FAIRE SON CIRQUE
Dans mon costume de couleur
J'attends qu'ait fini l'écuyère
Pour m'élancer dans la lumière,
Dans le cercle du projecteur.
Voilà qu'on lance la musique
Et que déboule Triboulet.
Le clown travaille sans filet
Son numéro tragi-comique.
Le défilé des éléphants,
Une fois qu'ont barri leurs trompes
N'est rien à côté de ses pompes
Qui font bien rire les enfants.
Nez rouge, cheveux en bataille,
Visage blanc, sourcils charbon,
Il cabriole, il fait des bonds,
Il se fait courser, il se taille
Puis il grimpe sur une échelle,
Annonce qu'il va s'envoler.
Tout un chacun de rigoler
Mais soudain, scène exceptionnelle,
Il devient la femme canon,
Il traverse le pavillon
Et se transforme en papillon !
Quel magicien, crénom de nom !
***
Oui, la prestation est truquée !
Il y a forcément un complice
Malle, rideau, autre artifice,
Substitution alambiquée.
Afin de lever le mystère
Visitez la ménagerie,
Découvrez la supercherie :
Une cage à lépidoptères !
Ecrit pour le Défi du samedi n° 323 à partir de cette consigne
TOUR DE MAGIE
Coincer la bulle savonneuse au niveau de la soupape de sécurité ;
Faire faire aux aiguilles du cauchemar un tour complet sur elles-mêmes à cause du changement d’horreur ;
Jouer au limonaire l’aire hyper-calomnieux destiné au violon afin de dénoncer les sanglots longs du nonce par trop monotones à l’automne pour qui perdit son sonotone ;
Insérer la prière d’un café serré dans le bulletin paroissial ;
Fusionner dans une éprouvette le ressentiment pour Rome, objet unique, et l’inintérêt de se coucher de bonne heure pour longtemps ;
Bayer aux corneilles, prendre racine, boire à la fontaine de jouvence, creuser Nothomb, compter les mouches au plafond de la chapelle en se demandant ardemment « La chopine existe-t-elle ? L’ange a-t-il des oreilles de Mickey ? » ;
Mettre un pain d’apôtre dans le fournil du mécréant.
Exorciser la nuit noire à coups de tournevis cruciforme.
Egrener le chapelet des noms d’étoiles ;
Faire saigner l’impénétrable Voie lactée ;
Appeler un chat un chat et la lumière sur soi.
Alors Dieu apparaît et dit : « Désolé !
Si vous n’êtes pas satisfait par le produit,
Tant pis. Comme vous le savez,
La vie, il n’y a pas de S.A.V. !».
Recommencer ad libitum car ça fait trop de bien d’entendre Dieu parler.
Ecrit pour "Un mot une image une citation" à partir de cette consigne :
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Image par Lifewithzeus sur Morguefile.com |
Une citation : Si la nuit est noire, c'est pour que rien ne puisse nous distraire de nos cauchemars. - Bill Watterson
RENDEZ-VOUS PEU SECRET
Jamais je ne m’habituerai
Au fait que le printemps ait goût
Pour les travaux manuels de l’école primaire
Et la valse à mill’ temps de ses bourgeons qui gonflent !
Jamais ne m’acclimaterai
Au fait qu’au python familier
Les oncles d’Amérique accrochent leur melon
Avec accablement et parfois maladresse !
Ne demandez jamais pardon
A quiconque ! Vous existez !
Le soleil s’est levé depuis déjà longtemps
Et vous avez gagné sa médaille de bronze !
Non jamais je ne m’y ferai
Au fait de poser nu ici
Année après année, surprendre, émerveiller
Comme si l’on était au concours d’invention.
Presque jamais soucieux du doute
Et rarement sujet aux poussées d’amertume,
Incertain d’éviter toute littérature,
J’écris dans un état second
Tout ce qui pardessue la tête,
Tout ce qui ouvre le cerveau,
Sans autre forme de procès, jetez-vous y !
Soyez le sujet vif qui allume les cierges !
Les mots sont matière élastique,
La phrase patinaroulette,
Le manuscrit s’expose à d’infinis ennuis
Mais l’avril et le mai ne m’échapperont pas !
A la commissure des lèvres
Fume une comète musclée.
Vous êtes-vous accoutumées, ô vaporeuses,
A mes luminescences en forme d’aptéryx ?
Je mets mes oiseaux à chanter,
Prêt à perturber bien des gens.
Vous voudrez écouter tous leurs égarements
Qui sonnent juste et bien sur la portée du temps
De ce caractère si doux,
Pourquoi ressort en bulles d’air
L’écriture en bazar, vierge de cicatrices,
A qui cet atelier évite la prison ?
Si course il y a dans cet emploi
D’héritier de l’Inattendu
Mes chaussures de saut m’épargneront la chute :
Je ne mourrai jamais d’ennui ou de tristesse !
A fabriquer de jolis mondes
A s’égarer sans nulle excuse
Loin des commandements de Dieu ou des cousins
J’aurai finalement bien provoqué l’Hiver !
Qu’il se fasse à l’idée que l’âge n’y peut rien !
