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Mots et images de Joe Krapov
tintin
13 mars 2021

UN FRIDOLIN NOMMÉ FIFRELIN !

DDS 654 Vide-poche

C’est comme les vide-poches fluorescents que les imprimeurs déposaient à la Bibliothèque Nationale en 1929. Qui pourrait imaginer que ça a bel et bien existé, que les gens avaient ça chez eux ? On a tellement d’images en noir et blanc de cet entre-deux guerres, sans doute parce que la couleur coûtait un pognon de dingue, qu’on croit que les gens eux-mêmes vivaient en noir et blanc !

Et justement, il y a eu aussi une période, à la fin de 1920, où l’expression «Ça ne vaut pas un Fifrelin» ne signifiait en rien que le Fifrelin fût une quantité négligeable. Bien au contraire. Mais on parle de Fifrefin, non de fifrelin. La majuscule ici est capitale.

Ce fut même un phénomène artistique majeur que le Fifrelinisme. On sortait de la grande guerre, c’étaient les années folles, l’arrivée du jazz, on dansait le charleston et le shimmy, il y avait eu Dada, il y aurait Picasso, Braque et peut-être le Surréalisme… ou peut-être pas.

Parce que soudain Adolphe Fifrelin était apparu, en provenance directe de l’Allemagne battue et qu’il avait lancé la vogue du Fifrelinisme.

***

- Tout ça, c’est de l’art dégénéré, disait Adolphe en parlant du cubisme et de l’art déco. Ca ne vaut pas un pfennig !

Et pour montrer son dégoût de la chose, il ne prononçait même pas la majuscule de Pfennig et il écrivait le mot sans la mettre alors qu’en allemand tous les noms communs en comportent une à leur initiale.

C’était un homme d’emportements que ce Fifrelin et c’était là monnaie courante à l’époque où le ressentiment était partagé par une grand partie du peuple allemand dépité d’avoir dû rendre l’Alsace et la Lorraine. Mais ses jugements à l’emporte-pièces ne dépassaient pas jusque-là le cadre agréable et bavarois en diable de la bonne cité de München (Munich für die Franzosen !) où il exerçait la profession de militaire, très petit gradé puisque seulement soldat de 1ère classe mais dans les tavernes qu’il fréquentait on l’appelait "Le Caporal".

Tout aurait pu aller à peu près bien pour lui s’il ne s’était pas mis en tête de devenir un peintre reconnu. Il avait depuis toujours un talent certain de dessinateur et il l’exerçait dans le temps libre que l’armée lui laissait. Il composait de jolies toiles figuratives mais… Comment dire ? De même que chez Mozart il y a parfois «too many notes», trop de notes, il y avait chez Adolphe Fifrelin trop de réalité dans ses représentations.

Dans sa dernière toile, une nature morte intitulée «La banane et le rouleau de papier adhésif» «Die Banane und das Klebeband» on était saisi autant par l’hyperréalisme de la représentation que par l’originalité de la composition, un gros plan d’une toile vierge dans l’atelier de l’artiste sur laquelle la banane était fixée avec de l’adhésif brillant.

Casting Tintin 06

Ses portraits de pirates des mers du Sud sentaient la poudre, la sueur, le sang, le rhum, le fouet et la sodomie et fichaient la trouille aux mômes. Mais quelle ressemblance avec le modèle une fois que le tableau était achevé. On n’avait jamais vu ça ! Seulement…

Seulement les marchands de tableaux juifs se marraient quand il venait leur proposer sa production.

- Au cas où vous ne sauriez pas, Monsieur le militaire, il y a un truc qui s’appelle la photographie. Ça donne des résultats similaires à ce que vous faites mais ça n’est pas ça que les gens veulent, voyez-vous. Ça ne se vendra jamais, vos marins d’eau douce ! Croyez-moi, cré tonnerre de Brest-Litovsk ! Trop ressemblants !

Adolphe ne disait rien, remballait ses toiles mais intérieurement il les envoyait se faire foutre en songeant : «Je me vengerai, un jour !».

***

Et il semble bien que le jour est venu. Hier soir un couple d’aristocrates français est venu frapper à sa porte. Très jeunes tous les deux, lui belle prestance de petit ambitieux de province, elle très gouailleuse et jolie comme un cœur. Ils avaient avec eux un interprète polonais, sans doute un youpin, qu’ils ont présenté comme Maurice Mendjizki. Ils ont regardé toutes ses toiles, en ont acheté deux, un paysage et un portrait – "Die alte Mühle an der Saar" (Le vieux moulin de la Sarre) et "Der Ritter Franz von Schellfisch" (le chevalier François d’Aiglefin). Et surtout ils lui ont promis la fortune et la gloire s’il acceptait de venir s’installer à Paris, tous frais payés, pendant un mois, atelier personnel à Montparnasse. Principale obligation en retour : faire le portrait de Mme de McMacron, Kiki, qui adore poser nue pour les peintres. Et aussi : changer de nom.

- Wo ist der Haken ? a demandé Adolf à l’interprète.

