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Mots et images de Joe Krapov
19 avril 2025

BÉCASSINE, C'EST MA COUSINE ?

 

 

Moi vous me connaissez : je ne suis pas ici pour raconter ma vie mais... je ne voudrais pas passer sous silence pour autant la visite que j’ai rendue à Mademoiselle Denouille la semaine dernière.

 

Adèle Denouille est une jeune fille de vingt ans – ou de 140 ans ? – qui habite l’ancien palais épiscopal, à deux pas de la cathédrale, dans la bonne ville de Tours (Indre-et-Loire).

 

Pour dire la vérité et dissiper les interrogations qu’a pu faire naître l’incise gérontophile dans la phrase précédente, le palais est devenu le Musée des Beaux-Arts de la ville et quand j’écris « Adèle Denouille », je ne parle pas d’une personne vivante mais d’un tableau exposé en icelui et peint par Léon Bonnat (1833-1922). Mlle Denouille est née en 1864 et décédée en 1919.

 

 

Si j’ai engagé des frais et programmé un séjour d’une semaine dans la ville natale de Balzac – je suis très honoré de savoir qu’il est né par là ! – c’est parce que, l’air de rien, Adèle Denouille est une autre cousine d’Isaure Chassériau, cette jeune fille habillée de rose à qui je voue un culte tellement inavouable que je m’abstiens parfois d’en parler et passe le plus clair de mon temps à lui offrir des masques, des visages de substitution afin qu’on ne la voie pas rougir de l’affection sans aucun doute malsaine que je lui porte.

 

C’est que, voyez-vous, l’âge m’étant venu, il serait plus facile aujourd’hui de me ranger dans la catégorie des vieux birbes pervers que des jeunes damoiseaux sottement énamourés.

 

Tout cela est la faute des fleurs de l’églantier. Elles sont là en nombre sur le portrait d’Isaure, encadrant son visage, fixant les macarons qui emprisonnent sa chevelure, trônant sur son corsage, embaumant sans doute aussi son corps sage. J’ai appris samedi dernier que le faux-fruit de cet arbuste se nomme cynorhodon et qu’il contient, outre le vrai fruit, du poil à gratter !

 

Il devait en traîner un peu dans l’atmosphère le jour de 1997 ou 1998 où je croisai la route d’Isaure pour la première fois car depuis, comme la guitare pour Yves Duteil, ça me démange de rêvasser autour des jeunes filles mortes, de leur réinventer une vie plus gaie que celle qu’elles ont connue, de leur rendre le sourire, de leur donner d’autres atours, de leur offrir une famille et des amis, un oncle Camille bistrotier, des frères Park, un boulot de journaliste, des cousines au Louvre, à Châlons-en-Champagne, Lille ou Tours. C’est ainsi que moi-même, de mon vivant, je suis devenu « l’oncle Joe », le tonton farceur, l’histrion de Rennes de madame Lia !

 

Il y a quand même, dans ce cousinage entre Isaure C. et Adèle D., quelque chose d’indéniable : ni l’une ni l’autre ne sait quoi faire de ses mains quand elle prend la pose en habit de fête devant le vieux peintre et celui-ci – cher brave Léon, chère adorable canaille d’Eugène ! – a bien du mal à rendre crédibles les épaules de son modèle.

 

 

Peut-être parce qu’elles en manquaient toutes les deux ? Ou que, comme l’écrit Aragon,

 

« Tout changeait de pôle et d'épaule
La pièce était-elle ou non drôle ?
Moi, si j'y tenais mal mon rôle
C'était de n'y comprendre rien »

 

J'aurais bien posé la question à Jean Royer, l'ancien maire de Tours, mais depuis qu'il est devenu portier d'hôtel, il n'émet plus aucun avis sur la nudité de ces dames !

 

 

Ecrit pour le Défi du samedi n° 868 d'après cette consigne :

cynorhodon

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Commentaires
A
excellent :-)
Répondre
J
Je ne sais pas si je suis crédible en critique d'art mais une chose est sûre : je m'amuse bien ! Et une autre est certaine : j'ai été ravi de faire la Tours-née des musées pendant cette parenthèse printanière ensoleillée ! ;-)
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