CONSIGNE D'ÉCRITURE 2021-14 DU 12 JANVIER A L'ATELIER DE VILLEJEAN
Anagrammes dans le boudoir
Jacques Perry-Salkow a encore sévi, pour notre plus grand bien (ou mal) ! Ce spécialiste des anagrammes a mélangé les lettres des formules de gauche du tableau ci-dessous pour obtenir une autre formule inscrite juste en face dans la colonne de droite.
Comme dans les précédentes versions de ce jeu déjà pratiqué ici (voir des exemples), il vous est demandé d’écrire une histoire, un poème, un texte assez court qui commence obligatoirement par la formule de gauche et se termine par la formule de droite correspondante.
Vous pouvez bien entendu répéter l’exercice plusieurs fois.
Si cela vous semble trop compliqué l’animateur vous permet d’écrire un texte d’une forme différente mais dans lequel vous devrez insérer vingt formules piochées dans le tableau.
N.B. Pour ne pas causer de désagrément aux auteurs, le tableau a été retiré de ce blog à l'issue du jeu. Une raison de plus de faire marcher votre curiosité et de vous enquérir de cet ouvrage auprès de votre libraire préféré·e.
99 DRAGON : EXERCICES DE STYLE. 59, Anagrammes
Gardons-nous des dragons ! Il suffit que débarque ce braque de bestiau pour que survienne en l’Etat-flic haï la chienlit fatale !
Qu’il radine, Poulbot à l’air niais et qu’il boulotte peinard des troupeaux de brebis, n’en laissant que des bribes, ça fâche le bouseux du coin et ça rend, tout ça, Léon Baduchef soucieux (Léon est le responsable de la FNSEA locale). Il s’en va demander de l’aide au château.
Mais le roi est nu, l’ ONU stérile (on ne l’a pas encore inventée) et la lune sortie des nuages n’éclaire pas Atlas : un seigneur désolé se lamente à sa place. Tous ont fui, le chanteur de rue est loin et le protecteur de la veuve et de l’orphelin encore plus. Ô seigneur seringué ! Ton armée n'en fout pas une ramée ! Tu es le tsar d'une armée de rats ! Plus ils quittent le navire et plus ton avenir, lui, court vers la ravine !
Ta valetaille s'est bien gardée de lui tenir la dragée haute à ce dragon frais comme un gardon !
Ton équipe pas piquée des hannetons fait de la peine à voir. C'est plus qu'une épine dans le pied, c'est le catalogue de La Redoute des rois de la déroute réfugiés au café d'en face !
Ta police picole ! Mon pigeon, il faut faire preuve de poigne ! Car bientôt le dragon réclame une princesse accorte ! Pour calmer ce gros enraciné, danse celte, valse viennoise et tango corse ne suffisent plus.
Justement la princesse est finaude.
- Tu finis la désespérance !, ordonne-t-elle à son paternel et à son dernier ministre. Il n'est rien de pire que d'avoir péri sans combattre ! Barattons, mecs ! Ca ne sert à rien de se faire tout un monde de ce démon. Plutôt qu'une armée faible, mieux vaut utiliser un mec fiable. J'en connais un. Il est fort comme Jean-Paul Belmondo et il a une jambe d'Apollon sans être pour autant unijambiste comme Rimbaud.
- Ah ma fille ! Tu es le fleuron de ma famille ! Mais s'il réussit... il faudra bien offrir une récompense à ce romain ? Un manoir ? Notre trône ? Des voyages au pays où poussent des goyaves ?
- Aucune sale tuile de ce genre ! poursuit la tailleuse de bavette. Le gars préfère l'utile au futile. Il veut seulement répandre sa religion, en fait.
- Et nous du coup nous pérégrinerions en Lada ? Une religion, est-ce une secte qui réussira ? Un évangéliste ! C'est que voilà d'inélégantes U.V. ! Le paganisme a du bon pourtant et cela promet un bal à empoignades théologiques fort passionnant ! Mais bon nous ne sommes plus à cela près. Soit, j'accepte. Fais appel à ce gus pour qu'il nous alpaguasse ce Pif.
- C'est un dragon, Papa, pas un chien qui nous cherche niche ! Et le subjonctif passé c'est « alpaguât », comme tes costumes !
