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Mots et images de Joe Krapov
3 octobre 2021

EN REVENANT DE L'EXPO

Bernard Louédin - Vernissage 1997 04 19 château de Vascoeuil 4 Vascoeuil 1997

Si on avait été au vernissage d’une expo de Bernard Louédin encore, j’aurais d’avantage compris ; le surréalisme n’excuse pas tout mais il permet de planter des villes dans la fourche des arbres, de représenter le signe astrologique des gémeaux sous la forme d’un hippocampe ou de faire n’importe quoi : ajouter des moustaches à la Joconde, peindre des montres molles, des pommes sur le visage d’un pékin à chapeau melon.

Soit, la mode est aux installations. Mais ce soir-là, à une exposition de céramiques bretonnes du sieur Dodik, vous pouvez m’expliquer ce qu’il faisait, présentement, le Zoulou ?

Ce n’est pas une injure de ma part. C’était bel et bien, au sens premier, un Africain de l’ethnie zouloue, torse nu, vêtu d’un superbe pagne coloré, très élégant sous sa coiffe de plumes, et qui jouait, avant qu’on ne serve les petits fours et abreuve les visiteurs de kir royal au cidre breton, du balafon lémanète.

(Ouvrons une parenthèse en même temps que la fenêtre, qu’on respire un peu, car il fait chaud et il y a beaucoup de monde dans la galerie. Le balafon lémanète est une variante peu connue du balafon africain. Il a été inventé par deux rigolos suisses installés sur les bords du lac Léman, les sieurs Plonk et Replonk, deux grands échalas bien fêlés dont vous avez sans doute déjà entendu parler).

2122-04 Jean-Paul - Zoulou 129885688La célérité du tambourineur n’avait cependant rien de déplaisant et nul, à part moi peut-être, ne semblait regarder comme un éléphant dans un magasin de porcelaine le musicien qui hululait des mélodies de l’hémisphère Sud. Bien mieux que cela même, l’homme avait trouvé son public : une belle Hellène prénommée Hélène, une sympathique Lulu, une grande Eléonore et une petite Lili, toutes avec de jolis lolos et tout ce qu’il faut pour séduire, semblaient se pâmer d’aise lorsque le balafonise zélé reprenait le « Un jour tu verras » de Mouloudji rythmé à la façon de Johnny Clegg sur son instrument de bois. Le malabar semblait faire à ce quatuor féminin autant d’effet qu’à moi la prestation de Marilyn Monroe au ukulélé dans « Certains l’aiment chaud ».

Je ne vilipenderai personne. C’est tout sauf scélérat de s’intéresser à « Rendez-vous sur le polochon » plutôt qu’à une retransmission d’un récital de la Castafiore à la Scala de Milan, qu’à une rediffusion d’un vieux numéro de « Thalassa » à la télé ou qu’à un documentaire sur la fabrication de la colophane pour les violonistes vénitiens peints par Bernard Louédin et exposés à la galerie Visconti à Paris.

Bernard Louédin - 1997 04 19 château de Vascoeuil 3 Le Soliste de Venise

Heureusement pour mes tympans et pour ma jalousie de dragueur faisant chou blanc à cause d’un noir, tout a une fin dans la vie sauf les loulous de Poméranie qui en ont deux, le museau et la queue. Lorsque le musicien zoulou a eu terminé sa prestation digne du gala de l’Union, tout le monde s’est colloqué au bar pour enfourner les gâteries et il s’en est fallu de peu, entre les plateaux branlants, les goinfres qui pullulaient et se télescopaient en se jetant dessus avec les alcoolos pique-assiette de service, pour que tout ne parte à vau-l’eau, pour que ça ne vire à la calamité totale.

Heureusement le directeur de la galerie s’est diligenté vers le micro et, illico presto a calmé le jeu de façon impeccable en présentant Dodik qui en fait était une dame.

***

Dodik - Céramique Le Pèlerinage à Sainte-Anne

Un peu plus tard dans la soirée je me suis posé au calme devant le « Pèlerinage à Sainte-Anne ». La céramique rendait bien compte du talent de coloriste de Dodik, même si elle ne comprenait que cinq ou six teintes.

- Le sujet est tiré d’un texte de Saint-Pol Roux qui vécut en Bretagne et dédia son œuvre pèlerinagesque à Sarah Bernhardt » me confia un jeune éphèbe en polo Brassens dont la verve explicative semblait parfaitement idoine pour la page des arts de Télérama et que je soupçonnais fort d’être homo sur les bords.

Mollo, mon gars, je ne suis pas un militant LGBT ! pensai-je en voyant les rôles... inversés. C'était lui qui draguait et moi qui étais la cible !

- C’était avant que la comédienne filiforme n’abuse, de son vivant, du séjour en cercueil et ne s’amuse, avec sa jambe de bois, à frapper les trois coups qui précèdent le lever du rideau ou les quatre premières notes de la cinquième symphonie de Beethoven ? lui suggérai-je. Parmi les éléments représentés sur ce pèlerinage, on distingue quatre jolis jeunes gens qui coupent à coeur avec un couteau, un cinquième qui a oublié son opinel à la maison et cinq jeunes filles qui jouent au bridge dont une fait la morte. Faut-il voir-là la double influence de la partie de cartes de Marcel Pagnol et du «Cadavre dans la bibliothèque» d’Agatha Christie ?

Comprenant que je me payais sa fiole, l’Olivier Cena en herbe s’en fut vers d’autres horizons.

La galerie s’était vidée. Il n’y avait plus une seule louloute à l’horizon. En désespoir de cause, j’aurais bien demandé des explications de son œuvre à la Toulouse-Lautrec locale mais elle était partie un peu plus tôt, craignant que son mari ne fasse en son absence des bêtises avec Dolorès, la baby-sitter espagnole à qui elle l’avait confié.

Je n’allais de toute façon pas me rendre malade pour si peu. Moi en art, je suis un Lilliputien. Pour tout vous dire, par exemple, j’ai toujours cru que Proust était une marque de somnifère. Alors vouloir qu’on me justifie la présence d’un coq plutôt que d’un calamar dans ce tableau, autant demander au Zoulou du début de m’expliquer les règles du jeu d’awalé.

D’ailleurs lui aussi s’était barré, emmenant avec lui ses quatre admiratrices siliconées à la queue-leu-leu. Ben mon cochon ! C’est finalement un bon plan de taper sur des bambous !

***

Je crois que je n’irai plus, draguer aux vernissages ! A ce jeu de cons-là je me fais tout le temps avoir. Comme dit le proverbe bantou, «Téléski qui croyait prendre le tire-fesses !».

2021 09 29 Somnifère Proust

 

Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 28 septembre 2021

d'après la consigne AEV 2122-04 ci-dessous

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Commentaires
J
L'explication est ici : https://saspr.hypotheses.org/florilege/poemes-en-prose/les-feeries-interieures-1907/le-pelerinage-de-sainte-anne<br /> <br /> <br /> <br /> Hé ben ! Ca ne rigolait pas souvent la Bretagne en ce temps-là ! ;-)
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A
c'est vrai que c'est une drôle de céramique, il y a même un gars qui tient une jeune fille par le cou en la menaçant de son couteau, dis donc! elle en a perdu sa coiffe, la pauvrette!
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