elle coloquinte.

Ma pensée étant d’astreinte,
Je ne puis faire marmotte
Ni absorber de l’absinthe
Lors je suce bergamote :
Ca ne laisse pas d’empreinte !

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 190119 265 003

 2

Sur la djellaba du vizir
Voici que s’en va s’avachir
Une énorme tarte tatin

Ca le fera-t-y réfléchir
Ou ça va t’y le divertir
Ce failli diabl’ de villotin ?

Et si on lançait bouquetin
Comme symbole de désir
A cet aimable plaisantin ?
Cela lui ferait-il blanchir
La paroi de son intestin ?

 3

Atmosphère ! Atmosphère !
En changeant d’hélicoptère, 
Je retrouve ma nature

C’est la musique des sphères
Qui régit le dromadaire
Et l’entraîne à l’aventure

Am stram gram ! Jolie monture
Au pays d’Imaginaire,
Chemin net et sans bavure,
Mène donc le solitaire
Qui rêvait de l’aventure !

 

190119 265 005

 

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 4

Comme il vient d’hilarité
Quand on voir l’absurdité
Que charrient nos bulletins !

Idées de fraternité
Tombées en promiscuité
Avec la boue des potins !

C’est travail de diablotins
Qui piétinent la beauté,
Se remuent le popotin
Et, en toute impunité,
Nous submergent de crottin !

 5

Qu’est-ce qui marche vers l’azur ?
Ma chaussure, ma chaussure 
Et d’autres coléoptères.

Au ciel net et sans bavure
Ils accrochent des hachures
Comme aux plus vieilles patères.

Ce sont des affreux diptères
Ces mouches qui, dans la sciure,
Tracent de l’imaginaire
Et moulinent de la chiure
Du haut de l’hélicoptère.

 190115 265 002

 190105 265 002

 

 6

Dans ma petite menotte
J’ai déposé ma quenotte
Tombée de son alvéole

Faut pas qu’on me l’escamote !
Faut pas qu’on me la barbote 
Pendant qu’je vais l’école !

Je vous donne ma parole
Que viendra une marmotte :
Elle dansera la farandole,
Embarquera ma quenotte
Et me laissera le pactole !

Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 26 février 2019 

à partir de la consigne ci-dessous.

23 février 2019

PARFOIS LA POÉSIE NE VOUS AIDE PAS À VIVRE

C’était un mec balèze
Qui faisait du trapèze
Dans un cirque ambulant.

Un jour qu’il s’entraînait
Il fut désarçonné
Par ce qu’il vit sous lui
Et tomba comme un steak
Dans le filet
De protection.

Et l’écuyère aztèque
Sur un cheval d’uhlan
Vint avec attention
Ramasser l’évanoui.

Lorsqu’il ouvrit les yeux
Ce fut le coup de foudre.
Elle fondit aussi,
Se remit de la poudre
Pour cacher son émoi.

Ils partirent ailleurs
Sur les bords du Zambèze,
A Rodez, à Rospez
Ou l’on fait le Tro Breizh
Et même à Saint-Tropez
Où B.B. vit à l’aise.

Moi je suis resté seul
Avec mes animaux,
Mon cirque miniature :
Je suis dompteur de puces
Et la belle acrobate
Ne m’accorde jamais
Un regard en passant
Et la contorsionniste
M’ignore tout autant
Et du coup je suis triste

Une de mes puces m’a dit
Que si le trapéziste
Et l’écuyère aztèque
Ont un jour un enfant
Ils l’appelleront Pégase.

Sa soeur a dit « Ecrase !"
Et je l’ai écrasée. 



Ecrit pour le Défi du samedi n° 547 d'après cette consigne : trapèze

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16 février 2019

ISAURE S'EN PREND A M. GOOGLE-BOOKS !

10 novembre 1886

On est tous le sagouin d’un autre. Allez savoir si ce petit singe dont on m’a chargé de faire l’éducation ne me traite pas de tous les noms d’oiseaux qu’il connaît dès que j’ai le dos et la soutane tournés ? « Le macaque sent toujours le hareng », comme dit le proverbe touareg made in Breizh.

