LES INVENTEURS FARCEURS. 2, Alphonse Allais (2)
2, 2. Alphonse Allais inventeur
Alphonse Allais débordait d'idées que sa modestie naturelle lui dictait d'attribuer au Captain Cap. Dans un colloque de l'Université de Saint-Etienne, « Figures du loufoque à la fin du XXe siècle », Antoine Court décrit la relation entre les deux personnages : |
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"Cap est un personnage bien réel, Albert Caperon (1868-1898), fils à papa, rentier, bon à rien, grand buveur et raconteur d'histoires, habitué du Chat noir et inséparable d'Allais qui le promeut Captain. Par le truchement d'Allais ce sédentaire abruti devenait le héros de folles aventures. Il endossait leur paternité avec une fausse modestie et un secret orgueil. A tel point qu'Allais dit un jour : « J'en suis arrivé à ne plus savoir si c'est moi qui me paie sa tête ou si c'est lui qui s'offre la mienne ! »
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Cap est constamment valorisé comme personnage hors du commun : parodie de héros plus ou moins exotique, bon bourgeois, bon patriote, bien inséré dans la société, il la critique mais s'en accommode tant qu'il y a des breuvages forts et des filles faciles !" |
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Mais comme tout grand visionnaire, Alphonse Allais demeura incompris de son époque et ses idées demeurèrent lettres mortes. De sa multitude de concepts, on peut ressortir : - le recyclage des vieux confetti - le championnat du millimètre à vélocipède : record mondial actuellement détenu par le Captain Cap en 1/17.000e de seconde ; - le cache-poussière pour sous-marin ; - les obus chargés de poil à gratter; - la récupération des énergies perdues, tel le mouvement oscillatoire du bras gauche chez les troupes en marche |
- l'institut de formation des souffleurs pour spectacle de pantomime Alphonse Allais en plus de procédés révolutionnaires proposa des inventions simples pour faciliter la vie quotidienne de ses contemporains. Ainsi peut-on citer : - les chaussures ventilées (concept repris par Geox) - la casserole carrée pour empêcher le lait de tourner - les balayeuses municipales à papier buvard pour assécher les rues après la pluie
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- l'aquarium en verre dépoli pour poisson rouge timide. |
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Dans une de ses chroniques consacrée à la très nécessaire réforme de l'orthographe, Alphons Allais écrit ceci : "C'est que moi, je ne me contente pas de transformer "Hérault" en "éro", j'écris froidement "RO". Non moins froidement j'écris "NRJ" pour "énergie" et "RIT" pour "hériter". Je me garde bien de mettre "Hélène a eu des bébés". Combien plus court est, grâce mon procédé : "LN A U D BB" Kiksé ka inventé le langaj SMS, hein ? Ben Alphonse, pardi ! |
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Dans une autre chronique intitulée « l'agonie du papier » se désolant déjà de « l’imminente disparition des arbres, causée par la de plus en plus folle consommation de papier imprimé » il lance une subscription afin de fabriquer un journal sans papier ! « Ce journal quotidien portera ce nom significatif : La Pellicule. Les abonnés recevront en même temps que le premier numéro, un petit appareil ressemblant fort à une lanterne magique, mais infiniment plus simple. |
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La Pellicule, parviendra en effet chaque matin à nos abonnés sous forme d’une légère carte transparente, pas plus énorme qu’une carte à jouer. Cette carte, insérée dans la rainure ad hoc, un bouton qu’on pousse, et sur la toile en face vient se projeter la plus clairement lisible de nos gazettes françaises et même étrangères. Le miracle s’est simplement accompli par microphotographie des huit ou douze pages d’un immense journal sur la mignonne et sus-indiquée pellicule ». |
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C’est là la préfiguration de la microfiche et par la suite de la liseuse, des e-books ou de l’édition numérique des journaux et des périodiques ! |
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Enfin, et ceci n’est pas une farce, Alphonse Allais est bel et bien l’inventeur du café lyophilisé. Le brevet fut déposé le 7 mars 1881, sous le numéro 141 530, au ministère de l'Agriculture, bien avant que Nestlé, grâce à son chimiste alimentaire Max Morgenthaler, ne le reprenne en 1935 et lance le Nescafé.