Qu’il s’habitue au fait que le Printemps a goût
Des travaux manuels à l’école primaire
Et, dans nos cœurs gonflés, de valse à mille temps !
Ecrit à l'Atelier d'écriture de Villejean le 16 septembre 2014 d'après cette consigne (1415-02) :
Choisir un incipit parmi une liste de sept débuts de romans et l'utiliser comme point de départ de votre texte.
AU REVOIR, PETITE FLEUR !
1
C’était un très fumeux big band
Qui datait un peu du Big Bang :
On jouait du jazz Dixieland,
On était fringués comme Jack Lang,
Ch’veux plaqués à la brillantine
Sauf un échalas qui détonne.
Si vous aviez vu la trombine
Du gars qui jouait du trombone !
2
C’était la môme Joséphine
Qui jouait du grand saxophone.
Elle envoyait sa sonatine
Dans l’pavillon du sonotone
Des clients qui prenaient racine
Au casino de Carcassonne.
Si vous aviez vu la trombine
Du gars qui jouait du trombone !
3
L’alto jouait du Borodine,
Le chef hurlait : « Il y a maldonne !
Vous jouez à côté d’vos bottines,
Le programm’ c’est Duke Ellington !
On doit faire danser Ernestine !
Balancez-lui un Charleston ! ».
Si vous aviez vu la trombine
Du gars qui jouait du trombone !
4
Le chanteur buvait trop de fine
Certains soirs il était aphone
Mais, toujours d’une humeur badine,
Il entamait, pour qu’on s’bidonne
La chanson d’Anna Karénine
Qu’avait composée John Lennon !
Si vous aviez vu la trombine
Du gars qui jouait du trombone !
5
La chanteuse s’appelait Marilyn
Elle avait une crinière de lionne
Nous étions tous amoureux d’elle
De ses froufrous, de ses dentelles.
Elle électrisait toute la troupe
Rien qu’en ondulant de la croupe.
Si vous aviez vu la trombine
Du gars qui jouait du trombone !
6
N’empêche, la jolie Colombine,
C’est lui qu’elle avait à la bonne !
Aussi fûmes-nous dans la débine
Quand après le concert d’Eaubonne
Il piqua notre Marilyn
En lui promettant Babylone
Nous étions d’humeur vipérine,
Chocolats comme Toblerone !
7
On n’y avait vu que du bleu
Il avait bien caché son jeu !
Le chef en a perdu le goût
De nous faire jouer l’blues du Bayou
L’orchestre fut dissous, c’est moche
Et on en fut de notre poche :
L’énamouré et sa gonzesse
Avaient filé avec la caisse !
8
Si vous aussi êtes musicien,
Je vous le dis pour votre bien,
Faites attention à la bobine
Du gars qui souffle dans l’trombone !
Avec sa tête d’Aldo Maccione
Il combine de drôles de machines !
Avec ses allures d’Al Capone
Il peut embarquer votr’ copine !
Ecrit pour Un mot, une image une citation du 31 mars 2014 à partir de la consigne :
Un mot : revoir
Une citation : Il y a des fleurs partout pour qui veut bien les voir. - Henri Matisse
Une image :
SUR LES PAS DE LEON-PAUL FARGUE
1
Je ne fais pas preuve de morgue
Car je ne suis pas un cyborg
Mais j’ai plus de chaleur humaine
Que ce sinistre énergumène :
Je veux déclarer en exergue
Que je ne suis pas l’iceberg
Qui sema jadis la panique
Sur le paquebot Titanic
Parmi les voiles que l’on cargue
Je suis un peu le subrécargue
D’une compagnie de poètes
Et de bateaux ivres de fêtes
2
Comme arguments à nos folies
Ou même à nos mélancolies
Nous n'avons qu'arguties faciles :
Notre adoration de Cécile,
La patronne des musiciens,
L’amour des mots neufs ou anciens,
Des maximes de Vauvenargues ,
Des formules folles qu’on largue.
Parmi les voiles que l’on cargue
Je suis un peu le subrécargue
D’une compagnie de poètes
Et de bateaux ivres de fêtes
3
Je ne monte pas sur les vergues
Pour déclamer du Lichtenberg ;
Plus qu’un pyrargue sur les voiles
Je suis le targui des étoiles,
Le flamant rose de Camargue
Et dans mes plus beaux jours je nargue
Tous ces fiers à bras qui refourguent
Leurs devises du Luxembourg
Parmi les voiles que l’on cargue
Je suis un peu le subrécargue
D’une compagnie de poètes
Et de bateaux ivres de fêtes
4
Seule chose dont je me targue
Sur les pas de Léon-Paul Fargue,
Je suis un piéton de la Terre
Abasourdi par ses mystères,
Par ses beautés de Sorgue, d’îles,
Ses escargots, ses crocodiles,
Ses fleuves, ses flots batailleurs,
Ses vents qui poussent vers ailleurs
Parmi les voiles que l’on cargue
Je suis un peu le subrécargue
D’une compagnie de poètes
Et de bateaux ivres de fêtes
Les photos de l'Etoile du Roy ont été prises à Saint-Malo le 9 mars 2014
Ecrit Pour Un mot une image une citation d'après cette consigne