Si on m’avait prédit au grand séminaire que je passerais ma vie à aller de château en château pour venir à bout, aidé de domestiques plus ou moins évolués, de ce genre de sapajous, j’aurais peut-être bien fait demi-tour et, plutôt que de devenir « ce bon abbé Raquin », précepteur du petit-fils de Madame la duchesse de Chevreuse, je….

Qu’eussé-je fait, au reste ? Nul ne sait ce que sera son destin, son cheminement, sa profession vers les vingt ans. Les voies du Seigneur sont impénétrables.

Et après tout, ce petit Manu dont je m’occupe est peut-être promis à un destin grandiose auquel j’aurai contribué pour une petite part ? Sera-t-il ambassadeur ? Général ? Député-maire ? Propriétaire terrien ? Banquier ? Président de la République ? Il n’en prend pas vraiment le chemin si j’en crois ce que j’ai noté dans mon journal intime :

« Jeudi 7 octobre

Le gosse, impassible, raisonneur, vantard, se moque de M. Moulin, devient insolent, malhonnête, refuse de corriger son devoir, me dit qu’il sera bien content d’être débarrassé de moi pendant la journée, est privé de monter à cheval, en revenant casse un service de porcelaine, jure ses grands dieux que ce n’est pas lui et est malhonnête pour sa grand-mère à laquelle il répond insolemment. Se tient passablement à table, fait presque une scène à la chapelle pour sa prière, ne cesse que devant la menace et s’en va se consoler dans le sein de la belle Julie pendant qu’Albert, le domestique, le cherche partout.

Vendredi 8 octobre

Le gosse fouetté en règle, à 8 ans, par sa grand-mère, Henri, un autre domestique, tenant le patient. La grand’mère vient me l’annoncer tout émue. Le gosse, néanmoins, s’en vient en classe quelques instants après en chantant et en dansant.

Etc., etc. "

DDS 546 comtesse_de_segur_un_bon_petit_diable

Il ne m’appartient pas de porter un jugement sur les gens qui m’emploient et me paient mais cet usage voire cet abus du châtiment corporel par Madame la duchesse me hérisse un peu le poil. Heureusement cette humiliation permanente des fessées cul nu, ces tournées de martinet, n’ont aucun effet sur le comportement du gamin. Il sort de la correction en tirant la langue, faisant les cornes et en chantant ces diableries dont je me demande bien qui a pu les lui apprendre. Peut-être tient-t-il ce caractère mi-rousseauiste, mi-voltairien de sa mère ? Ce serait ça l’âme russe ? En prendre plein la tronche et continuer à chanter Kalinka ou Bayouchki Bayou ? Ce doit être son côté bon petit diable ou général Dourakine. La princesse Galitzin et la duchesse de Chevreuse, à ce qu’on m’a dit, ne s’entendaient pas très bien. Il est bien possible qu’elle ait monté cet enfant contre sa belle-mère.

S’il y eut ce procès retentissant, si je suis là, c’est bien pour que l’étrangère soit dépossédée et que les biens, les terres et le château restent, par l’intermédiaire de ces deux enfants-là, dans la famille d’Albert de Luynes-de Chaulnes- de Chevreuse, je me perds dans leurs titres et me noie dans leurs pages de mauvais roman balzacien. Peu importe leur nom. Mon élève est un âne et tous les ânes s’appellent Martin. Asinus asinum fricat. J’enseigne le latin à un petit sagouin.

Si j’avais un peu de temps en plus, je reprendrais bien aussi l’éducation de la bonne, la petite Julie qui s’occupe d’Emmanuel. Encore qu’elle en sache beaucoup plus que moi sans doute sur les choses de la vie, au moins sur le côté « origine du monde » et Jeanneton prend sa faucille la rillette, la rillette (nous sommes dans la Sarthe). Il y aurait beaucoup à reprendre dans son effronterie et beaucoup à dire sur sa légèreté de cuisse. Je l’ai surprise cet après-midi dans la tour du trésor en compagnie d’un vaurien des alentours de Solesmes qui vient faire les quatre cent coups par ici. Je le reconnaîtrais entre mille : il a des sourcils broussailleux et des opinions socialistes. Je crois que ce banlieusard s’appelle Ulysse.

