Visionnages en différé de mars-avril 2022
C'est vrai : je passe l'essentiel de mon temps à écrire des bêtises, à chanter des conneries, à étudier des ouvertures échiquéennes sans pratiquer en profondeur, à prendre des photos "perecquiennes" de lieux rennais "à tenter d'épuiser" juste pour mon plaisir à moi.
Mais je ne fais pas que ça. Tous les soirs de ces semaines où le hasard d'une situation pandémique nous a fait vivre dans la trouille d'attraper le coronavirus, je propose à ma co-locataire préférée qu'on se fasse "un petit cinéma" à base de dévédés empruntés en bibliothèques ou, plus rarement, de diffusions d'émissions de télé à la mode de Patricia Highsmith : en Ripley.
Les deux dernières choses vues cette semaine, en supplément du désormais lassant plutôt que délassant Capitaine Marleau "L'Homme qui brûle", et en mode bien plus enthousiasmant, savant et plaisant sont regardables ci-dessous pendant un laps de temps limité :
La Moldau : le plus grand succès de Smetana
(sur Arte.tv, visible jusqu'au 30 mars 2023)
Magic Mozart : concert spectaculaire
Sur France 4, disponible jusqu'au 15.09.22
Philippe Decouflé fait dialoguer chanteurs, clowns, danseurs et vidéo pour un "concert spectaculaire" : Insula orchestra et Laurence Equilbey y invitent la fine fleur du chant mozartien pour un voyage féérique autour des plus beaux airs de Mozart, issus de "La Flûte enchantée", "Les Noces de Figaro", "Don Giovanni", ou encore "L'Enlèvement au sérail".
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On devrait y rester plus souvent dans nos hauteurs musicales et intellectuelles à l'abri du monde moderne. Parce qu'à force de vouloir sortir quand même, on a fini par faire comme tout le monde et l'attraper, la bestiole à cinq lettres !
;-) et ;-(
En un mot comme en cent. 27 décembre 2021, Un idéal de traverse
Dans une traverse de chemin de fer on tailla une sorte de pipeau pour lequel Mozart écrivit son concerto pour flûte et harpe.
Non ? Ce n’est pas la même ? Comment vous dites ? Un idéal de traversière ?
UN FRIDOLIN NOMMÉ FIFRELIN !
C’est comme les vide-poches fluorescents que les imprimeurs déposaient à la Bibliothèque Nationale en 1929. Qui pourrait imaginer que ça a bel et bien existé, que les gens avaient ça chez eux ? On a tellement d’images en noir et blanc de cet entre-deux guerres, sans doute parce que la couleur coûtait un pognon de dingue, qu’on croit que les gens eux-mêmes vivaient en noir et blanc !
Et justement, il y a eu aussi une période, à la fin de 1920, où l’expression «Ça ne vaut pas un Fifrelin» ne signifiait en rien que le Fifrelin fût une quantité négligeable. Bien au contraire. Mais on parle de Fifrefin, non de fifrelin. La majuscule ici est capitale.
Ce fut même un phénomène artistique majeur que le Fifrelinisme. On sortait de la grande guerre, c’étaient les années folles, l’arrivée du jazz, on dansait le charleston et le shimmy, il y avait eu Dada, il y aurait Picasso, Braque et peut-être le Surréalisme… ou peut-être pas.
Parce que soudain Adolphe Fifrelin était apparu, en provenance directe de l’Allemagne battue et qu’il avait lancé la vogue du Fifrelinisme.
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- Tout ça, c’est de l’art dégénéré, disait Adolphe en parlant du cubisme et de l’art déco. Ca ne vaut pas un pfennig !
Et pour montrer son dégoût de la chose, il ne prononçait même pas la majuscule de Pfennig et il écrivait le mot sans la mettre alors qu’en allemand tous les noms communs en comportent une à leur initiale.
C’était un homme d’emportements que ce Fifrelin et c’était là monnaie courante à l’époque où le ressentiment était partagé par une grand partie du peuple allemand dépité d’avoir dû rendre l’Alsace et la Lorraine. Mais ses jugements à l’emporte-pièces ne dépassaient pas jusque-là le cadre agréable et bavarois en diable de la bonne cité de München (Munich für die Franzosen !) où il exerçait la profession de militaire, très petit gradé puisque seulement soldat de 1ère classe mais dans les tavernes qu’il fréquentait on l’appelait "Le Caporal".
Tout aurait pu aller à peu près bien pour lui s’il ne s’était pas mis en tête de devenir un peintre reconnu. Il avait depuis toujours un talent certain de dessinateur et il l’exerçait dans le temps libre que l’armée lui laissait. Il composait de jolies toiles figuratives mais… Comment dire ? De même que chez Mozart il y a parfois «too many notes», trop de notes, il y avait chez Adolphe Fifrelin trop de réalité dans ses représentations.
