RETOUR AU PAYS
Ce que peut déclencher le rhum de Martinique
Nul ne peut le savoir avant d'être monté
En salle Mandoline et s'il n'a pas goûté
Le poème aux limaces écrit par Dominique.
C'est un voyage en groupe au rythme d'un piano
Qui reste silencieux pendant les mois d'été
Mais de septembre à juin, avec sérénité,
Comme si l'on peignait les murs de Burano,
Les maisons de pêcheurs et les barques légères,
On fait surgir des océans de fantaisie,
On bâtit à Dubaï en signe d’hérésie
Une Maison du vin, on part, on déblatère.
On a laissé la pieuvre et boudé l'Australie
Mais l'on sait tout du roi, de sa prison intime
Et de ses rossignols. Concerto maritime
Dirigé savamment par les didascalies
De nos stylos surgit comme de la mer Noire
Un trois-mâts fabuleux porteur de poésie :
Ses voiles ont la blancheur des plaines de Russie
Et sur son pont la lune envahit la baignoire
Échappée d'un délire ancien d'une écrivante.
Les mots s'en vont parfois dans le métro magique
Vers Cesson-Sévigné, la ville écologique
Où l'on combat le ragondin qui épouvante.
Des poissons colorés nous emmènent à Vienne
Où l'imagination savoure un chocolat
En regardant valser de jeunes échalas
En ce bal imprévu de licornes et de reines.
Bientôt naîtront de ces flèches sur pages blanches
Des surprises, des mots sortis de leur prison,
Libérés du carcan trop lourd de la raison,
Des histoires : il faut bien, ami·e·s, que l'on s'épanche.
A huit heures survient l'instant de la lecture :
C'est Noël ! Ou c'est Pâques ! C'est joli ! Ça chemine !
Ces chalets de montagne qui ne paient pas de mine...
Mais c'est notre château, l’atelier d'écriture !
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 7 février 2023
d'après la consigne AEV 2223-19 ci -dessous
Couleurs de Burano (Italie) en février 1998 (1)
Ami·e·s de la numérisation, bonjour ! Ce nouvel appareillage que je viens d'acquérir chez Pearl.fr pour à peine cinquante euros, on pourrait dire, un peu bégueule, que c'est mieux que rien ! Mais de fait c'est carrément bien, voire super, surtout si on considère la vitesse de la sauvegarde et le fait qu'on redonne vie à des trésors enfouis depuis plus de vingt ans. Bien sûr ça n'a pas plus d'intérêt qu'une partie d'échecs disputée avec des amis mais ça occupe les mains et ça permet de faire tenir une photothèque sur un disque dur. A l'heure de la dématérialisation de tout, c'est la preuve qu'on est "furieusement tendance" ! ;-)
C'est un "adaptateur pour numérisation de diapos et négatifs sur appareil photo reflex", un dispositif fabriqué par Sumikon. Ça ressemble à un téléobjectif sauf que vous le vissez à votre zoom et non au boîtier. Au bout vous posez une diapositive ou un négatif couleur ou noir et blanc. Vous tournez tout ça vers la lumière, vous prenez une photo et le tour est joué !
Après, bien sûr, il y a du travail de recadrage, d'ajout de netteté éventuelle ou de retouche de couleur.
Le gain par rapport à un scanner est en termes de temps : une diapo sur un scanner, à 2000 DPI, c'est une minute par image. 40 minutes pour une boîte avec les manipes. Avec la rephotographie, j'ai fait six boîtes en deux heures !
En route donc vers une intégrale numérique des photographies du boulimique ! Je mets quoi comme musique pour faire ça ? "Journey through the past", de Neil Young ?
Couleurs de Burano (Italie) en février 1998 (3)
Rappelons, pour qui passerait ici pour la première fois, que Burano est une des îles de la lagune de Venise. Elle est sillonnée de canaux et toutes les maisons de pêcheurs sont peintes de couleurs pétantes avec des encadements de fenêtres blancs.
VOYAGE VÉNITIEN À CASES MULTIPLES
J’ai quitté
J’ai quitté la Pensione Wildner, sur la Riva degli Schiavoni, sa chambre 28, sa petite salle de restaurant idyllique et vitrée dans laquelle, dès le petit-déjeuner, on a la vue magique sur San Giorgio maggiore.
J’ai quitté l’hôtel Gardenia, pas très loin de la gare, dans lequel la décoration des chambres a... quelque chose d’érotique.
