LA GLOIRE DE MON PÈRE
La gloire de mon père est très similaire à celle du capitaine Haddock. Ces deux individus bruts de décoffrage sont, ou plutôt étaient, toujours sur leurs gardes, prompts à s’emporter et surtout capables d’invectives fleuries.
Dans le répertoire de mon père il y avait par exemple « Flamind d’bos » (Flamand de bois). Pourquoi en avait-il contre les Belges ? On n’en connaissait pas, on n’allait jamais Outre-Quiévrain même si on était des Boïaux rouches (boyaux rouges) vu qu’on habitait la partie extrême-orientale du Pas-de-Calais ! Et surtout la découverte, certes tardive, grâce à un cousin, de notre arbre généalogique du côté paternel montre que ses ancêtres, peu mobiles il est vrai, ont été Belges pendant près d’un siècle !
On ne voyait pas plus d’Espagnols dans le coin, plutôt des Polonais puis des Algériens et des Marocains, mais le mal dégourdi, l’imbécile étaient forcément des « agosils », mot qui vient de l’ancien « alguazil » des Ibères.
Un « trop d’gueule » désigne un beau parleur, « faquin » un hâbleur trop bien habillé, « Marie Toutoule » une femme qui parle pour ne rien dire, une pas grand-chose. L’« ébeulé » est un abruti. Le « pourchiau » n’est autre qu’un cochon mais #balancetinpourchiau ça le fait moins que #dénoncetonmacho.
Je n’ai pas retrouvé « bouloute » (pour Mouloud ?) qui désigne un individu mal vêtu, dépenaillé.
Ses expressions étaient également assez pittoresques :
« Ramasse tin cô, y a les pattes cassées » invitait le destinataire à rabattre son caquet, à se montrer moins vantard ou moins fanfaron. Et pourtant il n’y avait pas de ces traditionnels combats de coqs du Nord par chez nous.
« Compte tes blèques ! » vient sans doute de la belote quand l’adversaire n’a fait qu’un ou deux plis.
« Qui qu’ch’est qui t’a dit gros genoux, ti qui as d’aussi belles gampes ? » permet de mettre un bémol, de calmer le ton et les susceptibilités quand l’agressé-agresseur monte sur ses ergots. (Qui t’a traité de « gros genoux », toi qui as de si belles jambes ?)
De ma cousine très bavarde il disait qu’« elle avait été vaccinée avec une aiguille de phonographe ».
A part ça la vie de mon père n’a rien eu de très glorieux et, semblable en cela à bon nombre de ses congénères, dont le dénommé Archibald Haddock quand on fait sa connaissance à bord du Karaboudjan dans « Le Crabe aux pinces d’or », il avait un penchant certain pour la bouteille. De ce fait, comme il passait toutes ses soirées au bistrot, j’ai très peu connu mon père et je suis très mal placé pour parler de sa gloire.
Celle-ci m’a paru surtout être du genre posthume et très vite éphémère. Le jour de son enterrement on a découvert qu’il était connu « comme le houblon » et apprécié de tout le village. Enfin de tous les habitants du village qui, comme lui et comme le personnage fictif d’Andy Capp, le « héros » de papier de Reg Smythe, consacraient l’essentiel de leur temps à picoler chez Sidonie, chez Marie Taillez, chez Albin ou chez Figaro. Avant ce jour-là je n’avais jamais vu autant de trognes d’alcooliques, bien marquées par la cirrhose naissante ou galopante, rassemblés dans un cimetière !
Mais qui suis-je pour juger? Je n’ai pas très envie de me faire traiter de « trop d’gueule » même si je sais que j’en suis un quelque part.
Déjà, allez savoir pourquoi, je suis un très petit buveur dans ma catégorie : je ne fréquente pas les cafés, je ne bois que chez moi, de l’eau gazéifiée le plus souvent, un porto rosé le samedi et une vodka polonaise le dimanche. Je ne suis même pas rancunier : je lève mon verre à la santé de mon père, de ses copains d’estaminet et à celle du capitaine Haddock, en fait à la santé de tout le monde à part peut-être Madame Thatcher, Vladimir Poutine et quelques autres agosils plus ou moins sinistres ici et là de par le monde.
Je bois surtout à la santé de mes deux enfants dont je me demande parfois ce qu’ils pourront se dire à propos de « la gloire de leur père ».
- Qui, vous dites ? Papa ? Celui qui a donné la petite graine à Maman pour qu’on naisse ? Le gars qui jouait au jeu d’échecs et qui chantait des chansons stupides ? Ah si ! On se souvient ! On sait même : il faisait très bien la cuisine et il racontait sa vie sur Internet sous le pseudonyme de Joe Krapov !
Mais bon, ils n’auront même pas à se préoccuper de ce questionnaire Pagnolo-Proustien vu que je serai encore là, encore et toujours là. C’est que voyez-vous, Messieurs et Mesdames, je suis immortel, moi ! « Et ch’est pas des cacoules !» (Ce ne sont pas là des carabistouilles !).
Que celles et ceux qui, à la lecture de cette dernière assertion se sont posés le bout de l’index sur la tempe, l’ont fait tourner quatre fois en pensant « Y’est dumm dumm, ch’ti lal ? » se le tiennent pour dit : dans ce que m’a légué mon père, mon proverbe préféré est « Intique, intasse, n't’occupe pas de ch’ti qui passe !".
Ce qui signifie, en quelque sorte, « Bien faire et laisse dire » !
