DE QUELQUES HURLUBERLUS BÉDÉESQUES
Il faut attendre l’album « Objectif Lune » pour que le mot « hurluberlu » devienne une insulte sortant de la bouche du célèbre capitaine Haddock.
Pourtant, dans les aventures de Tintin, scénarisées et dessinées par Georges Rémi dit Hergé, il figurait déjà un certain nombre de personnages, de Tryphon Tournesol aux Dupondt, de Philémon Siclone à Séraphin Lampion, auxquels cette dénomination pouvait s’appliquer sans aucun problème.
J’aime beaucoup les hurluberlus. J’en suis peut-être un moi-même. Dans les définitions des dictionnaires on lit : « personne étourdie, écervelée qui se comporte avec extravagance, d’une façon bizarre ou inconsidérée. Synonymes : braque, évaporé , extravagant, farfelu ». Ou pas !
Mais je ne suis pas ici pour raconter ma vie et donc je ne vais le faire que très peu. Je vais juste ajouter que j’ai relu ce dernier mois la quarantaine d’albums des éditions Dargaud que je possède dans lesquels sont reprises les bandes dessinées de Charles M. Schulz consacrées à Snoopy et à ces enfants américains qui ont eu la chance (?) de ne jamais vieillir pendant près de cinquante ans. Je me suis régalé à nouveau de tous les éclats de rire nés de cette lecture, de toutes les inventions abacadabrantesques de ce cartooniste.
Car chez les Peanuts, les hurluberlus sont légion et particulièrement dans les gags quotidiens parus entre 1988 et 2000.
Il y aurait une thèse à écrire sur le chien de Charlie Brown, sur le Van Gogh et le billard qu’il possède dans sa niche, sur la claustrophobie dont il souffre, ce qui fait qu’il dort sur le toit de celle-ci. Sur l’amour qu’il a de ses gamelles : il les filme en vidéo pour les revoir ensuite. Sur ses ambitions de romancier - « C’était par une nuit sombre et orageuse » - rejeté par les maisons d’édition et même par sa boîte aux lettres ! Sur sa participation à la guerre de 14-18, ses combats dans son Sopwith Camel contre le baron rouge. Sur sa troupe d’oiseaux scouts, sur Joe Cool, sur la reprise par la légion étrangère de Fort Zinderneuf, sur Woodstock, sur sa pratique de tous les sports.
Autre personnage bien frappé, Linus Van Pelt ne se promène pas sans sa couverture de sécurité ; la nuit de Halloween, quel que soit le temps et il pleut souvent fin octobre, il fait le guet dans un champ de citrouilles pour voir s’envoler la grande citrouille qu’il assimile au Père Noël ou a Santa Claus pour être précis.
Sa grande sœur, Lucy, autoritaire, expéditive n’a qu’une faiblesse : elle est amoureuse de Schroeder, le pianiste qui ne lui prête guère attention et préfère jouer du Beethoven sur un piano d'enfant. Grâce à eux je sais – mais j’oublie toujours de me promener dans la rue avec une pancarte "C'est l'anniversaire de Beethoven !" ce jour-là – que l’auteur de l’Ode à la Joie est né un 16 décembre ! Les gags graphiques muets autour des partitions sont tout simplement sublimes.
Tout le monde n’entre pas aussi facilement que moi dans cet univers un poil absurde mais pourtant très bien observé. Avez-vous déjà envoyé un cerf-volant dans le ciel sans qu’il atterrisse dans les branches du seul arbre à proximité ? Dans les bandes des dernières années j’adore la façon dont ces pauvres gosses vivent la problématique de l’école et donc du poids des règles sociales. Les démêlés de Peppermint Patty avec les QCM, les vrai ou faux ou les fiches de lectures à rédiger pendant les vacances, la nouvelle nouvelle philosophie de Sally Brown, tout cela m’enchante positivement.
Mais le plus hurluberlu de tous est bien Spike, le frère de Snoopy qui vit dans le désert. Je trouve admirable tout ce que l’auteur a pu tirer comme effets comiques d’une telle situation : un chien civilisé mais un peu bêta vit dans le désert en compagnie d’un cactus, de cailloux et de buissons baladeurs : il porte un chapeau de pêcheur et des chaussures offertes par Mickey ! Andy et Olaf, les autres frères toujours perdus ne sont pas mal non plus !
