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Mots et images de Joe Krapov
7 avril 2024

BALANCE TON PORT !

 

 

Ce que la Vilaine charrie, elle l’embarque en douceur vers Redon et, de là, vers l’océan Atlantique. Son débit est si lent qu’elle prend ici et là des allures de fleuve serein mais dans sa traversée de Rennes celui-ci n’a jamais rien de majestueux.

 

C’est sans doute à cause de tous ces cochons qui s’en viennent à la nuit tombée tracer des lettres, des tags, des graffs et même dessiner des cochons sur les murs qui bordent le halage ou les petits chemins de la rive droite.

 

Ici me voilà pris d’un doute, comme l’est le boxeur avant de monter sur le ring. Cela ressemble au paysage que l’on peut voir derrière chez moi, entre le stade de la route de Lorient et le viaduc qui permet aux trains de rejoindre Saint-Malo.

 

Mais cela peut être aussi un paysage des bords de l’Ille, un morceau du canal vers le cimetière du Nord. Ce sont les garages qui me désarçonnent mais c’est bien que tu m’emmènes dans ce coin-là, petit cochonou, parce que c’est par là qu’on trouve, à Rennes, la Maison de la Poésie.

 

 

J’avais justement très envie d’y revenir à celle-là, de chausser les gants à boxer la langue pour donner dans le percussif, dans le monosyllabe. Vous allez d’autant moins y couper que je le connais bien le boxeur de la rue de Paris et je sais que l’artisan peintre dont on voit l’enseigne s’appelle… Guillotin !

 

 

Alors du coup, Deus ex machina, j’envoie mon droit :

 

Il peut

Faire un feu

De joie

Celui à qui Dieu

A donné la foi

dans son jeu.

 

Il peut

Dire nous,

Se croire le roi,

Celui qui est fou

Et n’a pas les foies

Sur sa frêle nef

Même par grand zeph’ !

 

Un morceau de bois

Jamais ne se noie,

Encore moins

S’il provient

De la vraie croix.

 

A toujours jouer

Ne risque jamais

Les vilains stigmates

De l’échec et mat

Celui qui canote

Au fil de la flotte,

Au long des noyers,

Des saules pleureurs

Et pois de senteur.

 

A dérive-esquive,

A bourrre-pif-esquif,

A entrave-étrave,

A dépave-épave,

A sautille-godille,

A gamberge-berge,

A saute-asticote,

A tourne-bourriche,

A pousse-bouchon,

A marche-sur-l’eau,

Quel amusement

C’est, pour le joueur,

De tournebouler

Le vocabulaire !

 

De laisser coi

Celui qui oit

Son jeu de iambes

Et s’étonne

Que ce poids léger

Fasse rimer

« Heinrich Heine »

Avec « punchline » !

 

 

Quand le combat s’engage

Contre les vieux adages

Faut-il mettre des gants

Pour lui rentrer dedans,

Au langage ?

 

Convient-il que le barde

Se tiennent sur ses gardes

Dans sa barge

S’il l’est,

Barje ?

 

Peut-il répondre aux coups

Du sort

A coups de haïkus

Ou, pire encore,

Se dire ou faire sonnet

Quand quelque chose cloche

Sous le chapeau de même forme

De la flapper

Et qu’il voit dans le ciel

Des étoiles qui approchent

Du cimetière Saint-Michel

De Venise

Ville exquise

Ou termina knock-out

Au dernier round

Ezra Pound ?

 

Par ma foi moi je crois

Que le poète peut tout

Tant qu’il n’a pas, salle Wagram,

Les bras en croix,

Tant qu’il surfe sur le vague à l’âme

Et qu’il s’abrite en disant « Nous »

De tous les tours de cochonou

Qui nous attendent pourtant

Sur le grand ring du Temps

 

Ou, quand finit la rixe,

Sur le grand fleuve Styx.

 

Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 4 avril 2024

à partir de la consigne AEV 2324-24 ci-dessous

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Commentaires
A
mouarf le caddie où le boxeur range ses gants ;-)
Répondre
J
Ah Dame Adrienne ! Je jette l'éponge ! Vous êtes le meilleur soigneur (d'images) de tous les temps ! ;-)
Mots et images de Joe Krapov
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