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Mots et images de Joe Krapov
8 novembre 2023

SI ON VEUT LA PAIX SUR LA TERRE

Franc succès pour ce texte krapovien de 2006, lu-déclamé aux Apéros poétiques ce dimanche 29 octobre 2023 au Grenier à sel de Redon et, hélas, toujours d'actualité. Comme il ne figurait pas sur la toile, je le publie ce jour. C'est sans doute un texte écrit pour être lu au café-slam des Champs libres que je fréquentais à l'époque. Le classeur où j'ai rassemblé ces textes-là est plein de petits bijoux surréalistes du même genre.

SI ON VEUT LA PAIX SUR LA TERRE

Si on veut la paix sur la Terre
Faut qu’on
Y’a qu’à
Faut qu’on
Y’a qu’à

Faut qu’on désarme les faucons et pour cela
Y’a qu’a lâcher mille colombes

Faut qu’on détruise les milices de parasites mal rasés, de paranos raseurs et de parachutistes tristes, faut qu’on démilitarise grave

Y’a qu’à réduire les factions partisanes, les priver de tagine, de tisane, de moudjahiddines, de Zineddine Zidane, de Soutine, de soutanes, d’abeilles qui butinent et de gaz qui butent Anne

Faut qu’on mette sous les verrous la marquise de Sévigné qui cache certainement au château des Rochers des armes de destruction missives

Y’a qu’à inculper Yoko Ono du meurtre des Beatles et de la trop longue survie des Rolling Stones

Faut qu’on prouve que c’est elle qui conduisait la Fiat Uno en 1997 au tunnel de l’Alma

Y’a qu’à pas faire le zouave, y’a qu’à pas faire le pont

Si on veut la paix sur la Terre
Faut qu’on
Y’a qu’à
Faut qu’on
Y’a qu’à

Faut qu’on se prolétarise
Faut qu’on se detouslespayse
Faut qu’on s’unissez-vous et sortez de la mouise
Y’a qu’à dire que l’Orient est rouge et marcher très longtemps vers le soleil levant jusqu’à la Sibérie

Faut qu’on fasse une Europe dans laquelle tout le monde entrera, le Gabon, le Kenya, le Pérou et l’Oklahoma, l’île de Pâques et la Trinité-sur-Mer, le Lichtenstein, le Frankenstein et même aussi Mireille Mathieu si elle le veut

Y’a qu’à dire qu’on est citoyens du monde, qu’on pose les fusils, qu’on apprend toutes les langues, qu’on démolit Babel

Faut qu’on espère en Dieu ou qu’on espéranto

Y’a qu’à s’asseoir, y’a qu’à surseoir, y’a qu’à sursauter, y’a qu’à toussoter, y’a qu’à suçoter des pastilles de menthe, des graines de pavot, des mistrals gagnants.

Faut qu’on dékalachnikovise, faut qu’on démine, faut qu’on débarque, faut qu’on libère, qu’on reconstruise ; Faut qu’on creuse le sillon, faut qu’on sème le vent de la Liberté dans la tempête du désert afin qu’il trace au creux du sable la voie de la raison et le chemin de la maison

Y’a qu’à concasser les casseurs, cabosser les noceurs, compacter les facteurs, les causes et les effets, les discours, les promesses, les vengeances, les rancoeurs et les couler dans l’eau de l’Océan Arctique

Si on veut la paix sur la Terre
Faut qu’on
Y’a qu’à
Faut qu’on
Y’a qu’à

Faut qu’on fasse la guerre aux vrais cons, aux faux-culs, aux porteurs de casques et de masques
Y’a qu’à réduire au silence les porteurs de lances et condamner à la tombe les poseurs de bombes

Si on veut la paix sur la Terre
Si on veut la neige à Noël

Y’a qu’à faire ceci, tous ensemble :
Jour après jour, faut qu’on regarde les nuages
Y’a qu’à attendre que l’hiver approche et même, non

Faut qu’on se concentre bien tous afin que la neige tombe du ciel
Y’a qu’à prier pour que ce soit Noël

Faut qu’on entende un grand silence divin
Et alors…

Et alors, si la Paix n’est toujours pas là
Si la neige ne tombe pas

(Il déchire le poème en deux puis en quatre, puis en huit, puis en seize tout en ponctuant ses gestes de :)

Y’a qu’à
Y’a qu’à
Y’a qu’à
Y’a qu’à

Flocon
Flocon
Flocon
Flocon

(Il a jeté un bout de papier en l’air, puis un deuxième, puis un troisième puis tous et il crie : )

Il neige !
Allez en paix !

Joe Krapov 13 novembre 2006

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22 août 2023

NOUS, RIPOUX ?

 

Bing ! La bagnole vient d’accrocher le plot en bois de la piste cyclable ! C’est la dixième ce soir ! C’est Gérald qui va être content !

 

Quand je dis « Gérald » je ne parle pas du ministre de l’Intérieur français de l’année 2023. Les ministres, ça va, ça vient, ça se remplace, ça a toujours la tête du saint-Patron un peu constipé de la corporation des gendarmes, des policiers et de la marée-pas trop mal-chaussée.

 

Non quand je dis Gérald je parle de notre beau-frère à Pascal et à moi. On a épousé ses sœurs et ce soir, avec le coup du flic qui sort du bois et du plot mal placé on a a bien arrangé ses affaires à notre beauf Gérald. Les ministres vont et viennent mais même avec le pourcentage de divorces dans les couples, un beau-frère, souvent, c’est pour la vie qu’on s’aime !

 

Quand on se positionne sur « la route de Las Vegas » avec nos éthylomètres et nos gros bras musclés, ce serait difficile de ne pas verbaliser. On a la tenue noire avec les bandes fluo, on est postés à la sortie du rond-point avec Pascal qui m’avertit en levant le bras et moi prêt à bondir vingt mètres plus loin. Les conducteurs de bagnoles qui ralentissent là, à tous les coups, ils sortent des restos, des bars ou du bowling où ils ont consommé tout ce que tu veux sauf de l’eau minérale ! Le samedi en plus, avec l’apéro, la bière, la vodka dans la coupe Colonel du dessert, souvent ça chiffre bien !