Le dernier gag, le plus funèbre, est peut-être celui qui s’est déroulé « In Real Life », dans la vraie vie.
Charles Monroe Schulz a décidé d’arrêter de travailler à cette série en 1999. La veille de la parution de la dernière planche, le 12 février 2000, il décède à l’âge de 77 ans.
Quel hurluberlu ! Faut jamais prendre sa retraite ! Faut jamais s’arrêter de travailler ! Pas avant l’âge de 117 ans ! La preuve : dès qu’on arrête, on meurt !
Ecrit pour le Défi du samedi n° 751 à partir de cette consigne : hurluberlu
Venise en noir et blanc : photos de mars 1993. Pochette III, La Fenice, San Trovaso (2)
Pourquoi ai-je conservé en mémoire qu'il s'agit du palais Contarini del bovolo alors que
1) je n'ai pas l'intention de retourner à Venise
2) la question ne sera jamais posée au jeu d'Emile Euro (à moins que j'envoie une carte postale à Lucien Jeunesse, Louis Bozon, Nicolas Soufflet ?)
En un mot comme en cent. 8 novembre 2021 Ça a l'air vieux mais
Ca a l’air vieux vu que ça a été écrit au siècle dernier mais ça me réjouit toujours autatn, les Peanuts. Surtout les derniers « strips » avec Rerun, Pepermint Patty, Marcie, Spike, Olaf et Andy
C’est comme Sherlock Holmes en collection « Bouquins ».
Ca a l’air vieux comme attitude mais c’est réellement un plaisir de posséder une bibliothèque !
C'ÉTAIT PAR UNE NUIT SOMBRE ET ORAGEUSE
Mon cher Snoopy
Je t’écris du château des Milandes en Dordogne (France) où je suis un stage de reconversion en rapace nocturne.
La France a beaucoup changé depuis l’époque où tu survolais les pauvres totos dans les tranchées et le Baron Rouge n’est plus là pour faire des trous dans la carlingue de ton Sopwith Camel.
Notre instructeur, Monsieur Synthex, a du mal à croire que mes amis et moi nous réunissons dans ta niche pour jouer au bridge ! S’il savait que je joue aussi aux échecs et que je suis un spécialiste de l’ouverture 1. f4, dite le début Bird ! J’ai l’impression que pour M. Synthex, comme pour l’adjudant Chaval, les oiseaux sont des cons !
En attendant sa méthode est très efficace et d’effectuer des vols de nuit m’a guéri de mes saignements de bec. Ceux-ci ne survenaient que le jour, lorsque je m’élevais à plus de trois mètres du sol. Dans le noir on a moins conscience de la hauteur à laquelle on se trouve et on est donc moins sujet au vertige.
Encore trois journées, enfin, trois nuitées à tirer et ensuite je reprends l’avion pour les Etats-Unis. Voler au-dessus d’un océan ou même au-dessus d’un lac me donne le mal de mer. Il faudra que je suive un autre stage pour me guérir de ça. Peut-être avec monsieur Mer-moz ? Hi hi hi hi !
Transmets mes amitiés à Bill, Conrad, Olivier et Harriet. Tu peux même aussi donner un coup de patte affectueux au petit garçon à tête ronde, celui que j’ai baptisé « Face de Lune » !
A très bientôt !
Woodstock
P.S. Je te joins une photo de moi avec le moniteur du stage. Elle a été prise par Titi de « Titi et Grominet ». Ca n’est pas vraiment un aigle mais il est sympa comme garçon.
Ecrit pour le Jeu n° 65 de La Licorne (Filigrane)
d'après cette consigne.
LA BELOTE BASQUE
Déjà qu’il faudrait manger cinq fruits et légumes par jour – et pourquoi pas des pruneaux à jeun ? – maintenant, en plus, les médecins et la pub nous disent que pratiquer un exercice physique régulièrement est bon pour la santé !
Je suis désolé, mais je ne suis pas concerné. J’en pratique deux régulièrement dont un assez inattendu. Pourtant, à l’instar du jeu d’échecs qui est l’autre, la belote basque est un sport et c’est aussi bon pour le corps que le lancer de javelots, de poids, de marteaux, de faucilles ou de nains de jardin.