- Je ne sais pas où elle est, l’entourloupe, a répondu celui-ci. Ils demandent juste que tu signes tes toiles du pseudonyme de Fifrelin et que ton prénom devienne Adolphe. Je serais toi j’accepterais. Le type a ses entrées partout au ministère de l’Intérieur, plein de pognon et des certitudes sur tout. Et Kiki, c’est la reine de Montparnasse. Pas encore mais presque !

***

Casting Tintin 14Hitler n’a pas hésité longtemps. Une semaine après, il avait obtenu sa permission de s’absenter un mois de la caserne, ses bagages étaient prêts ; il avait pris le train avec l’acompte fabuleux qu’ils lui avaient laissé.

- Qu’est-ce que je leur dis à vos copains du DAP s'ils viennent prendre vos ordres ? lui avait demandé sa concierge.

- Dites-leur que je suis parti envahir la France !


N.B. Les deux dernières illustrations sont dues au talent de M. Ludo D. Rodriguez



Ecrit pour le Défi du samedi n° 654

d'après cette consigne : fifrelin

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14 février 2021

CONSIGNE D'ÉCRITURE 2021-18 DU 9 FÉVRIER 2021 A L'ATELIER DE VILLEJEAN

Rien sur Tintin !

Le "casting" est terminé ! Le génial Ludo D. Rodriguez a choisi les acteurs du prochain film auquel vous allez participer (scénariste? dialoguiste ? réalisateur-trice ?). A vous de pondre le scénario, d'écrire une scène dans laquelle interviennent ces personnages ou de contester Ludo sur ses choix.

Mais attention ! Pour d'évidentes questions de droits il vous est interdit de penser à une quelconque adaptation des aventures de Tintin d'Hergé ! Merci d'imaginer autre chose !

Interdiction pour vous en conséquence de nommer vos personnages Tintin, Milou, Haddock, Tournesol, Castafiore, Nestor, Rastapopulos etc. Encore moins de citer Moulinsart ou le Karaboudjan !

Vous avez le droit cependant d'utiliser des mots de la liste suivante :

Affaire  - Amérique - Autocar - Bijoux - Boule de cristal - Casser les oreilles  - Cigares  - Congo - Crabe  - Étoile  - Île - Licorne - Lotus - Mystérieuse - Objectif - On a marché sur la Lune - Pharaon - Sceptre  - Secret  - Temple - Tibet - Trésor  - Vol 714.
 

Casting Tintin 01

Casting Tintin 02

Casting Tintin 03

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Casting Tintin 07

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Casting Tintin 15

Casting Tintin 16

Casting Tintin 17

Casting Tintin 18

 Casting Tintin 19

 Casting Tintin 20

 Casting Tintin 21

 

Vous pouvez voir ces images en plus

grand et "en contexte"

en cliquant ici 

Casting Tintin 22

 

13 février 2021

LE FOU DE BERGERAC

Tintin Macron

Heureusement, à l’endroit où Emmanuel est tombé du train, le ballast est du genre sablonneux. Il s’est quand même chopé des égratignures et de vilaines écorchures mais apparemment, quand il se relève et se tâte les côtes, nulle douleur ne le lance. Il voit juste un peu de sang sur ses mains et sur son pyjama.

Maintenant, pour juger de son état, il n’est pas le mieux placé. Pour lutter contre ses insomnies et ses angoisses il avait pris la veille un médoc appelé Elpénor. Géant ! Il s’était endormi d’un coup mais deux heures après il s’est réveillé dans le wagon surchauffé avec une sensation d’étouffement et des vertiges inimaginables. Il n’a trouvé ni la lumière ni la porte alors il s’est dirigé vers ce carré plus lumineux. A tâtons il a trouvé deux poignées qu’il a abaissées. L’air frais de la nuit s’est engouffré. Il s’est penché au dehors car il n’était pas en état de se souvenir des recommandations de son docteur, Bernard Hinaus-Le Nen.

- Méfiez-vous des nuit d’orages et de la foudre de Jupiter !

Boum ! Boum ! Badaboum ! Bonjour M. Ballast dur ! Eh, le train je vous demande de vous arrêter !

Emmanuel, une fois relevé, a retrouvé un peu de ses esprits.

Le voilà en pyjama, le long d’une voie ferrée française, dans les bois, quelque part dans le Sud-Ouest, sans téléphone portable pour joindre son chef de cabinet resté à bord de Rail-Force One.

Pour le discours d’inauguration de la place des Chrysanthèmes à Biarritz et l’hommage à Jean Borotra, c’est bien évidemment râpé. Il ne reste plus qu’à se mettre en route vers un monde plus civilisé que cette forêt inquiétante traversée par des rails.

Casting Tintin 02Un kilomètre à pied, ça use les souliers et encore plus la plante des pieds nus. Deux kilomètres à pied… Un point de lumière apparaît. Il presse le pas, appelle.

- Monsieur ! Monsieur ! Mon cher compatriote !

En arrivant près du chantier il a un mouvement de recul. Le travailleur de nuit porte un gilet jaune !

- Qu’est-ce qui vous arrive ? demande l’homme, un barbu à casquette à l’air méfiant. Qu’est-ce que vous foutez-là en pyjama ? Et puis d’abord qui êtes-vous ?

