Finalement, c’est très bien, le confinement ! On lit, on regarde ses dévédés, on fait du jogging ou du vélo ! On observe les gens abrité derrière un masque sans qu’ils puissent vous juger sur la mine ou voir si vous vous êtes rasé ou pas ce matin !!
On se retrouve chez soi avec des tas de fantômes mais tous les Parisiens qui causent dans le poste ne semblent pas avoir plus de matérialité que vos propres ectoplasmes – sauf quand ils vous envoient les flics afin de contrôler que vous ne faites pas de jogging à plus d’un kilomètre de chez vous -.
Entre mars et mai je me suis quand même bien démené – sans apéros-Skype ni réunions-Zoom - pour maintenir du lien social avec l’atelier d’écriture de Villejean et les M’A2R1 d’O douce et j’ai repris très vite contact à partir du 11 mai avec Am’nez zique et les Biches.
Mais j’ai chopé aussi une vieille fatigue au sortir de cette période : mes complices joueurs d’échecs ont jeté l’éponge, nous n’avons pu organiser qu’une toute petite fête de la musique, les chanteurs et chanteuses de l’A2R1 s’étant égaillé·e·s-égayé·e·s dans la nature, et surtout j’ai perdu le goût de participer au Défi du samedi.
J’essaie de résister à cela mais c’est dur. Trop occupé par mes voyages dans le temps, ma chasse aux belles images et mes archives de Neil Young, le chanteur pour poulaillers d’acajou.
Et en plus parfois, ça ne veut vraiment pas.
Par exemple, pendant le trajet de voiture vers Lannion j’ai écrit quelque chose sur la confiture (Défi n° 616 du 13 juin 2020). « Chouette ! » me suis-je dit, j’ai emmené mon nouvel ordi-tablette, je vais pouvoir le taper et l’envoyer dans les délais impartis depuis ce Trégor si cher à l’oncle Walrus.
Sauf que pour utiliser le Word qui est dessus, il faut être connecté ! Ok, j’emprunte les codes WIFI de notre hôtesse et je commence, entre deux piapiatages, à taper mon délire. Puis je m’aperçois que ça ne va pas être coton de l’envoyer : j’ai oublié d’emmener le mot de passe qui donne accès à mon webmail. Tant pis, je demanderai à Marina B. si elle connaît les siens par cœur.
Après quelques parties décevantes de « Six qui prend », un jeu qui ne laisse pas place à la stratégie, finalement, quand on applique ses règles stricto sensu, nous allons passer une bonne nuit, bercés encore par l’écho du bruit de la pelleteuse qui a retourné le jardin du voisin tout l’après-midi.
Le lendemain matin, je vais faire mon jogging local. La pelleteuse est déjà à l’ouvrage. Quand je reviens, elle a terminé sa besogne.
Puis sur le coup de dix heures, quand ces dames sont prêtes, nous descendons faire un tour en ville. Mais avant de nous mettre en chemin vers l’étape Gwalarn, l’arrêt obligatoire à LA librairie du lieu, il y un mémorable épisode de soufflage dans les bronches de l’artisan-aménageur de territoire.
C’est qu’on ne soulignera jamais assez le zèle et la délicatesse des déménageurs bretons, des pêcheurs du Guilvinec ("Sarkozy ! Encorné !") et surtout des pelleteurs lannionais réunis. Ces gougnafiers-là se sont barrés sans prévenir leur patron – c’est lui qui était là et a pris la gueulante en pleine tronche– ni la voisine, c’est-à-dire Madame Anita, qu’ils avaient haché d’un coup de pelleteuse bien placé le fil téléphonique qui reliait sa petite maison au village mondial !
Bien entendu Orange n’est pas venu réparer dans les délais promis, à savoir avant le samedi soir.
Désolé, cher oncle, quand ça ne veut pas, ça ne veut pas !
- Qui dira le côté tristouille De ce fil coupé qui pendouille ?
