Beatlemaniaque un jour, Beatlemaniaque toujours (1)
Vous savez comment ça marche : pour que vous ne quittiez pas votre petit écran, pour que vous n'alliez pas manifester dans la rue (contre l'exploitation-pollution de la planète pour le seul profit de quelques uns, etc., etc.) ou faire d'autres bêtises du même genre, on vous fait plein de suggestions intéressantes dans la colonne de droite, on vous cible les publicités espécialement pour vous en échange du pompage de vos données personnelles et ainsi va le meilleur des mondes depuis 1984 d'Orwell jusqu'à la reconnaissance faciale sino-soviétique de 2048 ou même bien avant.
Bref, je découvre donc sur la lancée de Jeff Lynne ce Concert for George (Harrison) de 2002 auquel ont participé Eric Clapton, Jeff Lynne, Billy Preston, Paul McCartney, Tom Petty, Ringo Starr et Monty Pithon !
J'en extrais ma chanson préférée dont je parle justement dans une des lettres à Rimbaud ! Je découvre au passage qu'elle n'a que trois accords : Sol La Do !
ECRIRE A RIMBAUD ? 16, Catacombe
Monsieur Arthur Rimbaud
B.P. 01 au vieux cimetière
08000 Charleville-Mézières
Mon cher Arthur
"Quand j’aurai du vent dans mon crâne…"
Boris Vian
La catacombe a été inventée pour rappeler aux humains qu’un jour la cata tombe. Aussi bien sur Taka Takata que sur Emile Combes.
Le cimetière est là pour leur dire leur misère : un jour où l’autre, mortel, tu tomberas du haut des cimes, tu gicleras par la portière, tu finiras au cimetière.
Qu’est-ce que t’incinères, Joe Krapov ? Qu’on devient feu ?
A côté d’Eros on pose Thanatos pour signifier à Emile qu’il ne fera pas de vieux os là ! Un jour ou l’autre on l’a dans l’os. La maladie vous fait la peau, arrive la mort, on s’évapore au dernier port et pour toi cela fut celui des Marseillais.
Mais pour moi mon cher Arthur, tout cela est tabou. Je m’abstiens de toute danse, y compris et surtout de la danse macabre : j’ai décidé une fois pour toutes que j’étais immortel. C’est plus facile de vivre ainsi. Et pour plus de sécurité, pour parfaire mon bonheur de touriste de 2018, je retourne de plus en plus souvent vivre dans les années 60 et 70.
Ainsi l’autre samedi ai-je acheté 34 numéros de Charlie mensuel, un journal de bandes dessinées dont le rédacteur en chef, Georges Wolinski, est décédé dans l’attentat contre Charlie-hebdo en janvier 2015.
Ainsi ai-je visionné « Living in the material world », un film de Martin Scorsese consacré à George Harrison, le guitariste le plus mystique d’un groupe appelé les Beatles qui connut un certain succès de 1963 à 1969, année érotique plus que thanatotique.
Ainsi, par association d’idées, suis-je retourné en pensée mettre vingt centimes de franc dans le juke-box d’un café de Carvin (Pas-de-Calais), chez Jean-Pierre, où nous allions, à une certaine époque, chaque samedi soir, au siècle dernier. Inlassablement j’y écoutais, du même Harrison le 45 tours « Is n’t it a pity ». Je ne comprenais rien aux paroles mais j’étais amoureux fou de cette musique lancinante. L’après-midi qui précédait nous avions joué de la musique électrique dans la cave parentale transformée en lieu de répétition underground. Les rockers aussi étaient un peu caves, ce qui me ramène aux catacombes.
Quand j’aurai du Vian dans mon crâne, à l’automne, comme tous les pékins, je ne danserai plus la java des chaussettes à clous ni le joyeux tango des bouchers de la Villette. Il faut évoluer : de nos jours les policiers utilisent le teaser, le flashball et la grenade et tout le monde devient plus ou moins vegan.
Je n’entamerai pas plus l’interminable tango des perceurs de coffres-forts : celui-là vous mène directement en prison sans passer par la case départ et, derrière les barreaux, avant de mettre un terme à cette écriture de lettres folles je pose et repose la question essentielle te concernant :
Arthur ? Où t’as mis le corps ?
Engagé dans l’armée hollandaise en 1876 tu suivis le mouvement jusqu’à l’île de Java (des bombes atomiques !). Là, tout dépité de n’y avoir pas rencontré la dénommée Riquita, tu as déserté, tu as fait quarante-huit kilomètres à pied et tu as réembarqué pour regagner Charleville-Mézières en décembre !
Arthur, où t’as mis le corps du délit ? Tu n’as répondu à rien, tu as brûlé les questions et tu restes à jamais de ce fait le déserteur ultime de l’année 1876 et de celles qui ont suivi.
T’es snob ou quoi, Rimbaud ? Cela fait un an que je t’écris et jamais personne ne me répond jamais ! Tout le monde doit être occupé à surfer sur l’écume des jours ! Ou à boire systématiquement, comme toi, sa prime d'engagement !
Comme j’ai finalement compris, moi aussi, ou plutôt déduit, que ce salaud d’Arthur était au paradis, je retourne dans le mien chanter comme une cigale au milieu des fourmis.
Reçois, avec mes remerciements pour nous avoir fait rire un peu depuis un an, mes très poétiques amitiés !
En toute confraternité !
Ecrit pour le Défi du samedi n°514 d'après cette image.