Collages de Jean-Emile Rabatjoie du 27 janvier 2018 (3)
Collages de Jean-Emile Rabatjoie du 27 janvier 2018 (4)
PORTRAIT CHINOIS MYSTERE. 1, Une femme
Si j’étais une couleur je serais le rose. Mais pas le rose tyrien, un rose pâle, un peu effacé.
Si j’étais un animal je serais une petite souris, discrète, honnête, secrète.
Si j’étais un parfum je serais celui de l’aubépine ou mieux encore celui de l’églantier.
Si j’étais une langue je serais la langue des signes mais sans les mains.
Si j’étais un fruit je serais un coing ou plusieurs coings transformés en gelée rosâtre.
Si j’étais une invention je ne remporterais pas de prix au concours Lépine parce que je serais déjà un peu inutile. Du genre un épluche-mammouth ou un coupe-file pour boucherie-charcuterie végétarienne.
Si j’étais un oiseau je serais un étourneau anonyme, noyé dans un nuage tourbillonnant au-dessus des grues de Rennes-en-Chantier.
Si j’étais une boisson je serais un lait fraise.
Si j’étais des chaussures je serais des ballerines pour danser les jours où il n’y a pas de public dans la salle.
Si j’étais un moyen de locomotion je serais un petit train de ceinture.
Si j’étais un bijou je serais un simple bracelet doré sans ornementation comme celui que je porte au poignet gauche sur le portrait peint par mon oncle.
Si j’étais un outil je serais une lime. J’en ai la rigidité et je suis déjà sans manches.
Si j’étais un élément je serais l’eau. Je suis du signe des poissons et les rares fois où l’on m’a vue dans la lumière j’avais un air à gober les mouches.
Si j’étais un légume je serais un radis ou une feuille d’endive.
Si j’étais un gâteau je serais une religieuse.
Si j’étais une heure du jour je serais seize heures dix, l’heure à laquelle débute l’émission « Des chiffres et des lettres ».
Si j’étais un poisson je serais un mérou.
Si j’étais un objet de toilette, je serais une serviette éponge rose.
Si j’étais un meuble je serais une petite table de chevet.
Si j’étais un écrivain je serais Arvers, le gars qui a écrit un sonnet si célèbre que tout le monde a oublié le nom du poète et ne se souvient d’aucun des vers du poème.
Si j’étais un monument de Paris je serais une tombe du cimetière du Père Lachaise. Vous m’y chercheriez longtemps parce que je n’y suis pas enterrée.
Si j’étais une superstition je serais le pot de peinture mal accroché à l’échelle sous laquelle vous passez.
Si j’étais une religion ce serait une religion avec réincarnation : j’ai toujours rêvé, sans en avoir jamais rien montré, d’avoir une seconde vie bien meilleure et bien plus drôle que la mienne.
Si j’étais une épice je serais de celles qu’on laisse plus souvent qu’à leur tour sur l’étagère : l’anis étoilé, le fenugrec, la baie de genièvre.
Si j’étais une caresse je serais une légère tape sur l’épaule. Après ça deviendrait vraiment trop osé.
Si j’étais un animal domestique je serais une tortue. Oubliez-moi dans un coin du jardin, s’il vous plaît ! Je saurai bien m’enfouir toute seule pour hiberner au calme.
Si j’étais une civilisation disparue je serais la ville d’Ys. Pas très sûre vraiment d’avoir existé.
Solution et consigne d'écriture ci-dessous
PORTRAIT CHINOIS MYSTERE. 2, Un homme
Si j’étais une couleur je serais celles de l’arc-en-ciel et je viderais tous mes pots sur les lettres de l’alphabet. Je garderais le pot-rouge pour en badigeonner des navigateurs imprudents que j’aurais pris pour cible et le pot de violet pour peindre des œillets et les offrir en riant à certains trous du cul !
Si j’étais un animal je serais un sanglier à l’œil bleu.
Si j’étais un parfum je sentirais le coyote. Une odeur très pratique pour se fondre dans le désert et très déplaisante aux bourgeois.
