
Il était une fois un petit cuisinier qui était laid, mais laid ! Alors là, non, jamais vous ne pourriez imaginer à quel point il était laid ! C’est bien simple, il était tellement laid qu’en l’apercevant le lait tournait, les poulets se carapataient, les carottes s’écriaient « On est cuites !», les haricots se lamentaient « C’est la fin, Jane », les betteraves partaient piailler dans les pumas et même les œufs se cassaient. Malgré tout cela, en dépit de cette laideur et de ces incidents, il était le plus brave des garçons du royaume et surtout c’était le meilleur des cuisiniers que la Terre jamais ne porta. Il s’appelait Ferdinand.
Il venait justement, ce jour-là, d’être engagé pour travailler au château dans les cuisines du roi. Il avait donné toute satisfaction lors de son entretien d’embauche.
Le roi et la reine de ce pays-là étaient heureux, mais heureux ! Alors là, non, jamais vous ne pourriez imaginer à quel point ils étaient heureux ! C’est bien simple, même le plus imbécile parmi les pauvres en esprit n’était pas aussi heureux qu’eux. Même le Dieu Rakatsaka qui est le dieu des imbéciles chinois qui regardent la lune en se mettant le doigt dans l’œil n’était pas aussi heureux que Lao-Tseu ni qu’eux.

C’est que le roi et la reine avaient une fille unique. C’était leur trésor, la prunelle de leurs yeux et ceux de la princesse étaient plus bleus encore que les eaux de la Méditerranée dans les calanques près de Marseille. Elle était belle, mais belle cette princesse ! Alors là non, jamais vous ne pourriez imaginer comme elle était belle. L’ennui, c’est qu’elle avait un QI de pétoncle.
Le roi et la reine éprouvaient certaines nuits de grands moments de mélancolie. Ils songeaient que tous les prétendants à la main de leur fille se rendaient vite compte, aux réponses inconvenantes qu’elle faisait à leurs discours, qu’elle avait un cerveau d’ornithorynque du Tonkin auquel aurait manqué le bec de canard, les pattes palmées et même le manche du couteau sans lame de M. Lichtenberg. Malgré la beauté physique de la demoiselle, tous se détournaient très vite du projet de l’épouser. Comme disait le proverbe branquignol très en vogue dans ce royaume-là : « Il n’y a pas que le sexe dans la vie, il y a aussi les chiffres et les lettres ».