PAN SUR TA TRUFFE !
- L'amour qui nous attache aux beautés éternelles
N'étouffe pas en nous l'amour des temporelles ;
Nos sens facilement peuvent être charmés
Des ouvrages parfaits que le Ciel a formés.
- Non, Pas du tout.
- Ses attraits réfléchis brillent dans vos pareilles ;
Mais il étale en vous ses plus rares merveilles ;
Il a sur votre face épanché des beautés
Dont les yeux sont surpris, et les coeurs transportés,
Et je n'ai pu vous voir, parfaite créature,
Sans admirer en vous l'auteur de la nature,
Et d'une ardente amour sentir mon coeur atteint,
Au plus beau des portraits où lui-même il s'est peint.
- En fait, là, je n'ai pas le temps. Et même tu me déranges.
- D'abord j'appréhendai que cette ardeur secrète
Ne fût du noir esprit une surprise adroite ;
Et même à fuir vos yeux mon coeur se résolut,
Vous croyant un obstacle à faire mon salut.
- Non, mais je...
- Mais enfin je connus, ô beauté toute aimable,
Que cette passion peut n'être point coupable,
Que je puis l'ajuster avecque la pudeur,
Et c'est ce qui m'y fait abandonner mon coeur.
- Ecoute, je ne voulais pas...
- Ce m'est, je le confesse, une audace bien grande
Que d'oser de ce coeur vous adresser l'offrande ;
- Faudrait me laisser parler !
- Mais j'attends en mes voeux tout de votre bonté,
Et rien des vains efforts de mon infirmité ;
- Comment ça ?
- En vous est mon espoir, mon bien, ma quiétude,
De vous dépend ma peine ou ma béatitude,
Et je vais être enfin, par votre seul arrêt,
Heureux si vous voulez, malheureux s'il vous plaît.
- Mais pas du tout ! C'est toi qui...
- Ah ! pour être dévot, je n'en suis pas moins homme ;
Et lorsqu'on vient à voir vos célestes appas,
Un coeur se laisse prendre, et ne raisonne pas.
- Tu te fais des films !
- Je sais qu'un tel discours de moi paraît étrange ;
Mais, Madame, après tout, je ne suis pas un ange ;
Et si vous condamnez l'aveu que je vous fais,
Vous devez vous en prendre à vos charmants attraits.
- Bon je te laisse là.
- Dès que j'en vis briller la splendeur plus qu'humaine,
De mon intérieur vous fûtes souveraine ;
- Oui, c'est ça !
- De vos regards divins l'ineffable douceur
Força la résistance où s'obstinait mon coeur ;
Elle surmonta tout, jeûnes, prières, larmes,
Et tourna tous mes voeux du côté de vos charmes.
Mes yeux et mes soupirs vous l'ont dit mille fois,
Et pour mieux m'expliquer j'emploie ici la voix.
- OK ! Rappelle-moi ce soir. Je file, là !
Ecrit pour le jeu n° 126 de Lakévio d'après cette consigne.