WODKA, NIE WODA !
Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes, paraît-il, ni de naître dans un pays où le plus sympathique des trous de verdure où coule une rivière s’appelle le canal de la Deûle.
Avec une partie de la famille originaire de Hasnon (prononcer «Ah non» comme dans «Ah non, alors !») j’aurais pu protester et réclamer une installation plus poétique sur les bords de la Scarpe, de la Lys ou de l’Escaut tout proches. Mais je n’avais pas voix ni voie d’eau au chapitre.
Alors quand ma vie a suivi son cours et que j’ai pu naviguer de mes propres ailes ou plutôt de mes propres rames, j’ai fait comme tout le monde et je suis monté à Paris voir si la Seine coulait encore sous le pont Mirabeau. Elle y était bien mais si j’en crois le Jeu des mille euros elle aurait dû s’appeler l’Yonne. Et pour ce qui est des gens du Nord je crois qu’il faut dire qu’on descend à Paris.
Evidemment, lorsque vous habitez la capitale et que vous avez vingt ans vous vous en fichez de la Seine. Les seuls ponts qui vous intéressent sont ceux du mois de mai. Les moustiques du Maroni, même s'ils ont depuis émigré jusqu’au Rheu, vous font aussi peu d’effet que les bateaux-mouches qui zonzonnent au pied de la tour Eiffel.
Même Georges Perec qui fut plus longtemps parisien que moi n’était jamais monté à bord de ces pièges à touristes. Mais puisqu’il est question de liquide aujourd’hui, j’admets que j’ai le crachat facile. N’ai-je pas succombé pour ma part, par amour du dérisoire, à la croisière sur la Meuse célébrée autrefois par le «Clair de Lune à Maubeuge» de Pierre Perrin ?
Et le summum du paradisiaque n’est-il pas encore à mes yeux le parcours en vaporetto de la plus belle avenue du monde, le Grand canal à Venise ? Mais, c’est vrai, ce n’est pas un cours d’eau, juste une voie de passage dans une cité lacustre, ça ne compte pas. Et puis maintenant avec Air Biènbi, les paquebots de croisière géants et le tourisme de masse, je ne suis pas loin de penser avec Charles Aznavour et Françoise Dorin que c’est triste, Venise.
Bien sûr, dans la photothèque familiale, il y a bon nombre de rivières dans lesquelles pêchaient le père et le grand-père, dans lesquelles baignaient les enfants. Sur la photo de Tence, dans la Loire, mon frère, mon oncle et moi faisions flotter des petits bateaux ou pêchions à la casserole de tout petits alevins, bien sûr non comestibles : il est bien connu que quand l’alevin est tiré il ne faut pas le boire.
Sont-ce dans les gorges de la Dordogne qu’était situé le pont de fer près de Messeix ou Bourg-Lastic? La famille se posait là l’après-midi, on se baignait dans la rivière avec le cousin instituteur, sa femme et ses enfants. S’il y a bien quelque chose de typique dans le monde de «Bienvenue chez les Ch’tis» c’est cet amour de la vie en tribu. Si on a trouvé un coin à champignons, on y emmène tous mes copains. Si on a dégoté un endroit plus joli que le canal de la Deûle – un plan pas trop difficile à réaliser en fait -, on y installe toute sa famille ! Ce camping de Cabasse, sur les bords de l’Issole, il en aura vu défiler, des gens du Nord ! Et même de Bretagne ! Je rêve encore de ce petit vin de Provence, du domaine de Campdumy, propriété de la famille Gavoty dont le patriarche, Bernard, était un critique musical renommé. Les routes parcourues à vélo, le lac de Carcès, la côte d’Entrecasteaux, le petit soleil de ce 1er juin et le silence environnant mon jardinet - shrubbery chez Sacré Graal ! - m’y ramènent en esprit.
Et puis après de mon côté commence le grand recueil photographique de l «Apologie des villes d’eaux». Reprendrez-vous de mes délicieux «Morceaux de Sablé en vrac entremêlés de quelques aperçus de Solesmes» ? De mes «Dix sonnets à la gloire de Bruges» ? Aux petits bonheurs de la Sarthe j’ai dédié quelques poèmes, des aquarelles et des tonnes de diapositives. Sur la capitainerie du port de Sablé-sur-Sarthe j’ai immortalisé des dizaines de pénichettes, des barques à Solesmes ou à Morannes, capté des brumes, des reflets et même vu la glace en couvrir la surface d’une pellicule blanche.
