PAS DE ÇA, LISETTE ! (6)
PAS DE ÇA, LISETTE ! (7)
PAS DE ÇA, LISETTE ! (8)
Le cinéma des Krapov
On est fans d'Aki Kaurismaki, découvert par nous il n'y a pas très longtemps (après "Le Havre", je pense, et donc, quand même, en 2011). On est donc allés voir "L'autre côté de l'espoir". C'est bien, ça fait du bien. Même si on serre les fesses un peu tout le long du film. Mais cette musique, ces plans, cet humour nordique, cette humanité... C'est unique !
LOREILLE ET LARDU : BAS DU FRONT
LARDU - On est chez nous ! Ne venez pas nous envahir ! C’est chez nous, ici, on est Français, d’abord ! On a bien le droit de boire notre Coca-Cola et de fêter nos anniversaires chez MacDo si on veut ! Nous, notre culture, c’est le foot, devant la télé avec des pizzas et des Heineken ! On roule en Toyota et en BMW si ça nous plaît !
LOREILLE - Mais, Lardu, toi tu n’as qu’une Opel Kadett toute pourrite !
LARDU - C’est sûr, si j’avais les moyens, je ne cracherais pas sur une Ferrari. Ni sur une montre suisse de luxe. Il n’empêche, l’immigration c’est l’insécurité ! Les Français d’abord ! On est libres et on veut rester libres de prier Jésus-Christ, d’aller voir "Star wars", de regarder « Six feets under », « Derrick », « Maigret », « Sherlock », d’avoir des Ipad, des Iphones, de porter des Nike, de préférer la paella au couscous, d’aimer les nems plus que le kebab, le Sidi Brahim plus que la vodka, la moussaka plus que le saké, les mezze plus que les mezzos…
LOREILLE - J’ai du mal à te suivre aujourd’hui !
LARDU – Ces bachi-bouzouks ne toucheront pas à notre patrimoine millénaire : la merguez qu’on voit griller sur les barbecues clairs, nos méchouis, nos bretzels, nos mokas, nos chips, nos cardigans, nos bermudas, nos paréos et nos ponchos, nos canapés en moleskine, nos tatamis pour le judo, nos jeux de mah-jong, de mikado, nos baby-foots, nos bonzaïs, nos ocarinas. Ce n’est pas pour vous, notre boycott des diktats, notre « non aux ersatz ! », notre goût de la bronca ! Notre nirvana n’est pas pour votre karma ! Les kamikazes à Kalachnikov, au goulag ! Nous avons des charters pour refiler le blues aux cinglés du music-hall !
LOREILLE – Mais enfin, Lardu ! T’entends ce que tu dis ? Tu t’écoutes quand tu parles ? Cesse donc cet ostracisme !
LARDU - On est chez nous ! Les Français d’abord ! Nos artistes nous suffisent, pas besoin des leurs ! Pablo Picasso, Salvador Dali, René Magritte, Modigliani, Stromaé, Jane Birkin, Julio Iglesias, Luis Buñuel, Costa-Gavras, Nana Mouskouri. Même Rika Zaraï avec sa bassine pour bain de siège sans chemise sans pantalon, ils n’arriveront jamais à la hauteur de ses chevilles. Stop à la submersion migratoire ! Etre Français, ça se mérite ! Priorité nationale ! Véhicule prioritaire ! Increvable ! On est les as du volant !
LOREILLE - Je suis à mille bornes de ta pensée, aujourd’hui, Lardu. A qui tu t’adresses, présentement ?
LARDU - Ben à eux ! Aux envahisseurs, là ! Les estrangers ! Les hommes à la peau verte ! Les Martiens ! J’ai les preuves de ce que j’avance !
LOREILLE - M’enfin, Lardu ! Il ne faut pas croire tout ce qui se dit ou s’écrit ! Ce ne sont pas des informations avérées, loin de là ! Ce que tu viens de lire ou voir ce sont des œuvres de fiction ! Un genre de « fake » en quelque sorte !
LARDU - Tu dis ça pour me rassurer ! Tu ne ferais pas partie d’un cabinet noir, toi, Loreille ? Tu ne m’aurais pas mis sur écoute ? Je te trouve le teint bien verdâtre, aujourd’hui. Tu participes au complot ?
LOREILLE - Ne sois pas si suspicieux ! Le printemps est arrivé, il fait beau, viens, on va faire un tour dans la campagne, ça te fera du bien, ça va t’aérer le neurone ! Faut pas vivre dans le repli comme tu le fais en ce moment !
LARDU - Bon. Ok, je veux bien ! Mais seulement parce que tu es un bon Français, toi !
LOREILLE - En tout cas une chose est sûre : c’est très bien que tu aies oublié de t’inscrire sur les listes électorales ! Je n’ose imaginer ce que tu aurais pu voter avec de tels discours !
Image empruntée au "Canard enchaîné" n° 5031 du 29 mars 2017
Ecrit pour le Défi du samedi n° 448 à partir de cette consigne (Ostracisme)
PAS DE ÇA, LISETTE ! (1)
On ne s'en sortira jamais !
On ne s'en sortira jamais de la chanson de Souchon, "Foule sentimentale" : "Oh la la ! On nous fait croire /Que le bonheur c'est d'avoir".
Et pourtant, je résiste ! Je n'achète plus de livres, de disques, de dévédés, de revues... Mieux, je numérise des vieux papiers et je fais du tri dans mes bouquins et mes vinyles pour m'en débarrasser et faire de la place.
Mais on ne s'en sortira jamais !
On ne s'en sortira jamais du tonneau des Danaïdes. Pendant ce temps-là Marina Bourgeoizovna fait la même chose chez ses parents. Chez ces Bretons typiques, l'accumulation est un rien ancestrale : leur âge, allez savoir pourquoi, est plus élevé que le nôtre, la maison est plus grande et le principe, de longue date, est que "On garde ça, on ne sait jamais, ça peut toujours servir !"
Et donc ce qui devait arriver pour qu'on ne s'en sorte jamais arrive. De son dernier voyage elle nous a ramené deux années presque complètes du journal "Lisette" qu'elle lisait quand elle était gamine ! Et qui c'est l'idiot, qui a entrepris d'en scanner les couvertures, les jeux et autres publicités surannées avant que le lot ne s'envole pour quelques euros dans une braderie en septembre ? Ben oui, vous avez deviné, c'est Joe Krapov !
Je l'avais pourtant bien dit : "Pas de ça, Lisette !"
Ci-dessous, un choix des couvertures de l'année 1969.
L'Odile de Ricet Barrier ?
Line et Lahn à Ploumanac'h ?