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Mots et images de Joe Krapov
arthur rimbaud
7 octobre 2017

DE RIMBAINE À VERLAUD. 1, HYPOCONDRIAQUE

M. Arthur Rimbaine
Agence d'exploration de voies intraveineuses
et de traditions orales ou à mettre dans les annales
8, quai Arthur Rimbaud
08000 Charleville-Mézières

Monsieur Paul Verlaud
Société de géographie des Maladives et du Miraginaire
73, rue Sonneleur
62812 Vent-Mauvais


Charleville, le 4 octobre 2017

Mon cher Paul

Collage_JER_11_Rimbaud_l__aviateur

Voici mon premier rapport sur l’île de Tamalou, anciennement dénommée Hypocondrie, où je me suis rendu à votre demande afin de vérifier et compléter les informations dont vous disposiez ou pas.

La capitale de cette petite île s’appelle bien Gébobola comme vous le supputiez. L’île est traversée d’Est en Ouest par une rivière que les autochtones appellent la Fièvre diffuse. Un genre de Sèvre niortaise mais en moins long que cette rivière charentaise qui pantoufle aussi en Vendée et dans les Deux-Sèvres. C’est un fleuve relativement impassible qui prend sa source sur le plateau de Maloku et s’épand en de nombreux méandres une fois qu’il est rendu dans la plaine de Malokrane. Ses principaux affluents sont la Migrène, l’Hémorroide, la Savouchatouïe et la Savougratouïe.

Au Sud de l’île se trouve une chaîne de montagnes assez bien élevées qui tutoient les cieux mais avec respect et que l’on nomme les Pyravenirs. L’été les Tamaloussas y organisent des courses de vélo très disputées. Ils essaient de franchir le plus rapidement possible le Col du Fémur, celui du Tournemalet puis escaladent l’Aubisquerage, sinuent sur les lacets du mont Eiffel-Argan, grimpent au sommet du Savapété, un volcan qui n’est du reste pas encore tout à fait éteint. « Avec le temps va tout volcan mais c’est comme le cul du fanon, ça met un certain temps » dit un proverbe local qui les fait rire comme des baleines, car, vous le verrez tout à l’heure, mon cher Paul, ils sont très joueurs, les Tamaloussas.

Le tour de Tamalou se poursuit dans la plaine avec des étapes de plat disputées entre Enséfalogram et Toutanémié. L’épreuve contre la montre a lieu sur le circuit de Poukibavitalarivé. Le dopage est autorisé. Une des curiosités de l’ile est d’ailleurs l’usine pharmaceutique de Kilébon-Monmédoc où l’on produit le sirop Typhon, la capsule Gémini et la gélule Dernier-Vargas qui soignent toutes les maladies mais uniquement sur place.

Les autres industries locales sont la confection de blagues Carambar et l’invention de maladies asymptomatiques, les bobobénins, destinés à rassurer les gens sur leur bonheur présent, à prendre en vaccin sous forme de doses homéopathiques de caramel mou et huit jours. Un autre proverbe tamaloussa dit d’ailleurs « Si t’as que ça, reste chez toi, va pas creuser Troudlaséku ni enrichir les charlatans !».

DDS 475 Les-blagues-Carambar-2


Si cela vous intéresse, j’ai ramené des échantillons des troubles psychosomatiques suivants, qui m’ont semblé intéressants :

- La Rimbaldite aiguë : peur de n’avoir pas été très sérieux à l’âge de dix-sept ans ;

- Le Tintinoreleczéma : maladie de peau qui se déclenche quand on pense qu’on aura un jour soixante-dix-sept ans et que l’on n’aura pas, à relire les aventures de Tintin et Milou, un plaisir égal à celui qu’on éprouva à les découvrir à sept ans ;

- La dissentryphonite : peur de chier un pendule ayant appartenu à un savant sourd ;

- L’épanchement de cuisine novice : trouble obsessionnel compulsif qui consiste à craindre de mourir en ayant oublié de fermer le gaz sous la cocotte alors qu’on concoctait une recette nouvelle.

Je vous l’avais dit, mon cher Paul, les Tamaloussas ou Hypocondriaques sont de drôles de zigs, un petit peu malades dans leur tête, mais bon, qui ne l’est pas de nos jours ?

Pour vous rendre dans leur île il faut partir de Kuala Lumpur en Malaisie. Il y a un vol régulier qui dure une demi-heure et vous dépose sur l’aérosyndrome de Münchhausen puis on prend ensuite une navette automobile, un bus en fait, qui vous amène au centre-ville de Gébobola, terme-omettre de votre « voillage » comme nous disions jadis, vous et moi, quand nous bourlinguions de concert.