 

13 novembre 1886

Tout cela m’indiffère désormais ! Je laisse Julie à son Ulysse et Manu à son destin de 9e duc de Machin Truc qui sera passé chez les Jésuites du Mans. Je pars dans 24 heures pour un autre poste à Louviers chez M. et Mme de La Haye-Josselin. Pas fâché de quitter ce château qui me foutait les boules ! Merci Seigneur !

DDS 546 Google books

***

On est tous le sagouin d’un autre et je ne suis pas la dernière des sagouines. Qu’est-ce qui me prend de farfouiller dans la vie de ces gens qui ont peut-être encore des descendants vivants aujourd’hui ? Voilà que je donne libre cours à des tendances «journaliste fouille-merde» au prétexte que je suis échotière très épisodique au journal « Le Défi du samedi » ! Et tout ça parce que monsieur Krapov, mon ancien hébergeur, a fréquenté ce château si empli de fantômes et de phéromones dans sa jeunesse !

Il n’empêche. S’il y a un autre sagouin dans l’histoire, c’est celui qui a entrepris de publier le journal intime de l’abbé Raquin en vue de glorifier ce coin de France qu’on appelle le Charolais ! Un journal intime, ça devrait le rester non ?

Et s’il y a un sagouin ultime c’est forcément monsieur Google-books. Quelle manie il a, celui-là, de caviarder des passages dans les livres qu’il reproduit ! Mille milliards de bachi-bouzouks ! Va jusqu’au bout, espèce d’enflure numérique ! Soit tu as le droit de reproduire le livre et tu nous le donnes dans son entièreté, soit tu es un voleur et alors cache-toi et garde ton butin !

Foi d’Isaure Chassériau, tu m’énerves à faire les choses à moitié ! Toi tu salis et tu salopes quand nous on salive au salon ! Sagouin, va !

Ecrit pour le Défi du samedi n° 546 à partir de cette consigne : sagouin

9 février 2019

OÙ EST LA NOBLESSE ? OÙ EST LA ROTURE ?

Le docteur de Morgnies ouvre la porte de la salle d’attente avec brutalité.

Comme on est le 16 septembre 1880, il ne peut pas gueuler, faisant référence à Jacques Brel, tel un sous-off dans un bordel de campagne : « Au suivant !» mais on entend presque ces mots dans la vivacité de son geste. Il a la moustache en bataille, la corpulence d’un escrimeur et la carapace de l’homme prêt à tout voir et tout entendre de la vie sans moufter plus que ça. Une espèce d’aristocrate, le médecin, chez qui tout le monde peut entrer et déballer des horreurs, qu’il soit noble ou roturier.

Aujourd’hui, en ce début d’après-midi, ils sont deux, bien amochés, à faire passer en urgence. Les patients ne sont plus impatients quand quelqu’un poireaute parmi eux avec un œil sanguinolent. Le premier arbore donc deux magnifiques cocards dont l’un bien saignant et l’autre bonhomme a le bras en écharpe, enveloppé dans ce qui ressemble à une serviette de restaurant. L’aveugle et le paralytique mais dans la version bons bourgeois de Paris bien aisés. Cela le docteur de Morgnies l’a déduit de ce que les deux gars ont l’élégance parisienne des dandys et de ce que la serviette est marquée Bignon. Bignon ! Pour un type qui a deux cocards, c’est cocasse !

- Qu’est-ce qui vous amène, Messieurs ? Par lequel de vous deux je commence ?

DDS 545 Aurélien Scholl

- Monsieur, permettez d’abord que je me présente. Je suis Aurélien Scholl, journaliste à «L’Evénement». Nous étions en train de déjeuner tout à l’heure chez Bignon et nous allions sortir quand un jeune gommeux excité s’est mis en travers de mon chemin.

- Il a demandé à mon ami s’il était bien Aurélien Scholl.


- « C’est bien moi, monsieur » ai-je répondu. En quoi puis-je vous être utile ?


- « En rien, espèce de petit roturier ordurier ! Prends ça de la part du comte de Dion !» a-t-il dit et il a balancé à Aurélien une gifle et deux pêches dans la poire.


- Sans même se soucier de ce que je portais un monocle de chez Tati ! J’eusse pu perdre un œil dans l’histoire. Et c’est pour cela que je viens consulter l’homme de l’art que vous êtes. Y aura-t-il des séquelles à cette violence ? Le saignement s’est arrêté mais pour l’instant, je vous l’avoue, je vois tout flou comme si je m’étais fait flasher à l’issue d’un bal. C’est au point que j’ai eu besoin du soutien de mon ami Turgan pour venir jusqu’à vous.