Ecrit pour le jeu n° 76 de Filigrane (la Licorne) d'après cette consigne
La verrerie Daum au Musée des Beaux arts de Nancy le 13 avril 2022 (1)
Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches !
Et puis voici la raison pour laquelle il faut aller au Musée des Beaux-Arts de Nancy !
INDIGNEZ-VOUS ! (COMME DISAIT L'AUTRE)
Bien souvent je me dis que tout cela a un sens. On ne peut décemment pas, semaine après semaine, proposer à la réflexion d’autrui un mot de la langue française et récolter sur un site appelé « Le Défi du samedi » les définitions farfelues que rédigent des gens des quatre coins de l’hexagone, du fin fond du royaume d’Iowa ou des hauteurs incommensurables de l’Olympe belge, sans qu’il y ait de concertation entre eux ni de synthèse finale pour inscription dans le marbre d’un dictionnaire académique, et n’avoir pas en vue un objectif, caché aux autres participants, peut-être inatteignable mais forcément antiproustien comme ne le laisse pas supposer cette phrase à rallonges dans laquelle je me suis à nouveau embarqué (comment vraiment, je peux m’arrêter ici ? Ah oui, ça tient debout à la relecture même si j’aurais mieux fait d’écrire « sans avoir en vue » mais ça faisait une répétition pas claire).
Non, c’est vrai. Ça cache forcément quelque chose. Il y a anguille sous roche, entourloupette ou vieille magouille de derrière les fagots si pas complète arnaque.
Et voyez-vous, cette semaine, en listant les sujets sur lesquels nous avons planché ces quatre dernières années, j’ai trouvé !
Ça m’est venu en constatant la présence dans la liste des mots « bachi-bouzouk », « ectoplasme », « rastaquouère » et « sagouin » clairement désignés parfois comme éléments de langage du capitaine Haddock (Archibald pour les dames).
Les mots sur lesquels nous planchons sont des insultes ad hoc pour ce projet à long terme de notre oncle préféré : scénariser, dès que l’oeuvre d’Hergé sera tombée dans le domaine public, à partir de nos élucubrations hebdomadaires, de nouvelles aventures de Tintin et Milou.
Vous me direz certes, comme le personnage de Fernand Raynaud avec son fût du canon, qu’il va se passer un certain temps avant que les éditions M**lins*rt ne lâchent leur emprise sur la machine à cash. Mais ce serait oublier que l’oncle Walrus et moi-même faisons partie de la même famille aux caractéristiques très spéciales : nous sommes immortels. De plus « Patience et longueur de temps font plus que force et que rage » est la devise des chauffeurs de taxi bruxellois dont notre éditeur-entourloupetteur est le maître incontesté.
Des preuves de ce que j’avance ? Tout de suite, avec ce document tombé de sa poche alors qu’il promenait son chien qui est une chienne et que m’a transmis un voisin ramasseur de détritus (!) rencontré sur son trajet dans le domaine des Trois fontaines :
Ecrit pour le Défi du samedi n° 714 d'après cette consigne : entourloupette
INJURES AD HOC (2)
Version sans l'image et sans italiques :
Diable de maréchal des logis insalubres ! Que le diable vous patafiole ! Qu’il vous castafiore, même ! Ptérodactyle à lunettes ! Tique toquée ! Punk à chiens sans chien des Ardennes ! Guimauve à roulettes ! Malcommode à la graisse de hérisson ! Premier de cordée vous-même ! Enfileur de perles ! Percolateur de bar à matafs ! Funambule de bande dessinée ! Espèce de Nosferatu à la graisse de géranium de mille sabords ! Espèce ornithorynque mal embouché ! Extrait de spéculum usagé ! Extrait de magma de volapük ! Extrait de concombre même pas masqué ! Face de patibulaire mais presque ! Sinistre andouille de Guémené ! Castafiore de Prisunic ! Bougre de casse-bonbons à la sauce tartare ! Fichu marcheur de traviole ! Hallebardier de carnaval ! Enfançon sans cédille ! Fort des halles à la mie de pain ! Prout de mammouth ! Graine de soixante-huitard ! Graisse de mellotron ! Grotesque Don Juan dans les pins ! Protozoaire ! Soûlard verlainien ! Vespasienne ambulante ! Treizième apôtre d’opérette ! Jus de chicorée montée en graine ! KRZCHTGRHKL ! Tchoutchke ! Bonobo ! Marchand de junk-food avariée ! Autoentrepreneur d’eau douce ! Brontosaure mal réveillé ! Yack mal peigné ! Misérable tamanoir de campagne basquaise ! Lieutenant-colonel à bavette ! Atomium ! Crématorium ! Résidu de fond d’aquarium ! Géranium ! Maquereau dans un carton à chapeau ! Symphoniste de malheur ! Gérard Larcher de carnaval ! Louboutin ! Esquimau des Carpathes ! Guatémaltèque ! Topinambour ! Lanterne rouge ! Carabinier d’Offenbach ! Vieille pie bavarde ! Faisan déplumé ! Petit furoncle mal placé ! Covid 19 ! Chat du rabbin ! Nuage de sauterelles ! Proustien ! Mélanchichoniste ! Flexitarien ! Follower compulsif ! Rhinocéros mal embouché ! Skateboarderline ! Trottinettiste sans casque ! Zemmourien du tout ! Lampiste recyclable ! Macronocompatible !
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 3 mai 2022
d'après la consigne 2122-27 ci-dessous
N.B. La première bordée d'injures krapoviennes est consultable ici.