TROIS MINIATURES
Jamais la même heure
A la pendule d’échecs :
A chacun son temps
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HOMMAGE A FERNAND RAYNAUD
Quand on a un coup dans l’aile on a parfois du mal à trouver son centre de gravité. Surtout si c’est un éléphant qui a démoli votre deux-chevaux. Il arrive même qu’on rie si jamais il est rose.
Quand on a un coup dans le nez on a parfois du mal à trouver son centre de gravité. Surtout si en s’appuyant sur l’aile d’une deux-chevaux on s’aperçoit qu’il s’agit d’un éléphant rose. Pour peu qu’on ait mis la main sur la trompe, il se cabre et on tombe.
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Sur cette miniature médiévale est représenté un tournoi. Au pied des deux tours d’un château deux cavaliers s’affrontent pour le plus grand plaisir du roi et de sa dame. Il y a un monde fou Même les pions du lycée Saint-Louis assistent à ce combat. On ne sait pas qui l’a emporté. Le journal « L’Equipe » n’existait pas à l’époque et on ne pariait pas sur les courses hippiques.
Ce qui est surprenant quand même c’est que l’oeuvre est signée Léon Zitrone et que le Louvre d’Abu Dhabi, au vu des certificats de provenance et d’authenticité, en a fait l’acquisition au prix fort.
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 31 mai 2022
à partir de la consigne 2122-31 ci-dessous
EN ROUE LIBRE, CA NE MANQUE PAS DE SELLE NON PLUS !
Le gabelou arpente le sentier des douaniers. S’il trouve des gars chelous en bande ou contrebande il leur file une danse ou une contredanse. On appelle cela du grabuge et on le signale au gradé gras du bide et relou qui porte le nom de «Chef».
Seul le gabelou provençal joue du galoubet car les gabelous bretons sonnent de la bombarde comme tout bon barde qui se respecte mais pas les oreilles des autres.
Le gabelou se prend parfois pour Clark Gable ou Jean Gabin, plus rarement pour Greta Garbo mais tout le monde sont libres on fait tout qu’est-ce qu’on veule surtout si c’est de manière lâche.
En dehors de ses heures de service un gabelou peut chanter «Fanny de Laninon» avec les Gabiers d’Artimon ou acheter très cher aux enchères la gabardine d’Eddy Constantine.
Par contre, comme il est tenu au devoir de réserve, il n’a pas le droit de dénoncer comme étant de la gabegie le montant de la retraite d’un sénateur français : près de deux mille euros pour seulement six ans de mandat. Alors que lui obtient plus de points de côté que de points de retraite et qu'à force d'être sur les dents il voit reculer tous les jours l'âge pivot.
Tout comme Jacques Dutronc, le gabelou aime les filles. Surtout les filles bien galbées qui portent un galurin et boivent des galopins. Mais il se fiche de savoir si le prénom de Gorbatchev est Mikhaïl ou Iouri et ne se demande pas quel est le gabarit du viaduc de Garabit. Il connaît encore moins que moi les accords de «The Sheik of Araby» mais il sait que les Beatles ont chanté ça.
Le gabelou l’été monte le Galibier alors que ce chien félon de Ganelon préfère escalader le Canigou.
Quand le gabelou ne sait pas s’il préfère Linda ou Emmylou il les écoute chanter en duo.
La Grand-mère de Martine Aubry disait : «Quand il y a du gabeflou c’est qu’il y a un gabelou ou alors qu’il est temps d’aller chez Afflelou».
Pour gagner sa vie le galibot va au charbon, Gaby Morlay fait du ciné, Brigitte Lahaie des galipettes sur cent dix mètres.
Le général Gamelin ne jouait pas de la flûte pour débarrasser une ville du Nord de ses rats et de ses enfants.
Alors que la gabelle de Cadix a des camaïeux de velours on ne sait toujours pas si le «Gaby oh ! Gaby» de Bashung a été composé à Gembloux un jour qu’il était soûl mais ce n’est pas grave : tout le monde s’en fout.
