Monsieur Arthur Rimbaud B.P. 01 au vieux cimetière 08000 Charleville-Mézières
Mon cher Arthur
« J’avais rendez-vous, j’avais rendez-vous… Dis-moi… Après quoi on court ? »
Carrousel
Si comme le chantait jadis Nicoletta « ma vie est un manège » et que « ce manège tourne bien », c’est qu’il tourne en rond ! Pas question pour moi de jouer ces temps-ci les Mary Poppins et d’emmener galoper dans la nature les chevaux de bois du carrousel. Pas question de me trouver mêlé à quelque chasse à courre, j’ai trop peur de devenir le gibier dans ce monde où le trafiquant d’armes et le maffioso de tout poil mènent leur manège au grand jour, ont pignon sur rue.
D’ailleurs mon destin est semblable au tien ! Malgré ton désir de fuite tu t’es finalement retrouvé planté à Charleville-Mais-Hier où tu fais désormais office de chapiteau de cirque, où tu trônes en effigie sur la caisse du carrousel local. De mon côté, en tant que musicien épisodique, pas question de décoller, côté tournées ! A part celles qu’on s’envoie aux bars, bien sûr ! Les dates de concerts ne se bousculent pas au portillon du train fantôme. J’irai juste faire un tour à Tours en juin et sinon je suis condamné à enfourcher un renne à Rennes. A preuve l’excellent gag de l’autre jour.
- Assieds-toi, j’ai reçu un coup de fil pour toi, me dit Marina B., ma préposée au téléphone fixe quand je suis le mardi au club d’échecs ou à l’atelier d’écriture. Une chorale de quinze personnes s’est montée à la Maison de quartier de Villejean. Elle s’appelle la Ritournelle et elle cherche… un guitariste !
Bon, d’accord ! Il faut savoir que j’ai déjà fait le clown là-bas de 1998 à 2008 à faire chanter « La java bleue » et « la Valse brune » à des dames aux cheveux argentés ! Recommencer ? Alors que je me suis remis à jouer aux échecs le mardi après-midi et que ces dames de « La Ritournelle » ont choisi cet horaire-là pour chanter. Choix cornélien ! Sur quel dada vais-je monter ? Dois-je refaire ce que j’ai déjà fait ?
C’est que tu ne connais pas mon bon cœur, mon cher Arthur ! Il sait quand il le veut faire se faire plus sirupeux qu’une musique de limonaire ! Qu’est-ce qu’il ne ferait pas pour aller fredonner « Les Roses blanches » « Mon amant de Saint-Jean » ou « Le Tango corse » ! Mais bon, tel qu’il est, il me plaît ! Moi en général, les gens de mon voisinage, « tels qu’ils sont ils me plont », comme disent Annie Cordy et Renaud Séchan quand ils chantent ensemble.
Donc le mardi suivant je préviens mes potes d’échiquier que je ne pousserai pas le bois avec eux cet après-midi-là. C’est drôle, là où on joue, ça s’appelle « le Diapason » ! La musique me poursuit partout ! Et je me retrouve comme prévu avec des retraitées en goguette dans la salle Mandoline - ça ne s’invente pas non plus ! -. Après un rapide tour de table et une présentation du musicien à deux balles et de sa guitare à douze cordes on entame la répétition dans un désordre digne de la Yougoslavie autogestionnaire de jadis. Chacune y va de sa suggestion et la cheffe du groupe, c’est-à-dire la personne la plus malléable de la bande, accepte de commencer par « la chanson sur la Vilaine qui est si drôle ».
Chouette, me dis-je in petto. Man, tu vas mettre une nouvelle chanson drôle dans ta guitare !
- Vous la connaissez ? me demande-t-elle en me mettant sous le nez une chanson timbrée qui se chante sur l’air de « En passant par la Lorraine ».
- Si je la connais ? Et comment ! C’est moi qui l’ai écrite !
Et voilà comment on se retrouve embauché pour une autre répète le 13 mars et un concert-karaoké à la maison de retraite voisine le 14 !
- C’est pour quand, l’Olympia ? - Tais-toi et rame, Joe Krapov ! - Mais ce n’est pas un bateau, c’est un avion dans lequel je suis monté !
A part-ça j’ai continué à lire ici et là des bouquins qui parlent de toi.
Rien à redire sur le "Rimbaud le fils" de Pierre Michon. Il est bien écrit, comme du Proust, avec l’avantage que si les phrases sont longues, le bouquin et les chapitres sont courts ! Au bout du conte on n’apprend pas grand-chose de plus.
