06 décembre 2022

LE SAMEDI OU LA SURPRISE DES BARBARES

Longtemps je me suis levé de bonheur. Je sautais du lit prestement, le cœur gai, content que l'on soit samedi et que ce jour installe, dans tous les rituels du séjour chez tante Léonie, un élément de désordre et de rigolade dans la famille.

Et pourtant c'était dû à un tout petit rien, au fait que Françoise, notre bonne, devait ce jour-là se rendre au marché de la ville voisine en début d'après-midi. Du coup on déjeunait une heure plus tôt. Impérativement et logiquement la matinée de chacun était raccourcie d'une heure. L’étourdi qui oubliait la particularité de ce jour-là, le dérèglement de l'horloge par rapport à celle des « barbares » - nous appelions ainsi ces fous qui se mettaient à table sur le coup de midi un samedi, chose que nous faisions nous aussi tous les autres jours de la semaine alors que le samedi chez nous c'était onze heures tout comme le lundi c’est raviolis chez les Le Quesnoy - l'oublieux du calendrier Pirelli, le distrait ou l’a côté de la plaque du décompte du temps, celui-là ou celle-là avait droit à des saillies taquines, des quolibets moqueurs, de la mise en boîte gentille :

- Eh bien, mon ami ? Vous souffrez de l'amnésie post-vendredi soir arrosée au Porto ? Avez-vous oublié qu'il faut vous raser les joues dès l’aurore et ne pas attendre la lecture du Figaro pour cela ? Maman trouvait rasoirs les articles de ce journal à l'exception de la chronique littéraire et de la revue des théâtres.

- Encore en charentaises, tante Léonie ? Vous avez des cors au pieds ou quoi ? N’oubliez pas de ranger vos fromages avant onze heures !

D’entendre tout cela Françoise dans la cuisine entrait dans des fous rires sans fin et je me précipitais dans les jupes de ma grand-mère en faisant semblant de sangloter :

- Françoise va encore faire pipi dans sa culotte !

Pendant ce temps le soleil entrait par la fenêtre ouverte et illuminait notre reproduction du « Déjeuner sur l'herbe » de Manet dont les personnages semblaient s'amuser encore plus qu'à l'habitude sauf la dame toute nue qui, comme maman, n'avait pas l'air d'apprécier le compte rendu de la pièce de Feydeau qu’on jouait la veille aux Mathurins, « Mais ne te promène donc pas toute nue ! ».

manet-le-dejeuner-sur-l-herbe-sculpture

 

Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 29 novembre 2022

à partir de la consigne 2223-11 ci-dessous.

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04 décembre 2022

Illustrer Marcel P. !

Un sacré boulot ! J'ai récupéré les vingt textes de l'atelier d'écriture de Villejean, les ai confiés au "dictaphone ahurissant" de Word en ligne, ai corrigé ses âneries et ses censures* et j'ai publié et illustré le tout ici.

A ce tarif-là, avec ces conditions d'écriture-là, Proust devient réellement lisible et parfois très drôle. Je vous laisse juges si vous avez ... du temps à perdre ! ;-)

Je publie en complément ci-dessous les illustrations que j'ai récupérées et parfois détournées pour ce travail d'édition. Merci à mon égérie de la Maison de quartier de Villejean pour tout ce qu'elle m'apporte de bagages nouveaux en vue de maîtriser davantage la retouche stalinienne !

* Le dictaphone, plus  puritain encore que Dame Joye, remplace tous les mots qu'il juge licencieux par une série d'étoiles. Il nous interdit par exemple de dicter "pipi dans sa culotte". Je vais lui consacrer un billet entier, un de ces quatre, à celui-là !

Proust_red_and_blue

Curé Proust 3

Proust Watercolor

Mme Amédée (la grand-mère)

Madame Amédée, grand-mère du narrateur

Tante Léonie 01

La tante Léonie

Tante Léonie 02

La tante Léonie

chambre-Léonie

Eulalie

Eulalie

Françoise-R

Françoise

Iliers-Combray

Maison_de_Tante_Léonie_à_Illiers-Combray_(1)

 La Maison de tante Léonie à Illiers-Combray.