- Je suis Emmanuel Macron, le président de la République. Je suis tombé du train deux kilomètres plus haut !

- C’est celaaaaa, oui ! Je veux bien vous croire vu que moi-même je suis le pape ! Mais peu importe il faut soigner vos blessures. La maison de la garde-barrière est juste après le virage. Suivez-moi, on va s’occuper de votre cas !

- Vous n’avez pas un téléphone portable ? Il faut que je prévienne mon chef de cabinet.

- Un téléphone portable ? Vous êtes vraiment tombé sur la tête, mon pauvre garçon !

***

Casting Tintin 17La garde barrière ressemble à cette cantatrice dont Emmanuel, dans son état pitoyable, n’arrive pas à se rappeler le nom. Le rossignol dylanesque ou quelque chose comme ça, enfin ça c’est son surnom.

Elle a désinfecté à la hussarde les écorchures et Manu a hurlé :

- Ça pique !

- Vous pouvez gueuler tout ce que vous pouvez ! Faut que ça se fasse ! Moi je suis vaccinée ! J’étais infirmière pendant la guerre. J’en ai entendu des malades qui hurlaient et ils avaient autre chose que vos petits bobos. Voilà c’est terminé. Vous allez finir la nuit dans mon lit. J’ai changé les draps mais ne rêvez pas que je vous y rejoigne ! Bas les pattes ! Je dormirai dans la pièce à côté. C’est un grand honneur pour moi d’héberger le président de la République mais je ne voudrais pas abuser de la situation !

Le cheminot à gilet jaune et la garde-gestes-barrières se marrent comme des brochets maousses vu qu’on ne trouve pas vraiment de baleines dans la Dordogne.

***

Une fois que l’homme a été remis au lit Clémentine a fermé la porte de la chambre à clé. Elle a servi un coup de rouge à Méluchon. Celui-ci lui a dit :

- Garde ton fusil à proximité. Il a l’air inoffensif mais c’est peut-être lui l’assassin. Je vais prévenir les gendarmes. D’ici une heure ils viendront le capturer pour l’emmener à Bergerac.

***

Casting Tintin 13- Mais puisque je vous dis que je suis le président de la République ! Emmanuel Macron ! Vous me reconnaissez, quand même ? Mon portrait est dans toutes les mairies !

- Mais oui, mais oui ! Vous aussi vous êtes sorti de la cuisse de Jupiter ! Macron ? Inconnu au bataillon ! Si vous êtes le président de la République, moi je suis Napoléon !

Le commissaire Siraneau jubile. Mettre la main sur un coupable ce n’est rien, il est habitué. Mais surtout faire la nique à ce commissaire Maigret qui est venu de Paris, qui enquête depuis son lit où il est allongé après blessure dans l’hôtel d’Angleterre, et qui sème la pagaille dans toute la ville en soudoyant les administrés pour qu’ils viennent témoigner contre les notables, ça restera un des grands plaisirs de sa vie !

Nul doute que la confrontation entre Maigret et Macron - les « tombés du train » comme il les surnomme en son for intérieur - mettra un terme à l’affaire du « fou de Bergerac ».

***

- Commissaire Maigret, cet homme ressemble-t-il à celui que vous avez suivi il y a une semaine en vous jetant en marche du train de Bordeaux ? Dans la couchette au-dessus de la vôtre il soupirait, toussait et vous empêchait de dormir puis il s’est levé, est allé au bout du couloir et, à un endroit où le train ralentissait, il a sauté. Vous avez sauté vous aussi à sa suite et l’homme mystérieux, se voyant filé, vous a tiré dessus. Eh bien figurez-vous qu’il vient de récidiver exactement au même endroit. Un signe, non ?

- Je suis le président de la République, merde ! Enlevez-moi ces menottes !

- Je ne peux pas l’affirmer vraiment, commissaire Siraneau. Il faudrait qu’il cesse de fulminer et qu’il tousse un peu à la place.

- Je suis le président de la République ! Vous allez le payer cher, votre cirque ! Je vais vous faire traverser la rue vite fait, bande de mariolles ! Dans l'autre sens ! Bande de Gaulois réfractaires !

- Docteur Rivaud, faites tousser l’inculpé !

Pendant que les gendarmes maintiennent vigoureusement Emmanuel le docteur lui enfonce un bâton d’esquimau bien profond dans la cavité buccale. Macron tousse.

- Je pense que c’est bien lui, affirme Maigret. Fais les valises, Liliane ! On va rentrer à Paris, l’affaire est close.

- Je suis le président de la République !

Emmanuel s’effondre en larmes, complètement épuisé.

Siraneau conclut l’affaire avec ce qu’il croit être une marque de panache :

- Monsieur, nous sommes en 1920. Le président de la République s’appelle Paul Deschanel. Jamais il ne serait assez stupide pour tomber d’un train de nuit en pyjama ! Vous imaginez le ridicule de la situation ? Et le bonheur, en apprenant cela, des plumitifs de tout poil ?
 



N.B. Les illustrations "Tintinesques" sont l'oeuvre de Ludo D. Rodriguez.
Merci à L'Adrienne de me les avoir fait découvrir.

