Le Boss Quelque part en Belgique Derrière la laisse d’un Jack Russell très autonome
"Sur mon phono /Mon bon vieux phono /Sans m’ déranger J’ peux écouter / L’ premier numéro / De Chevalier J’ vois La Scala /L'Eldorado /Et moi, en l’ver d’ rideau Sur mon phono / Mon bon vieux phono / Qui chante faux
Vincent Scotto - Mon bon vieux phono"
Cher oncle Walrus,
Est-ce bien raisonnable de proposer Un gramophone aux graphomanes ?
Et pourquoi pas bientôt, peut-être, Des hormones de croissance à Superman, Un nain jaune aux nymphomanes, Un mégaphone au quadrumane, Un hygiaphone au pétomane, Une mégatonne à Rocket-man, Un Gaffophone aux mélomanes ?
Un gramophone aux graphomanes !
Dans la cire si malléable du langage Ils vont y creuser leur sillon, Evoquer tous leurs craquements, Leur stupeur et leurs tremblements, Pondre des fables à la Chaîne, S’terrer auprès de Caruso, Faire soixante-dix-huit tours ou plus sur le plateau Puis remettre l’aiguille au début Et saturer le pavillon de tes oreilles En racontant comme des sourds Leurs symphonies de siphonnés, Leurs sanglots longs de sonotones, Leurs rayures de bagnards du verbe Jusqu’à ce qu’ils entendent Le bras en bout de course se lever Et donner le signal à tes nerfs fatigués Et voient le chien blanc d’EMI Un Jack Russell, assurément, Assis devant le gramophone Ecoutant la voix des maîtres du son Et qui n’entend plus suivre La voie qu’avait choisie son maître.
Un gramophone aux graphomanes !
Pourquoi ne pas proposer « Nyctalope » à Pénélope ? Faire l’obole de « Vinyle » au Discobole ?
Ignores-tu que nous avons été vaccinés avec une aiguille de phonographe, Que pour combler le zézaiement des éléments Nous pratiquons, toujours avides, le trop Zeppelin avant l’aphone ? Que nous brassons de l’air pour en faire des chansons Et tant pis pour la bière sur laquelle nous dansons !
Vois-tu comme j’ai été bon aujourd’hui, à faire si bref ? J’aurais très bien pu te parler longuement de Charles Cros qui voulut inventer cette machine-là, l’image en couleurs et des tas d’autres choses et qui s’en vint surtout avec l’ami Verlaine accueillir à la gare un dénommé… Comment déjà ? Ah oui ! Rimbaud !
Ce sera pour une autre fois ou pour ailleurs, cher oncle ! Porte-toi bien ! Tiens bien la laisse !
Monsieur Arthur Rimbaud B.P. 01 au vieux cimetière 08000 Charleville-Mézières
Mon cher Arthur
« Un bon petit diable à la fleur de l'âge, La jambe légère et l'œil polisson, Et la bouche plein' de joyeux ramages, Allait à la chasse aux papillon»
Georges Brassens – La Chasse aux papillons
Aujourd’hui je devais te parler de gramophone mais à la chasse aux papillons, j’ai rencontré Cendrillon. Comme elle partage tout, même ses microbes, elle m’a filé son rhume et j’ai donc passé mon lundi matin plongé dans un autre bouquin très intéressant. Il s’appelle : « De fil en aiguille : les pionniers de la communication : Charles Cros et les autres ».
Charles Cros ! Qui sait, ou qui se souvient, qu’il accompagna Verlaine à la gare de l’Est pour t’accueillir à Paris un jour de septembre 1871 ? « Venez, venez vite, chère grande âme ! On vous désire ! On vous attend ! » ou plutôt, sans les fioritures, « Venez, je me charge de tout » t’avait écrit l’homme des sanglots longs en t’expédiant un mandat pour payer le voyage. Sauf que ces deux clampins n’avaient pas de perche à selfie au bout de laquelle ils eussent pu accrocher un panonceau «Arthur Rimbaud ?» ou «Hôtel Verlaine». Du coup tu les ratas, ils te ratèrent, vous vous ratâtes. Il y a fort à penser que tu arrivas avant eux au 14 de la rue Nicoletchez les Mauté de Fleurville, les beaux-parents de l’homme au ciel par-dessus les toits, et que Charles Cros était bien le deuxième des hommes qui entrent là pour te retrouver dans le récit de M. Teyssèdre sur M. Googlebooks.
