PASSER DERRIERE OLDELAF ET FERNAND RAYNAUD
La tristitude, c’est quand, au mariage de ta sœur, ton voisin belge se moque de toi parce que tu ignorais que la pièce montée était aussi appelée croquembouche.
La tristitude, c’est quand, au mariage de ta sœur, tu lui réponds que l’orthographe de ce mot croquembouche est plus logique que celui d’embonpoint qui devrait s’écrire embompoint. Et lui de te rétorquer : "Je ne sais pas, je n'en ai pas, alors que vous, si !".
La tristitude, c’est quand, au mariage de ta sœur, un croquant fait un croc-en-jambe aux porteurs du gigantesque croquembouche. Le spectacle est croquignol, surtout quand la pièce montée riboulvaldingue par terre, mais toute la noce est privée de dessert alors qu’elle n’a rien fait de mal à part boire comme des trous, bâfrer comme des sagouins et brailler comme des ânes « La jarretière ! La jarretière ! ».
La tristitude, c’est quand, au mariage de ta sœur, même sans accident et sans Raymond Devos, lorsque la pièce est démontée, chacun hérite d’un minuscule petit chou dans une petite assiette mais en fait ce n’est pas si triste que ça parce qu’on s’est déjà fait péter la sous-ventrière et que, depuis le trou normand, on a comme une légère envie de faire un petit somme.
La tristitude, c’est quand, au mariage de ta sœur, un collectionneur a volé le petit couple en résine du sommet du croquembouche au prétexte qu’il est signé Niki de Saint-Phalle – C’est qui ? - T’occupe ! Personne ne la connaît pour l’instant mais plus tard elle sera célèbre et ce truc aura de la valeur !
Parenthèse : la tristitude c’est quand tu voles une basse Höfner en 1972 et que tu apprends en 2024 qu’elle appartenait à Paul McCartney – C’est qui ? - Le bassiste des Beatles, quand même ! - Des quoi ? - Laisse tomber, ramène là au commissariat et dis que tu l’as trouvée sous ton cheval !
La tristitude, c’est quand, quarante ans après son mariage, ta sœur s’aperçoit que deux des trois témoins officiels de sa cérémonie sont déjà décédés et que plus ça va et moins il y aura de monde à inviter au repas de ses noces d’or !
La tristitude, c’est quand, quarante ans après le mariage de ta sœur tu as l’impression d’entendre toutes les jeunes femmes de vingt à trente ans chanter, de Boris Vian, « Ne vous mariez-pas, les filles ! ».
La tristitude, c’est quand tu as envie de leur donner raison et de leur dire de ne pas céder à la demande de réarmement démographique émise par le président de la Start Up Nation. Qu’il donne l’exemple lui-même ! Qu’il se lève la nuit pour donner des biberons plutôt que de distribuer des hochets à gauche et à droite ! A droite surtout ! Allô Tonton ? Pourquoi tu tousses ?
La tristitude c’est quand on te demande de faire des mômes pour qu’ils portent tous une blouse grise, qu’on leur confisque leur portable en primaire et qu’on rétablisse les châtiments corporels et le service militaire de trois ans. Les voisins : bourreau d’enfant !
La tristitude c’est quand les conseilleurs ne sont pas les cons payeurs.
La tristitude c’est quand Mademoiselle Lelongbec dont tu étais secrètement amoureux t’envoie son faire-part de mariage, ce mois-ci, le 22 à Asnières-sur-Vègre avec Isidore Copiau. Quelle faute de goût ! On ne parle pas du piétinement de ton amour bafoué, on parle de ce « heu là de Sarthois » avec son béret, sa moustache et sa façon de rouler les "r" !
- A part ça, il en reste, du croquembouche, frangine ?
- C’est pas du croquembouche, c’est des chouquettes, Joe Krapov ! Avec l’inflation on n’a plus les moyens d’acquérir du haut de gamme !
- Quelle tristitude !
Écrit d'après la consigne n° 807 du Défi du samedi : croquembouche