Las ! J’aimais tant la rivière qu’elle a débordé de reconnaissance à mon égard et s’est invitée dans notre maison. Ca s’appelle une inondation et ça n’a pas vraiment plu à mon épouse ni à mes enfants. Nous avons quitté la rue du Petit port et depuis nous n’habitons plus qu’un 1er ou deuxième étage à bonne distance des rivières environnantes.
Bien sûr, au fil de nos voyages, sans être allés jusqu’aux rives du Maroni, nous avons vu l’Arno sous le ponte vecchio, Florence en 2002 à la place d’Amsterdam, écartée pour cause d’hôtels pleins à cause d’une grande exposition Van Gogh.
J’ai connu la Seine à Rouen, la Garonne à Toulouse, l’Isar à Munich, l’Aulne au bout du canal de Nantes à Brest, l’Odet à Quimper, la Loire et ses châteaux, le Loir à La Flèche, le Léguer à Lannion, la Dordogne à Brantôme, Le Rhône et la Saône à Lyon, la Moldau (Vltva) à Prague dans un camping avec feu de camp à deux mètres de notre tente avec force buveurs de bière à rôts sonores (les Tchèques ne viennent jamais sans provisions).
Il en manque plein, bien sûr, de ceux qui servent aux mots croisés, l’Ob et l’Ienisseï, l’Aa de Petit Fort-Philippe. De ceux qui sont plein d’esses et regorgent de pets comme le Mississippi. De ceux dont l’environnement a fait littérature, du «Don paisible» au bas-pays de la plaine du Pô cher au Don Camillo de Giovanni Guareschi dont je me régale en ce moment.
Mais je devrais m’arrêter-là dans mon lyrisme. Je n’ai pas vraiment de quoi tirer fierté de ce périple, de ces randonnées, de ces pédalées, de ces séjours dont je suis revenu sans trous rouges au côté droit mais où je me serai aM(e)usé beaucoup plus que Rimbaud.
Parce que voyez-vous, quitter le canal de la Deûle pour venir se poser au bord de la … Vilaine, je ne vois pas vraiment où est le bénéfice !
En plus il y a en Bretagne autant sinon plus d’alcooliques que dans les Hauts de France. Qu’est-ce qu’ils ont tous ces gens à ne pas aimer l’eau ?
Je lève quand même mon verre à leur santé. Si, si, c’est de l’eau. De l’eau-de-vie !
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 1er juin 2021
à partir de la consigne AEV 2021-33 ci-dessous
UN DRÔLE DE RÊVE
S’il y a bien un endroit où il est interdit de fumer et de jouer à la petite marchande d’allumettes, c’est ici, dans ce bâtiment d’allure classique. C’est un grand quadrilatère qui a son entrée au 58 de la rue de Richelieu à Paris. Y était conservé, jusqu’à il y a peu, tout le patrimoine écrit imprimé sur le territoire français et ce depuis 1539. Voilà pourquoi il n’était pas rare de voir sur le trottoir, entre 1975 et 1980, Mlle Lhéritier ou M. Peyraube clopant "comme clopains" à gauche de la porte principale de la Bibliothèque Nationale qui n’était pas encore « de France ».
J’y allais avec mes collègues et ma chef de service, peut-être le mardi et le jeudi, je ne sais plus trop, visiter leur antre souterrain, la salle des catalogues. On y effectuait des recherches bibliographiques dans le National Union Catalog et d’autres monuments du genre encyclopédique en plusieurs volumes pour repérer ce qu’on n’avait pas trouvé dans le Cumulative book index ou le Books in print.
J’y étais encore cette nuit, à la B.N. Si, si, je vous le jure : bien que je n’y sois plus obligé je retourne bosser la nuit. Je ne maîtrise pas tout dans la vie et surtout pas mes rêves.
