LE MANNEQUIN
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Rien n’est plus inquiétant que d’avoir une muse,
Une muse sans visage,
Sans yeux, sans bouche,
Sans oreilles,
Une muse à tête d’oeuf,
De punching-ball,
Un mannequin de couturière.
Est-il permis qu’on la révère
Quand elle revêt
Des draperies antiques,
Des toges de tragédienne à l’air revêche,
Quand elle montre,
Figée sur son socle de marbre,
Une allure sévère,
Une immobilité de chouette effraie
Ou un silence de chouette chevêche ?
Un couturier italien
L’habille quelquefois
De cuirasses et d’équerres
Puis la sort sur la place
Pour toute la journée
Mais dans cet univers
Pas un client ne passe.
Derrière le château rouge
L’usine est arrêtée.
Pas un enfant ne joue sur le parquet désert.
Au loin, il y a la guerre
Mais ça ne change rien au plaisir
Des couleurs primaires
Qui ressortent au soleil.
Les ombres allongent le crépuscule
Ou c’est l’inverse.
Rien n’est plus inquiétant que d’avoir une muse
Qui me tourne le dos toute la sainte journée
Et me m’inspire rien que de l’étrangeté.
Peut-être, si je pars de l’idée,
Si je me sors de la tête
Que je suis un poète,
Si je quitte ce pan de la réalité,
Le soir tombé,
Peut-être change-t-elle de place avec la femme assise ?
Au soir d’une journée de travail
Le mannequin, la tête lourde,
S’allège le cerveau en la posant par terre.
Rien n’est plus inquiétant que d’avoir une muse
Qui s’appelle Marie-Antoinette.
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 4 mars 2025
d'après la consigne 2425-20 ci-dessous