- Comment s’appelle-t-il, ton bonhomme?
- Le chevalier Saint-Georges ! De loin on dirait juste un mec qui a bouffé du lion mais attention à la tentation de ne pas voir en lui un sanguinaire ! Voilà qui va chavirer les généalogistes et les oligarches végétariens qui songeraient à l’enrôler : dans la famille du chevalier Saint-Georges, pas de ségrégations ! On bouffe du dragon cuit à tous ses repas depuis plusieurs générations.
***
Consulte le tarot de marseille. Une lame te dira le sort qui t’est réservé. La dispute est toujours stupide mais bon. Ainsi fut engagé le mercenaire.
Alors maintenant le récit du combat du preux, qu’en penser ? Du capron ? Du cirque blême et piteux, plutôt ! Vous en voulez encore, des extraits du dialogue incendiaire entre le légionnaire caïd de Dieu et le cracheur de feu à écailles ? En voici :- Carne rance, enfonce-toi ça dans le crâne ! La cause qui consiste à combattre tout ennemi de ma foi je la fais mienne !
- Barre-toi de mon arbre !
- Balise, peu à l'aise Blaise ! Derrière le croisé tout hérétique devient scorie !
- Râle donc au fisc, Claude François !
- L’idée de Dieu m’illumine grave ! La lumière divine me guide, led précurseur dans tes ténèbres !
- Ton amulette est ravinée, l’jedi ! Je vais éteindre ton allumette !
***
Saint-Georges, une fois de plus nain triomphateur, sans peur ni angoisses, défit le gnou.
Dans le sang du dragon la tige d’une rose y a trouvé son gîte.
Et moi je suis reparti vers d’autres écritures. Car il n’y a jamais de repos pour ma prose ! Ecrivain forcené, je crèverai confiné une fois atteint 99 ! En 2099 !
ANAGRAMMES POUR LIRE DANS LES PENSÉES (1)
Polisseur de lentilles,
Gendarmeur de haricots,
Dresseur de carottes,
Tuteur de salades,
Bourreau des cœurs de céleri-rave,
Echec et mateur de betteraves,
Correcteur d’artichauts,
Tortionnaire de bonzaïs,
Tu n’obtiendras jamais
Les aveux des iris,
La force de l’épinard
(Spinach en Angleterre)
Que Spinoza cultive
Dans son jardin secret
Avec les fleurs du rêve,
Les bijoux du secret,
Les colliers d’hypothèse,
Les bagues de silence
Et les perles d’illusion.
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean du mardi 29 janvier 2019
d'après la consigne ci-dessous.
ANAGRAMMES POUR LIRE DANS LES PENSÉES (2)
« RÉPUBLIQUE FRANÇAISE »
On avait apposé ces deux mots incongrus
A l’entrée d’une case qui servait de mairie,
A l’entrée d’un enclos construit artistiquement
Autour d’un baobab.
Nul n’y palabrait plus
Et l’instituteur blanc
Apprenait aux enfants à peu noire
Qu’ils avaient des ancêtres
Gaulois et réfractaires.
Il avait grandi là,
Mamadou Banania
Et rêvé de la France
Et voulu voir la neige
Il y était allé,
Sortant du Sénégal
Pour voir en tirailleur
Les obus de Verdun
Et la boue des tranchées.
Il aurait bien voulu
Mourir et devenir
Le soldat inconnu
Sous son arc de triomphe
Il avait survécu
Et trouvé du boulot
Dans la publicité
Buvant leur chocolat
Quelques années plus tard
Les petites filles de France
Admiraient sa bobine
Et rêvaient, malicieuses
Et frondeuses
- Ou vicieuses
Comme on disait alors
Chez les vieux Pétainistes – :
« Quel Africain superbe ! »
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean du mardi 29 janvier 2019 d'après la consigne ci-dessous.
ANAGRAMMES POUR LIRE DANS LES PENSÉES (3)
Une brève de comptoir
Comporte de l’outrance, mais pas trop :
- Vous êtes deux à vouloir jouer au bridge ? Passez une annonce pour trouver un troisième ! Pour le mort je me fais fort de vous en dégoter un : y’en a plein au cimetière de l’Est !
Une brève de comptoir
Doit être graveleuse, mais pas trop :
- Ne passez pas une petite annonce pour monter un club de strip-poker ! Il n’y aura que des mecs pour répondre présent et ça c’est décevant !