Si quelqu’un peut m’expliquer d’ailleurs ce que le président de la Maison de Quartier de Villejean de Rennes, Monsieur Deuxpoints Jacky, y faisait ! Il devait encore être en train de blablater en français mâtiné de gallo avec d’autres gens autour d’une table basse ronde et quand il m’a vu passer, il m’a interpellé pour me vendre un billet de tombola. Ça c’est sans doute parce que j’ai fait le pari pascalien de me faire vacciner samedi dernier !
J’ai repris mon chemin et je me suis perdu. Dans mes rêves la Bibliothèque nationale est un compromis entre une maison de M.C. Escher et un labyrinthe pour rats de laboratoire… ou de bibliothèque. Il y a des passerelles, des escaliers, des couloirs, c’est tortueux, périlleux et parfois lorsque je n’ose pas avancer sur un pont de singe ou me suspendre aux bords d’une trappe, je déchausse et je me réveille.
Pas cette nuit. Parce que cette fois j’étais parvenu dans une partie inconnue, luxueuse, avec portes matelassées et meubles anciens. Un véritable home sweet home dans lequel on entendait une musique de clavecin qui s’arrêta au moment où j’allais sortir. Apparut alors à la rembarde de la mezzanine au-dessus de moi un vieil homme élégant. Il avait une allure de Michel Bouquet mais ressemblait en fait à cet acteur au regard noir, au masque froid que l’on voit encore dans les rôles secondaires de certains films mais dont on oublie forcément le nom. Alors que je m’excusais platement de ma présence en ces lieux privés, le directeur de la BN, car c’était lui, s’adressa à moi.
- Monsieur Krapov ! Vous vous y connaissez, en solfège, vous ?- Un peu seulement, répondis-je étonné de ce qu’il connût les noms de tous ses employés et les reconnût – sans que j’aie le souvenir de l’avoir jamais rencontré puisque la BN avait en 1974 une directrice du genre petite souris grise, native de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, qui s’appelait Thérèse Kleindienst et qu’on appelait T.K.
- Parce que, voyez-vous, ajouta l’homme à l’allure de lord anglais, je suis en train de composer un opéra.
- Intéressant ! De quoi s’agit-il ?
- C’est l’histoire d’un vieil homme qui aime deux femmes. Il vit alternativement avec l’une et avec l’autre mais aucune des deux ne sait que l’autre existe. Il hésite à choisir entre les deux à cause de sa bibliothèque. Il a conservé tous les livres que l’une et l’autre lui ont conseillé d’acheter ou qu’ils ont lu ensemble ou qui évoquent des moments de leur vie. S’il choisit de vivre avec l’une, comment lui expliquera-t-il ces traces d’une autre. ?
Le reste de l’argument se perd dans les limbes du sommeil et dans un éclat de rire nocturne. Un opéra à un seul personnage !
***
Au réveil, une fois redescendu de l’escalier aux esprits, j’ai eu la répartie qu’il fallait, d’autant plus irrespectueuse qu’elle s’adressait à un fantôme :
- Si t’es embêté avec tes deux vieilles, t’as qu’à tomber amoureux d’une gamine de seize ans ! Les Lolita s’en foutent des livres, elles préfèrent leur smartphone !
Je lui ai même trouvé un titre, au dirlo, pour son opéra : Docteur Folamour !
Quand je rêve la nuit, je suis encore plus con que quand j’écris le jour !
P.S. Oui, je sais, sur l’image, ce sont les guichets du Louvre et pas la B.N. ! Si vous êtes sages je vous parlerai de Belphégor une autre fois ! Et puis on ne disait pas "directeur" mais "secrétaire général" dans cet établissement.
Pondu pour l'Atelier d'écriture de Villejean du 4 mai 2021
d'après la consigne AEV 2021-29 ci-dessous
SOUVENIRS PAS ASSEZ NÉBULEUX A SON GRÉ D'UN HYPERMNÉSIQUE DÉBORDÉ
Je suis assez âgé maintenant pour pouvoir dire que j’ai vécu à l’époque du dieu Vintage.