DDS 475 malaisie_2


Je joins ma facture à cette missive. Vous constaterez que je n’ai pas pratiqué le coup de fusil comme on le fait ces temps-ci dans le secteur non-conventionné.

Si vous avez une autre mission d’exploration à me confier, n’hésitez pas à me joindre où vous savez.

Bien amicalement

Arthur R.

 

Ecrit pour le Défi du samedi n° 475 à partir de cette consigne : hypocondriaque

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4 octobre 2017

LE MYSTERE DES DIX-HUIT CHAISES

AEV 1718-04 mystère

La vie est la farce à mener par tous
Alors déguisez vous
En clown,
En Superman,
En drag-queen ou en Jupiter
Puisque je est un autre !

*

Le monde a soif d’amour. Tu viendras l’apaiser.
Garde-toi cependant une poire pour la soif,
Une poire à lavement pour noyer ses laideurs.

*

Le chant des cieux, la marche des peuples !
Esclaves ne maudissons pas la vie !
La mort aura vite fait de ployer à genoux
Le poète qui maudit !

*

Mais que salubre est le vent
Qui sème tout à la fois
Les graines d’avenir
Et l’engrais de l’oubli !

*

Je me crois en enfer, donc j’y suis.
Pour combien de saisons ?
Pour quel crime commis ?
C’est de ne pas savoir qui fait que l’on y est
Sans même pouvoir y croire. 

AEV 1718-04 saison

 
C’est un trou de verdure où chante une rivière
Et la Nature, idiote, y berce un militaire !

*

Les inventions d’inconnu réclament des formes nouvelles :
Soufflons le verre de la cornue inusitée
D’où sortiront les germes de la vie éternelle !

*

J’écrivais des silences, des nuits. Je notais l’inexprimable, je fixais des vertiges.
Sous ce que j’ai écrit ils ont posé leurs mots
Et c’était détestable ;
Sur ce que j’ai écrit ils ont posé leurs culs
Et c’était lamentable !

*

Oh la la ! Que d’amours splendides j’ai rêvées
Mais chaque fois ma mère entrait et me disait :
« Boug’ toi donc, fainéant ! Il est l’heure de t’lever !

*

Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir :
Un homme qui aurait vu l’ours qui aurait vu le loir.

*

C’est faux de dire : je pense. On devrait dire : on me pense.
Couteau planté dans le ventre,
Balle perdue dans le poignet,
Pour que tout ce raisiné
S’arrête enfin de couler
On me panse, on me panse !

170712 265 021


Il faut être absolument moderne !
Il y a tant de vieilles badernes,
Il y a tant de vieilles casernes
Et si peu qui me concerne
Dans vos étendards en berne.

*

Ô justes, nous chierons dans vos ventres de grès,
Dans la colle du progrès,
Dans la quille et dans les agrès
Et dans les pantalons des paléontogogues.

*

J’ai avalé une fameuse gorgée de poison
Et j’aurais préféré qu’on ait
Sur ma table posé
Bière crémeuse ou, à foison,
Lumineux cruchons de gorgeon.
Où se trouve l’eau de la Meuse
Que j’y recrache mes misères
D’auteur « malgré lui » qu’il en ait
De best-sellers pour les liseuses !

AEV 1718-04 arthur R


Elle est retrouvée. Quoi ? L’éternité : c’est la mer allée avec le soleil
Jouer à saute-nuages et à change-couleurs dans le ciel de Barfleur

170731 265 052


Je m’entête affreusement à adorer la liberté libre
A en perdre la raison
Mais une chambre d’hôpital
Sera ma dernière prison.
Dis-moi, à quoi tout cela rime ?
Et, ma sœur, quel était mon crime ?

*

Ô saisons ! Ô châteaux ! Quelle âme est sans défaut ?
O cuisine ! Ô restau ! Quel cuistot sans couteaux ?

*

Oisive jeunesse à tout asservie !
Par délicatesse j’ai perdu ma vie

Si vous la retrouvez
Envoyez-moi un mot :

Cimetière de Charleville,
Boîte aux lettres Rimbaud.

170715 Nikon B 012


 Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 3 octobre 2017
à partir de la consigne ci-dessous

4 octobre 2017

Consigne 1718-04 de l'Atelier d'écriture de Villejean du 3 octobre 2017

 Ah ! Poser son fessier sur les mots de Rimbaud !