Une brève de comptoir
Doit frôler la bêtise, mais pas trop :
- Vous allez chanter avec nous le refrain qui dit « Oh la la la ! C’est magnifique ! ». Et nous avons décidé ce matin de chanter cette chanson de Luis Mariano en roulant les « r » ! On va faire un essai : chantez donc « Oh la la la ! C’est magnifique ! » en roulant les « r » pour voir ?
Le Saint-Chinian aidant les langues se dénouent et des projets se montent : « Aller chanter à la maison du Ronceray » ; « Aller passer une journée à l’île Bailleron dans le golfe du Morbihan » « Participer à la Ballade avec Brassens de Saint-Quai Portrieux en septembre ».
Une brève de comptoir
Comporte bien du rêve !
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean du mardi 29 janvier 2019 d'après la consigne ci-dessous.
ANAGRAMMES POUR LIRE DANS LES PENSÉES (5)
La vraie vie est ailleurs.
« La ville où je suis né est idiote entre toutes les villes » dit Rimbaud. Il s’en va vers Paris. C’est encore la guerre et bientôt la Commune.
La vieillesse est un naufrage : la main à plume du jeune homme qui vaut bien la main à charrue a déjà écrit les plus beaux poèmes de la langue française et elle trouve la vigne austère sans la feuille. « Devenons vite le roi des poètes ou faisons autre chose ! »
La vraie vie est ailleurs mais la terre est une charogne cosmique et la religion qui ne console de rien n’est que cet os sacré que ronge l’être humain.
La vraie vie est ailleurs. Rimbaud marche. Sa vieillesse sera un naufrage. Sa jambe deviendra « La charogne cosmique » et très comiquement sera mise en musique un bon siècle plus tard ! Merci Hubert-Félix !
Pour l’heure voici Rimbaud devant un corps gisant. C’est celui d’un soldat dans un trou de verdure. Rimbaud, médecin-légiste d’un quart d’heure, note qu’il a deux trous rouges au côté droit.
On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve.
Ô saisons ! Ô Châteaux !
Quelle âme est sans défauts ?
Désolés, les enfants ! La vague sans fin modifiée emmène nos jeux de sable !
Rimbaud reprend sa marche. La voix de l’Inconnu et celles des Inconnus lui disent : « C’est ton des-tin ! ». Une voix chante : « Chacun sa route, chacun son chemin ». La rivière suit la vallée.
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean du mardi 29 janvier 2019 d'après la consigne ci-dessous.
ANAGRAMMES POUR LIRE DANS LES PENSÉES (6)
L’allégorie de la caverne, Platon, on nous en a fait tout un plat mais ça n’est jamais que la description d’une salle de cinéma ! On le sait bien que la salle est obscure, que c’est le projecteur qui est dans notre dos. Mais pourquoi est-ce qu’on irait chatouiller le mammouth quand on a payé sa place pour une heure trente de bonheur, sans compter la demi-heure de publicités et les pop-corns ?
Taquiner le brontosaure, faire des rentes aux actionnaires, les prolétaires sont là pour ça non ? Ils ont accepté contre un maigre salaire, certes, les risques du métier de chasseur-coupeur de biftecks. Pendant ce temps nous nous emplissons de rêve et contemplons King-Kong qui s’élève dans les hauteurs. Ce que nous voyons là, c’est l’art dans sa plénitude et le réel vacant le long de la paroi.
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean du mardi 29 janvier 2019 d'après la consigne ci-dessous.
CONSIGNE D'ECRITURE 1819-17 DU 29 JANVIER 2018 A L'ATELIER DE VILLEJEAN A RENNES
Pensées entre deux anagrammes
Dans le livre « Anagrammes pour lire dans les pensées », Jacques Perry-Salkow a relevé des phrases philosophiques dont les lettres mélangées peuvent reformer d’autres mots et donc d’autres phrases.
Il a demandé à Raphaël Enthoven d’écrire un texte qui mène d’une formule à son anagramme. A titre d’exemple ce texte nous explique pourquoi « Critique de la raison pure » devient « paradis onirique et cruel » ou divague plus ou moins logiquement entre les deux formules.
