PROJET D'ARCHITECTE
G rossièrement taillé dans la pierre, noirci
A force de toujours représenter le mal,
R egardez tout là haut cet étrange animal :
G argouille ! C’est le nom du monstre par ici.
O n aurait pu bien sûr représenter aussi
U n enfançon joufflu urinant sur la foule.
I l convient avant tout que l’eau de pluie s’écoule.
L a gouttière choisie eût été plus jolie.
L ’archevêque écarta cette idée trop nouvelle.
E lle revint, plus tard, moins grandiose, à Bruxelles !
Gargouilles photographiées à Nantes, Loc-Envel, Barcelone et Arques-la-Bataille.
Ecrit pour le Défi du samedi n° 655 d'après cette consigne : gargouille
L'ECHELLE DE JACOB. 4, Nicolas S., pas encore 75 ans, vacciné !
Tout le monde à la trouille !
Tout le monde tripatouille !
Alors quoi, Nicolas ?
Il ne te plaît donc pas,
Le royaume de Dieu
Où les anges sont heureux ?
Tu n’as pas ta place à sa droite ?
Tu es contre la mise en boîte ?
Tu ne veux pas monter à l’échelle ?
As-tu pensé à Pimprenelle ?
Aura-t-elle droit à son vaccin
Contre le virus assassin ?
Aura-t-elle droit à sa piqûre
Pour rester disciples d’Epicure ?
Et moi,
Est-ce par contagion
Que je me pique de religion
Et rejoue les airs du Trouvère
En cherchant Dieu sous les primevères ?
Pour ne pas être malhonnête,
Dois-je poser des talonnettes
A mes chaussures de rando
Ou prendre Bismuth pour pseudo ?
L'ECHELLE DE JACOB. 1, L'Attention
J’ai dormi sur mes deux oreilles
Mais le jour s’est levé.
Je les ai dépliées.
Je suis tout ouïe aux sons qui viennent,
Qu’ils soient valse de Strauss
Ou berceuse bretonne.
J’ai eu du sable dans les yeux
D’avoir trop regardé la mer
Puis le marchand sur son nuage
Est venu jouer de la flûte.
Son ours en peluche à dansé
Sur l’échelle de corde.
Et maintenant un jour nouveau
Pour écouter,
Pour voir,
Pour vivre,
Aller, venir dans le miracle.
L'ECHELLE DE JACOB. 2, Le Tableau de Pierre Bonnard
Qu’a dit le miroir à la dame ?
Que lui a-t-il donc dit pour que,
L’air un peu sombre,
Elle retourne dans l’ombre ?
Que la journée s’annonce belle ?
Que le soleil envahira toute la maison ?
Ou que les fleurs vont se fanant ?
Que nous n’aurons plus d’horizon
Après dix-huit heures ce soir ?
L'ECHELLE DE JACOB. 3, Jacob Cohen
Les sœurs de la miséricorde
Habitent la maison où la nuit est tombée.
Tu étais à mi-chemin de ton voyage.
Elles t’ont vu venir,
Elles ont ouvert leurs portes.
Au milieu du séjour, une échelle de corde
A semblé t’inviter à monter jusqu’au ciel
Mais, Johnny, tu n’es pas un ange
Et Suzanne t’attend là-bas.
Une musique de flûte :
Un ours est descendu
Dire deux ou trois poèmes
Et la nuit te fut bonne
Le lendemain matin
Après le petit déj’
Elles t’ont mis dehors.
Tu as repris ta route
Comme un Canadien errant.
HUIT TANKAS CIRCONFLEXES
L’accent circonflexe Quand Poésie, ma maîtresse, (ou |
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Il inventa la brouette |
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- Si cela est, ce n’est pas |
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Suis-je seul à protester |
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Quelques airs de Giuseppe |
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Le soleil et la nuée |
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Chez le kiné, sous son knout |
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Et pourtant notre slogan |
Pondu pour l'Atelier d'écriture de Villejean du 16 février 2021
d'après la consigne 2021-19 ci-dessous
LE ZODIAQUE EN DOUZE TANKAS
Ce reître opiniâtre
Enfonce les ponts-levis
Et portes ouvertes
Bélier : bélître ou bellâtre
Brûle planches de théâtre !
***
TAUREAU
Prends-le par les cornes
Ou bien par les sentiments,
L’opiniâtre bête !
- Ô taureau ! Vas-tu bouger ?
- Appelle le toréador !
***
GÉMEAUX
Castor et Pollux
Les ancêtres des gémeaux
Toujours pleins d’astuce
A quel manège enchanteur
Se livraient-ils ? Un barrage ?
***
Un six et un neuf
Qu’on a posés tête- bêche :
Sous la carapace
Deux yeux observent le monde
Pour en imaginer d’autres !
***
LION
Roi des animaux
Le lion est né en août
Dans un gîte affreux :
On n’entend pas, dans le zoo,
Le bel écho des savanes.
***
VIERGE
Epis à foison
Aux aîtres de la maison :
Dame Vierge engrange
Quelle étrange fenaison
Quand elle est folle, en septembre !
***
BALANCE
Crime et châtiment
Les plateaux de la balance
Rendent la justice
Mais de quel poids sont les astres
Pour qu’on soit bon ou mauvais ?
***
SCORPION
Scorpion sur grenouille
Pour traverser la rivière.
Au milieu la pique
- C’est fâcheux, dit la grenouille.
