Soudain dans sa vie il fit moche.
C’était à l’orée des temps et à l’orée de la forêt. Il s’appelait Jésus et était un bel enfant blond et joufflu avec une jolie crolle sur le sommet du crâne et des boucles dorées. Il avait sept ou huit ans. Un jour, pour une raison qu’il ignorait, on l’avait kidnappé et amené dans cette maison où vivaient Papa Ours, maman Ourse et Riquiqui le petit ourson.
Le logis des ravisseurs n’avait rien de ravissant.
- Justement, mon petit Jésus, avait dit papa Ours, nous avions besoin d’un homme de ménage. Mets ce tablier, commence par ranger les chambres et faire les lits, nettoyer la salle de bains et puis tu nous prépareras un bon repas pour ce midi.
Il s’exécuta en pleurnichant. Que pouvait-il faire d’autre ? Maman Ourse et Riquiqui restaient à la maison toute la journée, impossible donc de s’enfuir. Il se fit peu à peu à cette existence de larbin mais il protestait tous les jours.
- J’espère que vous me ferez un beau cadeau d’anniversaire à Noël ! Je suis né le 25 décembre. Peut-être accepterez-vous de me rendre à mes parents, m’offrirez-vous la liberté ou au moins allégerez mes tâches ménagères ? Un monde plus juste est toujours possible, non ?
Il avait lu quelque part que les ours mal léchés s’apprivoisent à Noël. Tous les jours il leur serinait sa rengaine. Mais il ne faut jamais croire ce que disent les journaux.
Le 25 décembre venu, Papa Ours excédé par ses récriminations incessantes le prit sous son bras et alla faire cadeau du petit Jésus aux sept nains qui habitaient un peu plus loin dans la forêt.
Tout ce qu’il avait gagné avec ses revendications, son prêchi-prêcha et ses paraboles c’est qu’au lieu de faire la vaisselle de trois personnes il en avait maintenant sept à charge soit 133,33 % de boulot en plus.
Tous les jours il avait entonné le même refrain chez les sept nains.
- J’espère que vous me ferez un beau cadeau d’anniversaire à Noël ! Je suis né le 25 décembre. Peut-être accepterez-vous de me rendre à mes parents, m’offrirez-vous la liberté ou au moins allégerez mes tâches ménagères ? Un monde plus juste est toujours possible, non ?
Au bout d’un mois de ce régime ils craquèrent et le remplacèrent par une jolie jeune fille un peu niaise.
Joyeux et Simplet l’emmenèrent chez Baba Yaga la sorcière qui habitait un peu plus loin dans la forêt. Ils le prévinrent :
- Si tu passes ta vie à contester l’ordre du monde et à réclamer toujours une vie meilleure tu vas mal finir, Jésus !
La prophétie de Joyeux se réalisa. Jésus finit très mal. Enfin, je croix, d'après ce qu'on m'a raconté.
Pondu pour l'atelier d'écriture de Villejean 2021-12 du 15 décembre 2020
d'après la consigne ci-dessous
N.B. La photo du bambin est empruntée à l'oncle Walrus