LANGUE QUATRE VENTS RITOURNELLE HARPE
La langue d’Eole est bien pendue.
Le dieu s’accompagne à la harpe
Et chante à qui veut l’écouter
La ritournelle des quatre vents
La harpe du souffleur connaît la ritournelle.
Elle peut la jouer dans quantités de langues
En latin, en grec, en rap ou en slang,
La mélodie des quatre vents.
Quand les quatre vents ont pris langue
Avec les axes de la terre
La ritournelle aux doigts d’Eole
Est venue chatouiller la harpe.
La langue a frappé sur les dents
Pour envoyer la ritournelle ;
Les doigts ont caressé la harpe
Et raconté les quatre vents
Harpe de Mistral et d’Autan,
Langue de Zéphyr, Sirocco…
Quatre vents sont sortis d’une bouche divine
Et puis la Tramontane a volé la chanson ! Partie, la ritournelle !
Ma langue est empesée, les dieux ont disparu :
Pas de magnétophone pour cette ritournelle.
Tout ce folklore est dispersé aux quatre vents
La harpe est démontée tout autant que la mer
Il pleut des cordes de misère
Par-dessus la flûte de Pan.
Effet du glyphosate ?
Plus de mite au logis !
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 29 mai 2018
d'après cette consigne
GANIMEDE ALORS : UN RECIT DE CAMILLE CINQ-SENS (1)
La dernière fois qu’Isaure Chassériau a rendu visite à son oncle Camille Cinq-Sens, elle a eu droit à un règlement de conte en bonne et due forme. A force de fréquenter des artistes dans son café du Vieux Saint-Etienne, rue de Dinan, à Rennes, voilà que l’oncle Camille s’est mis en tête de devenir « conteur énervé » :
- Pour commencer ils ont supprimé l'option apprentissage du latin et du grec dans les collèges. Certains d'entre eux ont justifié la mesure en disant que c'était là un refuge pour les élites. Ils ont condamné l'entre-soi mais ne vivent-ils pas tous entre eux ? Les ministres n'épousent-ils pas des journalistes, les footballeurs des mannequins, les philosophes des actrices ?
Et puis après la destruction de Palmyre, ils n'ont pas voulu être en reste. Ils en ont remis une couche sur la sécurité : ils ont interdit les religions polythéistes. Ca n'avait absolument rien à voir avec le sujet mais c'est quand même comme ça qu'on s'est retrouvé tous au bloc, Hermès, Zeus, Héphaïstos, Vénus, Athéna et les autres.
Je ne sais pas comment on s'est fait piéger ni ce qu'on trafiquait dans la bibliothèque de l'Université de Rennes 2 mais quand l'alarme incendie s'est déclenchée tous les étudiants sont sortis et nous pas. Les pompiers qui sont entrés n'étaient pas de vrais pompiers. On n'y a vu que du feu. Ils ont lancé des fumigènes, se sont couvert le nez de masques, ont fait éclater des capsules spéciales. C'est incroyable comme ça gaze à l'Université de Haute-Bretagne depuis qu'ils ont refusé la fusion avec leur voisine de Rennes 1 ! Ils doivent avoir une UFR d'Info-com’ particulièrement soporifique parce que pour être endormis on a été bien endormis, enfumés, enchaînés puis enchristés.
Car depuis on croupit à la prison Jacques Cartier. Personne n'en sait rien parce que ça fait plus de deux ans que la prison est vide. Ils ne savent pas ce qu'ils vont faire du bâtiment. Moi je peux vous dire à quoi il sert en attendant : c'est devenu le Guantanamo des dieux en voie d'oubli ! La prison Jacques Cartier de Haute Sécurité !
GANIMEDE ALORS : UN RECIT DE CAMILLE CINQ-SENS (2)
- Comprenez-moi, les gars, les filles, a dit le directeur de la taule. Les mômes d'aujourd'hui n'ont plus rien dans le citron. Avec ce qu'ils gurgitent sur Ternette ils ne savent plus aligner un sujet, un verbe et un complément. Alors du coup ils alignent les profs dès qu'ils leur causent histoire des religions ou éducation civique. Ils le traitent de raciste comme font le jazz et la java dans la chanson de Nougaro.