 

La stratégie du loup qui sort du bois, c’est Pascal qui l’a inventée. Dans le duo c’est lui qui fait le méchant flic et c’est moi qui fais le compréhensif. Pascal, c’est l’intello de la famille !

 

- Quand la voiture ralentit avant de s’engager sur le rond-point, je regarde si ça vaut le coup et s’il n’y a pas de pétard en vue. Alors je lève le bras pour te faire signe et toi, Kevin, tu sors de ta planque derrière le fourré et tu cries « Ho ! Arrêtez-vous !»

 

- Mais s’ils ne voient pas bien qui je suis et qu’ils ne s’arrêtent pas ? Ou alors qu’ils le voient trop bien et qu’ils prennent la fuite ?

 

- Alors là c’est moi qui siffle.

 

- Et s’ils ne s’arrêtent pas et commettent un délit de fuite ?

 

- On a droit à 7 % de perte !

 

- Tu ne vas pas me dire que tu vas tirer dans les pneus ? Ou pire encore ?

 

- Mais non, eh, banane ! On s’octroie un pourcentage de 7 % de ratage mais tu vas voir que ça marche à tous les coups. Où veux-tu qu’ils fuient ? C’est tous des campeurs qui retournent à leur mobil-home ou à leur caravane qui est trois kilomètres plus loin !

 

De fait, ça marche bien, le truc ! Il y a tellement de campings le long de la route de Las Vegas que de 22 à 24 heures on peut en arrêter 10 ou 15 facile, des voitures d’alcoolos.

 

Le plus drôle ce soir, ça a été la dernière, quand Pascal s’est trompé et qu’il a cru voir Alain Delon et Jean-Paul Belmondo coiffés de borsalinos sur la banquette arrière d’un véhicule où s’étaient entassées cinq personnes.

 

Il a levé le bras, bien sûr, et je suis apparu sur le bas-côté, un peu comme le fantôme des 24 heures dans l’album éponyme des aventures de Michel Vaillant par Jean Graton. J’ai gueulé « Ho ! Arrêtez-vous !». La caisse a zigzagué, la conductrice a vu l’espèce de placette sur la droite où ranger son véhicule et paf ! Elle s’est emplafonnée dans le plot qui délimite la piste cyclable.

 

Elle est sortie vite fait de son véhicule, a couru vers moi et j’ai commencé à baliser. On aurait dit une furie, un raz-de-marée, un soulèvement de la terre ! Vous imaginez ? La corpulence et la gestuelle de Muriel Robin avec la voix de Jacqueline Maillan et l’aplomb d’Isabelle Huppert !

 

- Mais je suis désolé, monsieur l’agent ! Vous m’avez fait peur ! J’ai paniqué ! Et j’ai pas vu les plots. On préparait un festival de théâtre avec les copines. On a mangé des sardines au resto. Oh la vache ! Les portières sont tout éraflées ! Et la baguette s’est détachée !

 

Là j’ai repris la main pour calmer son jeu.

 

- Et… Au resto, vous avez consommé de l’alcool ?

 

- Ben j’ai bu une bière. Mais vous m’avez surpris…

 

- Vous allez souffler dans le ballon, madame. Jusqu’à ce que vous entendiez un petit clac.

 

Pendant qu’elle s’exécutait une autre bonne femme est sortie de la voiture. Tête d’institutrice en retraite, cheveux blancs coupés court, plus calme, l’air d’avoir maté plus d’un inspecteur d’académie au long de sa carrière. « On n’est pas loin de la bavure ! »,  j’ai pensé.

 

Et quand j’ai vu la troisième j’ai craint le pire. C’est elle en fait qui portait un borsalino rose et elle, c’était quatre-vingt piges bien tapées et du genre à faire partie d’une chorale de chants de marins avec paroles non expurgées ! On les laisse aller au resto le samedi, maintenant, les pensionnaires de l’EHPAD du Val fleuri ?

 

Il restait un mec à l’avant qui regardait ses orteils comme si c’est lui qu’on avait pris en faute ou qu’il ne savait plus où se mettre. Quel âge on pouvait lui donner à celui-là ? Dans la progression logique, il aurait pu avoir quatre-vingt-dix piges et son fauteuil roulant dans le coffre à l’arrière. Pourvu qu’il ne nous ait pas fait une crise cardiaque, le papy ! Ah non, il bougeait encore un peu.

 

La dernière grande bonne femme avec sa chevelure de lionne à l’arrière, j’avais pas trop envie qu’elle sorte non plus. Ça aurait pu être la vraie Shéhérazade qui aurait traversé les siècles et raconterait ses mille et une nuits en boucle dans des maisons de retraite !

 

Muriel Robin-Jacqueline Maillan a cessé de souffler, m’a rendu l’éthylotest et a repris son laïus pendant que les deux autres essayaient de remettre la baguette et commentaient les dégâts de la portière. J’ai regardé l’éthylomètre comme s’il était monté jusqu’à cinq grammes et puis j’ai dit, superbe et généreux, façon Macron sortant un chèque de 17 milliards aux gilets jaunes pour le reprendre ensuite aux mêmes travailleurs de la France d’en bas sous forme d’un report de deux ans de leur âge de départ en retraite :

 

- C’est bon, Madame. Vous pouvez repartir.

 

J’ai bien vu qu’elles poussaient toutes un « Ouf » de soulagement intérieur, surtout la théâtreuse en chef. Peut-être n’avait-elle plus que quatre points sur son permis ? Peut-être n’avait-elle même pas ses papiers sur elle ? J’aurais dû les lui demander mais j’avais oublié. Peut-être aussi y avait-il, à la place du fauteuil roulant que je m’étais imaginé, un cadavre planqué dans le coffre ?

 

Pour nous, dans l’histoire, l’essentiel était d’avoir entendu « Bing » pour la dixième fois ce soir-là. Elles sont remontées dans la bagnole, elles n’ont pas demandé leur reste et elles ont filé.