Il est demandé d’écrire plusieurs textes d’une quinzaine de lignes pour aller d’une anagramme à l’autre. Tous les styles sont admis.
Voici quelques unes des anagrammes proposées dans lesquelles chacun(e) pouvait choisir :
Empruntons la route et rions | Et la mort n’est rien pour nous |
Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre | L’écriture signe le questionnement |
On ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve | la vague sans fin modifiée emmène nos jeux de sable |
Le travail, la famille, la patrie | La villa, le mari parfait, la télé |
Mouvement des Femen | Vénus, femme et démon |
La crise de l’autorité | Le droit à la sécurité |
Liberté égalité fraternité | ébriété, flirt et galanterie |
Intouchable | chant oublié |
De la démocratie | art de la comédie |
Monseigneur Bossuet, l’aigle de Meaux | Diable ! les goûteux sermons ! Une magie ! |
Et si le ciel était vide ? | Ta vie, elle est dite ici ! |
Monsieur Tout le monde | Tu es le mouton endormi |
La révolution d’octobre | robinet d’alcool ouvert |
La fonction crée l’organe | Le forgeron connaît cela |
L’ancien régime et la révolution | Le roi guillotiné creva net. Amen |
La propriété, source de l’égalité | origine de la prospérité actuelle |
Dieu est mort | Remis de tout |
Le journal d’un séducteur | jeu cruel d’un sale tordu |
La beauté est dans l’œil de celui qui regarde | et Dieu créa la laideur dans le geste oblique |
Le misanthrope | l’atmosphérien |
On ne voit bien qu’avec le cœur. L’essentiel est invisible pour les yeux | Saint-Exupéry veut, noble visée, que l’être conçoive bien les illusions |
On se suicide toujours trop tard | Discutera-t-on toujours d’espoir ? |
Le paradis terrestre | plâtre de terrassier |
La vieillesse est un naufrage | vigne austère sans la feuille |
Le rêve américain | La vie mercenaire |
Qu’est-ce que le moi | c’est quelque émoi |
L’inconscient est un lac obscur | blanc inconnu sous clé stricte |
Entre la solitude et la vulgarité | une voile leste, l’attrait du large |
La grande muraille de Chine | Le daim regarde la chenille |
La vraie vie est ailleurs | La rivière suit sa vallée |
Le nombril du monde | l’immonde rond bleu |
La morale a toujours le dernier mot | Alors l’amour rend Juliette à Roméo |
La Liberté guidant le peuple d’Eugène Delacroix | Le gueux radine, l’étendard palpite, le ciel bouge |
Perdre sa vie à la gagner | aspire à la grande grève |
La révolution industrielle | nourrit la solitude en ville |
Question sans réponse | enquêtons sans espoir |
La fin du monde est pour demain | arôme fou d’un matin splendide |
De l’entremangerie universelle | Nulle règle. Rester en vie demain |
Cueille le jour sans te soucier du lendemain | au seuil du jardin : une école, cent mille roses… |
Penser contre soi-même | comme serpenter en soi |
Autres temps, autres mœurs | Tout passe et sera murmures |
Salon de Madame Verdurin | Marivauder dans le monde |
Le baiser du soir | libido rassurée |
Le sens de la vie | L’éveil des ânes |
L’épreuve de philo du bac | l’approche bleue du vide |
L’amour un instant de bave | un diamant bouleversant |
CINQ ANAGRAMMES RENVERSANTES
Monsieur Tout le monde !
Ressaisis-toi ! Cela fait des années qu’on te taxe quelque chose comme 138 euros par an afin que tu te fasses balancer dans la tronche des choses aussi palpitantes que Derrick, les Grosses têtes, des radio-crochets, les Feux de l’amour ou les vérandas royales de Stéphane Bern ! En plus tout cela est entrecoupé de publicités au son beaucoup trop fort qui rapportent déjà gros à ce service télévisuel d’état qui n’intéresse même plus les jeunes générations !
Et toi tu acceptes de te faire bourrer le mou 3 h 30 par jour ! Même le président Macron l’a dit : « C’est une honte ! ». Shame on you, Monsieur tout le monde ! Je ne chanterai pas, moi non plus, que « j’aime tes genoux » !