Les paroles, la musique et l'interprétation de
"Le pyjama présidentiel" sont signées de Lucien Boyer.

Ecrit pour le Défi du samedi n° 650 d'après cette consigne : ballast.

1 juillet 2020

PIERRE EST BIEN LOTI

AEV 1920-34 Jean-Paul - Niche de La Croix

Demain, si cette caravane repasse, promis, je lui aboie dessus. Mais je suis à peu près sûr que ces bohémiens-là n’ont pas volé les bijoux de la cantatrice. Demain j’irai leur parler des opéras de Rossini. En attendant, laissez-moi cultiver mon côté fleur bleue et rêver de fumeries d’opium au pays des lotus.

murmure_temps 0037 réduite

Pondu à Lannion le 17 juin 2020 pour l'atelier d’écriture de "La Croix"
du 12 juin 2020
 
et recyclé dans l'atelier d'écriture de Villejean
(consigne AEV 1920-34)

15 juin 2020

AUGUSTIN TRAQUENARD : LE RÉCIT DE MATHILDE FLEURVILLE

 

La dernière fois que j’ai vu Augustin Traquenard c’était ce soir étrange où il a fait si chaud. Je rentrais du travail après avoir récupéré Georges, notre bébé, à la crèche. Nous habitions alors un appartement à l’étage au n° 4 de la rue des Petits-Champs à Paris. Augustin s’apprêtait à promener notre chien, un fox-terrier bizarrement tout blanc que nous avions appelé Emile. On s’est croisés sur le palier.

- Je vais acheter des allumettes. Prépare les pinces en or, je ramènerai aussi du crabe.

Il n’est jamais revenu.

***

murmure_temps 0008 réduite

Il avait arrosé encore tout de travers la pauvre plante en pot qui ornait notre home. Il en mettait partout avec sa cruche antique, de l’eau, sauf là où il fallait. Chaque fois je l’engueulais. Il protestait :

- Hé ! Ho ! Tu ne vas pas en faire toute une affaire de ce que l’eau dégouline sur ton tournesol ?

- D’abord ce n’est pas un tournesol, c’est un azalée et c’est le pied de la plante qu’il faut arroser, pas la fleur !

- Tournesol, lotus, bleuet, orchidée , c’est pareil, espèce de maudite Mathilde ! Fleur vile ! L’azalée, c’est une valse !

Je ne lui répondais pas que la valse, justement, quand nous la dansions, il m’écrasait les pieds. Avec Augustin, il valait mieux ne pas envenimer les situations.

Le soir est tombé puis la nuit. L’angoisse montait. La clarté des étoiles semblait mystérieuse. Par la fenêtre ouverte je scrutais les mouvements de la rue, guettant son retour.

Devant le café où nous avions nos habitudes, le Pharaon, un voyou guettait un client de passage qui fumait le cigare en terrasse. La lune était pleine. Il y avait sans doute du drame dans l’air mais je n’étais pas objective. On a marché sur la moquette du palier mais ce n’était pas lui.

Les lumières de la ville se sont éteintes. J’ai fini par aller me coucher.

***

Il n’a pas donné signe de vie pendant trois jours. Le quatrième une carte postale est arrivée. La Grand’place de Bruxelles au recto. Au verso, ces quelques mots : « Ne t’inquiète pas. Je t’expliquerai. »

Pourquoi donc était-il parti ?Je subvenais à tous ses besoins, même les plus illégaux. Mes parents nous aidaient bien. J’avais toujours de la coke en stock. Je ne lui coûtais rien en bijoux, je n’aime rien tant qu’être habillée simple. Bien sûr les vagissements du bébé la nuit lui cassaient un peu les oreilles mais c’étaient les dents, ça passerait.

Oui, c’est vrai, il buvait, il était violent, m’injuriait et me battait même parfois. A part cela c’était le plus délicat et le plus délicieux des hommes en public. Une espèce de milord noir. D’âme, je parle, pas de peau. Il n’avait rien à voir avec Sydney Poitier.

***

Bruxelles. Pourquoi la Belgique plutôt que l’Amérique ou le Congo ? Est-ce qu’il y avait une autre femme derrière cet envol ?

J’ai fini par aller trouver le détective du rez-de-chaussée. Son agence s’appelait Fiat Panda.

- C’est à moitié en hommage à Léo Malet et à son agence Fiat Lux et à moitié parce que je suis rangé des voitures. Je suis un ancien des R.G.

- Les Renseignements Généraux ?

- Non, les Recherches Graveleuses. Florent Fouillemerde pour vous servir. Vous par exemple, votre compagnon est parti et vous vous demandez avec qui.

Il y avait des boules de cristal qui lui servaient de presse-papier sur son bureau. J’en ai compté sept. J’étais chez Madame Irma la voyante ou quoi ? Il devinait toutes mes pensées.

- Je les collectionne. J’en ai 714. Vous avez une photo du disparu ? Et une photo du chien ? C’est surtout lui que vous voulez retrouver, non ?