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01 décembre 2022

EULALIE OU L'ART DE FLATTER LES BIZARRERIES

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Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 29 novembre 2022

d'après la consigne 2223-11 ci-dessous

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30 novembre 2022

CONSIGNE D'ÉCRITURE 2223-11 DU 29 NOVEMBRE 2022 A L'ATELIER DE VILLEJEAN

Le Téléphone arabe

 

L’animateur distribue à chaque écrivant·e un texte dactylographié extrait de la littérature française. Pour la version en ligne, choisissez un des trois textes ci-dessous que nous appellerons Texte 0.

Il est demandé de le lire puis, sur une feuille volante, de le réécrire « à sa sauce », dans son propre style, en raccourcissant les phrases et en adoptant le plus possible le langage « relâché », celui qu’on utilise dans la vie de tous les jours. Merci d’écrire lisiblement. Ce sera le Texte 1.

On s’accorde entre 20 et 30 minutes pour faire cela. Au bout de ce délai on passe ce texte 1 à son voisin ou à sa voisine de droite qui a alors pour mission de réécrire le texte reçu dans un langage soutenu (C'est le Texte 2).

Pour la version en ligne, réécrivez votre premier texte en style soutenu sans vous référer au texte 0.

Si on peut mettre de la drôlerie dans la chose, ce sera encore mieux !

Consigne_AEV_2223_11_Le_Téléphone_arabe___Les_3_textes_de_départ_de_Marcel_Proust

 

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09 avril 2022

ASYMPTOTE !

Asymptote !

On n’imagine pas la quantité de temps précieux que l’oncle Walrus me fait perdre avec son dictionnaire de mots tordus ! Est-il bien conscient des lectures abominables auxquelles la volonté de comprendre « de quoi-t-est-ce qu’il cause encore » nous conduit les un·e·s et les autres ?

Une chose est sûre : ce n’est pas la page dédiée par Madame Wikipe à ce vocable étrange, "asymptote", qui va me réconcilier avec les mathématiques !

Et maintenant, si, en retour, j’applique ce vocabulaire à une trame bien connue de la maison, est ce que ça rend l’un ou l’autre des deux textes mélangés plus lisible ?

« Longtemps, je me suis courbé de bonne heure. Parfois, à peine mon hyperbole éteinte, mes yeux se fermaient si vite que je n’avais pas le temps de me dire : « Je m’envole. » Et, une demi-heure après, la pensée qu’il était temps de chercher l’infinitésimal m’éveillait ; je voulais poser le paramètre que je croyais avoir encore dans les mains et souffler ma lumière ; je n’avais pas cessé en dormant de faire des réflexions sur ce que je venais de lire, mais ces réflexions avaient pris un tour un peu particulier ; il me semblait que j’étais moi-même ce dont parlait l’ouvrage : une asymptote, un infini, la branche parabolique de François Ier et de Charles Quint. Cette croyance survivait pendant quelques secondes à mon réveil ; elle ne choquait pas ma tangente mais pesait comme des équations sur mes yeux et les empêchait de se rendre compte que le trident n’était plus allumé. Puis elle commençait à me devenir inintelligible, comme après la métempsycose les pensées d’une existence antérieure ; le sujet du livre se détachait de moi, j’étais libre de m’y appliquer ou non ; aussitôt je recouvrais la vue et j’étais bien étonné de trouver autour de moi une droite d’équation x=a, douce et reposante pour mes yeux, mais peut-être plus encore pour mon esprit, à qui elle apparaissait comme une chose sans cause, incompréhensible, comme une chose vraiment obscure. Je me demandais quelle heure il pouvait être ; j’entendais le sifflement des nombres qui, plus ou moins éloigné, comme le chant d’un oiseau dans une forêt, relevant les distances, me décrivait l’étendue de la campagne déserte où le voyageur se hâte vers la fonction f prochaine ; et le petit chemin qu’il suit va être gravé dans son souvenir par l’excitation qu’il doit à des courbes représentatives de la fonction inverse, à des actes asymptotiques, à la causerie récente et aux adieux sous la parallèle étrangère qui le suivent encore dans le silence de la nuit, à la douceur prochaine du retour de y(t) – ax(t). Par mesure de précaution j’entourais complètement ma tête de mon oreiller avant de retourner dans le monde des spirales logarithmiques ».

On ne sait pas mais au moins, j’ai rendu la monnaie de la pièce en forçant mon oncle préféré à relire cet abscons de Marcel ! Un partout, la balle au centre !

