- Prends les rênes ! Es-tu bien en selle ? Vas-y ! Eperonne ta monture !
Comme si tu ne savais pas que ce cheval de bois n’avancera jamais ! Tu as bien compris leur manège et la machinerie qui est dessous. Ca s’appelle un vilebrequin, un système un peu compliqué qui fait monter sur ses grands chevaux, prendre la mouche du coche, partir en cavale.
Tu peux grimper dans la fusée, tourner le volant d’une voiture, d’un camion de pompier, chevaucher ce destrier-ci ou un autre, ça ne change rien. Tu tournes en rond. On t’a joué un tour de cochon : tu es un mouton de Panurge transporté sur un bateau ivre.
Ce que tu fais, d’autres l’ont fait : quelques petits tours par-ci par-là. Et puis s’en vont. Une vie, on appelle ça !
Tout s’inscrit dans un cadre noir, toutes les traditions et les règles se perpétuent et se conservent dans la saumure. Comme des cornichons, on est ! A la fin, quoi que tu fasses, le manège s’arrête. Alors ça, c’est le pompon !
Tu n’as même pas eu droit au coup de l’étrier ! On t’abat comme si tu étais tombé à la dernière haie et que tu t’appelais Stewball !
- Attendez, ce n’est pas moi, c’est ce canasson qu’était pas frais ! Eh, Mon Dieu ! Ma vie était un manège et ce manège tournait bien !
- Désolé, mon gars, répond Dieu, le tour est fini ! T’avais qu’un seul ticket et il était perdant-perdant comme celui de tout le monde !
- Mais c’est pô juste !
- Si ça peut te consoler ceux qui étaient montés dans les auto-tamponneuses s’arrêtent aussi et les grandes roues redescendent également. Pied à l’étrier ou pied au plancher, tout a une fin excepté le saucisson de cheval qui en a deux !
- Mais alors, y a vraiment pas moyen d’être immortel ? On ne peut pas gagner le prix de l’Arc de triomphe ?
- Pour être immortel, il faut être Dieu, aussi vrai que je m’appelle Marcel !
- Marcel Dieu ?
- Marcel Campion !
Toi je ne sais pas mais moi cette dernière réplique du Créateur m’a complètement désarçonné. Marcel m’a tuer !
Monsieur Arthur Rimbaud B.P. 01 au vieux cimetière 08000 Charleville-Mézières
Mon cher Arthur
« J’avais rendez-vous, j’avais rendez-vous… Dis-moi… Après quoi on court ? »
Carrousel
Si comme le chantait jadis Nicoletta « ma vie est un manège » et que « ce manège tourne bien », c’est qu’il tourne en rond ! Pas question pour moi de jouer ces temps-ci les Mary Poppins et d’emmener galoper dans la nature les chevaux de bois du carrousel. Pas question de me trouver mêlé à quelque chasse à courre, j’ai trop peur de devenir le gibier dans ce monde où le trafiquant d’armes et le maffioso de tout poil mènent leur manège au grand jour, ont pignon sur rue.
D’ailleurs mon destin est semblable au tien ! Malgré ton désir de fuite tu t’es finalement retrouvé planté à Charleville-Mais-Hier où tu fais désormais office de chapiteau de cirque, où tu trônes en effigie sur la caisse du carrousel local. De mon côté, en tant que musicien épisodique, pas question de décoller, côté tournées ! A part celles qu’on s’envoie aux bars, bien sûr ! Les dates de concerts ne se bousculent pas au portillon du train fantôme. J’irai juste faire un tour à Tours en juin et sinon je suis condamné à enfourcher un renne à Rennes. A preuve l’excellent gag de l’autre jour.
- Assieds-toi, j’ai reçu un coup de fil pour toi, me dit Marina B., ma préposée au téléphone fixe quand je suis le mardi au club d’échecs ou à l’atelier d’écriture. Une chorale de quinze personnes s’est montée à la Maison de quartier de Villejean. Elle s’appelle la Ritournelle et elle cherche… un guitariste !
Bon, d’accord ! Il faut savoir que j’ai déjà fait le clown là-bas de 1998 à 2008 à faire chanter « La java bleue » et « la Valse brune » à des dames aux cheveux argentés ! Recommencer ? Alors que je me suis remis à jouer aux échecs le mardi après-midi et que ces dames de « La Ritournelle » ont choisi cet horaire-là pour chanter. Choix cornélien ! Sur quel dada vais-je monter ? Dois-je refaire ce que j’ai déjà fait ?
C’est que tu ne connais pas mon bon cœur, mon cher Arthur ! Il sait quand il le veut faire se faire plus sirupeux qu’une musique de limonaire ! Qu’est-ce qu’il ne ferait pas pour aller fredonner « Les Roses blanches » « Mon amant de Saint-Jean » ou « Le Tango corse » ! Mais bon, tel qu’il est, il me plaît ! Moi en général, les gens de mon voisinage, « tels qu’ils sont ils me plont », comme disent Annie Cordy et Renaud Séchan quand ils chantent ensemble.
