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Mots et images de Joe Krapov
18 juin 2022

99 DRAGONS : EXERCICES DE STYLE. 72, Anglicismes

Elle n’est pas belle, la life ? Le week-end s’annonçait cool. Le temps était du genre caniculaire, à nous faire supporter d’enchaîner drinks et cocktails à la garden-party, de griller, en bermuda à couleurs kitsch, des steaks maousses sur le barbecue ou même d’arpenter un green si on se sentait courageux, dandy et snob. Mais pas de match de tennis, please ! Trop hot ! Trop speed de courir derrière la balle jaune ! Trop usant, les aces !

tregor-motoculture anonymisé

On allait fermer le snack quand un clown en jean et baskets a garé son spider sur le parking. Puis il est venu s’affaler au comptoir et a réclamé un banana-split à la barmaid. Il avait un joli look de supporter du Roazhon Park, d’amateur de hot-dogs et de galettes-saucisses plus que de pratiquant régulier de ce sport de gentlemen qu’on nomme le football. Ou alors son allure était celle d’un testeur de bière en micro-brasserie. Ou d’un ambassadeur du Gault et Millau chargé de tracer un viaduc entre tous les pubs de Bretagne sans modération. En même temps, comme dit Macron, c’était peut-être aussi juste un geek de la start-up nation. Sa carrure était celle d’un bûcheron et il arborait par-dessus son gros ventre un tee-shirt de « Trégor motoculture ». Sponsorisé par le boss de la tronçonneuse lannionnaise, le bad boy !

La Miss la lui a servie, sa glace à la Chantilly façon Lio, non sans lui signifier que ce n’était plus le moment de l’happy hour et qu’on allait procéder à la fermeture du drugstore. Le client est le king ici mais y a une deadline pour la sujétion. Un temps pour tout y compris pour dire stop au job. On n’aime pas trop le burn-out par ici. Je suis un manager libéral mais pas que.

- Ouais, ouais, on dit ça, qu’il a dit la brute épaisse. Moi je le crois pas. C’est que des fake-news, tout ça. Du bluff !

Une fois qu’il a eu englouti son ice-cream il s’est approché de notre antique juke-box et il a consulté la playlist à l’ancienne.

DDS 720 Hurricane

- Comment ? Vous avez le single de « Hurricane » de Bob Dylan ? Je veux l’entendre ! Qu’est-ce qu’on met comme pièce dans votre machine ?

- On ne met pas de pièces, monsieur.

- C’est quoi alors le business model ?

- Il est cassé, monsieur. C’est pour le fun. Décoratif, si vous voulez. C’est vintage.

- Désolé de faire le forcing mais je ne quitterai pas ces lieux sans avoir entendu « Hurricane »sur ce pick-up.

Georgia se tourna vers moi avec l’air désespéré de John Lennon pétant sa corde de mi aigu au moment d’interpréter le solo de « Help ».

- J’ai un très joli smartphone avec lequel je peux aller chercher le morceau sur Spotify et en utilisant les baffles…

- Moi aussi, tocard, j’ai ça ! OK ! Vous savez quoi ? Il me plaît bien votre fast-food ! Je crois que je vais m’y installer et en faire mon camping de base. Tant pis si votre baby-foot à musique est nase. La pom pom girl a de beaux airbags et les sandwichs ont l’air appétissants. Vous m’installerez un cosy corner dans le living-room. Je vais faire un super sit-in ici, mon gars. T’appelleras ça du racket si tu veux mais...

DDS 720 Million dollar babe- Monsieur ? intervint Georgia.

Le type, qui m’avait agrippé par les revers de mon smoking et balancé son sketch de stand up les yeux right in the eyes, comme s’il allait ponctuer, au finale, son talk-show d’un coup de boule façon Zidane à Materazzi, me lâcha d’un coup et se tourna vers la Miss.

- Ça c’est pour le respect des trente-cinq heures de travail hebdomadaire ! Elle lui balança un premier uppercut qui lui fit éclater son bridge au-dessus de l’eau trouble de la vaisselle.

- Ça c’est de la part des Pom pom girls ! Un deuxième uppercut lui éclata le pif.

Le gars prit encore quelques mandales et s’écroula, knock-out.

- Bravo, Million dollar baby ! Ca lui apprendra a s’en prendre à la championne régionale des poids légers de boxe anglaise. Tu l’as bien customisé, le biker !


***

On l’a sorti sur un brancard, le kidnapper de rade freelance qui venait de subir un lifting gratuit en se faisant simplement remonter les bretelles. On l’a plié en trois et mis dans le coffre de son dragster. On n’est pas chiens, on est fair-play, même. On l’a emmené aux urgences au C.H.U de Pontchaillou et on a prévenu l’accueil qu’il y avait un auto-accidenté dans le coffre d’une bagnole achetée en leasing dont les warnings clignotaient à tout rompre sur le no man’s land de la rampe d’accès à leur club select.

Après, pour Georgia, je ne sais pas mais pour moi le week-end a été cool. Open bar, filles sexy, slows langoureux, jackpot au casino, la routine, quoi.

Non, en fait je déconne, j’ai juste terminé mon puzzle de 1000 pièces dont le modèle est le tableau « Les Patineurs » de Wiliot.

Ca me plaît beaucoup, moi l’inaction, le rocking-chair, la non-violence. Ça ou autre chose... Je suis très peace and love comme garçon !  De toute façon la life est toujours belle dans les best-sellers que j’écris à destination de moi tout seul !

DDS 720 Les Patineurs de Wiliot

 

Ecrit pour le Défi du samedi N° 720 d'après cette consigne : Knock-Out (K.O.).

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