***

Cher mais efficace, le détective. Comme quoi il ne faut pas se fier aux apparences ni au patronyme des gens. Il m’a rappelée quinze jours après.

- Le 21 au soir, après être sorti de chez vous, Monsieur Traquenard a pris l’autocar pour Bicêtre.

- L’hôpital ?

- Non, Le Kremlin-Bicêtre. Là-bas il a retrouvé un ami à lui fraîchement débarqué des Ardennes. Un nommé Archibald Rimbock, pas forcément recommandable d’après mes renseignements. C’est un type barbu qui porte un monocle, une casquette de marinier de la Meuse et n’a que l’invective à la bouche. Le lendemain matin on retrouve leurs traces à la gare du Nord où ils se sont accrochés avec un photographe de rue nommé Karjaboudjan. Rimbock l’a blessé à la main, d’un coup de couteau. Ils ont filé ensuite, le laissant tout saignant, et ils ont sauté dans le train pour Bruxelles. Là-bas ils ont vécu un temps au 26 rue du Labrador. Puis ils sont partis pour Londres.

- Filer le parfait amour ?

- Rien n’est moins sûr, madame Fleurville. C’est une affaire assez bizarre et… c’est pire encore que tout ce que vous pouvez imaginer. Ils vivent très honorablement, là-bas. Ils fréquentent les bibliothèques et ils donnent des cours de français. Et… êtes-vous prête à entendre l’insupportable ?

- Allez-y docteur ! Euh… Madame Irma. Pardon, ça m’a échappé, M. Fouillemerde.

- Je comprends que vous soyez troublée et vous allez l’être encore plus. Ces deux messieurs… Comment vous le dire ? Ils écrivent de la poésie.

***

murmure_temps 0008 détail

Augustin Traquenard ! J’ai vite fait une croix sur ce dégénéré. Je me suis mariée l’année suivante avec un industriel belge nommé Rémi Tatin.

Le plus désolant dans l’histoire a été de perdre le petit chien blanc si intelligent, Emile, dont Fouillemerde n’a pas pu me dire ce qu’il ‘était devenu. Il ne me reste de cette époque que cette photo un peu floue de lui : c’est celle que j’avais confiée au détective et qu’il m’a rendue. Je me souviens qu’on l’avait même fait agrandir et encadrer, quand nous habitions rue des Petits-champs, Augustin, Georges et moi.

C’est du passé. Rémi et moi sommes heureux. Nous habitons avenue Louise à Bruxelles, c’est dire ! Nous venons de donner une petite-demi-sœur à Georges. Elle est adorable. Nous l’avons prénommée Emmylou.

Emmylou Tatin, ça sonne bien, non ?


Pondu pour l'Atelier d'écriture de Villejean le 14 et le 15 juin 2020

à partir de la consigne ci-dessous.

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15 juin 2020

CONSIGNE D'ÉCRITURE 1920-34 DU 9 JUIN 2020 A L'ATELIER DE VILLEJEAN

Murmure du temps

 

L'animateur distribue aux participantes des images extraites d'un livre intitulé "Le Murmure du temps". Elles sont dues au talent de M. Herra. On peut en admirer certaines ici : https://tin-7.soforums.com/t354-Les-Murmures-des-Temps.htm

On reconnaît de manière assez évidente la source d'inspiration de l'artiste : les albums d'aventures de Tintin et Milou.

Il est demandé d'en choisir une et d'écrire une histoire, un poème ou tout ce qu'on veut à partir d'elle mais sans jamais citer dans le texte les noms des personnages d'Hergé !

 

Murmure du temps 11

7 juin 2020

J'AI DES MONSTRES

J’ai des monstres.

J’ai des monstres dans mon salon.

J’ai Arthur le fantôme qui traverse les murs et traite tout le monde de « boulets ».
J’ai Jacques Flash, l’homme invisible.
J’ai Group-Group, la copie du Marsupilami.

J’ai des monstres dans ma cuisine.

J’ai Rahan, l’homme préhistorique et son collier de griffes hérité de Crao. Sur le couvercle noir de la cocotte-minute, il faut tourner son coutelas en hurlant « Moi vouloir retourner âges farouches ! Pas glop ! Pas glop, coronavirus !

AEV 1920-33 Jean-Paul murmure_temps 0023

J’ai Davy Crockett qui signale qu’il n’y en a plus pour le chat (des croquettes). Je n’ai jamais eu de chat, Monsieur, ou alors, il y a longtemps et il ne sentait pas bon.

Oui, j’ai des monstres plein le lac, de celui du Loch Ness à celui de Chick Bill sans oublier cette Odyssée du Kara-Ko, une aventure de Nique et Prune mais on ne sait jamais qui est Nique et qui est Prune.

J’ai des affreux électroniques, des martiens verts de science-fiction, j’ai zappé Hulk, largué King-Kong et oublié quel drôle d’oiseau pouvait être ce Cracoucass !