Dans sa dernière toile, une nature morte intitulée «La banane et le rouleau de papier adhésif» «Die Banane und das Klebeband» on était saisi autant par l’hyperréalisme de la représentation que par l’originalité de la composition, un gros plan d’une toile vierge dans l’atelier de l’artiste sur laquelle la banane était fixée avec de l’adhésif brillant.
Ses portraits de pirates des mers du Sud sentaient la poudre, la sueur, le sang, le rhum, le fouet et la sodomie et fichaient la trouille aux mômes. Mais quelle ressemblance avec le modèle une fois que le tableau était achevé. On n’avait jamais vu ça ! Seulement…
Seulement les marchands de tableaux juifs se marraient quand il venait leur proposer sa production.
- Au cas où vous ne sauriez pas, Monsieur le militaire, il y a un truc qui s’appelle la photographie. Ça donne des résultats similaires à ce que vous faites mais ça n’est pas ça que les gens veulent, voyez-vous. Ça ne se vendra jamais, vos marins d’eau douce ! Croyez-moi, cré tonnerre de Brest-Litovsk ! Trop ressemblants !
Adolphe ne disait rien, remballait ses toiles mais intérieurement il les envoyait se faire foutre en songeant : «Je me vengerai, un jour !».
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Et il semble bien que le jour est venu. Hier soir un couple d’aristocrates français est venu frapper à sa porte. Très jeunes tous les deux, lui belle prestance de petit ambitieux de province, elle très gouailleuse et jolie comme un cœur. Ils avaient avec eux un interprète polonais, sans doute un youpin, qu’ils ont présenté comme Maurice Mendjizki. Ils ont regardé toutes ses toiles, en ont acheté deux, un paysage et un portrait – "Die alte Mühle an der Saar" (Le vieux moulin de la Sarre) et "Der Ritter Franz von Schellfisch" (le chevalier François d’Aiglefin). Et surtout ils lui ont promis la fortune et la gloire s’il acceptait de venir s’installer à Paris, tous frais payés, pendant un mois, atelier personnel à Montparnasse. Principale obligation en retour : faire le portrait de Mme de McMacron, Kiki, qui adore poser nue pour les peintres. Et aussi : changer de nom.
- Wo ist der Haken ? a demandé Adolf à l’interprète.
- Je ne sais pas où elle est, l’entourloupe, a répondu celui-ci. Ils demandent juste que tu signes tes toiles du pseudonyme de Fifrelin et que ton prénom devienne Adolphe. Je serais toi j’accepterais. Le type a ses entrées partout au ministère de l’Intérieur, plein de pognon et des certitudes sur tout. Et Kiki, c’est la reine de Montparnasse. Pas encore mais presque !
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Hitler n’a pas hésité longtemps. Une semaine après, il avait obtenu sa permission de s’absenter un mois de la caserne, ses bagages étaient prêts ; il avait pris le train avec l’acompte fabuleux qu’ils lui avaient laissé.
- Qu’est-ce que je leur dis à vos copains du DAP s'ils viennent prendre vos ordres ? lui avait demandé sa concierge.
- Dites-leur que je suis parti envahir la France !
N.B. Les deux dernières illustrations sont dues au talent de M. Ludo D. Rodriguez
Ecrit pour le Défi du samedi n° 654
d'après cette consigne : fifrelin
Lundi en musique : vidéos de confinement reçues le 6 avril 2020
Envoyée par Monsieur Jibhaine et Mademoiselle Zell
Envoyée par Françoise B.
RETOUR A MOZART
En un mot comme en cent : 366 réels à prise rapide
18 avril
Ca n'aurait pas dû se passer comme ça
Ca n’aurait pas dû se passer ainsi mais je suis quand même sorti un poil énervé de la chorale du lundi.
Ca ne devrait pas se passer ainsi mais j’éteins de plus en plus souvent la radio pour aller écouter, en tapant sur l’ordi ou en y classant, dépotant, scannant, travaillant mes photos, des CD de ma collection.
Cet après-midi c’était « Zaïde » de Mozart.
Finalement, c’est très bien que ça se passe ainsi !
P.S. Ca va vous permettre de jouer à "la tribune des critiques de disques" !
La version de Kathleen Battle n'est pas intégrable mais on l'aime beaucoup aussi :
https://www.youtube.com/watch?v=yCVfXR0P0Cc
C'étaient mes cinq préférées mais il en existe des tas d'autres "à nos oreilles également aimables".
Un peu de Mozart au Festival Robinson à Saint-Grégoire le 14 juin 2015
C'est la sonate Köchel je ne sais plus combien.
Peu importe, c'est aussi et surtout une minute trente-cinq de bonheur !
P.S. C'est la Köchel 310 en la mineur ! La première sur laquelle je suis tombé en cherchant où vous savez !