Vous, messieurs-dames, vous avez fait votre temps ! Ca fait plus de 2000 ans que vous enquiquinez le monde avec vos coucheries, vos fâcheries, vos numéros de magie, vos oripeaux fripés, votre mythologie et vos mites au logis.
En plus, comme dirait Janus, vous nous compliquez l'existence avec vos prénoms bilangues même pas classes : Vulcain-Héphaïstos, Zeus-Jupiter, Junon-Héra, Kama-Soutra, Mercure O'Chrome... Comment voulez-vous que les mômes s'y retrouvent là-dedans. Ils y perdent leur latin dans vos « monsieur et madame ont un fils » !
Et puis des dieux qui se transforment en taureau, en cygne ou en pluie d'or pour séduire des gonzesses, ça fait quand même un peu grosse tache à l'heure du mariage pour tous, non ? Pas un seul d'entre vous qui aille se faire voir chez les Grecs alors que vous en venez de chez la belle Hellène, c'est pas un drachme mais avouez que c'est limite homophobe, votre discours religieux, non ?
Alors je suis sympa. Je laisse les portes des cellules ouvertes, vous vous baladez comme vous voulez dans la prison, mais pas de tentative d'évasion s'il vous plaît, OK ? De toute façon tout est hyper sécurisé ici."
On n'a rien entravé à son charabia.
Là-dessus le temps a passé. Supers-pouvoirs ou pas, Dieux de l'Olympe ou pas, il faut reconnaître que les mecs sont balèzes. Plus rien ne marche pour nous : Zeus ne commande plus à la foudre, l'enclume de Vulcain pèse juste le poids d'un édredon, Héra périclite et Vénus ne monte plus.
Il n'y a plus que Neptune qui nous fait rire encore un peu de temps en temps. A la dernière visite médicale la doctoresse, Madame Trépas, lui a trouvé un profil d'étape des Pyrénées dans le tour de France au niveau de ses gamma-globules Marilyne ou de ses lipides amniotiques, on ne comprend rien ni à leur vocabulaire ni à leur écriture à ces Esculapes de seconde zone !
- Qu'est-ce que vous voulez que ça me fasse, Madame le Major ? qu'il a répondu. Vous ne croyez tout de même pas qu'on a le même sang de navet que vous autres les humains, Palsambleu ? On n’est pas de la même veine !
Eh bien, colère ou pas, il a quand même eu droit à une deuxième prise de sang de contrôle qui n'a absolument rien donné par rapport aux critères des hominidés qui n’ont pas idée de ce que nous sommes ! Et là, gag : toute sa chimie est plus que normale, dans la fourchette prévue, pile-poil au milieu même !
C’est quand même bien bizarre, je vous l’accorde, qu’un sous l’eau comme ça ne développe même pas le début d’un embryon de cirrhose de la foi. Sans compter qu'avec sa fourche il se goinfre comme pas deux de choucroute de la mer et mange plutôt comme quatre. C'est normal : quand nous on a la dent, lui il a le trident ! La toubibe était drôlement vexée. Du coup elle lui a prescrit une analyse d’urine.
- Ah non, pas Wagner ! L'analyse du Ring, Wotan en emporte le vent ! Autant relire « Les Chevaliers de Königsfeld » et tourner en rond sur le circuit du Nürbürgring avec Michel Vaillant !
- Je ne vous parle pas d'analyse du Ring, je vous dis que nous allons analyser-vos urines de 24 heures.
- Dûment ?
- Je vous fais une ordonnance. Vous retournerez à l'infirmerie voir Mme Lapis-Couse.
GANIMEDE ALORS : UN RECIT DE CAMILLE CINQ-SENS (3)
Le temps a passé. Neptune s'est occupé de sa quatre-chevaux dans l'écurie de la prison, à côté de l'endroit où Héphaïstos chantait avec Orphée la chanson des « Filles des forges », un tube local en acier. Et puis le doute s'est insinué dans son peu de cervelle. A force de vivre sous la flotte, ses neurones prennent l'eau et le doute s'insinue parfois sous son crâne.