A Charleville-Mézières, à l’entrée du musée Rimbaud, sur le quai de la Meuse, sont posées dix-huit chaises métalliques. Il s'agit d'une oeuvre d'art intitulée "Alchimie des ailleurs". Sur le siège de ces chaises des vers du poète ont été inscrits... et complétés d'une phrase par des poètes contemporains. A vous de les remplacer ce jour pour écrire derrière Rimbaud. Soit vous écrivez une seule phrase, commençant ou pas par le premier mot de ces poètes, soit vous écrivez un ou plusieurs poèmes, en vers ou en prose, dont la phrase de Rimbaud sera l’incipit.

La vie est la farce à mener par tous. Alors…

Le monde a soif d’amour. Tu viendras l’apaiser. Tes yeux…

Le chant des cieux, la marche des peuples ! Esclaves ne maudissons pas la vie ! J’établis…

Mais que salubre est le vent ! Au…

Je me crois en enfer, donc j’y suis. J’ai…

C’est un trou de verdure où chante une rivière. Ceux…

Les inventions d’inconnu réclament des formes nouvelles. Une …

J’écrivais des silences, des nuits. Je notais l’inexprimable, je fixais des vertiges. Je ne sais…

Oh la la ! Que d’amours splendides j’ai rêvées. Mon…

Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir. Ne…

C’est faux de dire : je pense. On devrait dire : on me pense. Personne…

Il faut être absolument moderne. L’homme...

Ô justes, nous chierons dans vos ventres de grès. Oui…

J’ai avalé une fameuse gorgée de poison. Je suis…

Elle est retrouvée. Quoi ? L’éternité : c’est la mer allée avec le soleil. Patiemment…

Je m’entête affreusement à adorer la liberté libre. La parole…

Ô saisons ! Ô châteaux ! Quelle âme est sans défaut ? Bien…

Oisive jeunesse à tout asservie ! Par délicatesse j’ai perdu ma vie. Jeunesse...

170713 Nikon 073

3 octobre 2017

L'Alchimie des ailleurs à Charleville-Mézières le 10 juillet 2017 (1)

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 L'Alchimie des ailleurs est une oeuvre de l’artiste Québécois Michel Goulet. Certains croquis réalisés lors de la Nuit blanche 2010 «Dessine moi une chaise» ont servi de modèle aux dossiers. Figurent également 18 extraits de l’oeuvre d’Arthur Rimbaud ainsi que de poèmes inédits commandés à 18 poètes contemporains issus de la francophonie invités dans le cadre de résidences ou de lectures.

Si vous souhaitez en savoir plus sur cette oeuvre, voyez ici.

3 octobre 2017

L'Alchimie des ailleurs à Charleville-Mézières le 10 juillet 2017 (2)

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3 octobre 2017

L'Alchimie des ailleurs à Charleville-Mézières le 10 juillet 2017 (3)

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3 octobre 2017

L'Alchimie des ailleurs à Charleville-Mézières le 10 juillet 2017 (4)

170710 Nikon 038

 Peut-être, ainsi que moi, êtes-vous interrogé par le fait d'écrire "derrière Rimbaud" ? Si les dossiers de ces chaises sont magnifique, il y aurait peut-être à redire sur l'écriture à quatre mains ici présentée ? J'ai choisi d'être positif, de ne rien dire et de conserver le principe utilisé pour en faire... un exercice d'atelier d'écriture ! A vous de jouer ! Je publierai la consigne et le résultat de mes propres élucubrations demain.

170710 Nikon 055

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2 octobre 2017

LE GIBIER MANQUE ET LES FEMMES SONT RARES

LE GIBIER MANQUE ET LES FEMMES SONT RARES :
Supplique pour être opéré à l'Hôpital de la Timone à Marseille

se chante sur l'air de la "Supplique pour être enterré sur la plage de Sète" de Georges Brassens

1
Vous n’imaginez pas c’que j’ai fait comm’ boulots !
Explorateur d’enfers, métallo-mégalo
Marchand de casseroles au Harar(e)

J’ai vendu des télés aux paysans d’Ardenne
Mais dans ce grand désert où mon âme se traîne
Le gibier manque, les femmes sont rares.

01 Le gibier manque

2
L’amour c’est aussi con que le chant des oiseaux :
On n’prévoit pas le jour où l’on deviendra gros
Quand on est ivre en la gabare.

J’ai descendu des fleuves absolument grotesques
Et j’ai vu des pays abracadabrantesques
Où l’gibier manque, la femme est rare.