La vie y était résolument en noir et blanc comme sur cette-photo-ci où l’on me voit avec mon frère William. Mes trois frères et moi portons les mêmes prénoms que les frères Dalton mais ça m’importe aussi beaucoup, à moi l'affreux Joe-Joe, de savoir quand est-ce qu’on mange et quand est-ce que les restaurants rouvriront.
Ça date d’entre 1960 et 1970. La maison se trouvait dans une rue tranquille de Bonneuil-sur-Marne. C’était le pied-à-terre que mes grands-parents occupaient quand mon grand-père montait à Paris pour travailler à la « Fédé ».
La voisine s’appelait Madame Bidart ou Bidard mais ça ne m’a pas permis de retrouver l’adresse du lieu sur Google maps. A quoi bon du reste ? A quoi bon mémoriser une adresse de plus qui ne servira à rien ni à personne ? Reste juste une photo du genre « jours heureux de l’enfance ».
C’est comme les PILI dont j’ignorais qu’on les désignât sous ce vocable ! Je me souviens très bien que ça les amusait beaucoup, les grands-parents, de faire découvrir à ces innocents du village que nous étions l’univers encore très Jacques Tatiesque de la capitale. Notre premier escalier roulant à la station de métro Ourcq ! Le panneau indicateur lumineux d’itinéraires, le Pili donc, avec tous ses boutons et ses voyants colorés qui affichaient le trajet à effectuer pour aller de «Vous êtes ici» à «vous voulez aller là-bas». Oui, un genre de GPS avant l'heure si vous voulez, «Pour Invalides, changez à Opéra» comme chantait le poète poinçonneur. Le PILI, une invention qui met du piment dans votre vie !
Parce que plus tard le pied à terre s’est trouvé au 4e étage d’un immeuble de la rue de Lunéville à Paris. Grand-mère nous emmenait parfois à pied jusqu’au 213 de la rue Lafayette retrouver Grand-père à l’heure de sortie du bureau. C’était tout droit dans le prolongement de l’avenue Jean Jaurès et on s’arrêtait pour regarder les bateaux dans l’écluse du canal Saint-Martin.
Je me souviens encore du hall d’entrée et du grand ascenseur qui nous emmenait au 2e étage où se trouvait la Fédération nationale des travailleurs du sous-sol. Je me rappelle les noms des collègues de «l’homme fort du Pas-de-Calais», je revois des visages : Henri Martel, Achille Blondeaux, Stanis Walczak, Charles Diet, Lucien Labrune, Augustin Dufresne, Victorin Duguet qui m’avait surnommé «L’avocat sans cause». J'étais sans doute assez bavard et "rameneur" à l'époque !
Ca vous fait des bosses à vous, hein, tous ces estimables fantômes, ces braves types qui n’ont pas vécu centenaires. Vous, vous attendez juste la nébuleuse ! Eh bien c’est là qu’elle était, au 213, venue directement d’URSS, installée sur une petite étagère parmi quelques livres du même acabit : «La Nébuleuse d’Andromède» un roman d’Ivan Efremov publié aux Editions de Moscou en 1959.
Pourquoi je me souviens encore de cela ? Je ne vais pas partir en chasse de ce vieux nanar puisque je ne lis plus rien désormais que des blogs ici et là avec leurs récits de frottements qui durent depuis vingt ans, le Canard enchaîné, des bandes dessinées de cette même époque vintage récupérées grâce à des camarades roumains et des revues de jeu d’échecs qui m’apprennent qu’un joueur russe nommé Nepomniachtchi a gagné le tournoi des candidat ?
Nepomniachtchi ! A peu de chose près, en russe, c’est "nié pomniat’" : Ne te souviens pas !
Ultime gag, l’image du PILI qui clôt ce billet a été capturée sur un site qui parle de Patrick Modiano, grand nostalgique d’un Paris qui n’existe plus, et le site s’appelle… Spacefiction ! Ca ne s’invente pas !
YOLAINE M.
Tout est faux ou presque dans la fiction précédente, exercice d’atelier d’écriture pondu à partir de la consigne du Défi du samedi n° 647 (yoyo) mais forcément trop décalé par rapport à ce qui est attendu là-bas. J’ai choisi en effet de truffer ce texte, ou plutôt de l’écrire, avec des mots à syllabes répétées.