Je veux dire le slam du wigwam, Déclamer le blues du papoose, Crier les mots des maux des squaws Et jeter l’anathème du totem Sur l’oncle Sam, c’est-à-dire nous, Colons d’Europe, Espagnols gnols, Irlandais affamés de la ruée vers l’or, Anglais bouffis de l’eau de feu, Français trafiquants d’armes, Saxons envahisseurs, Le fusil toujours prêt A saisir des terres nouvelles.
Peu importe l’amer Indien ! L’histoire l’appellera « sauvage », Nous lui amènerons la civilisation, Qu’il le désire ou non, S’il le faut au son du canon !
Nous avons dérobé toutes les ruses des Sioux, Anéanti les Mohicans jusqu’au dernier Car nous n’étions Pawnees de la dernière pluie.
Nous avons semé le tonnerre à l’ouest, Nous les avons poussés sur le sentier des larmes Et sur le territoire de leurs tribus fantômes Nous avons avancé le grand cheval de fer, La caravane, la diligence, le fil qui chante, Posé des barbelés sur la prairie Dicté la loi du 20e de cavalerie.
La ville se construit en dur, C’est le progrès ; Il faut savoir tourner, l’Apache, Les westerns d’Hollywood Où tu tombes du cheval, Pagaies en canoë vers ton destin fatal D’anéantissement total.
Je voulais crier le slam du wigwam Déclamer le blues du papoose Dire les mots des maux des squaws Et jeter l’anathème du totem Sur l’oncle Sam Mais mon souffle tourne court, Ma fièvre redescend : Le postillon de mon discours N’est absolument pas viral Et ne peut pas grand-chose contre l’état dictatorial Du mouvement capital A part ceci, très dérisoire, Que j’applaudis tous les soirs Son arrêt provisoire à la station « Bazar » Et que je rêve de planter Un jour ou l’autre, en Normandie, Mon tipi !
Cette semaine j'ai visionné une longue vidéo sur laquelle un vieux Canadien confiné dans un ranch reprend des chansons de Neil Young. Ce qui m'a beaucoup amusé c'est l'utilisation qu'il fait, sur les images du début, de ce dont j'abuse souvent ici : des effets créatifs bizarroïdes du genre Nikon D 3300.
Après, c'est très sympa, même si un peu mou du genou. Il sort sur sa terrasse et chante "Sugar mountain" sous la neige, en tournant le dos à sa compagne qui filme sa prestation.
Musicalement, il se débrouille bien, le bougre, c'est assez fidèle à l'original même si la voix est un peu faiblichonne - mais je n'ai rien à dire à ce sujet quand je m'écoute ! - et le gars a installé un chevalet porte-harmonica bien pratique pour jouer du ruine-babines !
Ca se trouve ici, ça s'appelle "Fireside sessions II" si vous avez envie de voir. En fait ça a déjà disparu ! C'est remplacé par "Fireside sessions III" qui est très bien aussi (surtout la promenade du chien !).
J'ai trouvé également sur son site web une vidéo inédite de Neil Young avec un joli son sur les soli de guitares de "Country home" (titre tiré de l'album "Ragged glory").
Du coup j'ai entrepris de traduire-trahir les paroles de cette chanson en m'inspirant de la vidéo précédente !
On peut même la chanter sur le même air ! Ca s'appelle un timbre ou une goguette comme il en fleurit tant en ce printemps confiné ! D'ailleurs, tiens, dès que j'ai un creux dans mon planning je l'enregistre !
Maison de Campagne (Country Home) Neil Young ; traduction-trahison de Joe Krapov
Dans ma maison à la campagne Je suis le plus heureux des bûch’rons Confiné avec ma compagne Je chante mes chansons
Si je n’ai rien contre la ville Où l’on gagne sans doute plus de pèse Ici la vie est plus tranquille Et le chant des oiseaux m’apaise
Loin des sourires des stratèges Et de l’agitation incessante Je sors dehors, vais sous la neige, Je suis heureux, je chante
Je vais marcher sur les chemins Retrouver ma vie intérieure Ne plus songer au lendemain Oublier mes peurs
Que le bonheur soit temporaire Que le monde fasse naufrage Nous n’en sommes que locataires Papillons de passage
Moi j’ai trouvé dans la forêt De quoi nous chauffer jusque tard Près du feu dans la cheminée Je joue de la guitare
Dans ma maison à la campagne Je suis le plus heureux des bûch’rons Confiné avec ma compagne Je chante mes chansons.