3
Dans les cabarets verts j’ai vu bière et Fräulein,
Ses bourrelets d’antan, muss es sein ? Es muss sein !
Ell’ me surnommait « Ringard Star ».

02 Biere_et_fraulein-1

La danse du balai, la danse du tapis…
Elle s’est envolée, eh bien, ma foi, tant pis !
Le gibier manque, les femmes sont rares

4
Si t’as levé le coude, alors lève le pied,
Rimbaud pas vraiment beau - poète, vos papiers ! -
J’étais vraiment un type bizarre.

Puis la mer a bercé tant d’amours cet été
Que dans le creux des vagues où j’étais balloté
J’ai rencontré la femme-cougar.

5
Ancienne jeune fille qui faisait des pâtés,
Belles jamb’s mais alors quell’ tête ! Mocheté !
Avais-je le choix dans la date ?

03 sacha-distel-le-bateau-blanc-1980-2

Je me suis retrouvé en tutu sur le pont
- O Bwana Missié blanc ! Pauvre zombi Dupont ! -
Avec la chtouille entre les pattes.

6
Ses lèvres avaient le goût du beaujolais nouveau ;
Tous les dauphins dansaient avec ce cachalot
Le dernier tango à la mode.

Tu as beau bronzer beau, t’as la marqu’ du maillot
Aux Ménuires elle était barmaid dans le restau
J’aimai son cul sur la commode.

7
Ma civière est posée sur le pont du bateau
Enivré de douleur, je file, pas vraimambeau,
En direction de la Timone.

Je ne danserai plus, pas même comme un pingouin
Je n’suis jamais allé aux am-putes à Saint-Ouen
Mais maint’nant, en voitur’ Simone !

8
Avion, bête, camion, j’en passe et des meilleures,
Je pourrais porter plainte, au fond, contre mon cœur
Mais je délire et je m’égare.

Antoto Akali Abitchou Chankora
Mindjar Cassam Rouella Hawache et Fil-Ouaha
Le gibier manque, les femmes sont rares.

9
Careyon et Gallas et guerre aux Aroussis
Le chirurgien découpe et ça sent le roussi
Ma sœur prie Dieu dans le couloir.

Galansa ! Boroma ! P’tits roberts ! Burkini !
Choux cailloux et genoux, époux d’Abyssinie,
Le cœur me manque les jambes sont rares.

04 1510619558-3

10
Si vous me confisquez mes membres inférieurs
Vos villes deviendront des cloaqu’s en chaleur
Vous ne trouverez plus d’ivoire.

Comm’ j’hippopotaimais cette amante irascible
Verlaine me hurla dessus – j’étais sa cible –
« Pwète à la manque ! Faiseur d’histoire ! »

05 je t'hippopotaime 4800

11
Ô Terre du Harar ! O portes de l’Eden !
Misères de ma vie finies à l’Est d’Aden !
On a trop fait l’amour ensemble !

Quoi de plus redoutable, au fond, qu’un pet sonore ?
Langage, emporte-moi, tue-moi ou baise m’encore !
Ô tant je t’aime que j’en tremble !

12
Ô Dieu ! Mon Chinois vert, passe-moi donc le ciel !
J’écouterai pousser les fleurs du violoncelle,
Mettrai les bigoudis par douze

Aux cheveux du Destin, aux chercheuses de poux
Et je te scanderai les chansons des Papous
Pour que se termine… ce blues !

Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 26  octobre 2017
à partir de la consigne ci-dessous

29 septembre 2017

ECRIRE A RIMBAUD ? 9, Gramophone

Monsieur Arthur Rimbaud
B.P. 01 au vieux cimetière 
08000 Charleville-Mézières

Mon cher Arthur

« Un bon petit diable à la fleur de l'âge,
La jambe légère et l'œil polisson,
Et la bouche plein' de joyeux ramages,
Allait à la chasse aux papillon»

Georges Brassens – La Chasse aux papillons 

 

DDS 474 de fil en aiguilleAujourd’hui je devais te parler de gramophone mais à la chasse aux papillons, j’ai rencontré Cendrillon. Comme elle partage tout, même ses microbes, elle m’a filé son rhume et j’ai donc passé mon lundi matin plongé dans un autre bouquin très intéressant. Il s’appelle : « De fil en aiguille : les pionniers de la communication : Charles Cros et les autres ».