 

***

 

- Bien amochée, celle-là ! a dit- Pascal. Le compte est bon. On arrête là pour ce soir.

 

- OK ! Tu remets la bande fluo sur le plot ?

 

- Bien entendu ! Pour qui tu me prends ? Moi je ne suis pas comme Aragon qui disait « La pièce était-elle ou non drôle ? Moi si j’y tenais mal mon rôle c’était de n’y comprendre rien ! ». On a bien bossé ! On a bien cabossé, même ! Il va être content, Gérald !

 

C’est vrai que notre beau-frère est le seul carrossier à vingt kilomètres à la ronde.

***

 

Comment ça, « des ripoux » ? Nous, des ripoux ? Vous rigolez ou quoi ? On n’est même pas flics ou gendarmes ! Moi je tiens une boutique de farces et attrapes. C’est moi qui ai fourni les déguisements de policier, les gilets fluo et les faux éthylomètres. Pascal, lui, il est prof de théâtre. Si ça se trouve, avec une des compagnies dont il s’occupe, il va être invité au festival de théâtre de Muriel Robin-Jacqueline Maillan, la saison prochaine !

7 août 2023

UNE BONNE ACTION ESTIVALE

Dans les murmures de la forêt ravie et masochiste, j’entends comme un bruissement de reconnaissance. C’est que je l’ai bichonné, cet été, mon bilan carbone ! Oh la la, que de kilomètres j’ai franchis ! J’ai commencé par aller vérifier au Louvre, à Paris, l’allègement des vernis de Mona Lisa. On l’avait, paraît-il, restaurée mais elle est toujours derrière sa vitre, alors, vernis ou pas, nous n’avons pas eu la chance de voir la différence.

Un qui n’a pas changé, par contre, c’est l’éléphant de l’Africa Museum à Bruxelles à qui j’ai aussi rendu visite. Cet empaillé de première s’appelle King Kasaï et il m’a confié une mission peu commune.

- Il n’y aura pas de sang versé, m’a-t-il déclaré, si tu arrives à localiser les sources de quatre rivières.

Jeu de la Bibliothèque d'Erquy 1

Moi ? Moi, d’un seul coup d’un seul, nommé responsable de la paix et de l’harmonie dans le monde en recevant, d’un éléphant, le statut de géographe, de voyageur chargé de remonter des fleuves impassibles ? Soit ! Soie ! Rien n’était plus impossible même si les ouvrières des soieries étaient en grève alors je suis descendu à Lyon – les chaleurs m’ont laissé descendre où je voulais ! -. J’ai regardé longtemps les eaux de la Saône et du Rhône et les contemplées m’ont fait savoir que l’une des deux était un fleuve alors j’ai suivi la rivière. Je me suis retrouvé dans les Vosges, au sud des monts Faucilles, et comme cet univers était un peu marteau, la fameuse ligne bleue de l’endroit a écrit dans le ciel : « Le fleuve Amour prend sa source dans les larmes de Chalamov ».

- Faut-il donc que je prenne les chemins d’exil et de lumière dans le mauvais sens, ai-je demandé, et que j’aille enquêter chez Poutine sur les sources de l’Ob et de l’Iénisséï ? Je vous signale, du reste, que ce sont là trois fleuves.

- Les trois autres rivières confluent dans la vallée des Lazhars » m’a dit la ligne du Parti à suivre avant de s’étirer.

Alors, en marche ! Direction le Sud ! J’étais content, je venais d’échapper tout à la fois au goulag, à la prison de Tunis, au bagne de Cayenne et à la guerre entre l’Ouganda et le Congo !

C’est comme ça que j’ai terminé mon périple au Maroc. J’ai assisté à un grand mariage et, les jours qui ont suivi, j’ai remonté les trois cours d’eau. Voilà, c’est fait ! Grâce à moi, le monde est sauvé : la rivière Sérénité prend sa source au mont Lecture, la rivière Fraternité a sa source sur le plateau du Partage et la rivière Sobriété prend naissance dans le massif des Bibliothèques.

Pour ce dernier point, je le savais. C’est pour ça d’ailleurs que la forêt ravie et masochiste m’était reconnaissante. Tous ces kilomètres de voyage, je les avais parcourus sans bouger de chez moi, sans user d’aucun moyen de transport, uniquement grâce aux dix livres empruntés à la bibliothèque. J’avais bichonné mon bilan carbone ! La planète m’a dit merci ! Avais-je évité au monde un bain de sang pour autant ? J’en étais moins sûr.

Par contre la forêt masochiste m’a sournoisement confié, sur son divan de soie, que pour fabriquer le papier des livres, on coupait des arbres. Zut alors ! Encore une fois, j’avais tout faux !

Jeu de la Bibliothèque d'Erquy 2

 Ecrit pour le Jeu de l'été de la Bibliothèque municipale d'Erquy (Côtes d'Armor)

d'après la consigne ci-dessous :

 https://bibliotheque.erquy.bzh/images/Animation_2023/Adulte/Flyer_Jeu_PLG.pdf

29 janvier 2023

CARMAGNOLE ET CASTAGNETTES

Je ne suis pas ici pour raconter ma vie mais... on est toujours pris à contrepied ! Hier par exemple j'emmène au café "Les Références électriques", pour une scène ouverte, des textes  de 2006-2010 que j'avais déjà, à l'époque, déclamés au Café-slam des Champs libres. Je me régale à les relire en me disant que je suis quand même un sacré maboul d'avoir pondu des choses comme ça.

J'ai donc lu devant un public étonné un pastiche de Francis Ponge publié sur le Défi du samedi en juillet 2011 et intitulé "La Table" et un autre poème plus philosophico-nostalgique avec uniquement des rimes en "ole" et "ette". Comme il n'est pas daté et que je ne sais plus où je l'ai publié je mène ce jour une recherche chez M. Google et... je fais chou blanc.

