En tant que retoucheur de photos stalinien et cependant féministe, vu le contexte actuel, j'aurais peut-être dû effacer la main du monsieur avant de publier cette photo ? ;-)
Quelqu'un(e) a perdu une boucle d'oreille !
Quelqu'un(e) a encore perdu une boucle d'oreille mais d'un autre genre !
P.S. En cherchant le site du groupe Loened fall, je suis tombé sur le site web très riche et très bien fait de Marthe Vassallo sur lequel elle tient - longuement - son journal de bord. J'en ai lu quelques pages bien intéressantes, aussi pleines de belle écriture que la dame a de talents par ailleurs, notamment pour le chant et la joie de vivre. J'en retiens, pour l'éclat de rire personnel, le récit qu'elle fait de son séjour à...
Flûte alors ! Comment avez-vous vu que j'avais flashé sur la flûtiste de Sparfell ?
Murielle et Enora. Elle n'est pas belle, la vie, quand on la passe à regarder de jolies jeunes femmes qui chantent ou qui font de la musique ? Et même quand elles sont plus âgées ou que ce sont des mecs je la trouve belle aussi !
Emmylou Harris et Joan Baez à 14'54, David Crosby et Joan Baez à 7'30 pour retrouver les Beatles.
Voici l'époque des cartes de voeux. Marina Bourgeoizovna dont le réseau relationnel est plus étendu que le mien en a reçu une de sa prof de taï chi. A vrai dire c'est plus une lettre de voeux qu'une carte. Elle débute par un poème qui s'intitule Ode à la vague. J'entreprends de le lire et je commente, une fois arrivé en bas de la page : "Elle devrait venir à mon atelier d'écriture. Elle écrit vachement bien !"
- Ce n'est pas d'elle, c'est de Néruda.
Zut ! Il y a un verso à la feuille et effectivement, sous la suite du poème on lit la signature du poète chilien. Tu viens nous rejoindre quand tu veux, Pablo !
Quand je vous disais que je devrais me taire plus souvent !
Ode à la vague
Encore une fois mon vers se tourne vers la vague.
Je ne puis m’empêcher de te chanter, mille fois mille, mille fois, ô vague, fiancée fugitive de l’océan : vénus verte, élancée tu hisses ta cloche, et de là-haut, tu laisses tomber des lys.
Ô lame Incessante secouée par la solitude du vent, érigée comme une statue transparente mille fois mille cristallisée, cristalline, et puis tout le sel à terre : le mouvement se fait écume puis de l’écume la mer se reconstruit et de nouveau ressurgit la turgescence.
Et de nouveau, cheval, pure jument cyclonique et ailée la crinière ardente de blancheur dans l’ire de l’air en mouvement, tu glisses, tu bondis, tu cours, conduisant le traineau de la neige marine.
M. Arthur Rimbaine Agence d’exploration de villes extraordinaires et d’us et coutumes à mettre dans les annales 8, quai Arthur Rimbaud 08000 Charleville-Mézières
Monsieur Paul Verlaud Société de géographie des Maladives et du Miraginaire 73, rue Sonneleur 62812 Vent-Mauvais
Charleville le 1er janvier 2018
Mon cher Paul,
Qu’est ce que c’est joli, la Bretagne ! Déjà dans la toponymie, cela transparaît : Plougrescant, Ploumanac’h, Plougastel. Il suffit juste d’y ramener sa fraise et on voit tout de suite que c’est plou zoli qu’ailleurs !
Me voilà d’humeur fort primesautière ce soir et pourtant je n’en menais pas large avant-hier en fin d’après-midi dans la Kangoo rouge que conduisait Madame J. sur la route de Lannion à Plougrescant. Contrairement à l’autre malade de Saint-Nectaire, Madame J. conduit très bien son char à bœufs sur les routes plus qu’humides du Trégor balayées par le vent de la tempête Carmen. C’est juste qu’il fait un temps à rencontrer l’Ankou, ce personnage mythologique muni d’une charrette à ramasser les morts et à les autantenemporter au diable Vauvert.