Charles Cros, le deuxième homme ! Quel humour elle a cette Fatalité Offenbachienne !
Car Charles Cros fut bien, toute sa vie durant, le Poulidor de l’invention et même peut-être aussi celui de la poésie ! Que ce soit pour le phonographe ou pour la photographie des couleurs, ce poète savant eut la vision et la conception juste de ce qu’il fallait faire mais fut toujours coiffé au poteau par des gens qui, de leur côté, étaient arrivés au même résultat mais avaient mis en pratique l’idée. Ainsi de Louis Ducos du Hauron, le Jacques Anquetil de la trichromie et de Thomas Edison, l’Eddy Merckx du phonographe. Quelle déveine permanente !
« J'ai tout trouvé, nul mur ne m'ayant arrêté. Mais Chance, dis-moi donc de quel nom tu te nommes ? »
Charles Cros ! Le passage des poètes dans le Sud de la Sarthe ! Je ne puis parler de lui sans révéler que moi aussi, comme toi, j’ai habité chez lui ! Enfin, pas chez lui, chez son mécène, le duc de Chaulnes, au château de Sablé dans la Sarthe. Et, bon, d’accord, plus d’un siècle après, quand même, je ne suis pas si vieux que ça. Le duc de Chaulnes, très intéressé par les développements de la photographie, avait invité le poète-inventeur natif de Fabrezan à venir poursuivre chez lui ses travaux sur la photographie des couleurs.
Il y a de quoi rigoler à propos de ce château de Sablé-sur-Sarthe. Quelle continuité dans sa destinée poétique ! Alors que tu devenais, après ton départ en Afrique, négociant en café, le château fut racheté par des industriels du Nord de la France, les frères Williot qui y installèrent une fabrique de chicorée. Alors que Charles Cros y était venu pour la photographie, le château devint en 1981 un centre de microfilmage de documents de la Bibliothèque nationale. Joe Krapov, poète à ses heures et photographe à seize heures trente, y travailla de 1985 à 1997.
Et je me souviens, dans la même veine, d’un texte d’Alphonse Allais, "L'agonie du papier", où il imaginait le journal de l’avenir sous forme d’une pellicule photographique projetée sur le mur. Carrément la microfiche, déjà ! Alphonse Allais qui connut Charles Cros au cabaret du Chat noir et au journal éponyme…
Si je reviens au livre dont je parlais au début – parce que, n’est-ce pas, de fil en aiguillle, on perd de vue qu’on est en train de causer du livre "De fil en aiguille" - je dois préciser qu’il est également le catalogue d’une exposition de ce département de la Bibliothèque nationale qu’on appelle «Phonothèque nationale».
A une certaine époque, bien avant que je n’aille travailler en Sarthe, je passais tous les jours devant cette institution sise au numéro 2 de la rue de Louvois à Paris. Moi je bossais au numéro 4. Une des rédactrices de ce catalogue, Catherine Cassan, vint elle aussi, plus tard, travailler au château de Sablé.
Mais revenons au gramophone. Dressons, c’est très amusant, non pas des tigres du Bengale mais la liste des inventions qui ont permis d’accomplir le rêve de Charles Cros :
"Comme les traits dans les camées J'ai voulu que les voix aimées Soient un bien, qu'on garde à jamais, Et puissent répéter le rêve Musical de l'heure trop brève ; Le temps veut fuir, je le soumets."
Tout ça, en passant par la caméra super 8, le magnétophone à cassettes, la poupée qui parle et le baladeur MP3 pour aboutir à Skype et au smartphone ! C’est ddddingue !