Charles Cros ! Qui sait, ou qui se souvient, qu’il accompagna Verlaine à la gare de l’Est pour t’accueillir à Paris un jour de septembre 1871 ? « Venez, venez vite, chère grande âme ! On vous désire ! On vous attend ! » ou plutôt, sans les fioritures, « Venez, je me charge de tout » t’avait écrit l’homme des sanglots longs en t’expédiant un mandat pour payer le voyage. Sauf que ces deux clampins n’avaient pas de perche à selfie au bout de laquelle ils eussent pu accrocher un panonceau «Arthur Rimbaud ?» ou «Hôtel Verlaine». Du coup tu les ratas, ils te ratèrent, vous vous ratâtes. Il y a fort à penser que tu arrivas avant eux au 14 de la rue Nicolet chez les Mauté de Fleurville, les beaux-parents de l’homme au ciel par-dessus les toits, et que Charles Cros était bien le deuxième des hommes qui entrent là pour te retrouver dans le récit de M. Teyssèdre sur M. Googlebooks.

Charles Cros, le deuxième homme ! Quel humour elle a cette Fatalité Offenbachienne ! 

DDS 474 cros chasseur de papillons

Car Charles Cros fut bien, toute sa vie durant, le Poulidor de l’invention et même peut-être aussi celui de la poésie ! Que ce soit pour le phonographe ou pour la photographie des couleurs, ce poète savant eut la vision et la conception juste de ce qu’il fallait faire mais fut toujours coiffé au poteau par des gens qui, de leur côté, étaient arrivés au même résultat mais avaient mis en pratique l’idée. Ainsi de Louis Ducos du Hauron, le Jacques Anquetil de la trichromie et de Thomas Edison, l’Eddy Merckx du phonographe. Quelle déveine permanente !




« J'ai tout trouvé, nul mur ne m'ayant arrêté.
Mais Chance, dis-moi donc de quel nom tu te nommes ? »

Charles Cros ! Le passage des poètes dans le Sud de la Sarthe ! Je ne puis parler de lui sans révéler que moi aussi, comme toi, j’ai habité chez lui ! Enfin, pas chez lui, chez son mécène, le duc de Chaulnes, au château de Sablé dans la Sarthe. Et, bon, d’accord, plus d’un siècle après, quand même, je ne suis pas si vieux que ça. Le duc de Chaulnes, très intéressé par les développements de la photographie, avait invité le poète-inventeur natif de Fabrezan à venir poursuivre chez lui ses travaux sur la photographie des couleurs. 

ECOLE-MODERNE--LE-CHÂTEAU-DE-SABLE-SUR-SARTHE-AQUARELLE-ENCADREE-PROVENANCE---ANCIENNE&HELLIP-

Il y a de quoi rigoler à propos de ce château de Sablé-sur-Sarthe. Quelle continuité dans sa destinée poétique ! Alors que tu devenais, après ton départ en Afrique, négociant en café, le château fut racheté par des industriels du Nord de la France, les frères Williot qui y installèrent une fabrique de chicorée. Alors que Charles Cros y était venu pour la photographie, le château devint en 1981 un centre de microfilmage de documents de la Bibliothèque nationale. Joe Krapov, poète à ses heures et photographe à seize heures trente, y travailla de 1985 à 1997.

Et je me souviens, dans la même veine, d’un texte d’Alphonse Allais, "L'agonie du papier",  où il imaginait le journal de l’avenir sous forme d’une pellicule photographique projetée sur le mur. Carrément la microfiche, déjà ! Alphonse Allais qui connut Charles Cros au cabaret du Chat noir et au journal éponyme…

Si je reviens au livre dont je parlais au début – parce que, n’est-ce pas, de fil en aiguillle, on perd de vue qu’on est en train de causer du livre "De fil en aiguille" - je dois préciser qu’il est également le catalogue d’une exposition de ce département de la Bibliothèque nationale qu’on appelle «Phonothèque nationale».

A une certaine époque, bien avant que je n’aille travailler en Sarthe, je passais tous les jours devant cette institution sise au numéro 2 de la rue de Louvois à Paris. Moi je bossais au numéro 4. Une des rédactrices de ce catalogue, Catherine Cassan, vint elle aussi, plus tard, travailler au château de Sablé.

Mais revenons au gramophone. Dressons, c’est très amusant, non pas des tigres du Bengale mais la liste des inventions qui ont permis d’accomplir le rêve de Charles Cros :

"Comme les traits dans les camées
J'ai voulu que les voix aimées
Soient un bien, qu'on garde à jamais,
Et puissent répéter le rêve
Musical de l'heure trop brève ;
Le temps veut fuir, je le soumets." 