Vous avez quelque chose d’autre à déclarer ? Oui : un ange Gabriel, une tapisserie des Gobelins, un maréchal Goebbels, un Arthur de Gobineau, un grand blond avec une chaussure noire, «La Gamberge» de Jean Yanne, «La Gambille» de Guy Béart, une viole de gambe d’avant #metoo, un putain de ta race de gloubi-boulga , un désert de Gobi lointain, un genre d’Henri Guybet, un grand bellâtre et un belou gay qui trafiquent du beluga, un gibbon du Gabon, une gerbille de Gambie et un raton-laveur.
Voilà, c’étaient les krapoveries de la semaine. Vous avez le droit de protester dans la zone de commentaires sur le mode «Tu nous la bailles gabelle, Joe Krapov !».
P.S. «Je ne suis pas un imbécile [puisque] je suis gabelou», ça le fait beaucoup moins que dans le sketch de Fernand Raynaud.
Ecrit pour le Défi du samedi n° 594 d'après cette consigne : Gabelou
S COMME "SECRET BANCAIRE" ?
- Bon alors, Lenglumé, ces fichés "S" ?
- J’ai épluché toutes leurs dépenses de juin-juillet, Chef ! C’est du lourd ! Des vrais Scandaleux !
- Très bien ! Qu’est-ce que ça raconte ?
- Le 26 juin ils ont acheté pour 52 € de liquide inflammable au relais des Trois marches à Vezet-le-Coquin.
- Des pyromanes ? Des incendiaires ?
- Non, c’est juste de l’essence pour la voiture. Ils refont le plein le 5 juillet. 58 €.
- Ben dites donc, ça a roulé, on dirait !
- Ouais. La femme a fait tout un va-et-vient entre Redon, Nantes et Montfort-sur-Meu.
- Ca existe, ça ?
- Ouais, c’est vache comme nom, hein ? On les retrouve le 9 juillet au camping de la Route d’Or à La Flèche dans la Sarthe. Deux nuits, 27,14 €.
- Un camping qui ne pousse pas vraiment à la consommation. La Sarthe, c’est là où il y a le Las Vegas ?
- Oui mais à côté, à Sablé.
- Qu’est-ce qu’ils fichent par là, les fichés ? Ils font du repérage chez François Fillon ?
- On ne sait pas. Premier contact le samedi avec deux natifs du cru. A cette date, à la Flèche, il y a un festival de théâtre de rue, les Affranchis. Gratuit ! Les comédiens prennent des spectateurs en otage. Ils prennent peut-être des leçons ? Toujours est-il qu’on a un chèque le lendemain midi à l’ordre de L’Etoile du Maroc.
- Ah nous y voilà. Une mosquée ?
- Non, un restaurant de couscous. Ils y rencontrent deux autres complices venus d’ailleurs. Un dénommé Z et sa belle. Le 11 ils prennent à nouveau de l’essence et l’autoroute ensuite. Sortie à Bourg Achard près de Rouen. Le 13 ils sont à Carvin dans le Pas-de-Calais. Ils achètent des pinceaux et de la peinture dans un hypermarché.
- Pour maquiller le véhicule ?
- Non, pour repeindre un corridor et des toilettes ! Le 15 ils déjeunent à l’Opéra corner de Lille. Vous imaginez, chef ? 20,60 € ! Ils n’ont même pas pris de dessert !
- Ah, les fumiers ! Mettez-moi cet établissement sous surveillance. Je les connais, ils ne proposent même pas de menu à la carte à leurs clients ! N’empêche, Lenglumé, Pas-de-Calais, Nord, Hauts de France, on se rapproche de Molenbeek, hein ?
- Oui mais ils ne passent pas la frontière. Le 17 ils repartent sur Rennes. J’ai un reçu de la SAPN de 3,40 € aux Essarts et un chèque de 60 €uros dans une brasserie de Rouen.
- Rouen ! Nom de Dieu !
- Ils n’y restent pas. Le 20 ils refont le plein. Ils tirent 100 euros dans un distributeur à côté du stade de Rennes. Le 21 ils sont à Lannion, ils déjeunent avec une autre complice, devinez où ? A "La Chicorée", un restaurant Ch’ti !