Il est dix-sept heures vingt et il fait déjà nuit en cette veille de dernier jour de l’année. La route sinue dans la campagne morne au milieu de champs immenses, dénudés et trempés, traverse quelques petits villages où il doit faire bon s’emmerder l’hiver, rencontre des carrefours qui mènent vers l’inconnu : Trélévern, Penvenan, Plouguiel, Tréguier, Kéralio…
Les illuminations de Noël sont chiches, les calvaires des carrefours paraissent sinistres et les vingt-deux kilomètres ne laissent pas d’insinuer dans les veines une angoisse qui se transforme bientôt en questions saugrenues :
- Et si on allait voir la maison entre deux rochers célèbre pour avoir servi jadis à une campagne d’affichage malencontreuse ? Comment la repérerait-on dans la nuit ? Est-elle illuminée d’une guirlande –gabegie clignotante représentant le père Noël et ses rennes ? C’est quoi ce « Chez Constance » ? Un endroit avec un piano à queue derrière lequel un ludion à perruque massacre avec joie du Mozart ? Où tu m’envoies encore, Paulo ?
Vingt-deux kilomètres ! Comme toute écologiste bourrée de contradictions qui se respecte, Madame J. ne lésine pas sur son bilan carbone ! On peut pester contre Donald T., avoir «Zéro déchet» de Béa Johnson comme livre de chevet dans ses toilettes – j’y ai trouvé aussi "Olympe de Gouges" par Sophie Musset, je l’ai lu et ça se mariait très bien avec «Les Onze» de Pierre Michon dont j’ai entrepris la lecture, mais ça n’a rien à voir avec mon propos – et pour autant multiplier les déplacements en voiture ! Mais peut-on faire autrement dans ce pays-ci où les villes ne sont pas encore verticales ? D’autant que ce voyage-ci est pour la bonne cause, à savoir notre bon plaisir de découvrir des mœurs qui ne sont pas les nôtres.
Arrive enfin le panneau « Plougrescant », le ralentissement à cinquante à l’heure – mais ne roulait-on pas déjà à cette vitesse depuis Lannion ? – et le moment de repérer l’enseigne. En effet M. Googlemaps nous a situé le bar-restaurant-librairie Chez Constance à quelque mètres de P’ty Lypous mais avant l’entrée du village.
- C’est là !
On passe devant l’établissement et on va garer difficilement un peu plus loin sur la droite.
C’est que – surprise ! – après la traversée du désert agricole on trouve par ici des voitures en pagaille. Il y a du monde dans le bled ! Je suggère à Madame J. de fermer à clé sa voiture : je ne me vois pas rentrer à pied sous la pluie à Lannion dans la nuit ! Je ne suis pas sûr non plus qu’elle ait fermé à clé la porte de son domicile avant de partir ! « Il n’y a pas de voleurs par chez nous ! » dit-elle pour se justifier. C’est peut-être vrai mais il n’y a pas de médecin non plus à Plougrescant. Et c’est vrai qu’avec le « tout en ligne » et la retenue à la source qui s’annonce il n’y a peut-être plus de percepteur non plus à Lannion ! S’ils pouvaient faire pareil avec la pluie, la retenir à la source, ça arrangerait les cons qui ne sont pas bretons et qui vont chez Constance une veille de réveillon pluvieuse.
On entre dans ce qui devait être autrefois une petite boutique et a l’air aujourd’hui d’une échoppe de libraire-bouquiniste. S’ensuit un corridor où se situe le comptoir du bar. Il est déjà difficile de se frayer un chemin. Contrairement aux dires de Madame J. la session irlandaise a bien débuté à 17 heures et le patron et la patronne sont déjà bien débordés par le tirage de bière à la pompe. Il faut dire, je l’ai constaté par la suite, que M. ChezConstance met un soin extrême et un temps certain à éliminer le faux col des demis de certains clients.
Pour l’heure nous sommes surpris ou étonnés : l’immense salle du restaurant est bondée. Madame J. repère néanmoins un espace libre au bout d’une table ovale ou siègent déjà cinq personnes. Elles acceptent que nous nous installions auprès d’elles. Ne reste plus qu’à trouver deux chaises. Nous slalomons entre les consommateurs avec la chaise au bout des bras : on dirait une figure de danse bretonne même si, paradoxalement, nous sommes dans la posture des anciens égyptiens en profile indienne.