J’ai des trésors de vieillerie dessinés sur papier jauni, des images riquiqui du chevreau Roudoudou, des animaux qui parlent comme le perroquet d’A. Babord ou le cheval de Lucky Luke. J’ai des monstres d’hier, Rascar Capac et la momie d’Adèle Blanc-Sec, le Raspoutine de Corto, l’Ombre jaune de Morane et toutes ces frayeurs enfantines conservées, paradoxalement, me gardent à l’abri des guerres des adultes, plus terrifiques encore car hélas bien réelles.

illustration empruntée à M. Herra.

Ecrit pour l'Atelier d'écriture de Villejean du 2 juin 2020

d'après la consigne ci-dessous

 

29 février 2020

QUE SONT MES AMI·E·S DEVENU·E·S ?

mimosa

Mimosa ! J’ai été très content que Marina B. me réponde, à l’énoncé de ce nom-là : « Il n’y avait pas un personnage de bande dessinée qui s’appelait comme ça ? ».

Bien sûr que si ! C’est à lui que j’ai tout de suite pensé quand j’ai lu ce mot, samedi dernier, sur le site du Défi. Mimosa ! Le fils adoptif de Popeye et d’Olive Oyl !

Il faut dire que la bande dessinée est devenue un passe-temps quasi-quotidien chez moi. J’ai toujours eu un caractère à aimer bien les phylactères et certain·e·s d’entre vous ne manqueront pas l’occase d’ajouter qu’il me manque une case et que j’aime à coincer la bulle plutôt qu’à me mêler des conciliabules du pape ou de Slavons.

Mimosa ! Pourtant on ne lisait pas Popeye, chez nous. Où cela paraissait-il d’ailleurs vers 1964 ? Il y avait bien quelques dessins animés grappillés à la télé chez le fils du pâtissier le jeudi après-midi mais en bédé, sur papier ? C’était chez Suzanne Ambert, en fascicules de la SFPI à trois francs ?

Au secours, Madame Wikipe !

Swee’ Pea (P’tit pois) apparaît le 28 juillet 1933. Enfant abandonné devant la porte de Popeye, il est adopté par le marin, véritable papa poule, et Olive, plus distante. Il se déplace toujours à quatre pattes dans sa longue chemise de nuit et arbore une casquette de marin. Malgré son âge, il est très intelligent. Si au début, il ne dit que « Glop », son langage s'étoffe peu à peu. C'est un des personnages principaux du comic strip post-Segar.

Passons sur ces questions de spécialistes. Interrogeons-nous plutôt, à partir de ce souvenir de pop-culture, sur le fait que les héros de papier ne vieillissent pas, contrairement à nous qui nous prenons un an dans les dents et tout ce qui va avec à chaque date anniversaire de notre naissance.

Et si, d’un seul coup d’un seul, comme dans l’invraisemblable saison 2 des aventures de Michel Vaillant, les héros de notre enfance revenaient, dotés d’un fils et d’un neveu de dix-huit ans, avec les mêmes syndromes de vieillissement que ces gamins ou que nous-mêmes, voudrait-on encore d’eux pour conduire des bolides sur les circuits de course automobile ? Oui, je sais, il n’est plus question de retraite pour quiconque depuis que le président Bérézina est au pouvoir.

Mais creusons l’idée quand même. A votre avis, que sont-ils devenus, une fois devenus grands, Mimosa, Soupalognon y Crouton, Fantômette, les gamins du Club des cinq ou du Clan des sept ?

On joue ? On joue ! Je lance quelques suggestions, vous complèterez avec vos propres références livresques, cinéphiliques ou Tintinophiles dans la zone de commentaires.

Boule et Bill : le petit garçon est devenu vétérinaire, le chien est enterré au cimetière d’Asnières. C’est ça aussi, le désavantage de vieillir, c’est qu’il faut un jour se départir un peu.

Sylvain et Sylvette : ont fait fortune en devenant designers pour une maison de bonnets de nuits

Soupalognon y Crouton : est devenu sportif de haut niveau. A remporté la médaille d’or d’apnée juvénile aux jeux olympiques de Barcelone en 38 avant Jésus-Christ

DDS 600 TintinAbdallah (dans Tintin © M**lins*rt-les-Gommettes) : Agent des services secrets d’une contrée pétrolifère. Occasionnellement découpeur de journalistes en consulat.


Le Petit Nicolas
: a fait partie du Big bazar de Michel Fugain, a cherché à se faire élire président de la République en 2012 puis est devenu producteur musical (Notre Dame de Paris, Kids United) sans sombrer dans la mégalomanie ni dans la colombophilie.
 

DDS 600 Le Club des cinq arrête-l-alcoolLe Club des cinq : leurs aventures à l’âge adulte sont désormais relatées par Bruno Vincent mais je n’achète plus que des livres sur le jeu d’échecs. Je télécharge aussi des e-books gratuits mais pas pour les lire, juste pour les posséder. C’est mon petit côté Onc’ Picsou. J’adore plonger et nager dans le bonheur de ma bibliothèque-piscine virtuelle !

Le petit garçon de la chanson de Claude François « Le Téléphone pleure » : sa maman s’est mariée sept fois et vient d’entrer à l’Epahd du Lundi au soleil à Lay-les-roses. Ce n’est pas pratique pour lui de passer la voir régulièrement vu qu’il est archéologue et qu’en ce moment il fait des fouilles à Alexandrie avec son épouse Alexandra. Heureusement il y a ses demi-frères et demi-soeurs un peu marteaux qui s'occupent ferme de son bonheur.