On attend juste que la discipline soit reconnue par le Comité International Olympique. Ce n’est pas vraiment gagné mais, comme disait Pierre de Coubertin, l’essentiel est de participer.
Déjà, comme le football américain et la boxe thaïlandaise, la belote basque nécessite une tenue et un matériel spécifiques : tous les joueurs doivent porter un polo Brassens blanc et un béret rouge. Après, les règles de la belote basque sont très simples.
La partie se déroule en autant de manches qu’il y a de joueurs mais en général on y joue à quatre. Quatre manches donc, comme pour un pyjama de bébé. Tout comme au bridge, chacun tient à tour de rôle celui du mort. Sauf que dans la belote basque le mort, on le bâillonne avec une tranche de jambon. Il lui est interdit de mordiller dedans pendant que les trois autres jouent. Bien entendu, par mesure d’hygiène, chaque joueur s’en paie une tranche avant de commencer.
On distribue à chacun des joueurs un jeu complet de 54 cartes dans lequel les figures ont été renommées. Les rois s’appellent Jean de Nivelle, Léon de Bayonne, Irun El Poussah et Jean-Jean Pieds-de-porc. Les dames se nomment Euskara Létoar, Pomme d’Adour, Dolorès Ibarruri et Louise Mariano. Les valets s’appellent Guy Puscua, Omar Biscaye, Basnavar et Kalabourd.
A tour de rôle chaque joueur lance son jeu en l’air, le projetant contre le mur du fond de la pièce à l’aide d’un ustensile en osier dénommé chistera. On doit au chanteur-philosophe basque Miguel-Felix Onfrayo-Gavdepo une sympathique bluette autour de cet objet dont les paroles sont :
« Chistera sera
Demain n’est jamais bien loin,
Laissons l’avenir venir
Qui vivra verra. »
On compte ensuite les points réalisés par le lanceur.
C’est le mort qui est chargé de compter les points. Il ôte sa tranche de jambon, l’avale puis empile les cartes du joueur en déclarant « Les tas, c’est moi ».
Les cartes qui sont retombées face contre terre ne rapportent aucun point.
L’as vaut un point, le deux en vaut deux etc. Le valet vaut onze, la dame douze et le roi treize.
Si un joueur a retourné les deux jokers, il gagne vingt points supplémentaires à condition d’avaler un verre de liqueur Izarra cul-sec.
S’il n’a retourné aucun joker on lui enlève vingt points sauf s’il accepte d’avaler un bol de ttoro, la soupe de poisson traditionnelle du pays basque. Mais pas cul-sec, heureusement.
Une dernière règle : si toutes les cartes d’un joueur sont retombées côté face vers le ciel, il s’empare du roi de carreau, Jean de Nivelle, et s’il réussit à émettre un pet sonore en tenant la carte il marque cinquante points supplémentaires. Cela s’appelle faire un cinquante ou un Saint-Pet-sur-Nivelle.
Essayez donc, à vos moments perdus, quand il n’y a rien de bien à la télé, c’est-à-dire tout le temps, de jouer à la belote basque ! Moi j’y joue souvent avec Jojo Guéthary, Paulette Bidart et Manu Larceveau. Les parties ne manquent jamais de piment avec celui-là ! Manu c’est l’ex à Paulette mais ils sont restés en très bon termes, exactement comme le point final de ce texte avec ce qui l’a précédé.
Ecrit pour les Impromptus littéraires du 11 septembre 2017 d'après cette consigne : Sportez-vous bien !
TOUT CA, C'EST PEANUTS. 7, Dormir ou ronfler (1)
Dans la bulle de la bande dessinée, en général, il y a un « Z » pour signifier que le personnage en écrase. Il dort. Il roupille. Il pionce. Il est dans les bras de Morphée.
Pour bien signifier le silence et la tranquillité de l’action le phylactère n’est pas relié à la tête du personnage par la petite queue habituelle mais par deux ou trois cercles qui vont en diminuant de taille jusqu’au dormeur. Celui qui ajoutera « du val » aura un gage !
