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Mots et images de Joe Krapov
20 mars 2022

VERTIGE : LA PASSERELLE DE LA GARE

Lorsque Marie-Annick B. et ses quatre frères venaient voir leur grand-mère, rue Albert Martin, derrière la gare, à Rennes, toute la famille commençait par s'extirper de la 2-chevaux familiale, mythique et bordélique, en un mot "famélique".

Le père, la mère et les enfants B. franchissaient les marches du perron, sonnaient, puis entraient. Un peu plus tard, tout le monde ressortait et s'en allait à pied faire un tour au Thabor. Pour s'y rendre, on empruntait la passerelle qui traversait au-dessus des ateliers SNCF et des voies de chemin de fer.

22 03 13 Passerelle de la gare (Louis Melou)
Photo de Louis Mélou empruntée ici

Au début, on ne voyait rien sur cette passerelle, deux murs faits de plaques de fibrociment, le sol goudronné sur lequel les enfants couraient ou tapaient du pied, pour faire résonner le bruit métallique de leurs pas. Au bout il y avait un coude et, à la nuit tombée, des exhibitionnistes, disait-on, y rôdaient. Mais avant d'atteindre le coude, quand Marie-Annick arrivait en courant, quand elle débouchait en pleine lumière , c'était le vertige : elle se retrouvait en plein ciel, dans la lueur vive du soleil au travers des grilles à barreaux verts. En dessous, des tas de mètres plus bas, il y avait les trains qui passaient. À cette époque-là, il y avait encore des locomotives à vapeur et, quand elle arrêtait sa course, pour mieux savourer son vertige, elle collait son nez sur le grillage, se prenait toute la fumée dans les narines et les escarbilles dans les yeux parfois. Et puis, il y avait cette odeur de gravier chaud qui montait d'entre les rails, en fait l'odeur d'amine des ateliers.

Le reste du parcours se faisait sans courir, à petits pas de funambule sur cette passerelle étroite, étroite comme un fil d'acier que le progrès a fini par couper.

Il paraît que je l'ai empruntée, moi aussi, cette passerelle. Mais moi, qui suis pourtant très sujet au vertige, je n'en ai gardé aucun souvenir. Les Rennaises, les Rennais se la rappellent peut-être encore. Peut-être pas. La vitesse à laquelle les lieux de notre vie disparaissent dans l'oubli a quelque chose de proprement vertigineux.


N.B. On peut la voir également ici : http://www.wiki-rennes.fr/La_passerelle_de_Quineleu

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Commentaires
A
la dernière fois où j'ai eu le vertige, c'était au très très plat pays de Poperinge: pour visiter le musée du houblon, tu dois prendre un ascenseur et commencer par le 3e étage mais quand tu sors de l'ascenseur, PAF! sans prévenir tu te vois en haut d'une passerelle, à des tas et des tas de mètres du sol, tu aurais dû me voir "flageoler" jusqu'à la porte de la salle à visiter, tout là-haut, là-haut ;-)
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W
Quand j'étais jeune, je n'étais pas sujet à ce phénomène, c'est venu avec l'âge (particulièrement le jour où je suis monté en haut du piédestal de la statue du Christ-Roi à Lisbonne avec mes collègues britanniques :<br /> <br /> https://media.routard.com/image/68/3/pt114080.1322683.w430.jpg
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