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Accueil de réfugiées nostalgiques à Rennes le 19 janvier 2019 (4)
- Mais enfin ? C'est quoi tout ce déballage dans notre séjour ?
- Ben c'est le stage "Retombée en enfance", Joe Krapov !
- Il y en a dans la famille qui ne changeront donc jamais dans le genre "étalage partout" ?
- Ne te plains pas, le père ! Tu as réussi à l'emmener voir du Marivaux au théâtre et on est allés t'écouter jouer du ukulélé toute une soirée à l'Ubuntu café ! Et en plus maintenant elle goûte ta cuisine...
- ...et ma cave aussi, oui, j'ai vu !
- Allez, verse-nous encore un verre de ton Riesling - enfin, de celui de Monsieur Tom ! - et retourne courir !
LES INVENTEURS FARCEURS. 2, Alphonse Allais (3)
2.3 Alphonse Allais, la peinture et la musique
Bien avant Kasimir Malevitch et son carré blanc sur fond blanc, Alphonse Allais est, sinon l’inventeur, du moins un pratiquant acharné du monochrome en peinture. Il publie en 1897 l’Album primo-avrilesque dont nous donnons lecture. |
C'était en 18 quelque chose... (Ça ne nous rajeunit pas, tout cela.) Amené à Paris par un mien oncle, en récompense d'un troisième accessit d'instruction religieuse brillamment enlevé sur de redoutables concurrents, j'eus l'occasion de voir, avant qu'il ne partît pour l'Amérique, enlevé à coups de dollars, le célèbre tableau à la manière noire, intitulé : COMBAT DE NÈGRES DANS UNE CAVE, PENDANT LA NUIT |
L'impression que je ressentis à la vue de ce passionnant chef d'oeuvre ne saurait relever d'aucune description. Ma destinée m'apparut brusquement en lettres de flammes.
- Et moi aussi je serai peintre! m'écriai-je en français (j'ignorais alors la langue italienne, en laquelle d'ailleurs je n'ai, depuis, fait aucun progrès)
Et quand je disais peintre, je m'entendais : je ne voulais pas parler des peintres à la façon dont on les entend le plus généralement, de ridicules artisans qui ont besoin de mille couleurs différentes pour exprimer leurs pénibles conceptions
Non ! Le peintre en qui je m'idéalisais, c'était celui, génial, à qui suffit pour une toile une couleur : l'artiste, oserais-je dire, monochroïdal. Après vingt ans de travail opiniâtre, d'insondables déboires et de luttes acharnées, je pus enfin exposer une première oeuvre : PREMIÈRE COMMUNION DE JEUNES FILLES CHLOROTIQUES PAR UN TEMPS DE NEIGE |
Une seule exposition m'avait offert son hospitalité, celle des Arts incohérents, organisée par un nommé Jules Lévy, à qui j'ai voué pour cela une reconnaissance quasi durable.
Si j'ajoutais un mot à ces dires, ce serait un mot de trop.
Mon Oeuvre parlera pour moi !
Récolte de la tomate par des cardinaux apoplectiques sur les bords de la Mer Rouge |
Des souteneurs, encore dans la force de l’âge et le ventre dans l’herbe boivent de l’absinthe |
Manipulation de l’ocre par des cocus ictériques |
Ronde de pochards dans le brouillard |
Stupeur de jeunes recrues apercevant ton azur pour la première fois, ô Méditerranée ! |
Alphonse Allais est aussi l’auteur d’une partition musicale très originale, publiée elle aussi dans ce recueil primo-avrilesque. Il s’agit d’une "Marche funèbre composée pour les funérailles d’un grand homme sourd". "Partant du principe que les grandes douleurs sont muettes, les exécutants devront simplement compter les mesures au lieu de se livrer à ce tapage indécent qui retire tout caractère auguste aux obsèques."