Je pose l'interrogation dans mon disque dur, sur le répertoire "écriture", et je découvre qu'il s'agit d'un texte déposé sur les Impromptus littéraires en décembre 2012. Comme je souhaite retrouver la consigne d'où il est issu, je pars à la recherche des Impromptus et je découvre - sauf erreur et en toute horreur - que toute la partie avant 2014 a disparu de la toile !

Bravo ! Jolie conception de l'histoire littéraire, ou joli respect des traditions : "Votre site est mort ? On l'enterre !". Merci les hébergeurs !

Du coup j'ai sauvegardé les consignes d'écriture de 2014 à 2019 des Impromptus ainsi que les textes mis en forme et illustrés que j'avais déposés là.

Il va falloir que je me préoccupe sérieusement de jouer à l'éditeur-biographe pour transmettre à qui de droit une édition décente et complète, de type "La Pléiade", de mes krapoveries ! A nous, les notes de bas de page !

En attendant voici le texte déclamé :

Joe Krapov – LA TOUR (CARMAGNOLE ET CASTAGNETTES)

1
230129 Nanar et jujubeSous la tour, avec les fillettes,
Nous dansions d’amples farandoles.
Comme elles étaient mignonnettes
On faisait beaucoup les marioles.

Il y avait Maud, Manon, Lisette…
Elles aimaient nos cabrioles.
C’était le temps des pirouettes
Et de la fête de l’école.

C’était il y a belle lurette,
Colle-gommette et courses folles.
Avec Nanar, Jujube et Piette,
Gai-Luron, joyeux, caracole.

2
230129 Mobylette-la-nostalgie-plein-potSous la tour – tournez, mobylettes ! –
Elles dérapaient, les chignoles !
Sous les yeux émus des minettes
On était les rois du pétrole.

On n’échangeait plus les sucettes,
On n’effeuillait plus les corolles.
On fumait parfois en cachette
Tels Ribouldingue et Croquignol.

C’était l’époque des torgnoles,
Nos pères tenaient la baguette.
Fallait pas perdre la boussole
Sinon terminée l’amusette !

3
230129 brignoles-place-caramySous la tour avec Henriette
Ou quelquefois avec Nicole
On allait pour conter fleurette
Faire parader nos bagnoles.

- Viens faire un tour sur ma banquette !
On peut aller jusqu’à Brignoles ! »
Elles chantaient, les midinettes
Les gais refrains de nos idoles.

C’était le temps des amourettes,
L’époque où les bouches se collent
Et les boutons de nos braguettes
Sautaient comme l’extrasystole.

4
230129 Super-MarioSous la tour la lune replète
Dispense une bien faible obole.
En fait on s’aime à l’aveuglette,
Entre deux caresses on rigole.

Cocorico les galipettes !
Et vas-y qu’on se carambole
A s’en faire péter l’épithète !
Ce ne sont pas des fariboles.

Et puis un beau jour on convole.
Plus tard l’Amour devient pip’lette
Et nous, pitoyables guignols,
Des Super Mario d’opérette !

5
230129 RaymondSous la tour, triste marionnette,
Un papy moustachu somnole.
Tout est poivre et sel sur sa tête
Mais, s’il est bourré de pistoles,

Harpagon n’est plus à la fête !
Où est le temps du rock’n’roll,
Quand on faisait tourner Paulette
Ou Rose par-dessus l’épaule ?

Elles sont décillées, les mirettes,
Evaporées, les fumerolles :
La tour n’était qu’une gloriette
Et nos exploits… de la gloriole !

14 novembre 2022

TROIS POÈMES PHILOSOPHIQUES (insomnie du 11 au 12 novembre 2022)

PRENDRE SES ENCYCLIQUES ET SES CLOAQUES

A force de vieillir,
De décatir,
De se départir,
On finit un jour, Patatrac,
Par prendre ses encycliques et ses cloaques,
Ses petits Clics et ses grands Clac
Merci Kabic, merci Kodak !

2022 11 14 Isaure à tête de mort

***

LES FARCES D’AUGUSTIN

Il vaut mieux s’adresser au Bon Dieu
Qu’à ses saints
Pour qu’au moment dernier
On vous montre des seins
Plutôt que le dessein
De ce qui fut vécu.

Et c’est à ce moment qu’on est vraiment déçu :
Dieu relève sa soutane
Et vous montre son cul !

2022-11-11 - Nikon 85

***

EN MARCHE !

L’existence ne nous est donnée que pour nous exercer à la mobilité.

Pourquoi serais-je resté dans mon petit Liré ?
Plus rien n’y est pareil,
D’autres personnes habitent
Les maisons des parents
Qui sont tous décédés.

J’ai vu Paris,
photographié Venise,

pédalé en Provence et je vis dans une Bretagne qui ne ressemble déjà plus
à celle où j’ai débarqué il y a vingt-cinq ans.

Amis de la poésie et des Ardennes, bienvenue au Festival
« Un météore est passé à travers le siècle jusqu’à s’en faire péter le genou ».

Comme quoi, quand même…
De la mobilité, point trop n’en faut, non plus !

2022-09-10 - 285 4

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1 août 2022

99 DRAGONS : EXERCICES DE STYLE. 73, Turlututu chapeau pointu

un jour sans fin

Apercevant la bête en quête d'un rôti, le petit pâtre a fui le riant pâturage, abandonnant sa tâche et ses quinze brebis à la furie du monstre.

- Bêêê ! Bêêê ! Bêêê ! bêlent-elles. 

- C’est là charmant hôtel ! considère le dîneur verdâtre – il s’agit d’un dragon -. Le couvert est fameux, l'entrecôte saignante et le gîte agréable même si caillouteux. Je vais leur imposer ma dîme à ces bêtas !

Mais le maître des lieux, aussitôt prévenu, n'est pas de cet avis. 

- C'est fâcheux ! lâche-t-il et j'éprouve dégoût que ce drôle de gâte-sauce vienne bâfrer tout son soûl et devienne mon hôte sans qu'il ne lui en coûte et sans que je l'aie prié de venir assister au goûter ou même au déjeuner. 
 