« Oh l’emplumé, lui, eh ! Il n’a même pas écrit «emplumé·e» ! On ne va même pas pouvoir parler de Pocahontas ni de Zizi Jeanmaire à qui ce mot fait tout de suite penser. Enfin, ceux qui ne sont Pawnees de la dernière pluie !
D’autres ne vont peut-être pas s’en priver. A la fin de ce Défi du samedi vous saurez tout, tout, tout sur la Zizi et sur son tube, «Mon truc en plumes» dont les paroles sont de Bernard Dimey, un plumitif de la Marne dont je vous recommande l’œuvre intégrale et surtout les quatre recueils de chansons et poèmes parus aux éditions Christian Pirot.
Sur Pocahontas je ne sais rien sinon que Neil Young parle d’elle dans sa chanson homonyme où l’on entend «Marlon Brando, Pocahontas and me».
Alors donc inventaire d’emplumés masculins ce jour !
Ca commence très loin dans le passé avec « Hiawatah le petit Indien » dans la bibliothèque rose. C’est de Walt Disney d’après Henry W. Longfellow.
Ca se poursuit avec Petit Caniche dans la bande dessinée Chick Bill de Tibet. Et aussi avec Tempête rose, définitivement le meilleur album de cette série mais elle c’est une femme donc ça ne compte pas. (Mon oncle W. me fait écrire de ces choses, parfois !). En plus elle est blanche ! (Zut, j’ai spoilé le pitch !).
Il y avait aussi dans le journal « Tintin » « La Tribu terrible » de Gordon Bess.
J’ai vérifié pour Yakari. Cette bande dessinée suisse de Derib est parue aussi dans le journal de Tintin.
Dans la télévision en noir et blanc des années 50 et 60 il y a eu Aigle noir, seul Américain natif à défendre sa cheyenne de vie et son territoire contre tous ces migrants venus de l’Est : Josh Randall, Rintintin et Rusty, Davy Crockett, John Ford, John Wayne, Raoul Walsh venus faire leur cinéma guerrier chez des gens qui n’avaient rien demandé. Franchement, d’Iroquois je me mêle ?
Moins connu certainement, Loup noir, dessiné par Kline et scénarisé par Jean Ollivier dans Pif gadget, tient une place bien à part dans mon panthéon personnel.
De même qu’Oum Pah Pah de Goscinny et Uderzo. Mais bon, un Sioux c’est un Sioux et face à tous ces livres perdus depuis que les horribles sœurs Tatin ont pris le pouvoir et interdit la lecture sur papier il faut savoir tourner l’Apache !
J’aurais pu aussi vous évoquer le « Ralliez-vous à mon panache blanc » de notre bon roi Henri IV mais on n’est pas vraiment sûr qu’il ait prononcé cette phrase ni qu’il ait dit « Elémentaire mon cher Sully » à son ministre ou «Tu t’y prends comme un Comanche !» au secrétaire qui taillait ses plumes juste avant qu’il signât «Lady de Nantes» le manuscrit de son best-seller «Paris vaut bien une promesse».
Autre emplumé célèbre à s’agiter dans ma mémoire, le Quetzalcóatl ou serpent à plumes d’Amérique du Sud que j’aime à imaginer sur les pentes du Popocatépetl (pourquoi je retiens tous ces noms idiots, moi, dites-moi un peu !).
Mais si on aborde l’ornithologie on n’a pas fini : du paon de Junon à la colombe de Picasso, du « petit oiseau de toutes les couleurs » de Gilbert Bécaud à «l’Aigle noir» de Barbara on va encore me voler dans les plumes parce que mon texte est trop long à lire.