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LES INVENTEURS FARCEURS. 2, Alphonse Allais (4)
2.4 Pour en finir une fois pour toutes avec Alphonse Allais
2.4.1. Le Musée Alphonse Allais à Honfleur
On a consacré à Alphonse Allais, dans la pharmacie du Passocéan, à Honfleur, le plus petit musée du monde ! 3 pièces exposées ! Alphonse Allais possédait une petite collection unique au monde dont il était très fier. Elle se composait du crâne de Voltaire à 17 ans, d’un authentique morceau de la fausse croix du Christ et d’une tasse spéciale pour gaucher (avec l’anse à gauche). |
Outre ces pièces d’une rareté exceptionnelle on trouve aussi dans ce petit laboratoire diverses inventions issues de l’imagination d’Alphonse, tel que : - la machine à rendre impure l’eau potable, Sans oublier les petites boulettes de bismuth et de miel de Narbonne pour constiper les mouches ! |
2.4.2.Dernière farce de la vie (ou de la mort ?)
Durant la Seconde Guerre mondiale un obus détruisit complètement la tombe d’Alphonse Allais au cimetière de Saint-Ouen. Une plaque commémorative, ajoutée en 2005, précise : « Sous cette dalle (en pente) a reposé Alphonse Allais, écrivain humoristique, enterré le 28 octobre 1905, sublimé le 21 avril 1944 par une bombe de la RAF, transféré virtuellement à Montmartre le 24 octobre 2005 ». |
RASSÉRÉNER LE MÔME ? ÇA, CÉPHÉE !
- J’ai beau scruter le ciel
Et chercher la Grande ourse,
La Petite ourse et sous la Table
Je ne vois pas l’ourson.
Encore moins Boucle d’Or.
Le Téléscope est-il à ce point déréglé
Qu’on n’aperçoit plus la Baleine ?
Prévert l’aurait chassée ?
Elle se serait envolée
Dans le Triangle des Bermudes ?
Que la Licorne ait disparu
C’est acceptable. Dame !
Elle faisait tapisserie
Parmi ces femme d’âge moyen
Qui auraient fait perdre la tête
Au puissant Hydre mâle
Et la queue à l’Hercule.
Que Pégase envolé
(Qu’ont suivi dans les cieux
Capricorne et Centaure)
Rejoigne au mauvais temps
Le bon Petit cheval
Avec le Sagittaire
Avant de s’en servir,
Ni Brassens ni Pierre Dac
Ne s’en offusqueront
Que ces beaux quadrupèdes
Aient pu mettre les Voiles ;
Que le Petit renard,
Le Corbeau et le Lièvre,
Le Lion, le Loup, la Mouche
Aient choisi de cocher
La case «Château-Thierry»
Pour boire à La Fontaine
Il n’y a pas de Lézard ;
Que le Caméléon,
Animal cachottier,
Peintre polychromique,
Se soit encore caché
En se peignant le corps ,
C’est là ruse d’Indien
Que nous pardonnerons
A ce grand mimétique ;
Mais enfin – j’en reste mutique ! –
On ne voit même plus la Girafe !
Qu’est-ce qu’ils peignent
Dans les ministères ?
Oui, franchement, la Coupe est pleine !
Où est donc passé mon Teddy bear
Avec son quelque chose en peluche?
Lui seul savait me consoler,
Plus que maman et papa même,
Quand je rentrais à la maison
Tout constellé d’(h)Orion(s)
- Ce n’est rien mon enfant
C’est juste que ce soir
Le ciel est nuageux,
Que janvier nous grisaille,
Nous gris houille, nous grisouille,
Que le Dragon du mauvais temps
Résiste plus que de raison
- Depuis quatre-vingt-dix-neuf jours -
Aux Chiens de chasse de Saint-Georges
Elles sont comme le Phénix
Elles renaîtront de ces cendres
Tu les retrouveras plus tard
Les étoiles de ton enfance.
Tiens, écoute déjà
Cette voix d’outre-ciel,
« La berceuse des ours
Qui ne sont pas là »
Que Boris composa
Pour son ourson, son Ursula :
"… Oursi Ourson Ourzoula
Je voudrais que tu sois là
Que tu frappes à la porte
Et tu me dirais : "C’est moi
Devine ce que j’apporte ?"
Et tu m’apporterais toi"
Boris Vian
Ecrit pour le Défi du samedi n° 542 d'après cette consigne : Ourson