PhotoFunia - Proust parachutiste

Ecrit pour le Défi du samedi n° 710 d'après cette consigne : asymptote

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30 décembre 2021

En un mot comme en cent. 10 décembre 2021, Aujourd'hui de l'eau

De l'eau ? Il en tombe du ciel tandis que je blasphème, transformant Proust en sexologue !

DDS 693 Cattleya pour les nuls

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10 décembre 2021

En un mot comme en cent. 30 novembre 2021, Aujourd'hui le prix à payer

Le prix à payer pour tout le travail préparatoire, pour toutes les incertitudes préalables à la tenue d’un concert de quatre heures, c’est, chez moi, un lumbago signifiant que je commence à en avoir plein le dos !

J’envie le papillon proustien (même si, du fait qu’il raconte les lumières qu’il a vues à dame Céleste, je me demande s’il ne serait pas plutôt en fait un éléphant Babarien !).

2021 12 09 Babar à la Chasse aux papillons

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29 septembre 2021

En un mot comme en cent. 18 septembre 2021, Aujourd'hui moment du réveil

Moment du réveil ? 3H 33 !

Lu un peu de « Les mots qui me font rire » de Jean-Loup Chiflet. Essayé de fermer la lumière et de me rendormir sans y parvenir. Rallumé.

Repris le début de « A l’ombre des jeunes filles en fleur ». Éteint très vite et redormi jusque 8 h 15.

Vous avez besoin d’un somnifère ? Lisez Proust ! C’est radical !

2021 09 29 Somnifère Proust

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16 septembre 2021

En un mot comme en cent. 3 septembre 2021, Dans mes poches

Dans les poches de mon pantalon, un mouchoir et un trousseau de clés. Dans les poches de ma veste, un porte-monnaie, un masque et un portefeuille.

Dans les poches sous les yeux de Marcel Proust, de quoi mettre des valises sous les mêmes yeux à paupières lourdes et partir à Venise en emmenant Céleste.

 Chose qu’il ne fera jamais.

 Chose qu’il aurait dû faire ?

D 98 02 Venise en février 1998 1, Brouillard + photos de nuit 24

D 98 02 Venise en février 1998 1, Brouillard + photos de nuit 27

D 98 02 Venise en février 1998 1, Brouillard + photos de nuit 29

D 98 02 Venise en février 1998 1, Brouillard + photos de nuit 32

D 98 02 Venise en février 1998 1, Brouillard + photos de nuit 35

Diapositives prises à Venise en 1998.

Malgré tout le mal que je peux écrire sur mon cousin Marcel je ne manquerai pas de regarder France 5 vendredi prochain :

A 20 h "Guermantes", film de Christophe Honoré avec la bande de la Comédie française

suivi surtout à 23 h 25 du documentaire "Céleste et Monsieur Proust" d'Elizabeth Kapnist.

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15 septembre 2021

MAIS COMMENT C'EST (DÉ)RANGÉ, ICI ?

Ça n’est pas de leur faute mais les hypermnésiques possèdent une mémoire XXL. Ce dont ils sont coupables cependant c’est d’avoir un système de classement très souvent bien pourri.

Ils sont bien les seuls à s’y retrouver dans leur fichu bazar, même s’ils sont les seuls à (s’)y chercher !

Dès lors, quand il s’agit d’effectuer une présentation claire de l’arbre généalogique, bonjour la panique ! Généa, oui, logique, non ! C’est ainsi qu’aujourd’hui, de mon grand sac à malice du pays des merveilles, j’ai choisi de sortir mes oncles et cousins Ducancer. C’est vous dire à quel point mon généalogique est un (dés)astrologique !

Présentons d’abord à vos regards étonnés l’oncle Bernard (Dimey) et l’oncle Henri (Salvador). Rien d’incohérent à cela vu leur fraternité (d’esprit). Ils ont composé ensemble « Syracuse ». Le premier est un poète sublime autant que marginal, l’autre nous a fait rire avec tout un tas de clowneries, de « Minnie petite souris » à « Zorro est arrivé », vous complèterez la liste vous-même !

Dans la même veine mi-poétique mi-déconneuse on a l’oncle Francis (Blanche) avec son «Général à vendre», son «Complexe de la truite», son «Débit de l’eau, débit de lait», ses impôts payés en pièces de dix centimes et son recueil de poèmes «Mon oursin et moi» dont je vous recommande vivement la lecture.