- C’est la filière « OSS 117 à Biloute » ou quoi, Lenglumé ?
- Le lendemain ils dépensent 20 euros tout rond à la librairie Gwalarn.
- Ils ont acheté le Coran !
- Non, le livre des chansons de jeunesse de Georges Brassens.
- Qui c’est ce mec ? Mettez-le en résidence surveillée, lui aussi !
- Pas la peine, chef, il est mort.
- Il est mort et il continue d’écrire des chansons ? Ca me semble vraiment louche, tout ça !
- Le 25 ils sont au camping du Golf à Saint-Jean-de-la-Rivière en Normandie après un nouveau retrait de 60 €. Là ils font un effort. 166,50 € pour six nuits. On n'a pas de trace des arrhes. Mais ni camping-car, ni mobil-home. Juste une tente pourrie de dix ans d’âge à deux places. Ensuite ça continue : essence et retrait à Barneville. 43,10 € au Café du Port à Cherbourg !
- Cherbourg, Lenglumé ! Ils veulent s’en prendre au Redoutable ! Le fleuron de nos sous-marins atomiques. Cherbourg ! Ils veulent nous refaire le coup du parapluie bulgare !
- Vous ne vous trompez qu’à Demy, Chef. Il y a d’autres objectifs possibles dans la Manche et ils ont plus d’un atout dans la leur : des témoins les ont vu randonner à Flamanville !
- Merde ! Les centrales nucléaires ! C’est dans les cibles possibles, ça ?
- Voui, Chef ! La femme fait ses courses dans des boutiques bio et semble du genre à voter écolo.
- Des fichés S qui votent ? C’est quoi cette histoire, Lenglumé ?
- Le 1er août ils sont revenus à Rennes. Ils remplissent leur frigo. Le 3 on arrête le mec à la Bouquinerie du centre.
- Il avait acheté le Coran ?
- Non, deux albums de Lucky Luke : « L’escorte » et « La ville fantôme ». 9 euros les deux, d’occase. On a alpagué la femme chez elle.
- Des armes, des explosifs ?
- Non, de la tapisserie et de la peinture.
- Encore ? Mais elle n’arrête pas de bosser celle-là ! Du genre à s’accrocher au pinceau quand on retire l’échelle ! Que disent leurs portables, leur ordinateur ?
- Pas de portable pour l’homme, aucune activité sur les réseaux sociaux. Plutôt que Telegram un blog de photos du genre Instagram et de la messagerie même pas rose.
- Intéressant ?
- Juste des échanges en belge avec un morse.
- Vous voulez dire « des échanges en morse avec un Belge » ?
- Non, de l’humour de gens qui ont la frite avec un nommé Walrus. Et la meilleure, Chef…
- Oui, Lenglumé ?- Ces suspects n’ont pas la télévision !
- Alors là, bravo l’artiste ! Leur compte est bon. Vous avez fait quoi ?
- Envoyés au Centre de rétention-rééducation de Ploumanac’h.
- Motif ?
- « Décroissants au beurre sans aucun crédit sur le dos. Déviants du samedi et des autres jours ».
- De vrais Scandaleux. Leur réaction ?
- Morts de rire tous les deux. Ils n’y croient pas au chef d’inculpation de « trouble au plan de relance de la croissance sous forme de vacances économiques». On leur a dit qu’ils rigoleraient moins en cabane quand il se mettrait à pleuvoir.
- Ils ont répondu ?
- Oui. L’homme a dit qu’il ne pleuvait jamais en Bretagne. Et la femme a complété : «Sauf sur les cons. Les autres sont au bistrot ».
- Vous ajouterez « injure publique » à son dossier. Je n’aime pas qu’on se moque des douaniers.
- Mais, Chef, on est des flics ?
- Avec tous ces gens qui n’ont rien à déclarer, je ne sais plus, Lenglumé. Heureusement qu’on a les banques avec nous : un petit saut de puce pour l’homme, un point de contact géant pour la Police. Ou alors c’est la photo : peut-être bien qu’on est un peu sur le sentier de naguère, non ?
Ecrit pour le Défi du samedi n° 415 à partir de cette consigne