Et bientôt Mathurin Labrême se hâte vers le château. Tout proprement vêtu, bien droit dans ses guêtres, il demande à paraître devant sa majesté. 

- Quelle est est votre requête, paysan opiniâtre ? l’interroge le roi. 
 
- Sire, envoyez vos reîtres pour occire le traître qui mâche mes brebis ! Ce bâtard qui revient pour la énième fois, ça laisse un arrière-goût de saloperie suprême par derrière le serre-tête !

Ce nouvel embêtement fâche pareillement le roi un peu voûté qui blêmit sur son trône. C’est qu’il y a là vraiment de quoi péter un câble ! Car cette drôlerie qui revient continûment, - c’est la soixante-treizième fois, quand même ! -, ce destin qui folâtre et se prend avant l’heure pour Bill Murray dans le film « Un jour sans fin », c’est de l’envoûtement, une disgrâce imméritée, un rabâchage de cruauté, du théâtre de l’absurde ! De la malhonnêteté, oui, même !

Qui donc a décrété une telle âpreté pour ces temps ? La vie n’est plus un combat, c’est une débâcle perpétuelle !

Sauf que, cette fois-ci, surgit de la tempête à briser tous les crânes un navire-hôpital inattendu, un trois-mâts barque dont le quartier maître se prénomme... Georgina ! Une sauveuse qui a du foie, qui a la foi, qui se sent responsable, pas coupable et porte une guêpière et des vêtements de guerrière qui lui vont à ravir.

2022-07-16 - Nikon 75

Elle est ni plus ni moins que la fille du roi, grande prêtresse de la religion nouvelle qui dispense dans son dos, traîtreusement, des patenôtres peu ragoûtantes qui visent à rebâtir un monde juste et fraternel mais mâtiné de menaces de bûcher pour les défraîchis du bulbe qui iraient à la pêche le jour de la fête-Dieu, sécheraient les vêpres ou ne se découvriraient pas devant l'évêque.

- Vous brûlerez en enfer, hérétiques, si vous n'idolâtrez pas Jésus! Les geôliers de Satan vous planteront leur fourche dans le côlon et vous n’aurez plus qu’à vous faire porter pâles après ce supplice !

- En attendant ce jour que j’espère tardif, Georgina ma câline, demande le roi, aurais-tu un moyen de nous débarrasser d'un fâcheux animal qui commet un grand gâchis dans notre économie ?

- Mon père, vous qui avez le charisme d'une huître et l'armée engourdie par l'absorption trop fréquente de gâche vendéenne et de brûle-gueule du Gâtinais, vous croyez me tendre une embûche ? Sans vouloir paraître crâneuse je puis vous dépêtrer de cette gêne qui est la vôtre mais je vous préviens que cela aura un coût.

- Lequel ? Quel intérêt trouverez vous à ce désenchevêtrement, ma jamais folle guêpe ?

- Si je vous débarrasse de ce bélître ce sera tout d'abord au prix du baptême chrétien pour toute votre population.

- J'y consens. Je trouve ça dégoûtant d'asperger des benêts avec de l'eau bénite mais ça fait soixante-douze fois qu'ils en pâtissent, ils commencent à connaître et ça vaut toujours mieux que votre extrême-onction aux îles essentielles !

- Huiles ! Ne blasphémez pas, ô mon père ! Écoutez ma deuxième requête. Après mon acte de bravoure je quitterai le château et mènerai une vie d'aventure à travers le monde.

Le roi fut fort embêté par ce deuxième projet de la têtue. Il adorait sa fille et ce serait un crève-coeur pour luide la voir disparaître. Il pâlit, maîtrisa une petite larme de papy gâteux mais comme il était un papa-gâteau, il accepta, saumâtre, ce lâchage et signifia à la traîtresse que son hôtellerie resterait toujours ouverte pour elle.

***

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On ne sait pas ce qui plut le plus au dragon dans le prêchi-prêcha de Georgina. Est-ce que ce fut l'idée d'effrayer les mômes pour de rire ? Est-ce que ce fut le concept de dîner-spectacle ? La reconquête de sa dignité par l'exercice d'une vraie tâche au sein d'une entreprise de spectacle où chacun à son tour aurait le rôle-titre ? La séduction réelle exercée par cette pimbêche hâbleuse dont les idéaux planaient à cent lieues au-dessus des pâquerettes ? Toujours est-il qu'il n'y eut pas crêpage de chignon, âpre combat ou enchevêtrements uccelliens.

L'enjôleuse emmena le dragon après l'avoir rebaptisé Turlututu, le clown au chapeau pointu, jusqu'au faîte de la gloire circassienne en compagnie de la tarasque flûtiste, du Phénix étêteur et de tant d'autres numéros effrayants, étranges ou comiques du fameux cirque Cornflakes.

***

Le lecteur avisé ne s'empêchera pas de poser la question qui, croit-il, tue: que donnait-elle pour le dîner à sa drôle de ménagerie ? Aux animaux remis en cage après la représentation, ce qu'on offrait en récompense, cette viande fraîche et goûteuse dont ils se régalaient, c'était de la côtelette d'enfants de bûcheron, du gîte de fils d’archevêque, du boudin d'âne bâté, de la macreuse d'hérétique. Cela avait un avant-goût de « Blade Runner » sans douleur. On ne bâtit pas une civilisation sans qu’il y ait, sur le bas-côté, des dégâts collatéraux. Faire disparaître au cours d'un dîner spectacle les futurs tyranneaux qui eussent sans cela bâillonné le monde, abêti les peuples, déchaîné leur violence pour toujours plus d'impôts et toujours plus de guerres, voilà qui moralement apparaîtra infâme voire moyenâgeux mais il ne convient pas de juger hâtivement nos ancêtres  : il y a toujours un bas qui file et un bât qui blesse. Quelquefois mi-carême rime avec carton-pâte ! Avale ce casse-croûte où choisis de jeûner, camarade chrétien que ce manquement au cinquième commandement fait tomber en pâmoison !*

