POÈME IMPÉRATIF
Ecris ! Ecris !
Ecris les mots du cœur !
Ecris les mots moqueurs !
Qu’on tique à ton cantique !
Qu’on s’écrie à tes cris !
Qu’on proteste à tous crins,
Qu’on conteste tes écrits,
Qu’on tempête face à leur écrin !
Qu’on critique ta poétique !
Ecris ! Ecris !
Et crie !
Sois preste à devenir peste !
Aie la rage !
Sois l’orage !
Noie les aèdes
Dans leur eau tiède !
Tire parti du tapage,
Prends parti pour le partage !
Jette-toi dans les rapides !
Ecris-nous des mots limpides
Sans te préoccuper des modes
Camarade !
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 22 mai 2018
à partir de la consigne ci-dessous
POEME NÉGATIF
Poésie, démonétisée,
N’ayant plus une seule lire
Ne joue plus dessus
Ses chansons napolitaines
Qui faisaient Scaramouche à tout coup.
Jamais plus hôte de Mark
Aux salons de l’opéra
Elle ne brille plus guère, non plus,
Sa couronne, aux palais tchèques
Sans provisions.
Il s’en fallait de peu du reste
Qu’on ne l’assignât à résidence
Ornée à la cheville ouvrière,
A ses pieds alexandrins,
D’un bracelet électronique
Elle n’est plus que pièce percée
Jusques au fond du cœur
D’une teinte imprévue
Aussi bien que mortelle.
Avec la disparition du liquide
Ne restent plus sur place
Que des cœurs secs.
Jamais plus la carte ne sera du Tendre
Ni ne tinteront pareilles offrandes.
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 22 mai 2018
à partir de la consigne ci-dessous
NOUVEAUX VERBES
Cher Wolfgang Amadeus
Si tu entendais mes soupirs,
Saurais-tu combien je silence,
Combien je te pause sur un piédestal ?
J’ai double-croché ton portrait
Sur tous les murs-murs de ma chambre,
Je te gainsbarre de reprise,
Je te pointdorgue sans mesure.
Comme je voudrais que tu m’arpèges,
Que tu me dièses,
Que tu me crescendotes
Au bécarre de tour
De tout ton amour,
Que tu me blanches,
Que tu me rondes
Que tu m’anicroches
Que tu me clédesoles
Oui j’aimerais tant que tu me hautboives,
Que tu me tires l’ut,
Que tu me libidores la pilule,
Que tu me sérénaïades,
Que tu me symphonymphonies,
Que tu me concertisses
Des diamants de ta musique !
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 22 mai 2018
à partir de la consigne ci-dessous
POÈME SUR LE TEMPS QU’IL FAIT
Quel temps fait-il aujourd’hui ?
Il fait pieds nus dans les sandales,
Il fait collier fin sur haut de poitrine
Il fait bras nus pour tout le monde
Il fait petit vent dans les branches au soir qui tombe.
Il fait mai, bientôt juin,
Temps de poème en nos journaux
Il fait dictionnaire de rimes
Il fait guitare sur le dos
Et retour chemise trempée :
Sueur à ne plus travailler
Marche vers l’été inconnu
Il fait incertain de périples
Il fait retour des festivals
Il fait retour des estivants
Il fait musique pour vivants :
Régénérer l’octogénaire
Avec des rythmes neufs… d’hier !
Il fait de l’endormissement
Dans les ateliers d’écriture
Bientôt du temps de 24 heures
Et trous de vrillettes indûment
Par où s’échappent des ciels blancs
Et des nuits à compter étoiles,
A dormir fenêtres ouvertes
Et gonfler, par ses ronflements,
Les ailes du moulin du temps.
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 22 mai 2018
à partir de la consigne ci-dessous
N.B. Les photos qui illustrent ces poèmes ont été prises au Musée des porcelaines du château de Nymphenburg (Allemagne) le 3 mai 2018.
VERS DE MIRLITEUTON
J’viendrais bien faire le mirlifore
Mirlitontaine, mirlitonton,
Avec mes vers de mirliton
Pour chanter la faune et la flore
Et les charm’s du pays teuton !
Je ne ferais pas de manières
Pour vous jouer un ou deux airs
Avec mon petit mirliton
Et vous dire’ comment,
sans façons,
Je me suis prom’né en Bavière.
Mais au kazoo vous l’sauriez pas
De cet instrument de carton
Ne sort pas le son de la voix,
Juste un bruit de vol du bourdon !
Pour s’exprimer, c’ n’est pas coton !
