BALANCE TON PORT !
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Ce que la Vilaine charrie, elle l’embarque en douceur vers Redon et, de là, vers l’océan Atlantique. Son débit est si lent qu’elle prend ici et là des allures de fleuve serein mais dans sa traversée de Rennes celui-ci n’a jamais rien de majestueux.
C’est sans doute à cause de tous ces cochons qui s’en viennent à la nuit tombée tracer des lettres, des tags, des graffs et même dessiner des cochons sur les murs qui bordent le halage ou les petits chemins de la rive droite.
Ici me voilà pris d’un doute, comme l’est le boxeur avant de monter sur le ring. Cela ressemble au paysage que l’on peut voir derrière chez moi, entre le stade de la route de Lorient et le viaduc qui permet aux trains de rejoindre Saint-Malo.
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Mais cela peut être aussi un paysage des bords de l’Ille, un morceau du canal vers le cimetière du Nord. Ce sont les garages qui me désarçonnent mais c’est bien que tu m’emmènes dans ce coin-là, petit cochonou, parce que c’est par là qu’on trouve, à Rennes, la Maison de la Poésie.
J’avais justement très envie d’y revenir à celle-là, de chausser les gants à boxer la langue pour donner dans le percussif, dans le monosyllabe. Vous allez d’autant moins y couper que je le connais bien le boxeur de la rue de Paris et je sais que l’artisan peintre dont on voit l’enseigne s’appelle… Guillotin !
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Alors du coup, Deus ex machina, j’envoie mon droit :
Il peut
Faire un feu
De joie
Celui à qui Dieu
A donné la foi
dans son jeu.
Il peut
Dire nous,
Se croire le roi,
Celui qui est fou
Et n’a pas les foies
Sur sa frêle nef
Même par grand zeph’ !
Un morceau de bois
Jamais ne se noie,
Encore moins
S’il provient
De la vraie croix.
A toujours jouer
Ne risque jamais
Les vilains stigmates
De l’échec et mat
Celui qui canote
Au fil de la flotte,
Au long des noyers,
Des saules pleureurs
Et pois de senteur.
A dérive-esquive,
A bourrre-pif-esquif,
A entrave-étrave,
A dépave-épave,
A sautille-godille,
A gamberge-berge,
A saute-asticote,
A tourne-bourriche,
A pousse-bouchon,
A marche-sur-l’eau,
Quel amusement
C’est, pour le joueur,
De tournebouler
Le vocabulaire !
De laisser coi
Celui qui oit
Son jeu de iambes
Et s’étonne
Que ce poids léger
Fasse rimer
« Heinrich Heine »
Avec « punchline » !
Quand le combat s’engage
Contre les vieux adages
Faut-il mettre des gants
Pour lui rentrer dedans,
Au langage ?
Convient-il que le barde
Se tiennent sur ses gardes
Dans sa barge
S’il l’est,
Barje ?
Peut-il répondre aux coups
Du sort
A coups de haïkus
Ou, pire encore,
Se dire ou faire sonnet
Quand quelque chose cloche
Sous le chapeau de même forme
De la flapper
Et qu’il voit dans le ciel
Des étoiles qui approchent
Du cimetière Saint-Michel
De Venise
Ville exquise
Ou termina knock-out
Au dernier round
Ezra Pound ?
Par ma foi moi je crois
Que le poète peut tout
Tant qu’il n’a pas, salle Wagram,
Les bras en croix,
Tant qu’il surfe sur le vague à l’âme
Et qu’il s’abrite en disant « Nous »
De tous les tours de cochonou
Qui nous attendent pourtant
Sur le grand ring du Temps
Ou, quand finit la rixe,
Sur le grand fleuve Styx.
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 4 avril 2024
à partir de la consigne AEV 2324-24 ci-dessous