Il s’est dit qu’il n'avait jamais fait d'analyse d'urine de sa vie et qu’il aimerait bien savoir finalement comment ça marchait ce truc la, si ça ne débouchait pas sur une séance de touche-pipi avec Mme Lapis-Couse qui lui avait semblé jeune, jolie et désirable. Dans le « Dictionnaire des histoires drôles » d'Hervé Nègre qu'il avait dégoté à la Bibliothèque de la prison il avait lu des histoires de banque du sperme qui l’avaient bien fait marrer. Pourquoi ne pas se prêter au jeu de la médecine humaine ? Cela pouvait s'avérer drôle finalement, comme expérience !
Alors le mois suivant, parce que du temps avait passé et que les dieux ont tout le leur, il a poussé la porte de l'infirmerie. Mme Lapis-Couse était au téléphone. Il a attendu patiemment, regardant la décoration murale à base de toiles mi Picassiettesques, mi Pop-Artistiques mi Andywarholiennes.
A un moment donné, Mme Lapis à raccroché le bigophone.
- Bonjour. Vous aviez rendez-vous ?
- Je ne crois pas. C'est le docteur Trépas qui me renvoie vers vous pour une spécialité maison.
- Donnez-moi votre ordonnance et votre carte Vitale.
- L'ordonnance je l'ai, mais la carte Vitale, nous autres, dieux immortels, on en a pas besoin.
- Vous avez votre flacon?
- Un flacon ? C’est un peu amphore de café, le docteur ne m’a pas parlé de ça ?
- Je vois, a fait Madame Lapis-Couse visiblement excédée. L'objectif est de collecter vos urines pendant 24 heures. Je vous donne ce bidon de deux litres cinq. Un jour où vous restez chez vous…
- On ne peut pas sortir d'ici, Madame, c’est une prison. On est comme les verres de Saint-Etienne ou de Saint-Gobain, on est consignés.
- …Vous allez faire pipi dedans. Les urines du matin au réveil du premier jour ne comptent pas, vous les jetez. Les suivantes vous les lovez là-dedans.
- Ah oui ! Pisse and love, je connais, c’est mon trident mais à l’envers dans un rond.
- Je ne comprends rien à ce que vous dites. Si le bidon ne suffit pas vous mettrez le surplus dans une bouteille en plastique.
- Formidable, a dit Neptune. Je commence demain et je reviens vous voir quand le bidon est plein.
Poséidon - c'était là son pseudo quand il coinçait la bulle entre deux vagues à l’âme et surfait sur le net - rentra chez lui et posa le bidon à côté de sa gamelle.
Il laissa passer un autre mois. Ca n'était pas aussi excitant que cela, finalement. Et puis quand même un jour il se dit que c'était peut-être au moment de l'analyse qu'il se passerait des choses avec la jolie infirmière.
Alors ce dimanche-là, précautionneusement, il pissa dans le bidon comme si c'était dans un violon, avec âme. Bien qu'il eût bu du café et quantité de vin au banquet du midi il ne remplit guère qu'un petit demi-litre.
GANIMEDE ALORS : UN RECIT DE CAMILLE CINQ-SENS (4)
Quand il se présenta à l'infirmerie le lendemain à 8h00 il eut peur de paraître ridicule, genre le mec qui joue petit bras ou qui a la prébende un peu plus que molletière.
Mme Lapis-Couse lui fit juste remarquer qu'il n'avait pas rempli… les données nominatives sur l'étiquette du bidon.
Il le fit, mettant juste des croix là où l'on demandait la date de naissance.
- Vous avez commencé à uriner à quelle heure ?
- Je ne sais pas… A neuf heures ?
- Alors je ne peux pas les prendre. Il faudra compléter et revenir me les donner à 9h00.
- Mais attendez ! C’est que je vais au boulot, moi, et puis j'ai plus envie !
- On vous avait dit les urines de 24 heures ! 24 heures c’est 24 heures ! Je vais devoir noter que les conditions du test n'ont pas été remplies convenablement !
- Si vous voulez ! Je m'en fiche un peu du reste : je ne sais pas ce qu'elle cherche la médecine-woman ! Moi ce que je sais, c’est que je ne suis jamais malade. On a tous une santé du tonnerre de Zeus et on a en permanence une forme olympique.