Charlie Brown des Peanuts
: a fini par épouser la petite fille rousse. Il tient un magasin de cerfs-volants à Montélimar mais il paraît que la vie là-bas n’est pas toujours du nougat.


Riri, Fifi et Loulou ont été transformés en pâté de canard périgourdin, médaille d’or au concours général de Paris 1998.

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Et, pour boucler, Mimosa, justement ? Il est devenu ingénieur agronome à l’INRA et travaille à l’Agrocampus de Rennes au sein de l’équipe Spinach+. Késaco, Spinach+ ? L’objectif de ces chercheurs et chercheuses est d’obtenir des épinards qui soient d’une teinte rose ou jaune citron afin que nos bambins à nous mangent d’avantage de ces légumes-là qui sont si bons pour le corpore sano de notre mens sana grâce au fer qu’ils ne contiennent pas.


Thats’s all folks !

DDS 600 Thats_all_folks

Ecrit pour le Défi du samedi n° 600 à partir de cette consigne : mimosa

6 novembre 2019

JE DIRAIS MÊME PLUS !

1

Je dirais même plus
Chapeau melon moustache
La canne de bambou
Et les airs de bravache

Tous les olibrius
Qui nous crient « Mort aux vaches ! »
Ca met les nerfs à bout
Je dirais même plus

En un mot ça nous fâche

AEV 1920-07 Dupondt 6

2

Je dirais même plus
Objectif dans la lune
Capitaine coléreux
Reporter sans fortune

Une jeep dans les dunes
Un système pileux
Qui pousse à qui mieux mieux
Je dirais même plus

Y’a de quoi s’faire des ch’veux

AEV 1920-07 Dupondt 2

3

Je dirais même plus
Les lampions séraphinent
La cantatrice est chauve
Sauve qui peut dans l’alcôve

L’Alacazar est fermé
Suite à la générale
Le tapioca se fige
Je dirais même plus

On touche le Tryphon

AEV 1920-07 Dupondt 5

4

Je dirais même plus
Les boules de cristal
Prédisent du bazar
Quand s’enfuira Rascar

Des nuits de Moulinsart
Quand sonnera le gong
Du grand Philippulus
Je dirais même plus

Mystérieuse étoile !

AEV 1920-07 Philippulus-et-Tintin

5

Je dirais même plus
Un monde en perdition
Tremblera pour ses puces
Sur toutes ses fondations

Quand il n’y aura plus
Un gramme de coke en stock
Le monde fera tintin
Je dirais même plus

Et ce sur toute la ligne

AEV 1920-07 Dupondt 4

6

Je dirais même plus
Plus moyen d’échapper
A moins de gamberger
Aux représentations

Dues à l’ingambe Hergé
Qui nous a faits jumeaux
Ou comme nymphe Echo
Je dirai même plus

Echo Echo Echo
Echo Echo Echo

AEV 1920-07 Dupondt 3



Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 5 novembre 2019

d'après la consigne ci-dessous

 

20 mars 2019

L'HÉRITAGE D'ÉMILE

Quand l’oncle Augustin a cassé sa pipe, c’est à moi qu’on a demandé de vider sa maison. Jamais de ma vie je n’avais vu un tel bric-à-brac. Sa demeure était située en plein centre de la petite ville d’Orgères, en Ille-et-Vilaine. C’était un ancien presbytère dans lequel il avait effectué de nombreux travaux en vue de le rendre praticable. Il y avait même fait installer un ascenseur mais une fois sorti de la cuisine équipée et de la salle de bains hypermoderne, tout le reste n’était qu’un amas de vieilleries innommables, bibelots, tableaux, médaillons, albums de photographies, trophées et souvenirs ramenés de ses nombreux voyages. 

Le seul intérêt que j’ai trouvé à ce souk breton c’est que tout était parfaitement étiqueté, décrit et daté. J’allais peut-être enfin, grâce aux travaux d’archivistes du tonton flingué que je connaissais très peu, reconstituer l’arbre généalogique de la famille Laverdure, cette branche maternelle avec laquelle Maman avait coupé les ponts. Elle n’en parlait que très peu et papa restait muet sur sa belle-famille. 

Les parents d'Emile

Augustin est le frère aîné de ma mère, Brigitte Laverdure. Maman a épousé Emmanuel Tanguy et je suis né tout de suite après. Ils ont quitté la Bretagne et se sont installés à Paris où ils sont toujours et où je vis moi aussi. J’ai trouvé dans le salon de l’oncle un double médaillon qui les représente « habillés en dimanche », sans doute le jour de leur mariage ou de leurs fiançailles. Mes parents avaient déjà sur cette photo la jovialité et la rondeur voire les rondeurs que je leur ai toujours connues. Cela n’a pas été facile pour moi de faire mon chemin dans la vie en tant que fils unique d’ un couple aussi uni, aussi fusionnel, toujours porté sur la bonne chère et la rigolade, sans cousins ni cousines de mon âge. Fils d’émigrés provinciaux honteux de leurs origines, je suis peut-être un fruit conçu dans l’ascenseur social des trente glorieuses ! Et je porte sans doute des valises emplies de secrets indicibles ou vides de sens ! 