Alors faisons court et évoquons – je l’ai gardé pour la bonne bouche et pour la place idoine – «Le Dernier des Mohicans» de James Fenimore Cooper.
Je n’ai de toute façon pas le temps d’en ajouter : je pose ici ma plume et boucle ma valise pour m’en aller fumer le calumet de la paix hivernale sur les rivages du Trégor.»
***
Dieu merci dans cet univers-ci où les sœurs Tatin n’ont pas pris le pouvoir et des mesures coercitives notre oncle vénéré a bien usé de l’écriture inclusive pour nous permettre de parler de "Frida Oum Papa" et de son beau chapeau tyrolien !
P.S. Il y a deux autres emplumés du Far-West dont j’ai oublié les noms. Je ne sais même plus dans quel album de Lucky Luke ils apparaissent. Ce sont les deux tricheurs qui finissent toujours chassés de la ville, portés sur un rail et couverts de goudron et de plumes.
Donc, Vanity fair, le générique. La musique du générique. Comme elle a tourné cinq fois déjà, au rythme du "merry-go-round", dans nos oreilles, on s'en va voir, ici précisément, de quoi il s'agit. Et on est stupéfait de découvrir qu'il s'agit d'une version moderne de "All along the watchtower", une chanson de Bob Dylan de 1967, célèbre pour avoir été reprise ensuite par Jimi Hendrix.
La version de Bob Dylan :
Celle de Jimi Hendrix :
Et - bien entendu - celle de Neil Young (je ne peux pas m'en empêcher et c'est d'ailleurs celle que je préfère !).
Post-scriptum : Si vous avez une liseuse et préférez le silence de la lecture au bruit et à la fureur musicale du cinéma, sachez que le roman de W.M. Thackeray est téléchargeable gratuitement ici.
J’te joue d’l’harmonica où tu veux, quand tu veux !
Il n’y a pas plus vintage, comme instrument ! Plus personne n’en joue aujourd’hui. Les vieux fourneaux de votre connaissance vous déclareront avec la fierté de ceux qui peuvent encore citer Aznavour :
- On a connu Albert Raisner qui en jouait dans l’émission « Age tendre et tête de bois » ! Et je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître !
- Plus tard on a eu droit aux chemises à fleurs et aux élucubrations d’Antoine, le chanteur opticien. Lui ne savait jouer que deux notes sur cet instrument à bouche que les Québécois appellent « ruine-babines ». Après quoi il lançait « Oh yeah ! » et, précurseur en matière de « name dropping », il parlait d’Yvette Horner et de Johnny Hallyday qu’il souhaitait voir enfermé en cage à Médrano. Quel cirque c’était, ces années 60 !
Pour mon collègue René, l’harmonica c’est Bob Dylan. Pour moi c’est plutôt Neil Young. Pour d’autres c’est Jean-Jacques Milteau.
Non, plus personne n’en joue. Je suis le dernier à souffler-aspirer dedans par-dessus mon ukulélé. J’te joue d’l’harmonica où tu veux, quand tu veux ! C’est plus facile à transporter qu’une contrebasse !
De la guimbarde ? Non. Je n’ai jamais appris comment ça marchait. De l’Anna Karina ? Non plus. Jean-Luc Godard interdisait que l’on soufflât dedans. Je crois d’ailleurs qu’on dit « ocarina » plutôt qu’"Anna Karina".
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 27 mars 2018 d'après la consigne ci-dessous
Je n'y peux rien : j'aime écouter ce que fait ce type sans même rien comprendre à ce qu'il raconte ! Son dernier album, "Peace trail" ne cassait pas trois pattes à un canard mais j'aime bien ce morceau-là. Même si, politiquement parlant, on peut se poser la question : On est où, là ? Pour, contre, nulle part ?
Joe Krapov est poète, humoriste (?), musicien à ses heures et photographe à seize heures trente. On trouvera ici un choix de ses productions dans ces différents domaines.