Ressaisis-toi, Monsieur Tout le monde ! Eteins ce bousin ! Fais la fête avec tes voisins, va te balader, ouvre un bon bouquin ! N’attends pas la publicité pour aller pisser ! Envoie paître dès maintenant ta télécommande !
Si tu ne fais rien de cela je finirai par penser que tu es le mouton endormi !
***
Miguel de Cervantes Saavedra déri déra et tra lala
S’il avait fait du haïku, du limerick, bien plus de cas,
Nul dès lors n’aurait su son nom, son abattage,
Son immense talent de noircisseur de pages !
Il fut auteur de Don Quijote de la Mancha,
Individu rêveur, malingre, squelettique,
Qui rêva d’aventures et toujours se fourra
Du fait de sa myopie, dans des plans pathétiques !
Sancho son écuyer, plein de bon sens et gras,
Peut bien gueuler derrière des paroles de sage !
Le chevalier ne l’entend pas. Toujours il va,
Fonçant vers son destin, sa chute, son naufrage !
Miguel de Cervantes Saavedra déri déra et tra lala
S’il avait fait du haïku, du limerick, bien plus de cas
Aurait pu dire en une phrase ce que disent ses mille pages :
« Rien ne sert de cavaler au vent des mirages ».
Le commandant Cousteau était prédestiné à devenir le maître à bord du Calypso. Je parle ici du bateau et non de la musique de Trinité et Tobago et je me justifie en vous racontant le début de son conte de fée :
Son père allait nager le samedi après-midi à la piscine municipale de Saint-André de Cubzac. Ulysse Cousteau - tel était le patronyme du paternel – enchaînait les longueurs à la ligne d’eau numéro 7 quand un beau jour de l’année 1905 une jeune fille un peu fofolle de ces années-là, qui se nommait Pénélope Manaudou, en provenance directe du tremplin de trois mètres, plongea devant son nez et lui coupa la route.
Ulysse but la tasse puis refit surface en gueulant comme un putois :
- Mais ça va pas, non, de plonger sur les gens, espèce de sapajou ?! »
- Oh pardon, s’excusa Pénélope Manaudou qui faisait alors à Bordeaux, quand elle ne nageait pas, des études pour devenir attachée parlementaire. Puis-je vous offrir en dédommagement un rendez-vous galant au Café de la Saint-Médard ? »
Ulysse regarda la sirène à la voix chantante, jugea qu’elle n’avait absolument rien de désagréable et demanda :
- Vous avez un parapluie ?
- Oui, répondit-elle. Je l’ai volé ce matin même à une amie.
- Alors d’accord !
Au café de la Saint-Médard, ils y restèrent longtemps. Quarante jours plus tard ils y étaient encore !
Les biographes de Jacques-Yves Cousteau, le commandant fondateur du parti des bonnets rouges dont on n’entend plus guère parler dans ce monde du silence empli des bruits de la télé de M. Tout le Monde ont bien raison d’affirmer que pour lui tout commença dans l’eau.
« La vraie vie est ailleurs ». « Il faut être absolument moderne ».
Si « Je est un autre » qui est-ce qui reste dans cette phraséologie rimbaldienne ?
La couleur des voyelles ? Le côté peu sérieux des jeunes gens de dix-sept ans ? Le proverbe de Paul Verlaine qui dit à ces cons égarés sous le vent et la pluie de Bretagne qu’il faut préférer l’imper au parapluie ?
Même pas ! Le vent a emporté nos vieilles semelles de Suzette. « La jambe de Rimbaud de retour à Marseille dérive en immondices à travers les égouts ». Le soldat aux deux trous rouges au côté droit a été enterré. Seule reste la Meuse. Entre Charleville-Mézières et Monthermé, n’ayant jamais des diamants de la même eau dans son lit, la rivière suit sa vallée.
La fin du monde est pour demain ! « La fin du monde est pour demain ! » hurle le savant Philippulus dans mes cauchemars d’après-lecture de "L’Etoile my"stérieuse" de Georges Rémi, dit Hergé, auteur des "aventures de Tintin pour l‘avenir car la fin du monde est pour demain.
N’ai-je pas bien fait de profiter de ces chemins ? Malgré l’agitation sans fin de ces personnages de bande dessinée – Tintin court partout tout le temps, Milou chasse le chat siamois, Haddock fuit la Castafiore et engueule les Dupondt, Alcazar, Abdallah, Lampion et les autres manifestent une vitalité ravageuse – j’ai toujours pris le temps quant à moi de longer les rivières en flânant, de trouer les brouillards et de sentir les fleurs.