J’ai quitté l’hôtel Eden, sis sur la Strada nuova, « grande » avenue qui mène de la gare au Rialto puis à la place Saint-Marc d’où l’on ressort lessivé de voir tant de foule agglutinée. Venise est une ville pour les pigeons. Ici, même les soutiens-gorges pigeonnent ! Purée de ma mort, le pluriel du mot « soutien-gorge », je ne me rappelle jamais s’il y a un « s » ou pas et où ! Maudits pèse-lettres qui m’enduisent avec de l’erreur !
Avec
La première année je suis venu avec mon appareil photo reflex Olympus OM-10, seize pellicules diapos couleurs, neuf pelloches noir et blanc et un appareil jetable panoramique Kodak. Comme chaussures j’avais mes petits souliers de ville. J’ai souffert le martyre parce qu’on a marché des tas de kilomètres, surtout le jour où je suis allé tout seul au bout des jardins de la Biennale et que, rendu-là, je me suis aperçu que j’avais laissé mon billet de vaporetto à l’hôtel. C’est seulement au retour en France, et peut-être même des années plus tard, que mon épouse m’a fait découvrir l’existence des chaussures de randonnée qui ont changé ma vie. Maintenant c’est elle qui se traîne derrière moi quand on arpente les rues ou la campagne.
La deuxième année, je suis venu avec mon petit blouson d’été beige parce qu’en avril 1997 il avait fait très beau en France. A Venise il pleuvait, il soufflait un vent glacial, on était frigorifiés.
La troisième année, on est venus avec notre fille. Elle ne nous a pas beaucoup embêtés. Elle est restée souvent à l’hôtel à regarder des bêtises en italien à la télévision qui là-bas retransmet beaucoup de berlusconneries.
J’ai traversé
J’ai traversé Venise du Sud au Nord pour arriver aux Fondamente nuove. C’est ici qu’on embarque sur le bateau qui mène aux îles de la lagune. On a là une vue d’enfer sur le cimetière de San Michele. On s’est arrêtés à Murano où sont installés les ateliers-boutiques des célèbres souffleurs de verre et puis ensuite on a découvert, un peu plus loin, le paradis sur Terre, Burano, une île de pêcheurs et de dentellières aux modestes maisons de toutes les couleurs du manteau d’Arlequin, aux fenêtres bordées d’un encadrement blanc et sur les trois canaux, une profusion de barques et de bateaux qui s’éparpillent en reflets mirobolants.
Nous avons traversé aussi vers le Lido et là nous avons pris le bus. Arrivé au bout de la bande de terre qui fait barrage à l’Adriatique, le véhicule a embarqué sur un bac et de l’autre côté il a repris sa route pour nous déposer au bout du monde, sur un tas de cailloux battu par la mer d’un côté et caressé par l’eau de la lagune de l’autre. Au bout d’une demi-heure un bateau est venu nous prendre et nous a menés à Chioggia où j’ai photographié des barques de pêcheurs très joliment et très chrétiennement décorées. Ici nous étions revenus sur la terre ferme mais aujourd’hui, à l’heure du dérèglement climatique, c’est un peu dérisoire d’employer ce terme pour un lieu situé en bordure de mer.
Quand on est retournés à Venise la troisième fois on a visité la Fondation Guggenheim et ce que j’en ai retenu c’est qu’on y a vu un tableau de René Magritte. Je crois bien qu’il était interdit de prendre des photos dans le musée de Dame Peggy. A l’Accademia on n’avait pas envie. Lieu trop sombre, avec trop de tableaux accrochés-entassés aux murs les uns au-dessus des autres sur au moins trois niveaux. Trop de peinture tue la peinture parfois.
J’ai vu
La Première année, à Burano, j’ai fait la connaissance de Langelue Maetro.C’est ce vieil homme extrava-diva-g(u)ant qu’on voit sur l’aquarelle de la maison rouge. Il est assis sur une chaise au coin d’une rue, il a un chapeau de paille sur la tête et il parle tout seul, comme tous les fous jugés non-dangereux. Je ne sais pas comment j’ai pu négocier avec lui, le soudoyer mais c’est lui qui est retourné rentrer des notices dans le Catalogue BN-Opale de la BNF à Sablé-sur-Sarthe ! J’espère qu’il a pu faire carrière là-bas. C’était une maison de fous comme une autre, à ceci près qu’elle occupait un château du XVIIIe siècle.