Grand-père AmédéeJe pense que je ressemble plus à mon grand-père Amédée, l’officier de marine marchande qu’on voit dans ce petit tableau carré, saisi de trois quarts de face avec sa grosse moustache blanche et son air sévère. Lui avait deux frères marins-pêcheurs, Joseph et Désiré, qui sont restés à Concarneau à faire des ronds dans l’eau et des virées dans les bistrots de la ville close, quand il y en avait encore et que ce n’était pas encore devenu un lieu touristique paradisiaque pour les bobos de Rennes, de Nantes, de Paris et d’ailleurs.


 Joseph et Désiré
Désiré et Joseph

 

 Irma et Marie

 

Marie et Irma

Dupondt marins

J’ai découvert que l’oncle Désiré avait épousé Irma Kermarrec et qu’ils avaient eu deux jumeaux, Jean-Thierry et Jean-Roger. Tous deux étaient entrés dans la marine nationale. Même plus âgés on ne les distinguait l’un de l’autre que par une toute petite différence, sans doute volontairement entretenue au niveau de la moustache. Une astuce mnémotechnique du genre Jean-Thierry Je Tombe, Jean Roger Je Rebique. Un tableau les représente dans un costume folklorique grec. Ils portent une chéchia locale et… une jupette ! 

Dupondt en jupette

Dupondt en melonPeut-être est-ce au mariage de mes parents qu’ils ont été photographiés avec un chapeau melon et une canne dignes de Charlie Chaplin ? Ou bien il s’agissait peut-être d’un bal masqué. L’oncle Augustin a failli, pour le coup. Ces deux photos-là ne sont pas annotées au verso. Peut-être ont-elles été reçues par la poste, après coup. Il y avait sans doute déjà dans toutes les familles un fou de la photographie qui vous inondait de ses clichés pour que vous souveniez de lui, plus tard, comme de « l’oncle paparazzi » ?

Augustin semble avoir gardé de bons rapports avec ses oncles et avec le reste de la famille. En témoigne le tableau représentant  la tante Marie, l’épouse de Joseph, déguisée en cantatrice d’opérette.

Castafiore

Haddock en monocleHaddockUne chose dont je suis absolument certain c’est que le dénommée Archie, un barbu à l’air bourru portant parfois le monocle et fumant très souvent la pipe n’appartient pas à notre famille. Qui était-il pour l’oncle Augustin ? Un ami d’enfance ? Un copain de régiment ? Un collègue de navigation ? Car mon oncle était commandant de bord sur un paquebot de la compagnie Paquet.

Pub Compagnie Paquet 3

Ce qui explique sa présence en tenues exotiques dans sa photothèque. Il semble avoir fait escale en Ecosse, dans les Andes, en Amérique et même en Chine.

 Tintin en Ecosse

 Tintin dans les Andes

 Tintin cow-boy

 Tintin et Tchang

Mais je crois que je vais refermer l’album de famille. A considérer tous ces barbus, ces moustachus pour lesquels il n’a noté qu’un prénom, un nom et une note sur 20, à le voir poser le bras affectueusement sur l’épaule de jeunes garçons, à constater l’absence effective de sujets féminins dans ses fréquentations, je réalise que j’appartiens peut-être à une famille d’homosexuels. Les cousins en jupette, les costumes de Maharadjah, de princes consorts, tous ces travestissements en militaire ou en chef indien, ces images d’efféminés à gomina me font penser au groupe musical Village People. L’oncle Augustin était peut-être une drag-queen ?

 Maharadjah

 Prince

 Chef indien

 Efféminé à gomina

féticheJ’ai appelé Maman au téléphone pour lui poser la question. Bien sûr, comme d’habitude, elle a éclaté de rire.

- Ce n’est pas grave si tu n’as pas trouvé la photo de tes tantes, Milou ! Ne t’embarrasse pas l’esprit avec toutes ces vieilles images. Elles ne parlaient plus qu’à mon frère. Tu fais venir un antiquaire pour les meubles et tu fourgues tout le reste chez Emmaüs. Ca ne vaut pas tripette !

- Tu es sûre, Maman ? Il me semble bien avoir repéré un fétiche Arumbaya. Il a bien une oreille cassée mais je suis sûr qu’il est authentique. Et ce tableau mi-figuratif, mi-abstrait qui représente Archie. Il est signé R. G.

- Ecoute, mon Milou, ne perds pas ton temps avec toutes ces vieilleries. La seule chose qui a de la valeur, c’est le presbytère dont tu me dis qu’il n’a rien perdu de son charme ni le jardin de son éclat. Tu vides la baraque et tu la vends. C’est toi le seul héritier après nous. L’oncle Augustin, Jean-Thierry, Jean-Roger, Archie et les travestis d’Orgères, c’est comme mon amant de Villejean. C’est du passé ! N’en parlons plus !

Hadock abstrait

 Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 19 mars 2019 d'après la consigne ci-dessous.

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