- Et puis il y a aussi cette histoire de carafe. Tu es quand même tombé dans les pommes quand il te l’a lancée et que tu l’as reçue en pleine poitrine.


- Certes, mais je l’avais traité de manant, de charretier et de crocheteur.


- Tu étais quand même en droit de le faire après t’être ainsi faitboxer, non ?


- Laissez-moi examiner cela, dit le docteur. Mouais. Pas fameux, fameux, les yeux, surtout le droit. Déshabillez-vous que je voie le torse.


- Attends, Aurèle, je vais t’aider.


- Non, laissez, dit le docteur, je vais m’y coller. Avec votre bras en écharpe ce ne serait pas pratique.

Le docteur examine le thorax où il y a un énorme hématome. Il tâte les côtes du journaliste et demande, intrigué :

- Dites voir ? C’est normal que vous ayez toutes les côtes fendues ?

- C’est que j’aime beaucoup rire et me moquer, Docteur ! Mais je n’ai jamais eu l’intention de faire du mal à qui que ce soit. Ca reste toujours de bon aloi.


- Je sais, je sais. Bon rhabillez-vous. A part l’honneur du comte de Dion, il n’y a rien de cassé.


- Mais je ne lui ai rien fait à ce garçon ! Je ne le connaissais même pas avant cette séance de pugilat!


- Vous avez sûrement dû écrire quelque chose le concernant. Mais ce n’est pas mon affaire. Je vais vous prescrire une ITT


- Qu’est-ce que c’est ? Ca fait mal ?


- C’est juste une interruption temporaire de travail. Vous n’allez récupérer la vue que dans dix-neuf jours et il vous faudra attendre encore onze jours avant que vous ne puissiez retourner au théâtre et rédiger vos comptes-rendus ironiques.


- Vous me connaissez donc, Docteur ?


- Oui je m’intéresse un peu à ce que vous écrivez.


- Et pour les yeux vous me donnez quoi ?


- Deux escalopes le matin et deux escalopes le soir, à apposer sur les orbites.


- Mais ça va me coûter horriblement cher ce régime carné ! Vous n’avez pas de médicaments, plutôt ?


- Je suis contre les prescriptions de produits chimiques ! Je fais de l’homéopathie. Contre la boucherie, j’utilise la boucherie. Si vous avez des problèmes financiers, attaquez le comte en justice et comptabilisez votre facture de bidoche dans les dommages et intérêts que vous lui réclamerez. A vous maintenant monsieur Turgan. Déballez voir un peu ce que vous avez dans votre serviette.


- Oh moi c’est juste une estafilade !


- Avec quoi vous êtes-vous fait cela ?


- Mon ami Aurélien a voulu se défendre contre le comte. Il a sorti son stylet.


- Un stylet ? Les journalistes écrivent avec un stylet maintenant ? C’est fini le stylo ?


- Je devais partir ce soir pour Bruxelles, précise Aurélien Scholl. Bien que la Belgique soit un pays d’honnêtes gens j’avais emporté à tout hasard mon parapluie de voyageur dont le manche renferme un stylet.


- Vous avez raison, il y a là-bas de vilains bonshommes qui tirent à vue sur les littérateurs français !


- Et comme il n’y voyait plus rien, c’est moi qu’il a blessé.


- Ce que je ne vois vraiment pas c’est pourquoi le comte s’en est pris à moi.


- Cherchez la femme, Monsieur Scholl ! Quel livre avez-vous publié récemment ?


- « Fleurs d’adultère ». Pourquoi ?


- Cherchez de ce côté-là. Je suis sûr que l’explication est là. Voici vos ordonnances, Messieurs. Lequel de vous deux règle l’addition ?


- C’est moi !


- Non c’est moi !


- Je vous en prie, je vous suis redevable de…

***

Après avoir raccompagné les deux hommes jusqu’à la porte et avant de faire entrer le client suivant le docteur de Morgnies jette un œil au portrait d’Isaure Chassériau qui trône dans son vestibule.

- Eh bien dis-donc, Isaure ! Le journaliste-bashing commence de bonne heure, cette année !