Ronfler plutôt que dormir se représente par une scie engagée dans une bûche de bois. Les lettres « RON RON RON » sont encore plus explicites. Le distinguo entre les deux est cependant assez faible. D’ailleurs, tout dormeur, du val ou pas, sait-il s’il ronfle ? Non, puisqu’il dort ! Que je sache, Rimbaud n’a pas écrit « Le ronfleur du val » ?
TOUT CA, C'EST PEANUTS. 7, Dormir ou ronfler (2)
Mais aujourd’hui, de toute façon, il n’y a pas de bulle autour du « Z » et une seule image de Charles M. Schulz suffira à réveiller notre nostalgie et donc à nous endolorir le cœur mieux encore que ne le font l’insomnie de la nuit précédente et le point de lumbago de ces deux derniers jours.
C’est que Schroeder joue encore et toujours sur son piano-jouet. Le chien qui l’écoute a les yeux fermés. La partition qui s’échappe du piano occupe la partie à droite du piano et Snoopy est installé entre le deuxième et le troisème tiers de l’image unique de ce "strip".
C’est une partition à trois voix ou à une voix et accompagnement de piano. Une fois que les notes sont passées au-dessus de sa tête, elles perdent leur valeur de blanche, noire ou croche et deviennent des « Z ».
TOUT CA, C'EST PEANUTS. 7, Dormir ou ronfler (3)
Et quelle est donc cette musique propre à apporter l’endormissement ?
C’est celle qui sortait de la peluche jaune une fois qu’on avait tiré l’anneau sur la tête du singe. C’est celle qui sortait, qui sort encore de toutes les boîtes à musiques et objets similaires destinés aux enfants en bas-âge. Elle sort même quelquefois, paraît-il, de l'organe vocal de Céline Dion ! Une chanteuse québécoise, c'est bien la dernière personne à qui on demanderait d'endormir un enfant !
Les quatre premières notes de la partition le confirment : c’est bien « Wiegenlied », opus 49 n° 4 pour piano de Johannes Brahms, autrement dit « LA berceuse » de Brahms.
Cela me rappelle un autre gag. Ma fille s’est endormie longtemps dans le canapé du séjour au son du "Boléro" de Ravel, dans la version du film «Les uns et les autres» de Claude Lelouch. On la montait ensuite dans sa chambre, telle un paquet de linge sale qu’on déposait entre les draps. On avait de drôle de mœurs à l’époque, la place du linge sale étant plutôt dans la machine à laver ou la corbeille à linge.
TOUT CA, C'EST PEANUTS. 7, Dormir ou ronfler (4)
Bien des années après, j’ai retrouvé une situation analogue dans un film de Blake Edwards, «Elle», avec Dudley Moore et Bo Derek. Là – c’est un peu gênant, finalement, ce parallèle ! – c’est pour atteindre l’orgasme que la fille, un peu plus âgée quand même que la mienne, avait besoin d’entendre ce fameux Boléro. Autant que je me souvienne, cela avait par contre le tort de couper ses effets à son partenaire !
Dieu merci, je n’ai pas à représenter graphiquement cette scène-là. Qu’auriez-vous mis, vous, à la place du « Z » au bout de la partition du Boléro pour représenter le drapeau de l’étalon en berne, le planquage-plantage de son capital en Suisse ?
Un verre de Pschitt ? Oui, d’accord, mais… orange ou citron ?
Explication pour les plus jeunes :
Source : fr.pickture.com/blogs/acoeuretacris sur centerblog.
TOUT CA, C'EST PEANUTS. 6, Incipit (1)
Je me souviens que la machine à écrire était de marque Underwood.
Avant qu’on ne la possède, mon grand-père m’emmenait parfois le jeudi après-midi à l’imprimerie. On m’en prêtait une et je tapais, sagement, en bon élève, sans déranger personne. Je n’ai rien gardé de ces séances-là mais j’ai encore, dans une valise au grenier, les premiers poèmes que j’ai écrits et tapés sur cette machine Underwood.
Je me souviens d’un titre de Louis Aragon : « Je n’ai jamais appris à écrire ou Les incipit ». Et donc, oui, écrire a toujours été pour moi un des très grands plaisirs de l’existence.