Sur ma fréquentation plus active encore de Charles Cros dans la ville de Sablé j’ai conservé tout un dossier d’archives. Il me faudra bien un jour publier-partager le souvenir de ces soirées de lecture publique « Hydraulire » créées et animées en collaboration avec Lionel Epaillard. Je dois avouer, en contemplant ce hareng saur qui en fait partie, que je m’intéressais alors plus au poète qu’à l’inventeur.
Revenons à toi, camarade Rimbaud ! Il paraît que votre cohabitation ne dura que quinze jours at que ce fut de ton fait. Je lis icique tu lacéras une revue dans laquelle Cros avait publié des poèmes. Non mais ça va pas, la tête, Arthur ? C’est quoi cette manie de jouer du couteau ? Tu te prends pour le général Alcazar dans « Les sept maboules de cristal » ? Tu as le diable dans le ventre ou quoi ?
Charles Cros ne t’en voulut pas plus que ça. Il lança une souscription pour que les poètes du Cercle zutiste puissent assurer ta subsistance de PDG SDF (Poète Décrocheur Génial Sans Domicile Fixe).
Charles Cros m’est sympathique également à cause de son humour loufoque, absurde et parfois grinçant. A part le fait qu’il a laissé son nom au grand prix de l’Académie du disque, il est célèbre pour avoir écrit ce poème décoiffant, « Le hareng saur » dont j’ai trouvé une version formidablement illustrée ici.
On ignore souvent que cette chanson de Brigitte Bardot est signée aussi de lui. Le poème original s’appelait "Triolets fantaisistes". La musique est de Yani Spanos.
Comme tu peux le constater, mon cher Arthur, mon oncle Walrus m’a particulièrement gâté en me proposant d’écrire sur un mot tel que "gramophone".
Il me ramène à des époques bénies - « 20 ans le plus bel âge ! Ou le plus con ? -, à des lieux d’écoute musicale oubliés, le pavillon de Paris, le théâtre Mogador, le grand studio de RTL, le Vidéostone, le théâtre Solférino à Lille, les différentes scènes de la Fête de l’Humanité, la «piscine» du château de Sablé où l’on travaillait avec un casque de baladeur à K7 sur les oreilles…
Il m’incite à numériser des documents qui dormaient dans mon grenier et à en découvrir des tonnes d’autres sur Internet, dont ce disque de Jean-Marc Versini, un musicien que je connaissais déjà de longue date parce qu’il a mis en musique des poèmes … d’Arthur Rimbaud !
Allez, R.I.P., (Reste in Peace and love ?) mon cher Arthur, comme on dit chez M. Youtube sous les vidéos d’artistes décédés ! Au moins jusqu’à samedi prochain !
Ecrit à partir de la consigne du Défi du samedi n° 474 : Gramophone
Cet admirable petit coin de Normandie est appelé le Cul de loup. Nous avons suivi le GR de Morsalines jusqu'au fort de La Hougue sous un ciel d'abord couvert puis dégagé. Je livre ici seize photos prises avec le Canon Ixus dont trois en mode "effet créatif".
On va chercher sur internet l'album "Aspects" de Tom Newman, dont on possède le CD mais qu'on n'arrive pas à transformer en MP3, et on se retrouve très logiquement chez son pote Mike Oldfield à perdre son temps et à constater que certaines vieilleries le traversent, le temps. Je ramène donc de cette échappée non-productive cette vidéo décoiffante qui annonce quelque peu la thématique de ma neuvième lettre à Rimbaud ! Je la publierai ici demain.
Ne manquent à l'appel que l'Adrienne et son Roland ! ;-)
Bon, on se calme, les New-Yorkaises ! On prend modèle sur ses petits camarades russes, s'il vous, plaît !
Joe Krapov est poète, humoriste (?), musicien à ses heures et photographe à seize heures trente. On trouvera ici un choix de ses productions dans ces différents domaines.