***

Sainte-Georgina

Bien sûr il est curieux que Sainte-Georgina ait été quasiment oubliée dans l'historiographie chrétienne. Aucune icône qui la représentât - ce portrait-ci est de Su Laing, artiste contemporain·e -, aucun hôpital qui portât son nom, aucune hagiographie même bâclée d’un rêvasseur proustien ne survécurent à l'inconsolable fuite du temps qui délave tout et rend plâtreux même les Pont l’Évêque ! Son entreprise d'édification-évangélisation des foules après conversion des monstres en légendes du cirque est devenue œuvre de fantôme dont on n’entend plus guère les chaînes. Nul apôtre n'a chanté sa louange. Évidemment, la religion et les femmes, la religion et les gens du spectacle vivant ! Mais pourtant, si vous regardez bien les portails de certaines cathédrales, les détails sculptés de certains cloîtres, les gargouilles des églises ici et là, vous verrez qu'ils sont là, eux, pêle-mêle, les monstres terrifiants qui ont hanté les cauchemars des enfants et des rois et auxquels la foi de Georgina a transmis ni plus ni moins que... la grâce !

20 mars 2022

VERTIGE : LA PASSERELLE DE LA GARE

Lorsque Marie-Annick B. et ses quatre frères venaient voir leur grand-mère, rue Albert Martin, derrière la gare, à Rennes, toute la famille commençait par s'extirper de la 2-chevaux familiale, mythique et bordélique, en un mot "famélique".

Le père, la mère et les enfants B. franchissaient les marches du perron, sonnaient, puis entraient. Un peu plus tard, tout le monde ressortait et s'en allait à pied faire un tour au Thabor. Pour s'y rendre, on empruntait la passerelle qui traversait au-dessus des ateliers SNCF et des voies de chemin de fer.

22 03 13 Passerelle de la gare (Louis Melou)
Photo de Louis Mélou empruntée ici

Au début, on ne voyait rien sur cette passerelle, deux murs faits de plaques de fibrociment, le sol goudronné sur lequel les enfants couraient ou tapaient du pied, pour faire résonner le bruit métallique de leurs pas. Au bout il y avait un coude et, à la nuit tombée, des exhibitionnistes, disait-on, y rôdaient. Mais avant d'atteindre le coude, quand Marie-Annick arrivait en courant, quand elle débouchait en pleine lumière , c'était le vertige : elle se retrouvait en plein ciel, dans la lueur vive du soleil au travers des grilles à barreaux verts. En dessous, des tas de mètres plus bas, il y avait les trains qui passaient. À cette époque-là, il y avait encore des locomotives à vapeur et, quand elle arrêtait sa course, pour mieux savourer son vertige, elle collait son nez sur le grillage, se prenait toute la fumée dans les narines et les escarbilles dans les yeux parfois. Et puis, il y avait cette odeur de gravier chaud qui montait d'entre les rails, en fait l'odeur d'amine des ateliers.

Le reste du parcours se faisait sans courir, à petits pas de funambule sur cette passerelle étroite, étroite comme un fil d'acier que le progrès a fini par couper.

Il paraît que je l'ai empruntée, moi aussi, cette passerelle. Mais moi, qui suis pourtant très sujet au vertige, je n'en ai gardé aucun souvenir. Les Rennaises, les Rennais se la rappellent peut-être encore. Peut-être pas. La vitesse à laquelle les lieux de notre vie disparaissent dans l'oubli a quelque chose de proprement vertigineux.


N.B. On peut la voir également ici : http://www.wiki-rennes.fr/La_passerelle_de_Quineleu

9 janvier 2022

ELLES SONT VENUES TAMBOUR BATTANT

2022 01 09 vipere-poing-1971-T-GLMdiv

Quand l’oncle d’Amérique a passé l’arme à gauche,
Au moment d’l’héritage,
Au moment du partage,
On a ressorti les trucs moches.
On a retourné les sacoches,
Vipère au poing – sacrée Folcoche ! - ,
On a vidé les lessiveuses,
On s’est traités d’ morveux, d’morveuses,
On a sorti le chien de sa chienne,
Fait pousser le chiendent d’la haine,
Evoqué les brouilles d’autrefois,
Mangé la vengeance en plat froid.

Les neveux ainsi que les nièces
Allaient bientôt se mettre en pièces
Et tout allait dégénérer
Quand le notaire a déclaré :

« Avant de lire le testament
Je vous propose un lavement ».

2022 01 09 Régiment de Tambours de machines à laver

Dès lors le 1er régiment
Des machines à laver les affronts, les tourments
Et la cinquième batterie des enzymes gloutons
Entreprirent de soigner les plaies des banderilles
Que l’on s’était planté·es à propos de Tonton

Elles sont venues tambour battant
Laver le linge sale en famille
Et c’est depuis ce temps
Qu’à Eylau le soleil brille
Et qu’on trouve austère Liszt lorsque Mozart est là

« Le testament dit qu’à Vérone
Votre oncle aima une matrone
Et qu’il y a si bien vécu
Qu’il lui lègue tous ses écus ».

Alors la famille apaisée
Jugea mais un peu tard qu’elle était bien baisée.

Chacun sortit de là complètement lessivé
Mais la nature, hélas, les fit récidiver :


Sous le balcon de tante Juliette
On alla pousser chansonnette

On se bouscula pour la place
De promu·e dans les bonnes grâces

2022 01 09 Polichinelle Mr_Punch_1890-800x800-1601997531

Et quand la tantine a mouru
Polichinelle est apparu ;
Il a gratté sa mandoline
Et chanté : « Une petite machine ? »

Dès lors le 1er régiment
Des machines à laver les affronts, les tourments
Et la huitième brigade d’Ariel Omo Ala
Entreprirent de soigner les plaies des banderilles
Que l’on s’était planté·es à propos de Tata.

Elles sont venues tambour battant
Laver le linge sale en famille
Et c’est depuis ce temps
Que par-dessus les rues de toute l’Italie
Sèche le linge au soleil et que c’est très joli.