- Les résultats… vous passerez les prendre ou on vous les envoie ?
- Je passerai les prendre. J’adore avoir rendez-vous avec vous !
- Ils seront prêts demain soir. Tenez voilà le ticket pour venir les retirer.
Il le mit dans la poche intérieure de sa toge. Il attendit la suite mais rien d'autre ne vint.
-C'est bon vous pouvez partir. Vous attendez quoi ?
- Vous ne regardez pas mon pipi ?
- Non, on va l'envoyer au labo.
- C'est tout alors ?
- Oui c'est tout. Bonne journée !
Neptune est sorti un chouïa déçu et frustré.
Le temps a encore passé.
Il n'est jamais allé chercher les résultats.
V’là l’boute, ma chère Isaure. »
Isaure Chassériau a regardé son oncle Camille Cinq-Sens avec des yeux en billes de loto.
Quand il racontait ce genre d'histoire mi-iatrophobe mi-y’a trop bu elle se demandait toujours si c'était du lard ou bien du cochon.
Ecrit à l'atelier d'écriture de Villejean le mardi 26 mai 2015 d'après deux photos d'un voyage à Tunis et sur le thème du temps qui passe.
LA VULGARITE DES CYCLOPES / Marie-France T. : 1ères pages par Joe Krapov
- C’est sûr qu’on nous a filé le sale boulot, commença Polyphème.
- Les Dieux sont des enfoirés, ajouta Polyphonique. Nous n’avons qu’un seul œil au milieu du front et leur grande plaisanterie a toujours été de nous conseiller : « Ouvre l’œil et le bon ! ».
- Un peu comme l’autre avec son : « C’est vous, le nègre ? Continuez ! ».
- Je sais bien qu’il faut travailler pour gagner sa moussaka…
- Il paraît qu’il y a du cheval de Troie, dedans, maintenant !
- … mais tranformer les îles dans lesquelles nous gardions nos moutons en prison pour la lie de la société grecque, c’est un peu fort de café !
- Nous-mêmes sommes devenus des matons.
- Et pendant ce temps-là les dieux et demi-dieux voyagent dans des îles idylliques.
- Ils y sont accueillis par des magiciennes qui leur en font voir de toutes les couleurs.
- Pendant ce temps, nous, côté sexes, zéro ! Nada ! Que nibe ! Que dalle ! Rien ! Crois-tu que les Dieux se seraient souciés de nous donner des compagnes ? Que tchi, que tchi, comme on dit en Corse !
- Pas même une monstruosité comme la femme à trois seins, la sirène à patte, la Vénus sans bras ou la petite sœur de Cléopâtre.
- Pas la moindre petite Amazone bleue ! ajouta Polycarpe qui était resté muet jusque-là.
- Ils croient peut-être qu’on est aussi tantouses que Socrate et Platon, ces histrions !
- Bref, mes chers amis, je propose que nous nous mettions en grève, suggéra Polystirène.
- Que nous rassemblions nos forces pour construire un immense vaisseau sur lequel nous embarquerons tous lança Polygarchique.
- Tout plutôt que de rester là à attendre que le meilleur d’entre nous se fasse ridiculiser par cet imbécile d’Ulysse.
- Je crois que c’est à nous de réécrire l’histoire, ajouta Polygraphe. Il ne sera pas dit que devrons toujours nous faire damer le pion en matière de récit d’aventure par cet Homère, qui, de surcroît, est aveugle !
- Au royaume des borgnes, les aveugles n’ont pas à être les rois !
- Partons à l’aventure, sillonnons le monde !
- Tout ça, c’est bien joli, admit Polytraumatisé mais quelqu’un a-t-il des connaissances en architecture navale ?
- Moi je sais faire des cocottes en papier, glissa doucement Multiredoublant, des bateaux et aussi des bombes à eau.
- Et merde ! Ca me troue un peu le cul, mais avec des présupposés comme ça et une telle équipe de bras cassés, jele sentais bien venir que ce bouquin, malgré sa jolie couverture, n’irait pas beaucoup plus loin que sa page 1 !
Ecrit pour l'Atelier d'écriture de Villejean le 12 mars 2013.