2019 02 08 Isaure flashball

 

Ecrit pour le  Défi du samedi n° 545  à partir de  cette consigne : roture.

7 février 2019

ACROSTICHES CONSTELLATIONISTES

AEV 1819-18 bélier Attack-on-the-walls-of-a-besieged-town-q75-500x412

  

B   ang ! A la porte du château
É   nervé, suant comme un bœuf
L’   ennemi s’élance avec fougue et poutre !
I   l a longue paille dans l’œil
E   t s’étale de tout son long !
R   igolos ! La porte est ouverte !

 

 

AEV 1819-18 crabe-rigoloC   rabes de plage abandonnée,
A   ux coquillages et crustacés
N   os chansons apportent sourire.
C   ette atmosphère de vacances
E   t ces récréations enjouées
R   ejouent le charme de l’enfance
S   ous couvert de quelques rochers

 

AEV 1819-18 girafe de3b52746a7314d4b322778bbaf2c604

   G   are à toi, la lune d’Afrique !
   
   I   l s’en faut de peu que, tendant le cou,

   
   R   ognant tes quartiers de noblesse ancienne

   
   A   manda la girafe ne te croque pour de bon !

   
   F   euillage de rêve que la voie lactée

   
   E   t toutes les étoiles… petits vers luisants !

 

 

 

 

 

AEV 1819-18 paon myragineP   avane de macho, turgescence de plumes
A   ux enfants ébahis le paon montre sa queue
O   n applaudit sa gymnastique et ses marbrures.
N   ul ne songe à lui reprocher le fameux « coup de la
      paonne »
 qu’il pratique trop souvent !

 

AEV 1819-18 voiles 086144bf

 

V   ers d’autres horizons, vers des pays lointains
O   utremer, Emeraude… Flottez, bijoux de toile !

I   l n’y a plus beaucoup d’îles à découvrir

L   e plaisir vient alors de la navigation

E   t vous tirez le bateau blanc dehors du monde…

S   i les vents le permettent, si le temps le veut bien.
 

 

H   eures, minutes et secondes, au gai cadran,
O   béissant logiquement, marquent le temps.
R   ien n’arrête plus les aiguilles sinon le poids
L   orsqu’il se rend au bas de sa chaîne dorée.
O   n entend le tic-tac et le balancier d’or
G   arde peut-être, à son verso, le plan d’un vieux trésor
E   t celui du jardin où Hercule est venu taquiner l’Hespéride. 

 

180707 265 112

L   a Flèche ! Imprimerie de Brodard et Taupin !
A   ffranchis du récit, les comédiens s’ébrouent !

F   ête, début juillet d’une jeunesse folle !
L   e Prytanée peut bien rappeler les armées
E   t la place Henri IV hagiographer l’histoire
C’   est au cirque, au théâtre, au chant que l’on revient !
H   âtez-vous, les beaux jours de revenir en masse
E t nous irons camper sur les rives du loir ! 

 

AEV 1819-18 CaméléonC   hangeante
A   pparence !
M  imétisme
É   légantissime !
L   ui s’
É   vapore
O   stensiblement
N   ébuleux !

 

AEV 1819-18 citation-chiure-de-mouche-signe-primitif-de-ponctuation-ambrose-bierce-146219M  on
O   bsession :
U   ne
C   hiure
H  orriblement
E   mbarrassante !

 

AEV 1819-18 Centaure galerieC’   est un cheval à torse d’homme
E   t, s’il a un arc, sagittaire.
N   ous le trouvons
C   hez les dieux grecs,
T   antôt terrifiant, tantôt drôle :
A   quatre pattes sous la table
U   n jour qu’il y avait galette à partager !
R   enâclant à passer l’obstacle
E   t à dormir dans l’écurie !

AEV 1819-18 lyre bardeL   e barde la taquine et bientôt c’est la rixe !
Y   a-t-il plus déprimant qu’Assurancetourix 
R   âclant le violon ou lui pinçant les cordes ?
E   t bientôt tout le monde en la brisant s’accorde. 