Donc le mardi suivant je préviens mes potes d’échiquier que je ne pousserai pas le bois avec eux cet après-midi-là. C’est drôle, là où on joue, ça s’appelle « le Diapason » ! La musique me poursuit partout ! Et je me retrouve comme prévu avec des retraitées en goguette dans la salle Mandoline - ça ne s’invente pas non plus ! -. Après un rapide tour de table et une présentation du musicien à deux balles et de sa guitare à douze cordes on entame la répétition dans un désordre digne de la Yougoslavie autogestionnaire de jadis. Chacune y va de sa suggestion et la cheffe du groupe, c’est-à-dire la personne la plus malléable de la bande, accepte de commencer par « la chanson sur la Vilaine qui est si drôle ».
Chouette, me dis-je in petto. Man, tu vas mettre une nouvelle chanson drôle dans ta guitare !
- Vous la connaissez ? me demande-t-elle en me mettant sous le nez une chanson timbrée qui se chante sur l’air de « En passant par la Lorraine ».
- Si je la connais ? Et comment ! C’est moi qui l’ai écrite !
Et voilà comment on se retrouve embauché pour une autre répète le 13 mars et un concert-karaoké à la maison de retraite voisine le 14 !
- C’est pour quand, l’Olympia ? - Tais-toi et rame, Joe Krapov ! - Mais ce n’est pas un bateau, c’est un avion dans lequel je suis monté !
A part-ça j’ai continué à lire ici et là des bouquins qui parlent de toi.
Rien à redire sur le "Rimbaud le fils" de Pierre Michon. Il est bien écrit, comme du Proust, avec l’avantage que si les phrases sont longues, le bouquin et les chapitres sont courts ! Au bout du conte on n’apprend pas grand-chose de plus.
J’ai laissé tomber les « Quatre saisons à l’hôtel de l’Univers » de Philippe Videlier. Très bien écrit, passionnant même mais c'est en fait un livre-roman-étude historique sur la ville d’Aden. On y narre, au début, quelques horreurs sur ton compte. Que tu envoyas proprement promener ta compagne-concubine-servante abyssine Mariam et surtout que tu empoisonnas un temps les chiens du voisinage qui venaient uriner sur tes sacs de café !
Désolé, mais pour moi tu n’avais pas mérité que l’on te mît au mitard pour cela ! Le café ça doit se boire très fort et ne pas être du pipi de chat. Encore moins de chien. Dans mon Pas-de-Calais natal on appelait la lavasse « chirloute » et le café de ma grand-mère dans lequel la cuillère se tenait droite toute seule tant il était costaud était baptisé « Tortosa ». Si le premier terme est avéré, je n’ai pas trouvé trace du second sur Internet.
Et donc, pour en revenir aux chiens, ce n’était que légitime défense ! Parce qu’il y en a certains, des clebs, dans le genre empoisonneurs d’existence, ils se posent un peu là, non ? Je vais encore me faire des copines avec cette phrase, tiens ! Le fan-club de Jackie Russell , par exemple !
Et enfin, à propos de Charleville et Monthermé, sache que j’ai un mal fou à trouver du temps pour enregistrer « Un clair de lune à Maubeuge » en vue de coller ce morceau sur mes photos de « ma croisière sur la Meuse » ! Peut-être vais-je confier cette ritournelle à la Ritournelle – quand ces dames auront fini de me réclamer du Michel Sardou, du Chimène Badi et du Florent Pagny - ! Ah la la ! Savoir aimer, c’est dur ! Mais je prêche un convaincu !
En attendant comme elles m’ont un peu massacré « Je ne regrette rien », je n’ai plus aucun scrupule à faire un mauvais sort à « Mon manège à moi » pour aligner mes photos de carrousels !
Dors en paix, camarade Arthur, empereur posthume du pays de Poésie ! Sans le savoir, tu as décroché le pompon et tu continues à jamais, à cause de fous dans mon genre, à faire des tours gratuits dans la nuit pleine de ducasses de l’Internet en folie !
J'ai tellement mitraillé, l'année dernière, à Chantilly, que ça semble vraiment peu, quatre ou douze ou seize photos par jour sur un blog ! Du coup la visite du Musée du cheval, comprise dans le prix d'accès au château, est passée à l'as ! Mais mon rapport au passé est tel, actuellement, que je peux me permettre d'y revenir !
C'est un peu faux de parler de non-tourisme. On a quand même pris la ligne 12 du bus de son point de départ à son terminus. Et le photographe a repéré des graffs sympa du coté de Doulon. Y reviendrai-je à pied un jour ? Qui sait ?
Joe Krapov est poète, humoriste (?), musicien à ses heures et photographe à seize heures trente. On trouvera ici un choix de ses productions dans ces différents domaines.