Parmi les pousseurs de chansonnettes on a aussi Tonton Pierrot (Perret), très porté sur le zizi et les cuisses de mouche, qui casse la vaisselle, ouvre la cage aux oiseaux mais loue avec tendresse «Lily», «Blanche» ou «Mon p’tit loup» et réclame des jardins pour les mômes.

J’ai des cousins dessinateurs, Marcel (Gotlib) et Georges (Wolinski). Le premier dessine des petits Mickeys, des gais-lurons, des souris, des coccinelles, des dossiers dingos et il range tout ça, lui aussi, dans un grand (ru)bric-à-brac XXL comme celui dont je parlais au début. Le cousin Georges ne pense qu’à ça mais il ne faut surtout pas dire que tous les hommes de la famille sont comme lui parce que… c’est la vérité ! Et dans la famille Duscorpion encore plus !

DDS 681 Montres mollesOn a un oncle Salvador (Dali) qui peint des montres molles et des apparitions de Lénine sur un piano mais lui est un peu fou (du chocolat Lanvin !). Je l’aime bien quand même.

Tonton Raymond (Depardon) fait de la photo et Tonton Claude (Chabrol) du cinéma.

Mais à part l’oncle Frédéric (Dard) et notre arrière-grand-père Jean (de La Fontaine) il y a peu de rigolos parmi les gens de la famille Ducancer qui ont fait profession d’écrire.

Quoique… Le grand-oncle Jean-Jacques (Rousseau) a écrit un traité d’éducation alors qu’il a abandonné ses enfants ! C’est drôle non ? Il a pondu le plus beau titre cancérien de la littérature française : « Les Rêveries du promeneur solitaire » et lancé avec ses « Confessions » la mode de l’autofiction nombriliste, ce dont on ne le remercie pas au vu de la prolifération actuelle d’écrits de ce type !

Notre grand-tante George en a fait des tonnes et des retournées. Elle a fumé le cigare, s’est habillée en homme, a désespéré Musset, appris la tristesse à Chopin, eu des tas d’amants mais est finalement restée pour l’éternité la bonne dame de Nohant, attachée à la famille, aux enfants, aux bons repas, à la maison, à la fantaisie : quelle idée de se faire appeler George alors qu’Aurore est un si beau prénom !

Je ne sais trop que penser de l’oncle Antoine (de Saint-Exupéry) : ce philosophe n’était-il pas un brin planeur ? Ni de Tonton Jean (Cocteau), enfant terrible et touche-à-tout dont je n’ai jamais rien lu.

Et c’est parmi ces scribouilleurs qu’on trouve le mouton noir de la famille, celui qui fait des phrases interminables, qui passe sa vie au lit et ne fait rien qu’à dégoiser sur le joli monde des salons parisiens, prétend à tout bout de champ que c’était mieux avant à l’époque du temps qu’on a perdu à faire des caprices de gamin qui ne comprend rien au monde et que, tel Caliméro, « c’est pas juste tout ça ! » même s’il a eu la chance de vivre sans travailler, de décrocher le Goncourt et d’être lu en mode quasi-obligé  par des tas de lecteurs masochistes qui encaissent sans moufter son phénoménal complexe d’Œdipe : « J’étais bien plus heureux, avant, quand j’habitais dans ma maman » décliné en 2300 pages pleines de coq-à-l’âne et vides de découpage en chapitres ! Oui, bien sûr, l’oncle Marcel (Proust), la caricature ultime de la famille, l’allergique, le rêveur naïf et bête, le concierge reclus, le cœur d’artichaut maladif, l’idiot des villages normands, celui qui fait jeter l’opprobre (et même l’eau sale) sur toute la famille Ducancer, le coupeur de poils de cul en huit, le tapé XXL par excellence.

N’es-tu pas de mon avis, cher Onc’ Walrus ?

DDS_681_P604_cancer

P.S. J'en ai oublié trois :

- l'oncle d'Amérique, Donald (Westlake) qui écrit les histoires tordantes de Dortmunder et Kelp ;
- l'Italien Giorgio (Di Chirico) avec sa peinture métaphysique où j'ai mon doigt ;
- le Tchèque Franz Kafka avec sa littérature métamorphose où j'ai mon doigt.

Dans la famille il y a - avait - aussi Guy Béart et Julos Beaucarne qui vient de nous quitter ce samedi. Paix à sa belle âme !


Ecrit pour le Défi du samedi n° 681 d'après cette consigne : XXL

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