Si j’étais une langue je serais le charabia, le volapük et la novlangue mêlés puis le morse. Je vous chanterais « I’m the walrus » !
Si j’étais un fruit je serais la châtaigne. Vous vous piqueriez à ma bogue, à mon bug et vous sentiriez une décharge électrique dès que vous croiriez me toucher.
Si j’étais une invention je serais un bâton de dynamite géant enduit de colle, histoire que je ne sois pas tout seul à exploser ! Que le monde explose avec moi !
Si j’étais un oiseau je serais un serpent à plumes, un Quetzalcóatl.
Si j’étais une boisson je serais un bock de bière, une absinthe mais pas une limonade et surtout pas du tilleul.
Si j’étais des chaussures je serais des godasses de randonnée qui ont beaucoup servi..
Si j’étais un moyen de locomotion je serais un bateau sans gouvernail puis une paire de béquilles.
Si j’étais un bijou je serais un diamant brut rêvant toujours de se tailler ailleurs..
Si j’étais un outil je serais un tourne-vice.
Si j’étais un élément je serais l’air en mouvement, le vent qui se mêle au sable et tempête dans le désert.
Si j’étais un légume je serais la macédoine d’Alexandre.
Si j’étais un gâteau je serais un vol-au-vent. Oui, je sais, ce n’est pas du gâteau mais moi non plus..
Si j’étais une heure du jour je serais midi ou minuit. L’heure d’être toujours au zénith et jamais au rendez-vous.
Si j’étais un poisson je serais l’exocet. Si j’étais un missile aussi.
Si j’étais un objet de toilette, je serais un rasoir de barbier et je vous tailladerais le cuir.
Si j’étais un meuble je serais un buffet sculpté de chêne sombre empli de vieux secrets indéchiffrables.
Si j’étais un écrivain je serais qui vous voulez mais surtout pas cet Arthur Rimbaud dont j’espère bien que tout le monde aura brûlé les rinçures qu’il a produites..
Si j’étais un monument de Paris je serais le moulin de la Galette.
Si j’étais une superstition je serais un oiseau de mauvais augure.
Si j’étais une religion je serais une croyance avec un enfer pour chaque saison, des illuminations derrière les piliers de mes cathédrales et aucune promesse de paradis ou de quoi que ce soit.
Si j’étais une épice je serais le pavupapri (le pavot-paprika).
Si j’étais une caresse ce serait à mettre dans les annales, comme disent les proctologues à la fin de leurs banquets.
Si j’étais un animal domestique je serais un mille-pattes avec une jambe de bois. 999 tics et un TOC.
Si j’étais une civilisation disparue je serais la poésie française des origines à la fin du XXe siècle. Rappelons que ce monument s’est effondré au XXe siècle, ravagé par l’invention démoniaque d’un serpent à plume qui se prenait pour un missile exocet.
Pondu à l'atelier d'écriture de Villejean le mardi 6 février 2018
d'après la consigne ci-dessous
PORTRAIT CHINOIS MYSTERE. 3, Solution
CONSIGNE D'ECRITURE 1718-18 DU 6 FEVRIER 2018 A L'ATELIER DE VILLEJEAN A RENNES
Le Portrait chinois mystère
Vous allez écrire un portrait chinois... mais pas le vôtre. Celui d'un personnage connu. Il s'agira de rester suffisamment mystérieux tout en étant explicite pour que les autres écrivants essaient de le découvrir à travers la liste des "si j'étais".
Si j’étais (ou s’il était)
une couleur – un animal – un parfum – une langue – un fruit – une invention – un oiseau –une boisson – des chaussures – un moyen de locomotion – Un bijou – un outil – un élément – un légume – un gâteau – une heure du jour – un poisson – un objet de toilette – un meuble – un écrivain – un monument de Paris – une superstition – une religion – une épice – une caresse – un animal domestique - Une civilisation disparue
je serais (ou il serait) …
Le portrait chinois utilisé est extrait du livre d'Odile Pimet "Le Goût des mots", Ibis rouge éditions, 2004