DDS 474 gramophone_berceau_fete_de_la_musique

Télégraphe parlant – paléophone – phonographe – microphone – photophone – audiphone – électromotographe – gramophone – kinétoscope – linguaphone – électrophonoscope – cinématographe – kinétoscope – micro-phonographe – bioskope – chromophotographe Demény – fluoroscope – télémicrophonographe – Eureka – mutoscope – multiphone – télégraphone – Lioret-graph – multiplex graphophone – kinora – triplephone –phonopostal – monophone – elgéphone – chronophone – kinematographe – phonocinématographe – telegrapon – radiotéléphone – cinéphote – télévision – chronophone – pathégraphe – ronéophone – dulcephone – praxinoscope – trichromie – bélinographe – télémégaphone – téléphonomètre – phonogosier – phonofilm – televisor – alternaphone –pick-up – sélénophone – phonodiff – radiophonographe – magnetophon – mnémosyne – visiotéléphone –

Tout ça, en passant par la caméra super 8, le magnétophone à cassettes, la poupée qui parle et le baladeur MP3 pour aboutir à Skype et au smartphone !
C’est ddddingue !

Sur ma fréquentation plus active encore de Charles Cros dans la ville de Sablé j’ai conservé tout un dossier d’archives. Il me faudra bien un jour publier-partager le souvenir de ces soirées de lecture publique « Hydraulire » créées et animées en collaboration avec Lionel Epaillard. Je dois avouer, en contemplant ce hareng saur qui en fait partie, que je m’intéressais alors plus au poète qu’à l’inventeur. 

DDS 474 hareng 2

Revenons à toi, camarade Rimbaud ! Il paraît que votre cohabitation ne dura que quinze jours at que ce fut de ton fait. Je lis ici que tu lacéras une revue dans laquelle Cros avait publié des poèmes. Non mais ça va pas, la tête, Arthur ? C’est quoi cette manie de jouer du couteau ? Tu te prends pour le général Alcazar dans « Les sept maboules de cristal » ? Tu as le diable dans le ventre ou quoi ?

Charles Cros ne t’en voulut pas plus que ça. Il lança une souscription pour que les poètes du Cercle zutiste puissent assurer ta subsistance de PDG SDF (Poète Décrocheur Génial Sans Domicile Fixe).

Charles Cros m’est sympathique également à cause de son humour loufoque, absurde et parfois grinçant. A part le fait qu’il a laissé son nom au grand prix de l’Académie du disque, il est célèbre pour avoir écrit ce poème décoiffant, « Le hareng saur » dont j’ai trouvé une version formidablement illustrée ici.

On ignore souvent que cette chanson de Brigitte Bardot est signée aussi de lui. Le poème original s’appelait "Triolets fantaisistes". La musique est de Yani Spanos.

Comme tu peux le constater, mon cher Arthur, mon oncle Walrus m’a particulièrement gâté en me proposant d’écrire sur un mot tel que "gramophone".

Il me ramène à des époques bénies - « 20 ans le plus bel âge ! Ou le plus con ? -, à des lieux d’écoute musicale oubliés, le pavillon de Paris, le théâtre Mogador, le grand studio de RTL, le Vidéostone, le théâtre Solférino à Lille, les différentes scènes de la Fête de l’Humanité, la «piscine» du château de Sablé où l’on travaillait avec un casque de baladeur à K7 sur les oreilles…

Il m’incite à numériser des documents qui dormaient dans mon grenier et à en découvrir des tonnes d’autres sur Internet, dont ce disque de Jean-Marc Versiniun musicien que je connaissais déjà de longue date parce qu’il a mis en musique des poèmes … d’Arthur Rimbaud !

 DDS 474 cros  DDS 474 rimbaud

Allez, R.I.P., (Reste in Peace and love ?) mon cher Arthur, comme on dit chez M. Youtube sous les vidéos d’artistes décédés ! Au moins jusqu’à samedi prochain !


Ecrit à partir de la consigne du Défi du samedi n° 474 : Gramophone

23 septembre 2017

ECRIRE A RIMBAUD ? 8, Fripouille

Monsieur Arthur Rimbaud
B.P. 01 au vieux cimetière 
08000 Charleville-Mézières

Mon cher Arthur

« - Fripouille ! Andouille ! Arsouille !
- Ah non, non, non ! Pas les rimes en ouille ! »

Juliette Noureddine (Mémère dans les orties)

Revoilà, vas-tu te dire, l’autre casse-couilles aves ses bafouilles !