Je propose une bière rousse à madame J. mais, très sagement, elle s’aligne sur mon propre désir d’un chocolat chaud – je ne me reconnais plus ! - . Je vais donc prendre mon tour au comptoir. Il y a là un chat roux que le vacarme ambiant ne semble déranger en rien. Formant un cercle quasi parfait, posé lascivement sur l’osier du tabouret de bar, il écrase. Monsieur ChezConstance demande à Madame ChezConstance de rester là puis il disparaît dans ce qui doit être la cuisine. Il revient deux minutes après avec des cartons desquels il extrait de grands bols à chocolat. Retiens cela, mon cher Paul ! En contrée trégorroise, si tu vas dans un pub, au fest-noz ou au bistrot, c’est bière obligatoire ! Retiens aussi qu’on ne te tient pas rigueur de ta commande farfelue mais que tu vas la payer bonbon. Visiblement le lait chaud et la cuillère de chocolat van Houten sont vendus plus cher que la bière du coin.
Je vais me rasseoir dans le brouhaha d’où s’échappe un fond de musique celtique. Les musiciens ont bien du mérite de jouer dans un bordel pareil. Ils sont au moins une vingtaine, assis autour d’une longue table, à tâter du banjo, du bodhran, de la flûte, de la guitare, de l’accordéon ou du violon. Ils portent barbe et gapette, ont l’œil fatigué de ceux qui ont beaucoup vécu et descendu de bières locales, ont vu Paimpol et sa falaise, Dublin, Cork ou les lacs d’Ecosse, le loch Guinness, par exemple. Je n’ai pas trouvé plus malin, pour exprimer cette celtitude assemblée là, que de les photographier en sépia et en plan rapproché. Tant pis si le zoom donne du flou aux photos, l’effet d’ubiquité est garanti : on est à Plougrescant et on est en Irlande. On se croit réfugié pour cause d’averse au dehors dans un pub de la verte Erin au milieu des années cinquante ou soixante et je n’ai même pas besoin de préciser le siècle.
Que te raconter d’autre sinon que nos voisins étaient insupportables ? Ils allaient se recharger en bières avant que les précédentes ne soient terminées, ils et elles tapaient comme des ivrognes sur la table et même pas en mesure au lieu d’écouter la musique avec religiosité comme je le fais de mon côté.
- Je n’emploierais pas ce mot-là. » m’a dit Madame J. à qui je m’en ouvrais. - Moi si. » lui ai-je répondu.
Nous avons fini par prendre notre mal en patience et, sages comme des enfants au milieu d’un bal de papys et mamys en goguette qui, ne pouvant plus danser, se contentent de bavasser et secouer leurs bijoux en prenant des selfies ou des photos de leur groupe, nous sommes allés chercher un jeu de solitaire auquel il manquait deux billes. En jouant à tour de rôle nous sommes arrivés à n’en laisser que quatre puis deux.
J’ai fait un tour des étagères de la librairie. Je n’y ai pas dégoté d’ouvrages de Pierre Michon ni l’introuvable de Giovanni Guareschi. J’ai photographié deux citations humoristiques dont le souvenir m’évite de pester contre ce connard de Parigot qui m’a fait une queue de poisson sur la route du retour ce jour.
Peut-être bien qu’il était lui aussi chez Constance avant-hier ! Peut-être qu’il n’y avait là que des Parisiens en vacances dans leur résidence secondaire à Plougrescant et autour ? Madame J. te fait ses amitiés. Elle a gardé et encadré dans son salon le poème que tu lui avais écrit autrefois à partir de vos folles parties de « Dixit » ( ?). Je n’ai rien compris à ce laïus mais c’est ce qu’elle m’a dit.
Moi je transmets ! Bonne et heureuse année 2018 à toi et à ta jambe de bois ! Longue vie à nos échanges épistolaires ! Continuons à sourire avec constance !
Joe Krapov est poète, humoriste (?), musicien à ses heures et photographe à seize heures trente. On trouvera ici un choix de ses productions dans ces différents domaines.