Et pour vos oreilles c’est rosse :
Le son est un poil casse-couilles !
Cet instrument est pour les gosses !
C’est la cinquième Ruhr du carrosse,
Ca n’vaut pas La Mirlitantouille !
Alors du coup je passe la main !
Alors du coup je passe le Main !
Tant pis ! Ce sera sans musique
Que je commencerai demain
Le récit quasi mirifique
De mon voyage magnifique
De Marktheidenfeld à Munich
Via le château de Nymphenburg
Et l’alte Brücke de Würzburg
Où l’on boit du vin en public.
Finalement ça vaut mieux pour vous !
Quand je turlute dans mon kazoo
Tous les mirlitaires tombent à terre
En criant « Dieu, épargnez-nous !
Ce Breton est un vrai calvaire !».
Aussi pour que grand bien vous fasse
Je passe mon tour, je laisse ma place
A ces chanteuses sympathiques
De la Kantorei germanique
Devant qui, humblement, j’m’efface !
N.B. Les tableaux ont été photographiés à la Neue Pinakothek de Münich.
Ecrit pour le Défi du samedi n° 506 à partir de cette consigne : mirliton
PÉRIGÉE - APOGÉE
L’image centrale, illustrant le phénomène de Super Lune, a été empruntée ici
Ecrit pour les Impromptus littéraires du 19 février 2018
d'après cette consigne mais pas envoyé.
ID-ÎLES
D’un océan à l’autre et d’archipel en îles
Se nouent au gré des flots d’étonnantes idylles :
Alexandre et Fani, Wallis et Futuna,
Saint-Pierre et Miquelon, Saint-Paul et Amsterdam,
Gilbert et Victoria, Dominique et Graham,
Antigua, Barbuda, Désirade et Cuba ;
Anticosti, Kagalaska, Galapagos,
Babeldaob, Komsomolets, Anacapa,
Calédonie, Mindanao, Hispaniola,
Archipel des Chronos, Espiritu Santos…
D’un océan à l’autre en dépit du tangage
Se nouent au gré des flots d’étranges mariages :
Marie Galante au Petit cul de sac marin
Avec le roi Guillaume un jour d’aléoutiennes ;
Prince de Galles, épris d’Annette Kerguélen,
Noces prévues à l’été de la Saint-Martin.
Maurice, Adélaïde, Hélène, San Miguel,
Loyauté, Abondance, Oléron, Tuamotu,
Tahiti, Tatihou, La Tortue, Kangourou,
Grenadine, Sandwich, noce en blanc aux Seychelles
Bréhat, Belle-île-en-Mer, Groix, Sein, Ouessant, Molène,
Mariannes du Nord, Vierges, Amirauté,
Ascension, Glorieuse… A Pâques ou Trinité,
Aux Îles-sous-le-vent jamais ne Tombelaine !
D’un océan à l’autre et d’archipel en îles
Se nouent au gré des flots d’étonnantes idylles !
Ecrit pour les Impromptus littéraires du 12 février 2018
à partir de cette consigne
PALAIS-PROMONTOIRE (1)
Notre brick, amarré aux dorures de l’Aube,
Au large dans la baie, frissonnera ce soir
Lorsque s’allumeront les feux de la villa.
Elle et ses dépendances forment un promontoire
Plus étendu encore que le Péloponnèse,
L’Epire, l’Arabie ou l’île du Japon.
PALAIS-PROMONTOIRE (2)
Le cortège incessant des pèlerins modernes
Eclaire ce grand temple aux fonctions polymorphes :
Des remparts pour défendre en théorie les côtes,
Des dunes incrustées de fleurs à bacchanales.
Les grands canaux ombreux d’une louche Venise
Ont des quais où l’on vend, comme hier à Carthage,
Des esclaves plus gris que des bords de Tamise.
Ici sont des Etna aux éruptions mollies,
Des glaciers crevassés d’où sortent des lys jaunes.
Menant jusqu’au lavoir, au pied des peupliers,
Un cortège de fleurs de cristal et d’hiver,
Dans des parcs singuliers, des talus impudents,
Penche des têtes rouges : érables du Japon.
PALAIS-PROMONTOIRE (3)
Au pied du grand hôtel à l’entrée en rotonde
C’est foire à Scarborough, c’est le Royal plazza,
C’est Brooklyn, l’Italie, c’est le Scenic railway,
L’Amérique et l’Asie jointes sur la terrasse.
Les fenêtres s’allument. Tout devient colossal.
La riche et noble clientèle au soir tombant
Est emportée par la brise des Fêtes-Dieu.