Mots et images de Joe Krapov

 - Jean-Louis Jossic,

Chanteur du groupe Tri Yann.

- Salut, vieille branche !

 BRUMES DE BRUGES

Voilà. On a perdu l’habitude de ces couleurs éclatantes. On ne se souvient plus qu’on achetait des pellicules diapositives Kodachrome 25 ASA 36 poses. Des Agfa-Gevaert aussi parfois !

 Seuls le mois, l’année et un numéro d'ordre sont imprimés sur le côté blanc de la diapositive. Le cache est en plastique, blanc d’un côté, vert de l’autre. Au début, il était en carton. Les boîtes de conservation sont blanches. Elles ont été étiquetées par mes soins avec une pastille ronde collée sur le dessus. Le système de numérotation est du type D96/3 pour "Diapos ; année 1996 ; boîte n° 3". Au crayon de bois (ou au crayon à papier, selon votre âge !) est ajoutée une indication du type « Carnaval de Sablé 1996 (2) », "Bruges mars 1996", etc.

 Il a fallu ouvrir la boîte métallique pleine des négatifs de 1995 à 2002 pour voir qu’on a fait aussi, lors de ce séjour à Bruges, deux pellicules de 24 photos en noir et blanc. Il n’y a pratiquement personne sur les diapos à part les deux bonnes sœurs, les mannequins et les quatre petits vieux d’hier mais sur une des photos en noir et blanc on voit Marina Bourgeoizovna et Madame Anita qui consultent un plan ou un guide.

Ce n’est donc pas l’année où j’ai fait ces photos de nuit avec des reflets fous dont l’une, agrandie et encadrée, trône encore à ma droite sur le meuble de stockage du petit matériel de musique. Est-on allés deux fois à Bruges avec Anita ? Je lui envoie un mail pour savoir où on a dormi puisqu'on ne se le rappelle plus ? Marina pense qu’on a logé par trois fois à l’hôtel Cordoeanier. Pour moi, c'est deux. Existe-t-il encore ? Si j’arrête de dire « on » et de regarder en arrière en jouant les fragiles, ce texte cessera-t-il de ressembler à un pastiche de Philippe Delerm et Patrick Modiano réunis ?

BRUGES-LA-MORTE

De quoi donc Bruges est-elle morte ?
D’avoir bu de la liqueur forte ?

D’avoir attrapé de la fièvre
En ingurgitant du genièvre ?

A-t-elle tressé trop de tours et détours
Qui rendent impossible une épopée d’amour ?

Y est-il défendu de fréquenter la gueuse,
L’alambic et la joie de vivre des danseuses ?

Rodenbach l’a sans doute peinte un peu trop grise
Et vouée aux mânes Viscontiennes de Venise !

Ou c’est un tour pendable, affreux, irrémédiable,
Que lui joua tel Hermès le vil Robert le diable.

Peut-être a-t-elle cru cette injonction austère :
« Gis au coma ! Gis atone aux meilleures bières ! »

Ne jetons pas l’opprobre à cette ville sobre :
Elle est si belle en mars et si triste en octobre !

P.S. Je ne demande pas pardon pour cet affreux calembour sur "Giacomo Meyerbeer" qui clôture cette évocation de Bruges la Morte, roman de  Georges Rodenbach que je n'ai pas lu. Par contre j'aime bien la marche du sacre du Prophète de Meyerbeer :

Que vous soyez d'accord ou pas, je vous rajeunis de presque deux décennies et je vous emmène promener dans Bruges, un jour ensoleillé de mars, ce jour et les deux qui suivront. Sinon à quoi ça servirait que je me décarcasse à scanner des boîtes pleines de diapos, hein, je vous demande un peu ?!