2022 01 09 Burano

24 juillet 2021

99 DRAGONS : EXERCICES DE STYLE. 64, Citations latines

99 dragons 64 ia_0512_the-real-story-behind-st-george-and-the-dragon-final réduite- Si j’en crois votre curriculum vitae, balance le roi en regardant Georges de Lydda droit dans les yeux, vous êtes le nec plus ultra en matière de tronçonnage d’occiput ? Le primus inter pares des diplômés de dézingage de griffus ?

- Je suis en effet docteur honoris causa de l’Université de charcuterie de Lugdunum. Et j’ai toutes mes U.V. du cursus de boucherie artisanale du Colisée de Rome. Je débarrasse sur demande de tout objet de ressentiment, qu’il soit unique ou non.

- C’est très bien parce que, voyez-vous, nous autres, hic et nunc, on a un dragon sanguinaire à éliminer. J’imagine que votre prestation n’est pas gratis pro deo ? Ca nous coûtera combien, grosso modo ?

- Le montant est inscrit sur cette facture.

- Ah oui ! Quand même ! Ca fait cher du Deus ex machina, votre entreprise de dératisation ! La conversion de tout mon peuple à votre religion, ce n’est pas rien !

- Il est normal que chacun paie de sa personne. Vous êtes en guerre. Votre populace va avoir son lot de panem et de circenses : je leur offre un spectacle de cirque en vous tirant de la panade. Je vous débarrasse qui plus est d’une persona non grata et c’est moi qui prend tous les risques. Tel est le pretium doloris !

- La douloureuse est très précise, en effet !

- Si vous aviez eu une armée correcte commandée par un capitaine ad hoc, vous auriez pu le dégommer sans faire appel à moi, ce dragon !

- Ce n’est pas auprès de vous que je vais faire mon mea culpa. Voilà, je contresigne. Allez faire votre sale besogne. La bête est au pied des remparts Sud, extra muros, dans le champ du père Manganate.

***

99 dragons 64 st-george-and-the-dragon-louise-udovichLe dragon faisait bien, in extenso, dix-huit mètres de long. Il ressemblait à une fourmi géante et avait un beau chapeau sur la tête. Un insecte carnivore gigantesque qui bouffait brebis, agneaux, moutons, béliers et tous les animaux ejusdem farinae, id est nourris aux farines animales, y compris les vaches folles qui meuglent « Habemus papam !» quand elles voient s’élever la fumée blanche des locomotives qui peuplent leurs rêves emplis de civilisations futuristes.

Un insecte devenu obèse à force de boulotter, du genre qui tangue à chaque pas, qui fluctuat nec mergitur mais c’est tout juste, Auguste ! Un bestiau pas très longiligne, juché sur un vélo instable avec un maillot Festina lente, qui se hâte lentement vers le wagon–restaurant des rêves bovins précédemment évoqués.

Le vulgum pecus s’enfuit à la vue de ce monstre couillu car « duos habet et bene pendentes » et, de facto, comme a écrit le grand fabuliste Jacobus Chiracus dans son traité « Abracadabrantescus pschitt pschittum », « quand ça lui en touche une sans faire bouger l’autre », ça fait un bruit abominable qui fait se barrer sine die même les durs d’oreille. Et je ne vous parle pas de son odeur, un parfum sui generis qui dissuade tout un chacun de réclamer un référendum sur la nécessité ou non de jouer « Oedipus rex » au sauna.

Mais quid, ce jour ? Voici un homme plus blanc que blanc – Ecce homo ! – qui s’avance sans se pincer le nez en direction de Brutus – dans cette version le dragon s’appelle Brutus - , sans péter de trouille, une espèce d’inconscient qui semble ne pas connaître ni « memento mori », ni « vulnerant omnes ultima necat » (Souviens-toi que tu es mortel, que toutes les heures blessent et que la dernière tue !). Un gars qui a du courage dans son vademecum ?

Que vient dégoiser ici cette vox clamans in deserto ? Brutus écoute le fourbi urbi et orbi de ce mal dégourdi. O sancta simplicitas ! Qu’est-ce qu’il me veut donc, lou saint-Ravi de la crèche ?

- Vade retro, Satanas, ! Sursum corda ! (Casse-toi, pauv’con, ou j’te fais traverser la rue haut les cœurs !).

99 dragons 64saint-georges-combattant-le-dragon-originalStricto sensu, Brutus qui n’a pas fait latin 3e langue n’entrave que couic au baratin de cuisine du gonze mais il comprend bien l’esprit « asinus asinum fricat » de la diatribe.

- Je vais frotter cet âne et lui tirer les oreilles ! menace l’importun.

- Si vis pacem, para bellum ! Si tu cherches la castagne, dis-toi bien que je ne vais pas te foutre la paix !

- Je vais t’envoyer dans le sanctus sanctorum ! Qui bene amat, bene castigat !

- Et moi tu vas voir comme j’aime bien sortir de mes aragonds pour t’encoller une pastille !

Et puis, parce qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil (nihil novi sub sole), parce que bis repetita placent (vous vous êtes déjà envoyé soixante-trois fois le film mais une petite redif ne fait jamais de mal), parce que le lieu n’est pas ici du ne varietur mais qu’au contraire l’heure est celle du mutatis mutandis, (parce qu’on ne prône pas ici les valeurs de l’immuable mais au contraire le plaisir induit par le changement d’herbage qui réjouit les dévots), parce que Saint-Georges et le dragon n’ont visiblement pas le même modus vivendi (ils ont des avis divergents sur le tempo du concerto RV 315 de Vivaldi surtout quand c’est Nigel Kennedy qui mouline) arrive le moment tant attendu où l’action prime sur les mots.

2d34b88c633df5fd31b13cf5dcb3dc4e--st-geroge-san-jorgeLe légionnaire déloge manu militari le squatter de Libye : d’un méchant coup de lance dans le poitrail (il lui met son pilum dans le sternum comme on dit chez René Goscinnix) il l’envoie ad patres en étalant sa science des latines sentences par-dessus le silence de la bête crevée dont redouble d’un coup l’horrible pestilence.