Moi je l’ai remplacé. J’occupe son petit logement dans l’île, je touche sa maigre pension de malade libéré de l’asile de San Clemente. J’arrondis mes fins de mois en peignant des aquarelles que je vends aux touristes. Je n’ai que vingt-cinq modèles en stock. Dès qu’on m’en achète une, je la refais. On peut voir mon chevalet installé au même endroit depuis 1993. Chaque jour j’emmène ma boîte d’aquarelles, mes diapos et je regarde les couleurs d’icelles par transparence sur un fond de ciel toujours bleu ici. Le bonheur, c’est ça : une super-soirée diapos, la pasta et la pizza à volonté. En plus c’est moi qui fabrique la meilleure de toute l’île.
La deuxième année à Venise, j’ai beaucoup discuté avec Françoise Dorin. Elle est une dramaturge un peu oubliée maintenant mais surtout l’auteure des paroles de l’immortel et nanaresque chef-d’oeuvre de Charles Aznavour « Que c’est triste Venise ».
- Enfin, Françoise, lui disais-je souvent, ne sais-tu pas que « bistrot » vient du mot russe « bystro » qui signifie « vite ! » ? C’est ce que disaient les soldats russes qui venaient, en cachette de l’adjudant Karerdenkov, boire des petits coups de gnôle dans le bistroquet de la maman de Maryvonne. Ils ont eu tellement l’habitude d’abréger leur pause que le « bistroquet » est même devenu « troquet » à la longue.
Je n’ai jamais réussi à la dérider, la Françoise. Elle gardait l’oeil rivé sur les gondoles noires, « couleur de corbillard », disait-elle et elle me prophétisait des inepties du genre :
- Tu rigoleras moins, Joe Krapov, quand Vladimir Poutine envahira l’Ukraine et que tu devras non seulement changer de pseudonyme mais encore corriger toutes les pages de tes blogs sur lesquelles tu parles de toi à la troisième personne.
- Comment ça, Françoise ? Tu incinères que je serais du genre « Alain Delon vient nous servir à boire » ?
La troisième fois qu’elle a séjourné à Venise mon épouse m’a pardonné mon idylle d’ailleurs restée platonique avec Françoise Dorin. Elle m’a pardonné aussi cette absence-remplacement de cinq ans et m’a avoué qu’elle venait seulement de se rendre compte de la différence : ce Langelue Maetro était un vrai fou, mais, tout compte fait, pas autant que moi. Alors elle m’a passé les menottes et on est retournés à la gare de Santa Lucia. On a retraversé la lagune en train : c’est beaucoup moins magique au retour qu’à l’arrivée. Et puis j’ai atterri à Rennes. Finies les aquarelles ! Bonjour l’Université de Rennes 3. J’ai d’abord fait un stage à la BU santé ou la direction ne la respirait pas vraiment et puis j’ai été affecté au gardiennage de l’animalerie de Beaulieu. Après on est passés au XXIe siècle et à l’euro.
***
Maintenant je dis toujours qu’avec ses paquebots géants et son côté Disneyland Venise n’est plus ce qu’elle était et que ça ne vaut plus le coup d’y aller. Mais parfois je fouille dans mes archives, je monte au grenier, je regarde mes photos et mes aquarelles et j’entends une petite voix contrariée qui me chuchote d’un air lancinant : « Je veux retourner à Venise !».
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 15 mars 2022
d'après la consigne AEV 2122-22 ci-dessous
CONSIGNE D'ÉCRITURE 2122-22 DU 15 MARS 2022 A L'ATELIER DE VILLEJEAN
Récit de voyage
Les voyages les plus beaux sont peut-être ceux que l’on s’invente. Votre récit comprendra 4 parties :
1) J’ai quitté
Qu’avez-vous quitté ? Nommez simplement un lieu ou une personne.
2) Avec
Dites avec quoi vous êtes parti·e : quel objet avez-vous emmené ?
3) J’ai traversé
Dites en une phrase ce que vous avez traversé en partant.
4) J’ai vu
De l’autre côté, qu’avez-vous vu ? Là, donnez toute la gomme ! Décrivez ce que vous découvrez et ce qui vous arrive dans ce lieu nouveau. Il n’est pas indispensable d’en revenir.
Consigne extraite de « 1001 conseils pour l’écrivain en herbe » de Myriam Mallié et Pascal Lemaître – Casterman, 2004
Vous pouvez également utiliser les aquarelles de Venise et Burano peintes par Ilarion Pavlovitch Krapov pour vous inventer un voyage dans cette ville et/ou dans cette île si vous le souhaitez.