En vérité, tu ne vas rien te dire. Tous les échanges à la surface de la Terre, qu’ils soient de papouilles ou de carabistouilles, te passent désormais par-dessus alors que, de ton vivant, c’est toi qui survolais tout, ne t’attardais nulle part sauf pendant cette année terrible, 1872-1873 où tu collas aux basques de Verlaine, à moins que ce ne fût l’inverse ! Ou l’inverti. Ou l’inversitude. 

DDS 473 reviens

Je viens de terminer cette semaine la lecture de «Reviens, reviens, cher ami : Rimbaud-Verlaine, l’affaire de Bruxelles» de Bernard Bousmanne et j’en sors quelque peu abasourdi : que d’embrouilles dans votre vadrouille !

Cette société du XIXe siècle que tu enjolivas de tes mots de sauvagerie ne me semble composée que de fripouilles plus ou moins notables ou notoires. «Des noms ! Des noms !» me réclame la foule excitée qui n’a plus le temps de lire les pavés à la plage ou sous la plage ! Je n’en livrerai pas ou alors j’en citerai peu.

Je n’épouserai aucune cause, pas même la tienne, gueule d’ange échappée de la maison de redressement ! On constate dans ta relation avec le Pauvre Lélian – c’est l’anagramme de Paul Verlaine – une certaine radicalité. Et lui dont on nous fait poser sur un piédestal en airain sa poésie si musicale est peut-être bien le plus sale type de la bande. J’espère ne pas commettre d’impair en écrivant cela, même si c’est, paraît-il, préférable, l’impair, en temps de pluie, quand Gribouille se débarbouille dans la Meuse.

Je ne ferai pas son procès. D’autres s’en sont chargés après qu’il t’eût lardé d’un coup de pistolet. Parmi eux il y avait le juge Théodore t’Serstevens, être sévère qui incarcère les gens qui jouent du revolver et fait examiner pénis et fondement des mauvais garnements. Ce n’est pas une fripouille, c’est juste l’instrument de la loi. C’est un homme avec ses petits défauts : entre deux jugements, même avant le dîner, il se gave de petits gâteaux rue de la Régence. Le docteur qui procède à l’examen s’appelle Semal et je n’en dirai pas de bien mais je suis mauvais juge car je suis iatrophobe !

Verlaine, quand même ! Un homme marié de frais qui se soûle toutes les nuits avec du mauvais vin, qui bat sa jeune épouse, abandonne son jeune fils pour partir sur les routes et en capilotade avec un jeune fou débarqué des Ardennes, Boudu sauvé des eaux de la ferme de Roche, Rimbaud, pas mieux que lui, qui rythme la lecture des poèmes des autres d’irrespecteux «Merde ! C’est de la merde !». Qui le lacère à coups de canif ! C’est réellement un club sado-maso, l’atelier d’écriture, chez vous ?

Ah les vilains bonshommes ! Ne peut-on transformer le cercle zutique en cercle mutique ? Ah les vilains poètes cymbalistes ! Soiffards ! Alcooliques ! Parasites pas rasés ! 

mathilde mauté 2

Que faites-vous dans l’univers des de Fleurville ? Certes la particule est usurpée, la demoiselle est un peu godiche mais son blaze en jette un max, non ? Mathilde Mauté de Fleurville ! Doigt en l’air et tasse de thé, tout juste sortie du pensionnat, méritait-elle vraiment que vous lui écrivissiez cette chanson infâme, «Maudite Mathilde, puisque te v’là !» ?

Quels crétins vous fûtes, aussi, d’avoir laissé traîner en les tiroirs de sa maison ton manuscrit de «La Chasse spiriruelle»et ces lettres que tu adressas à Verlaine, celles que vous appeliez la «correspondance martyrique», notamment celle où tu lui dis «Ne me quitte pas ! Il faut oublier ! Tout peut s'oublier qui s'enfuit déjà, oublier le temps des malentendus et le temps perdu à savoir comment oublier ces heures qui tuaient parfois à coups de pourquoi le cœur du bonheur. Ne me quitte pas ! Ne me quitte pas ! Ne me quitte pas ! Ne me quitte pas !». 

