La vie est la farce à mener par tous
Alors déguisez vous
En clown,
En Superman,
En drag-queen ou en Jupiter
Puisque je est un autre !
*
Le monde a soif d’amour. Tu viendras l’apaiser.
Garde-toi cependant une poire pour la soif,
Une poire à lavement pour noyer ses laideurs.
*
Le chant des cieux, la marche des peuples !
Esclaves ne maudissons pas la vie !
La mort aura vite fait de ployer à genoux
Le poète qui maudit !
*
Mais que salubre est le vent
Qui sème tout à la fois
Les graines d’avenir
Et l’engrais de l’oubli !
*
Je me crois en enfer, donc j’y suis.
Pour combien de saisons ?
Pour quel crime commis ?
C’est de ne pas savoir qui fait que l’on y est
Sans même pouvoir y croire.
C’est un trou de verdure où chante une rivière
Et la Nature, idiote, y berce un militaire !
*
Les inventions d’inconnu réclament des formes nouvelles :
Soufflons le verre de la cornue inusitée
D’où sortiront les germes de la vie éternelle !
*
J’écrivais des silences, des nuits. Je notais l’inexprimable, je fixais des vertiges.
Sous ce que j’ai écrit ils ont posé leurs mots
Et c’était détestable ;
Sur ce que j’ai écrit ils ont posé leurs culs
Et c’était lamentable !
*
Oh la la ! Que d’amours splendides j’ai rêvées
Mais chaque fois ma mère entrait et me disait :
« Boug’ toi donc, fainéant ! Il est l’heure de t’lever !
*
Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir :
Un homme qui aurait vu l’ours qui aurait vu le loir.
*
C’est faux de dire : je pense. On devrait dire : on me pense.
Couteau planté dans le ventre,
Balle perdue dans le poignet,
Pour que tout ce raisiné
S’arrête enfin de couler
On me panse, on me panse !
Il faut être absolument moderne !
Il y a tant de vieilles badernes,
Il y a tant de vieilles casernes
Et si peu qui me concerne
Dans vos étendards en berne.
*
Ô justes, nous chierons dans vos ventres de grès,
Dans la colle du progrès,
Dans la quille et dans les agrès
Et dans les pantalons des paléontogogues.
*
J’ai avalé une fameuse gorgée de poison
Et j’aurais préféré qu’on ait
Sur ma table posé
Bière crémeuse ou, à foison,
Lumineux cruchons de gorgeon.
Où se trouve l’eau de la Meuse
Que j’y recrache mes misères
D’auteur « malgré lui » qu’il en ait
De best-sellers pour les liseuses !
Elle est retrouvée. Quoi ? L’éternité : c’est la mer allée avec le soleil
Jouer à saute-nuages et à change-couleurs dans le ciel de Barfleur
Je m’entête affreusement à adorer la liberté libre
A en perdre la raison
Mais une chambre d’hôpital
Sera ma dernière prison.
Dis-moi, à quoi tout cela rime ?
Et, ma sœur, quel était mon crime ?
*
Ô saisons ! Ô châteaux ! Quelle âme est sans défaut ?
O cuisine ! Ô restau ! Quel cuistot sans couteaux ?
*
Oisive jeunesse à tout asservie !
Par délicatesse j’ai perdu ma vie
Si vous la retrouvez
Envoyez-moi un mot :
Cimetière de Charleville,
Boîte aux lettres Rimbaud.
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 3 octobre 2017
à partir de la consigne ci-dessous