Une pause concert à Rennes Beaulieu le 2 décembre 2014 (4)
N'OUBLIEZ PAS D'ETEINDRE VOS PORTABLES ! (1)
N’oubliez pas d’éteindre vos portables !
Ah tiens, cela fait deux fois de suite que Pierre a oublié de dire la phrase rituelle ! Le silence s’est fait dans la salle, il a écarté le rideau, a dit bonjour. De sa voix posée d’ancien petit garçon sage il a récité le laïus sur la compagnie, remercié les sponsors, dit deux mots du spectacle. Puis il a retraversé le miroir, enfin, le rideau, pour rejoindre la troupe de babas-cools qui (s’im-)patiente derrière.
- On a de la route à faire ! a-t-il dit en oubliant de parler des téléphones portables.
N'OUBLIEZ PAS D'ETEINDRE VOS PORTABLES ! (2)
C’est effectivement « Le voyage dans la Lune ». On est confortablement installé tout seul au premier rang à l’auditorium de l’Assomption. On a deux appareils photos dont la courroie est enfilée sur le poignet droit. Il faudra parfois les démêler au fur et à mesure que le spectacle avance car on passe du 220 qui enregistre des vidéos au 255 qui capte des visages.
Cet opéra féerique d’Offenbach, légèrement postérieur aux deux romans de Jules Verne sur le même thème, n’en constitue-t-il pas le contrepied exact ? De la science qui va permettre tous les progrès bienfaisant du XXe siècle dont deux exterminations mondiales et des dommages collatéraux, de toutes ces machines à fabriquer des trente glorieuses et des décérébreuses à images nous ne verrons rien. Le roi Vlan arrive à pied avec sa couronne redorée. Le prince Caprice, en short et casque colonial, arrive lui aussi pedibus cum gambis avec son sac à dos. A l’observatoire, point de lunette géante pour mater les dés-astres à venir. Les astronomes, le nez en l’air, ont l’œil rivé à des télescopes de carton qui deviendront bien vite des petits tabourets pour s’assoir et tenir conseil.
N'OUBLIEZ PAS D'ETEINDRE VOS PORTABLES ! (3)
Dans la forge, une seule enclume. Les artilleurs, petits et grands, ne portent qu’un casque de chantier. Le roi, le prince et Microscope le savant partiront dans la Lune dans un canon que le spectateur est prié d’imaginer car la metteuse en scène a remplacé la capsule des Apollons de l’Apollo par une valise remplie de pommes.
La fusée, puisque par canon on entend obus, est bricolée avec trois pans du combi Volkswagen de Jean-Marc Ayrault. Sur la Lune, les horizons et les cœurs s’ouvriront grâce aux pommes qu’on croque et au cidre qu’on boit !
N'OUBLIEZ PAS D'ETEINDRE VOS PORTABLES (4)
Alors oui dans cette mise en scène ironique autant qu’onirique, dans cet opéra post-soixante-huitard, les portables sont bien éteints. Et d’ailleurs le seul qu’on voit est sur la scène. C’est celui, archaïque, du savant Microscope. Quand sa maîtresse Cascadine le joint – faites tourner ! – avec l’engin, c’est pour lui réclamer du pognon ! Société de con-sans-sommations ! On peut bien alors entamer la ronde des pommes ! Avec le temps, va, tout volcan !
Une chose est sûre : si le portable est éteint, Offenbach et Vocaline sont bien allumés !
Ecrit à l'Atelier d'écriture de Villejean le 2 décembre 2014 d'après cette consigne :
Dans "Ma grand-mère avait les mêmes", Philippe Delerm évoque dans des textes courts les circonstances banales dans lesquelles on utilise des petites phrases toutes faites. Vous imiterez ou pasticherez son style particulier qui consiste à écrire au présent, faire des phrases courtes et utiliser abondamment "on".
Le Voyage dans la Lune par Vocaline à Rennes le 29 novembre 2014 (1)
Le roi Vlan : un roi d'opérette ?
Vlan, Vlan,
Je suis Vlan,
C’est moi le roi Vlan,
Vli ! vlan !
Vlan ! Rataplan !
Je suis le roi Vlan !
I
Dans le dur métier de roi,
Rien n’est bon, croyez-moi,
Comme un nom fier et terrible ;
Car lorsque l’on apparaît,
Aussitôt chacun se tait,
Et grâce à ce secret,
On fait une peur horrible
À chaque sujet !
C’est pour ça (Bis.) que le mien
Me parait (Bis.) assez bien :
Il est très vif, il résonne,
Il fait du bruit, il étonne :
Vlan ! Vlan !
Je suis Vlan,
Etc.
II
Ainsi moi, c’est entre nous,
Je suis un prince doux
Et même trop débonnaire !
Et si l’on crie un peu haut,
Quand je veux parler d’impôt
Je me sens aussitôt
Assez mal à mon affaire
Dès le premier mot.
Par bonheur (Bis.) j’ai mon nom,
Qui me tient (Bis.) lieu d’aplomb,
Et grâce à lui je m’en tire,
Car alors je n’ai qu’à dire :
Vlan ! Vlan !
Etc.
Le Voyage dans la Lune par Vocaline à Rennes le 29 novembre 2014 (4)
- Après avoir vu ce spectacle deux fois je peux bien justifier s'il le faut le parti pris de mise en scène et répondre à la question "Pourquoi ces costumes babas-cools ?". C'est que, voyez-vous, il s'agit d'une pièce post-soixante-huitarde. Le roi Vlan veut transmettre le pouvoir à son fils - le changement dans la continuité ! - mais celui-ci n'a cure de sa couronne et du bon fonctionnement de la société capitaliste. On devine à son costume mi-Tintin au Congo, mi-icône du Guide du routard qu'il préfère courir le vaste monde, faire l'andouille à Woodstock et jouer à la bataille navale avec les filles dans les fourrés. Pour vous dire à quel point son cerveau fume, il rêve même d'aller dans la Lune (Dark side of the Moon de Pink Floyd date de 1973). Cet opéra féerique est donc une hagiographie de l'amour libre, de mai 68 et de l'an 01 : soyez réaliste, demandez l'impossible ! On arrête tout et on re- flé-shit ! C'est donc bien à une apologie du hippie dream que Marina Bourgeoizovna et ses complices ont participé ces jours-ci, peut-être même à leur corps défendant ! Bravo en tout cas à Sève Laurent, l'entremetteure en scène, qui a osé rajeunir tout le monde !
-..... !
- Comment ? Qu'est-ce que vous dites ? La pièce est de 1875, pas de 1975 ? Qu'est-ce que ça change ? L'auteur du livret était aussi visionnaire que Jules Verne, voilà tout !