- Veni, vidi, vici ! Vae victis ! In cauda venenum. Sic transit gloria mundi. Amen ! De profundis. (Je suis viendu, je t’a vu, j’t’a mis mon pied au cul, j’porte malheur aux vaincus, je suis comme un scorpion, j’ai du poison dans la queue et si Gloria Lasso a tué ses treize maris elle a fini un jour comme ça qu’elle a péri elle aussi. Mes propos ne sont pas très amènes mais ils ne manquent cependant pas de profondeur).

Puis, se tournant vers la populace :

- Et maintenant, amis, buvons ! (Nunc est bibendum, amici ! In vino veritas, Bonum vinum laetifiat cor homini ! Et vice-versa ! (La vérité est dans le vin, le bon vin réjouit le cœur de l’homme et lycée de Versailles : l’honnête homme a à cœur de boire du bon vin). Carpe diem et lapin noctem ! (Finis tes histoires en queue de poisson le jour et tu deviendras chaud lapin la nuit !).

8 juin 2021

LETTRE OUVERTE A MICHEL-ÉDOUARD L.

Mon cher Michel-Edouard

Michel Houellebecq et moi-même te remercions des efforts que ton équipe et toi-même accomplissez pour que « le monde d’après soit identique à celui d’avant mais en pire ».

Je n’ai absolument rien à redire sur la succursale de ton enseigne où je me rends tous les lundis matins afin de remplir mon frigo et mes placards de victuailles qui nourriront nos estomacs pendant la semaine. Depuis bientôt vingt ans que j’habite à proximité d’icelle jamais rien de fâcheux ne m’est arrivé en ce lieu. Je mets de côté le fait que nous ayons dû patienter une heure avant de passer en caisse un certain lundi de mars 2020 mais c’était celui du début du confinement et nos contemporains étaient venus remplir leur caddie ® de papier hygiénique et de pâtes par kilos entiers en vue de tenir un siège… qui dure encore.

Aujourd’hui, cher Monsieur L., je suis allé, après mes courses alimentaires, faire un tour dans le magasin où tu vends des produits jugés non-essentiels par notre gouvernement. Je n’ai pas trouvé de livre, de disque, de CD ou de DVD qui m’intéressât au point de ressortir ma carte bleue. Ma maison est déjà bien pleine de ces objets culturels que j’ai achetés par le passé à la FNAC, chez Odyssée, chez OCD et même parfois ici, chez toi.

Je suis donc ressorti du magasin tel que j’y étais entré, avec mon panier de victuailles, mon petit sac à dos accroché aux épaules et ma casquette de golfeur qui n’a jamais touché à un club en soixante ans d’existence. Même pas à l’envers, la gapette, ce qui à priori, ne me fait ressembler en rien à un rappeur des cités sensibles.

Le croiras-tu, Michel-Edouard de mon cœur ? Le portique antivol de ta boutique n’a pas sonné ! C’est normal du reste. Citoyen respectueux des lois et de santé encore convenable, je ne promène pas encore de pacemaker intégré et je n’ai pas pour habitude de dérober illégalement des biens que je peux tout à fait payer de ma poche. Sans être millionnaire et même en étant retraité je gagne correctement ma vie et suis assez sage pour ne pas prendre le risque d’aller en prison, d’aller directement en prison sans passer par la case départ ni toucher frs 20.000.

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Mais il se trouve que derrière le portique il y avait ton agent, le vigile Longtarin. Il m’a gentiment intimé l’ordre de lui présenter pour la fouille le panier empli de fenouil, champignons, rillettes de thon, gaufrettes pralinées et crevettes emballées par ton poissonnier, Monsieur Ordralfabétix. J’ai aussi ouvert à sa demande mon sac à dos afin qu’il constate la présence à l’intérieur d’une boîte de cassoulet, d’un litre de lait et d’une bouteille de 33 cl de bière belge, une Corsendonk rousse pour ne pas la nommer, et surtout l’absence du disque de Rosemary Standley «Schubert in love» que je te recommande vivement bien que depuis avril, je ne l’aie jamais vu dans les bacs de ton étage à disques.

J’ai bien craint un instant que ton employé zélé ne cherche à vérifier si je n’avais pas caché un vinyle de Neil Young à l’intérieur de mon slip ! Un slip de sexygénaire est un endroit suffisamment vaste pour qu’on puisse y dissimuler un objet de 30 centimètres de diamètre, non ? Dieu merci, sa suspicion à mon égard n’est pas allée jusque-là !

Il m’a poliment remercié. Je n’ai pas ajouté un mot puisque je n’en avais pas prononcé un seul. Je lui avais déballé mes affaires dans un silence qui confinait à l’obéissance solidaire. J’avais pensé, tout au long de cette interpellation : « Je ne vais pas te chercher des crosses, camarade prolétaire ! On te fait faire un drôle de métier pour gagner ta vie mais je ne vais pas t’engueuler pour l’irrespect que tu me manifestes en me soupçonnant de malhonnêteté. Je comprends bien que c’est du pauvre Michel-Edouard qu’il s’agit. Il faut le protéger de la ruine dont le menacent les gangs de papys kleptomanes, de mamies chouraveuses, de ces septuagénaires pillard·e·s en bande organisée qui ne font rien qu’à l’embêter dans l’exercice de son petit commerce ».

J’ai refermé mon sac à dos, ramassé le petit panier qui me donne l’air d’un con comme dans la chanson « Marinette » de Georges Brassens et je suis rentré à la maison ranger tout cela dans le réfrigérateur et les placards idoines.

Et puis je me suis dit que les occasions de rire en faisant un bon mot sont assez rares et que ce petit incident méritait bien une lettre ouverte. Tu avoueras comme moi, mon cher Michel Edouard, que toi non plus, celle-là, tu ne l’as pas volée !

Ton pas bégueule ami et toujours client pour autant

Joe Krapov

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