- J’y peux rien, c’est ma nature !
***
SAGITTAIRE
Centaure narquois
Flèche tirée du carquois
Arc hypertendu
Un sagittaire à l’affût !
Lièvre ! Va planquer ton râble !
***
CAPRICORNE
Quel entêtement
Peut montrer parfois ta chèvre
Cher Monsieur Seguin !
Saturnienne, capricorne,
Se réaliser tard… nuit !
***
VERSEAU
La tête aux nuages
Entraîné e vers des futurs
A la Jules Verne
Technophile et… amoureux
D’un déchaînement d’étoiles !
***
POISSONS
Ci-gît le zodiaque !
Un curé, chez les poissons,
Lui donna, serein,
L’infini dans les yeux bleus
En guise d’extrême onction !
Pondu pour l'Atelier d'écriture de Villejean du 16 février 2021
d'après la consigne 2021-19 ci-dessous
DE NATURA RERUM
Dans le bordel des rois
Sur les bords de la Loire,
Dans l'éther de Venise,
Au salon de Vénus,
Dans la galerie des glaces
A Versailles, au Palace,
Les récits du boudoir
Et des bruits de couloir
- A moins que ce ne soit
Une ineptie sortie
Des Contes des mille et une nuits -
Nous racontent ceci
Que rien ne garantit :
La belle au bois dormant
Mouillant sa robe de bal
La met à la fenêtre
Pour qu’elle sèche la nuit.
Perspective du soir !
Prospérités du vice !
Imaginant la belle
Dans sa lingerie fine
Casanova est pris
D’une passion dévorante
Pour l’éternelle idole
Et son cœur est brisé ;
Paul Rubens (Les Trois grâces)
Rêve de culs païens et de bourrelets gras ;
Les lits du Danieli
Ou étincellent à deux
Georges Sand et Musset
Et aussi Pagello
S’enflamment des feux de l’amour.
Le dieu Bacchus lui-même
Clame « Tu me rends folle ! ».
La langue de Molière
Se traîne jusqu’au sol
Et ses yeux deviennent ceux
Du loup de Tex Avery.
Les bonobos en rut
Dans le chœur des églises
Entament le cantique
De Salomonte, monte !
Le nocturne du roi
S’élève pour la dame
Dont la robe qui sèche
Sans le savoir professe
L’anatomique leçon du soir :
Pour une nuit de noces,
Une petite mort,
Une érection ne coûte rien
Mais peut vous rendre con
Comme un orteil sucé !
Méfiez-vous de la nuit parfaite
Car le diable est dans les détails !
A l’origine du monde
Il coule un vin si agréable
Que Verlaine et Rimbaud
Sur ce désir d’y boire
Ni trouvèrent que déboires,
Saison d’enfer,
Voie sans pardon,
Larmoiements et clous de satin
Et cette religion du démon
Leur coûta même le Panthéon !
Pondu pour l'Atelier d'écriture de Villejean du mardi 12 janvier 2021
d'après la consigne 2021-14 ci-dessous
La Vilaine à l'automne à Rennes en novembre 2020
Tout ce que j’ai pu voir
De Vilaine à l’automne
M’a remis en mémoire
Comme elle était jolie
Et comme elle aimait rire
A tendre son miroir
A des cieux presque jaunes
Sur le point d’y mourir
D’un nuageux ennui
PORTRAIT A LA GOUACHE ET A L'AIR PEU BRAVACHE MAIS ASSEZ DISTANCIÉ
Je n’ai plus l’âge, que je sache,
De peindre, comme les potaches,
A la Joconde et à la gouache
Une moustache.
Je n' suis plus du genre qui remâche
Et crache toujours dans le goulache
En gueulant très fort : « Mort aux vaches ! » :
Pour la provoc je fais relâche.
Ne comptez plus sur moi ! Macache !
Je ne sortirai plus d’ ma cache,
Le jeu n’en vaut pas la chandelle
Et tant pis si j’apparais lâche :
Il vous restera B.H.L.
Pour y aller cash !
Non ?
Que d’autres bravaches
Se mettent à la tâche
Et sortent de leur sabretache
De quoi cogner sur la rondache
Des vieilles ganaches à soutaches
Qui, manque de bol,
Sont du bon côté du flashball !
Je n’ose même pas croire qu’à l’arrache
Ils se pourrait qu’je m’amourache
D’une fan des Clash
D’une joueuse de squash
D’une tenniswoman a gros smash
D’une dominatrice à cravache
D’une Malgache fumeuse de hasch
Ou que je m’attache
Comme une patache brimballante,
Au point de lui offrir bourrache
D’imprimante avec mon vieux cœur,
A une fidèle de Saint-Eustache
Lanceuse de couteaux à ses heures
Jeteuse de sorts à seize heures trente.
J’ n’ai plus l’âge d’avoir du panache !
J’suis trop vieux pour jouer à l’Apache
Et il faut savoir la tourner
Sinon on finit par faire tache
« Dins l’paysache ! »
Je préfère bouffer des pistaches
Et savourer ce vieux grenache
En jouant un peu à cache-cache
Avec la menace de crash
Qui est suspendue comme une bâche,
Comme un vol de tristes bernaches
Au-dessus de l’eau de la flache,
Pareille à une menace de drache
Sur Anderlecht
Qui gâche la fête à Bertolt Brecht !
Ecrit pour le Défi du samedi n° 629 d'après cette consigne : gouache