Choses vues à Rennes le 16 août 2014 (4)
EXTRAIT DU JOURNAL D'UN GARDIEN DE FAR BRETON
31 juillet
Bien que je me sois promis de ne plus réécrire de l’été, je reprends le stylo ce jour pour jeter quelques notes dans ce journal. C’est que, voyez-vous, la coïncidence est trop grande.
Nous sommes rentrés dimanche d’un séjour dans une ville du Sud-Ouest sise au bord de la mer ou presque. Je n’y ai pas croisé d’éléphant et je n’ai pas trop envie de raconter notre expédition au Cap Ferret où, du reste, nous n’avons pas visité le phare.
Non, simplement, hier soir, en revenant à pied d’un concert en centre-ville d’un groupe de musiciens réunionnais, Grèn sémé, nous avons découvert l’avancée des travaux dans notre cité toujours en mouvement.
La « verrue » de M. Jean Nouvel est presque terminée et les palissades du côté du mail ont été abattues.
Une partie des aménagements du mail François Mitterrand est en place. Les bancs publics ressemblent à des lits, il y a un jeu de petits chevaux là où on nous avait promis un échiquier grandeur nature. On voit d’étranges kiosques qui ne servent à rien, ni à donner de l’ombre puisque leur toit est ajouré, ni à abriter de la pluie pour la même raison. Autour des bancs publics, différentes sortes d’animaux sont peints à même le sol.
Le square de la Confluence est à deux doigts d’ouvrir et certains de mes concitoyens, pressés de voir à quoi servent leurs impôts, en exploraient déjà les passerelles métalliques et les fauteuils géants.
Mais c’est au début de notre rue que la surprise m’a sauté aux yeux. Le café « Le Gavroche » a été muré, sans doute pour qu’on construise ici un nouvel immeuble de cinq étages qui rapportera plus gros aux investisseurs. Son enseigne représentait le dernier patron du bistrot s’adonnant à une partie de pêche avec un jeunot à casquette. Sur la façade désormais aveugle quelqu’un placardé cette affiche surréaliste qui répond à la consigne de cette semaine de « Un mot, une image, une citation ».
Les différents éléments de cette affiche-collage surréaliste sont un avis d’adjudication publié en 1911 pour attribuer au mieux offrant les travaux de construction de deux classes à l’école de garçons de la rue d’Echange, des mots anglais et le plan en coupe d’un éléphant monumental ou plutôt d’un monument éléphantastique dont le sommet semble être une colonne dotée d’un escalier en colimaçon, potentiellement un phare et la base constituée d’un pachyderme à mémoire d’éléphant.
Comme la mienne n’est pas mal non plus, je parle de ma mémoire, pas de ma colonne, quoiqu’il n’y ait rien à redire sur elle non plus d’après mon kiné, j’ai pensé qu’il s’agissait peut-être de l’éléphant de la Bastille dans lequel le jeune personnage de Victor Hugo avait élu domicile pendant un certain temps. Du coup, cela m’a semblé une belle idée de citoyen bien cultivé que d’avoir collé cette œuvre d’art urbain (en français courant : street art) ici au Gavroche.
Quoi qu’il en soit, parce que cette affiche associe le phare et l’éléphant et l’abondance des mots dont notre amie américaine est friande, j’ai fait une exception à mon vœu de silence écrivassier et estival et je vous fais cadeau de cette image rennaise providentielle et délirante.
P.S. Las ! « Le premier principe est que vous ne devez pas vous duper - et vous êtes la personne la plus facile à duper », comme a dit Richard Feynman. Un éléphant, ça trompe énormément et l’idée m’est venue ensuite qu’il s’agissait plutôt de "La Maison à vapeur" de Jules Verne. Cela ne me déplaît pas non plus. Lors d’une excursion à Bordeaux cet été j’ai fait l’acquisition du livre « Jules Verne en verve » publié aux éditions Horay. On découvre dans cet ana, car, n’en déplaise aux cruciverbistes, c’en est un, que le plus célèbre des Nantais d’Amiens était quand même un drôle de bonhomme tout compte fait assez sympa-antipa-éro-scep-t(h)ique !
Mais je vous ai assez embêté(e)s comme ça avec mon racontage de vie et, tout gardien de far breton que je sois, je m’en retourne à mes tentatives d’amélioration de la recette des cannelés bordelais. A plus tard, braves gens !
Ecrit pour "Un mot, une image, une citation" du 28 juillet 2014 d'après cette consigne :
Une image :
Image par Schick sur Morguefile.com |
Une citation : Le premier principe est que vous ne devez pas vous duper - et vous êtes la personne la plus facile à duper. - Richard Feynman
Le mot sur le réfrigérateur : Rennes le 27 janvier 2013
Mon enthousiasme me perdra ! J'ai posté hier soir un billet ultra-court aux Impromptus pour illustrer ce thème : "le mot sur le réfrigérateur". J'ai eu l'impression que ce texte de deux lignes était parti "au purgatoire" : on ne permet pas, sur les Impromptus, d'évoquer l'actualité politique. Nos amis ont raison, on n'en finirait pas de s'empoigner comme des veuves sinon. Du coup j'en ai écrit un autre que j'ai posté ce soir. Manque de bol pour vous, le premier est ressorti du purgatoire avec un imprimatur. je dis bien manque de bol pour vous : je publie les deux versions ci-dessous !
Joe Krapov – Le message du réfrigérateur (version 1)
Aux manifs peu égalitaires
Il paraît que Frigide erre.
Joe Krapov – Le message du réfrigérateur (version 2)
Le bœuf bourguignon d’avant-hier
L’invite à des préliminaires ;
Le ketchup renversé en flaque
Va lui servir d’aphrodisiaque ;
Les pattes d’éléphant sur le dessus du beurre
Lui donnent déjà des ardeurs ;
Les fraises des bois se décomposent
Et lui promettent l’apothéose ;
Des petits points de moisissure
Lui font l’effet d’une morsure ;
Du demi-citron vert et du lait bien tourné
Elle se trouve retournée ;
Quand le yaourt est périmé
Elle prospère mieux que Mérimée ;
Sur le Roquefort, musique à fond,
Son orgasme atteint le plafond ;
Les locataires sont en vacances
Elle jouit en criant : « Vive la France ! »
Seul à lui opposer un peu de résistance,
De ses cristaux liquides qui clignotent en urgence,
Craignant à tout jamais de devenir barjot,
Pour appeler à l’aide ses propriétaires
Et dénoncer tous ces dégâts pas très jojos,
Le réfrigérateur affiche un lapidaire
« Au s’cours la BAC ! La bactérie peu frigide erre ! »