 

 

Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 6 février 2019
à partir de la consigne ci-dessous

7 février 2019

CONSIGNE D''ÉCRITURE 1819-18 DU 5 février 2019 A L'ATELIER DE VILLEJEAN A RENNES

Acrostiches de constellations

 

Voici la liste des 88 constellations

L’Aigle - Andromède - L’Autel - La Balance - La Baleine - Le Bélier - La Boussole - Le Bouvier - Le Burin - Le Caméléon - Le Cancer - Le Capricorne - La Carène - Cassiopée - Le Centaure - Céphée - La Chevelure de Bérénice - Les Chiens de chasse - Le Cocher - La Colombe - Le Compas - Le Corbeau - La Coupe - La Couronne australe - La Couronne boréale - La Croix du Sud - Le Cygne - Le Dauphin - La Dorade - Le Dragon - L’Écu de Sobieski - L’Éridan - La Flèche - Le Fourneau - Les Gémeaux - La Girafe - Le Grand Chien - La Grande Ourse - La Grue - Hercule - L’Horloge - L’Hydre - L’Hydre mâle - L’Indien - Le Lézard - La Licorne - Le Lièvre - Le Lion - Le Loup - Le Lynx - La Lyre - La Machine pneumatique - Le Microscope - La Mouche - L’Octant - L’Oiseau de paradis - Ophiuchus - Orion - Le Paon - Pégase - Le Peintre - Persée - Le Petit Cheval - Le Petit Chien - Le Petit Lion - Le Petit Renard - La Petite Ourse - Le Phénix - Le Poisson austral - Le Poisson volant - Les Poissons - La Poupe - La Règle - Le Réticule - Le Sagittaire - Le Scorpion - Le Sculpteur - Le Serpent - Le Sextant - La Table - Le Taureau - Le Télescope - Le Toucan - Le Triangle - Le Triangle austral - Le Verseau - La Vierge - Les Voiles 

1) Soit vous écrivez des petits poèmes en forme d’acrostiches à partir des termes de la liste qui vous inspirent
2) Soit vous écrivez un texte qui ne parle pas du ciel ni de l’espace et dans lequel vous incluez une dizaine au moins de ces noms !

AEV 1819-18 Constellations

4 février 2019

MILLÉSIME CINQUANTE-QUATRE !

Rimbaud monnaie de Paris

 Ah ! Mille-huit-cent-cinquante-quatre ! Une année fabuleuse pour les Bordeaux rouges et les poètes des Ardennes !

Voilà qu'un autre enfant est né chez le capitaine Rimbaud. C’est, de nouveau, un garçon et il sera à son image, ne tenant jamais bien en place, allant toujours de l'avant, rêvant sans cesse d'évasion.

Une étrange sorcière s'est penchée sur son berceau.

- A l'âge de dix-sept ans, a-t-elle prédit, tu cesseras d’être sérieux. Tu monteras à Paris et tu seras la reine du bal dans ce carnaval noir de mille-huit-cent-soixante et onze mais ça ne te plaira pas vraiment ! La vraie vie est ailleurs. Toujours tu courras après l’or du diable. Le génie ou le mal, il n’y a rien d’autre sur Terre. Tu es promis à la gloire mais il y a une ombre au tableau. Tu dois te méfier des balles perdues ! Après cela, voyage, va au loin ! Tu as un monde à portée de main. Dans les angles morts de ta destinée je vois juste qu’un jour il faudra trancher ! »

L’enfant se prénomme Jean-Nicolas-Arthur. Il a grandi. Il a étudié, il a écrit, il a appris des langues, il a fait la somme de nos folies, de nos illuminations, il a passé une saison en Enfer.

Lui et son copain, le pauvre Lélian se sont comporté comme des sales gosses ! Même que Verlaine lui a tiré dessus un jour à Bruxelles. Mais mourir n’est pas de mise. Semblable à un funambule, le poète s'est fait aventurier et il a disparu au loin dans un halo de cirque mort.

***

 

AEV 1819-06 Rimbaud Djibouti

Il paraît que lui est toujours vivant ! Au cimetière de Charleville-Mézières il y a une boîte aux lettres à son nom ! On peut lui adresser des lettres !

J’en connais qui ne se privent pas d'écrire à Rimbaud pour faire rire leurs copines !

Je vous raconterais bien aussi cette histoire-là mais je n’ai droit qu’à une page !

 

Pondu à l'atelier d'écriture de Villejean le 16 octobre 2018
à partir de la consigne du concours "Encres d'automne" ci-dessous.

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