Puis j’ai changé l’image et j’ai changé les noms à cause du paragraphe sur le canari ! J'ai parfois des pudeurs de rosière ! Mais tout ce qui vient après « Ils tenaient un bistrot quelque part dans le Gard » est vrai, au moins dans mon souvenir !
Du coup, à cause des babas, ce texte répond plutôt à la consigne AEV 2021-14 « D’autres inconnues » de l’Atelier de villejean !
***
De toute façon, à un hypermnésique, il ne faut pas demander de redoubler d’efforts pour qu’il se souvienne ! Envoyons donc les photos de la vraie Yoyo !
Yolaine est la deuxième fille de ma grand-tante Marie-Anne, sœur de ma grand-mère maternelle.
L’aînée se prénommait Jacqueline et était la filleule de ma mère.
Leur papa, Louis M., était surnommé « Nos maît’s » et lui, en retour appelait mon grand-père, qui était son beau-frère, «euch' tchiot bonhomme" .
On voit ici les deux beaux-frères en question avec leur beau-père, le grand-père Victor N. et la tante Marie-Anne.
Ils habitaient, à Guesnain, dans le Nord, près de Douai, un coron d’un type particulier : ils disposaient d’une cour fermée sur le devant et le groupe de maisons, toutes pareilles et soudées les unes aux autres, faisait face à un champ. Je n'ai rien retrouvé de cela chez M. Google-Street et chez M. Google-images.
Il y avait chez eux des disques de Leny Escudéro, de Jean Ferrat et surtout de Salvatore Adamo que Yolaine adorait. Elle dessinait très bien et je me souviens surtout d’avoir lu un de ses livres qui doit être celui-ci :
C’est le recueil n° 1 du Club de lecture des jeunes. Il contient quatre romans et des illustrations.
Le monde perdu, d’Arthur Conan Doyle ;
Annik Reporter, de Mireille (la chanteuse du petit conservatoire !) ;
Les Indes noires, de Jules Verne ;
Les Aventures de William, de Richmal Crompton.
Voyez comme je suis : il y a un an ou deux j’ai racheté « Annik reporter » dans l’édition de la Bibliothèque verte. Et je me souviens encore bien de cette histoire de « traction ovale » !
***
Pour en terminer avec le jeu fiction-réalité, rectifions donc le tir : le mari de Yolaine se prénommait Bernard et son fils Fabien. La mère et le fils ont été photographiés ici par moi-même dans la cour de la maison où j'ai grandi.
Amitiés aux survivants et survivantes de ces temps à qui les moins de vingt ans n’ont pas grand-chose à dire et qui le leur rendent bien en retour ! (Les temps sont durs !) ;-)
P.S. Ca ne se voit pas mais j'ai eu du boulot pour nettoyer ces photos !
ENTRE LES TROUS DE LA MÉMOIRE (1)
T’en souviens–tu, la Seine ? Ou plutôt vous en souvenez-vous, Madame la Seine, de mes virées le long de vos quais ?
Oui, je sais, c’est de l’histoire ancienne et ce n’est pas vous que je regardais. Je farfouillais dans les bacs verts des bouquinistes où je trouvais quelquefois, tel le pêcheur de perles, des trésors de papier.
C’est bizarre comme, avec les années qui cognent, mes dix ans à Paris sont devenus quelque chose de flou. J’étais à l’époque un drôle de petit bonhomme, discret comme un personnage de Sempé, qui allait écouter en concert des gens comme Higelin, Steve Hackett ou Neil Young, fréquentait assidûment le cinéma Olympic, le Studio 28 ou ceux du Quartier latin, lisait énormément et c’est sans doute chez Gilbert jeune, sur le boulevard Saint-Michel, que j’ai trouvé ce poster de Dominique Appia.
Il ne fut pas difficile d’ajouter une image aussi bizarre à mon mystère ambiant et à mon studio d’intello miteux. Pour une solitude comme la mienne la science-fiction, l’imaginaire, le rêve étaient le carburant dont j’avais besoin pour être bien dans ma fusée.