DDS 473 petite-fripouille

Il est très intéressant ce bouquin et me laisse avec plein de questions. Peut-on ranger parmi les fripouilles le préfet de police de Paris qui accable Verlaine auprès de la justice belge en mentionnant ses liens avec les Communards et le fait qu’il ait continué à trravailler à l’hôtel de ville pendant la Commune de Paris ? Ils ont fait quoi, les préfets de police entre 1940 et 1944. Ils n'ont pas continué à bosser ? Ils ont quoi ? Collaboré à la bonne marche du monde ? Tant pis si  la marche est bancale et si les gens trébuchent. C’est juste la définition du voyou qui fluctue. Un type qui signe des contrats de vente d’armes avec la Turquie et voyage avec Donald T. dans son avion n’est plus un voyou de nos jours. C’est juste une aimable fripouille. Un patriote économique. C'est sympa, "fripouille", au finale. De la petite bière !

Et l’indicateur Lombard ? Son résumé des faits concernant l’affaire «Robert» Verlaine mériterait d’être reproduit ici in extenso. Je me limite à ceci : «Le ménage [Paul et Mathilde] allait assez bien, en dépit des toquades insensées de Verlaine dont le cerveau est depuis longtemps détraqué, lorsque le malheur amena à Paris un gamin, Raimbaud, originaire de Charleville, qui vint tout seul présenter ses œuvres aux Parnassiens. Comme moral et comme talent, ce Raimbaud, âgé de 15 ou 16 ans, était et est une monstruosité. Il a la mécanique des vers comme personne, seulement ses œuvres sont absolument inintelligibles et repoussants. Verlaine devint amoureux de Rimbaud qui partagea sa flamme et ils allèrent goûter en Belgique la paix du cœur et ce qui s’ensuit. […] Verlaine eut avec son amie [sic] Raimbaud une dispute à propos d’argent et après toutes les injures imaginables tira un coup de pistolet sur Raimbaud qui cria à l’assassin.».

Et M. Googlebooks ? A-t-il le droit de reproduire partiellement le livre «Arthur Rimbaud et le foutoir zutique» de Bernard Teyssèdre ? N’est-ce pas surtout un crime effroyable de le faire de manière partielle et de couper le récit juste au moment où tu entres, Arthur, dans la maison des Mauté ?

 

DDS 473 beinstingel

Et Leonardo Di Caprio ? Etait-il bien raisonnable qu’il incarnât ton rôle dans un film «Hollywoodien» à souhait qui a l’air d'être un maximum crispant si j’en juge d’après le «trailer» ? Car on ne dit plus «bande-annonce» maintenant, c’est trop ringard d’utiliser la langue française. On dit «biopic» pour «biographie à l’écran», «talk show» pour «émission de parlote» et «think tank» pour "cercle de pensée" mais "chez ces gens-là, on ne pense pas, Monsieur" ou alors en 140 caractères sur Twitter. Autant se taire. Shut up ! Ce film craint tellement que j’ai déjà oublié son titre ! Ah oui, «Rimbaud-Verlaine : Total eclipse» ! Fondu au noir !

Et j’oublie le Paterne Berrichon, le Paul Claudel, l’Alfred Valette, tous ces gens propres sur eux qui ont rêvé de faire disparaitre «Une Saison en enfer» et de te présenter en chantre plus très mou de la catholicitude. Et ceux qui, en Belgique, ont bloqué l’accès aux pièces du procès de Verlaine jusqu’en 1985 !

Et Hubert-Félix Thiéfaine ? C’est quoi son «Horreur Harar Arthur» qui me traîne dans la tête depuis que je l’ai découvert ?

Et Thierry Beinstingel avec son roman « Vie prolongée d’Arthur Rimbaud » dont je n’arrive pas à décrocher tant il est bien écrit et me tient en haleine mais dont je sens qu'il va finir en eau de rose ou en eau de boudin ?

Et ce dévédé de «Rimbaud, l’homme aux semelles de vent», quand est-ce que je vais pouvoir le regarder ?

C‘est vrai ! Pourquoi je m’intéresse à tout ça, moi ? J’ai dû choper la fièvre à Charlestown cet été !

C’est que vois-tu, mon cher Arthur, je suis une fripouille normale, moi ! Je ne suis pas un héros, un voyant, un voyou, juste peut-être un voyeur, un voyageur ou un dévoyé : j’ai la saison 5 de «Girls» à regarder et mon Défi du samedi à écrire ! Ah non, ça y est, ça c’est fait !

Salut à toi cher vieux fripon fripé ! A un de ces samedis pour une autre bafouille sur ta tambouille poético-existentielle et les nombreuses magouilles autour de ta dépouille !
 



Ecrit pour le Défi du samedi n° 473 à partir de cette consigne : fripouille

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