La dernière fois qu’Anatole est venu à Saint-Malo, c’était à Quai des bulles, le festival de bandes dessinées. Tout le monde a été gentil avec lui à part quelques enfants qui se sont moqués de ses grandes oreilles. D’autres ont très bêtement ahané « Hi han ! Hi han ! » mais un papy savant a dit en latin « Asinus asinum fricat » en faisant se toucher les têtes des deux garnements.
Anatole a été très content d’entendre parler en latin, une langue qu’il a apprise il y a très longtemps, quand il habitait chez Madame Rostopchine et qu’il écrivait ses mémoires, les siennes, pas celles de la comtesse de Ségur. Vous l’aurez compris, Anatole est un âne savant.
Mais aujourd’hui, hodie, ici et maintenant, hic et nunc, Anatole est triste : le festival est fini. Post festivalum animal triste est. Et surtout, son maître a disparu. Plus personne à l’horizon L’âne espère qu’il ne s’est pas noyé dans le port ou que, s’il y est tombé, il aura eu la force et la volonté de flotter. Nautilus Nemo fluctuat nec mergitur.
- Vous n’auriez pas vu un garçon brun avec un maillot blanc rayé de bleu ?
- Si c’est Arnaud Montebourg en marinière que tu cherches, bougre d’âne, sache qu’il est parti ailleurs monter sa petite entreprise qui ne connaît pas la crise !
- Philémon ! Philémon ! se lamente Anatole intra muros dans Saint-Malo qui s’endort.
- Vas-tu bientôt cesser ton boucan, espèce de bourricot ? lui lance la fée Clochette.
Mais est-ce réellement la fée Clochette ? Elle a bien des ailes de libellule dans le dos mais sa petite robe est de couleur orange et… elle n’a plus de jambes !
- Excusez-moi, Madame la fée, mais je cherche mon maître qui a disparu. Ne l’auriez-vous pas vu ? Et, pour répondre aux questions que se posent les six lectrices et le lecteur de ce conte, comment vous appelez-vous ?
- Je suis la fée Claudette et je connais ton maître parce que j’ai de la bouteille, de la mémoire, une bonne bibliothèque et que j’ai lu toutes vos aventures dessinées par le génial Fred pour Pilote « mâtin quel journal ! ». Viens passer la nuit chez moi et demain matin nous partirons à sa recherche. Ton maître a été emporté par une vague alors qu’il faisait l’andouille sur le sillon pendant la grande marée. Il est vivant mais loin. Pour le retrouver, nous devrons voyager.
La fée Claudette habite au deuxième étage d’une maison bourgeoise à l’intérieur des remparts de Saint-Malo. L’escalier est raide. Anatole a détesté en grimper les degrés mais finalement la fée Claudette était si avenante, la demeure si accueillante bien qu’un peu humide que l’âne est bien monté, comme il se doit dans toute histoire qui respecte les traditions et n’a pas peur des clichés. Il a bandé toutes ses forces et est parvenu à se hisser dans le home sweet home de la fée.