Je m’étonne, aujourd’hui que je suis devenu un dinosaure, de n’avoir jamais éprouvé d’inquiétude devant les tableaux d’Appia, de Magritte ou de Delvaux. Famille pour famille, les beaux enfants des peintres surréaliste m’ont accompagné pendant quarante-quatre saisons et si j’écrivais de la poésie douce-amère à l’époque, je n’ai jamais pensé qu’il fallait écrire pour ne pas mourir. J’avais la légèreté du flocon papillon et l’ai sans doute encore.
Le centre du motif, ce tas de livres qui brûle à même le plancher dans un appartement ouvert aux quatre vents ne m’a jamais semblé un symbole oppressant. La glaciation du temps à gauche, le buste de géant dans la pièce plus sombre et le miroir vide ne m’ont jamais mis le cœur à l’ombre. Je ne me suis jamais vraiment demandé ce que ça fera le jour où ça craquera. Peut-être que je suis au fond aussi inconsistant que les deux enfants du tableau qui n’ont ni ventre ni sexe et rêvent de prendre un bateau demain pour arriver à La Rochelle par la mer, de visiter les cathédrale de Gulliverte, d’entendre l’histoire des douze petits cochons ou de redresser la tour penchée de Pise.
Et pourtant, Madame la Seine, je ne suis pas qu’un rêveur Lennonien. J’ai toujours fait la vaisselle chez moi, toujours bossé sans à-coups et il aura fallu, pour qu’on m’apprivoise, qu’une sorcière comme les autres - ou pas ! - vienne me faire l’honneur d’une valse marine. On s’est connu, on s’est reconnu et on ne s’est pas séparés. J’ai suivi la femme du vent dans son pays bleu de western breton. L’éternelle histoire !
Voilà pourquoi je ne connais plus personne à Paris, à part vous. J’aurai tant de choses à vous dire si un jour je reviens mais si je ne parle pas ne vous inquiétez pas. Je sais que vous êtes une porteuse d’eau, que votre temps est précieux et que vous avez à faire par les champs inondés. L’Apollinaire enfant qui pleure sur le pont Mirabeau ou l’adepte de la java d’autre chose qui arrive avec ses « Me v’là ! J’ai une lettre ouverte pour Madame Elise LaSeine que c’est même pas grave si c’est Thérèse dans la vie en vrai», je comprends très bien que ça vous glisse dessus.
Pondu pour l'Atelier d'écriture de Villejean en ligne le vendredi 4 décembre 2020
d'après la consigne 2021-10 ci-dessous
Les petits dessins d'Ilarion Pavlovitch Krapov. Scans du 5 novembre 2020
Argentiquités : petite boîte n° 2, scans du 29 octobre 2020 : Rayogrammes (3)
Crayon et taille-crayon. En bas le douloureux visage de la mort.
Argentiquités : petite boîte n° 2, scans du 29 octobre 2020 : Rayogrammes (4)
Crayon, taille-crayon et index de l'auteur
Pince à dessin mâle courtisant une pince à linge femelle. Au fond, la mer.
L'éventail de l'époux épais ou Les Epées d'Eraste (extrait de Guerre et paix)
Argentiquités : petite boîte n° 2, scans du 29 octobre 2020 : Rayogrammes (1)
Ces oeuvres d'art-là ont été réalisées en 1971 et 1972 dans le laboratoire photographique
installé dans le cabinet de toilette à l'étage du 73.
Ce sont des rayogrammes. Le nom vient de l'artiste surréaliste Man Ray
qui utilisa beaucoup ce procédé dans les années 1922 et suivantes (voir ici).
L'un de mes livres de chevet à l'époque était
L'"Histoire de la peinture surréaliste" de René Passeron.
Des perspectives un poil cavalières
Le clou de la fête courtisant une épingle de caporal tandis qu'à l'arrière-plan une clé d'antivol tente de s'introduire dans une pince à dessin. Planant au-dessus de tout, le fil des jours.
(Pour la plupart des rayogrammes, les titres sont d'époque).
Argentiquités : petite boîte n° 2, scans du 29 octobre 2020 : Rayogrammes (2)
Rayogramme pour entendre la mer dans une feuille de papier
Individu timbré soufflant dans un trombone
Agent chargé de régler la circulation au pays anagrammatique des pinces à linges