Le monde peut finir sans moi s’il le désire. Je suis tout enivré encore de l’arôme fou d’un matin splendide !
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 20 février 2018
d'après la consigne ci-dessous :
"A l'exemple du livre d'Etienne Klein et Jacques Perry-Salkow, "Anagrammes renversantes", rédigez un texte d'une quinzaine de lignes maximum dont l'incipit et l'excipit sont des anagrammes l'un de l'autre. Les anagrammes du livre sont fournies par l'animateur. On peut en voir quelques-unes ici et lire quelques extraits du livre là.
BARDAMU ET LANERVURE
C’est l’histoire de deux mecs. Je sais, chères amies du mardi, ce n’est pas idéal pour faire rêver, un incipit pareil !
Les deux mecs, le délabré et le baladin, quand le videur les amène dans le rond de lumière, on voit bien qu’ils n’ont pas bu que de l’eau minérale !
Le premier s’appelle Bardamu. Il a une tête de bedeau livide, pâle d’avoir dansé le laridé jusqu’à épuisement. Il a l’air de ruminer sa vengeance car quelqu’un lui a délivré un méchant gnon et il saigne de la lèvre.
Au fest-noz par ici, avec ou sans sosie d’Assurancetourix, ça barde ! Le nervi ne badine pas avec le blaireau, surtout s’il est aviné et taquin. Ici, sans vouloir médire, on cogne assez facilement sur le blair du débile en bermuda mauve !
Le deuxième s’appelle Merlin Lanervure. C’est autre chose comme vermine ! Un mineur de seize ou dix-sept ans, une espèce d’Aladin qui se fait reluire à la moindre occasion, un petit branleur, quoi ! On ne se lasserait pas d’admirer son œil bleu et gaulois, sa livrée idéale d’amiral en goguette, son air madré de type imbu qui a déjà avalé plus d’une brimade et culbuté maintes ribaudes en buanderie. S’il n’était pas accompagné de l’autre endive à barbe folle, on l’imaginerait bien en chef de bande malin à la tête d’une armée de ramiers veules prêts à partir en live, à libérer du délire vil, viril et velu, à mouliner à vent et à coups de chaînes de vélo au moindre signal du jeune merle.
Mais pour l’heure le videur reste calme sous son luminaire. On ne sait lequel des deux buveurs est le plus abîmé, le plus barré. Bardamu est parti éliminer sa bière : il urine contre la rambarde du pont sur la Vilaine. Lanervure brame des balivernes aux étoiles comme quoi un navire enivré ne se sent plus bridé par les valeurs.
Bref c’est l’histoire de deux mecs qui terminent leur nuit débridée en virade au drame ordinaire. Rien d’exceptionnel à mettre dans l’album cette nuit. Et zut !
Le lendemain matin, à onze heures, Bardamu se sent comme enfermé dans une armure de plomb au réveil ! Il se lève, tire le rideau et la tronche. Une brume épaisse a envahi la ville. Pas moyen de trier le bon grain et l’ivraie. Ah la débine ! Il s’aperçoit qu’il a vomi sur la moquette vert amande de la chambre.
Merlin Lanervure pionce encore parmi ses livres et ses revues, le visage raviné et le sexe raide, en train de bander, au milieu de cette animalerie qu’est devenu leur gourbi.
Bardamu aimerait bien se libérer de l’emprise de Merlin. Ne ferait-il pas mieux de se barrer, d’aller se balader le long de la rivière, de mettre un terme à cette braderie sans rime ni raison de leurs jeunes années ? Après tout, n’est-il pas le mari d’une jeune femme, enceinte, un peu sotte, très bavarde, certes, mais qui pourrait dire, elle, où se trouvent le Mir laine et l’Alka-Seltzer ?
Bardamu et Lanervure…
Quelqu’un leur a jeté un sort à ces deux mecs. Ils sont les victimes d’un maléfice puissant.
Un peu comme Verlaine et Rimbaud, si vous voyez ce que je veux dire !
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean du mardi 7 novembre 2017
d'après la consigne ci-dessous