J’ai laissé tomber les « Quatre saisons à l’hôtel de l’Univers » de Philippe Videlier. Très bien écrit, passionnant même mais c'est en fait un livre-roman-étude historique sur la ville d’Aden. On y narre, au début, quelques horreurs sur ton compte. Que tu envoyas proprement promener ta compagne-concubine-servante abyssine Mariam et surtout que tu empoisonnas un temps les chiens du voisinage qui venaient uriner sur tes sacs de café !
Désolé, mais pour moi tu n’avais pas mérité que l’on te mît au mitard pour cela ! Le café ça doit se boire très fort et ne pas être du pipi de chat. Encore moins de chien. Dans mon Pas-de-Calais natal on appelait la lavasse « chirloute » et le café de ma grand-mère dans lequel la cuillère se tenait droite toute seule tant il était costaud était baptisé « Tortosa ». Si le premier terme est avéré, je n’ai pas trouvé trace du second sur Internet.
Et donc, pour en revenir aux chiens, ce n’était que légitime défense ! Parce qu’il y en a certains, des clebs, dans le genre empoisonneurs d’existence, ils se posent un peu là, non ? Je vais encore me faire des copines avec cette phrase, tiens ! Le fan-club de Jackie Russell , par exemple !
Et enfin, à propos de Charleville et Monthermé, sache que j’ai un mal fou à trouver du temps pour enregistrer « Un clair de lune à Maubeuge » en vue de coller ce morceau sur mes photos de « ma croisière sur la Meuse » ! Peut-être vais-je confier cette ritournelle à la Ritournelle – quand ces dames auront fini de me réclamer du Michel Sardou, du Chimène Badi et du Florent Pagny - ! Ah la la ! Savoir aimer, c’est dur ! Mais je prêche un convaincu !
En attendant comme elles m’ont un peu massacré « Je ne regrette rien », je n’ai plus aucun scrupule à faire un mauvais sort à « Mon manège à moi » pour aligner mes photos de carrousels !
Dors en paix, camarade Arthur, empereur posthume du pays de Poésie ! Sans le savoir, tu as décroché le pompon et tu continues à jamais, à cause de fous dans mon genre, à faire des tours gratuits dans la nuit pleine de ducasses de l’Internet en folie !
Si j’étais une couleur je serais le rose. Mais pas le rose tyrien, un rose pâle, un peu effacé.
Si j’étais un animal je serais une petite souris, discrète, honnête, secrète.
Si j’étais un parfum je serais celui de l’aubépine ou mieux encore celui de l’églantier.
Si j’étais une langue je serais la langue des signes mais sans les mains.
Si j’étais un fruit je serais un coing ou plusieurs coings transformés en gelée rosâtre.
Si j’étais une invention je ne remporterais pas de prix au concours Lépine parce que je serais déjà un peu inutile. Du genre un épluche-mammouth ou un coupe-file pour boucherie-charcuterie végétarienne.
Si j’étais un oiseau je serais un étourneau anonyme, noyé dans un nuage tourbillonnant au-dessus des grues de Rennes-en-Chantier.
Si j’étais une boisson je serais un lait fraise.
Si j’étais des chaussures je serais des ballerines pour danser les jours où il n’y a pas de public dans la salle.
Si j’étais un moyen de locomotion je serais un petit train de ceinture.
Si j’étais un bijou je serais un simple bracelet doré sans ornementation comme celui que je porte au poignet gauche sur le portrait peint par mon oncle.
Si j’étais un outil je serais une lime. J’en ai la rigidité et je suis déjà sans manches.
Si j’étais un élément je serais l’eau. Je suis du signe des poissons et les rares fois où l’on m’a vue dans la lumière j’avais un air à gober les mouches.
Si j’étais un légume je serais un radis ou une feuille d’endive.
Si j’étais un gâteau je serais une religieuse.
Si j’étais une heure du jour je serais seize heures dix, l’heure à laquelle débute l’émission « Des chiffres et des lettres ».
Si j’étais un poisson je serais un mérou.
Si j’étais un objet de toilette, je serais une serviette éponge rose.
Si j’étais un meuble je serais une petite table de chevet.
Si j’étais un écrivain je serais Arvers, le gars qui a écrit un sonnet si célèbre que tout le monde a oublié le nom du poète et ne se souvient d’aucun des vers du poème.
Si j’étais un monument de Paris je serais une tombe du cimetière du Père Lachaise. Vous m’y chercheriez longtemps parce que je n’y suis pas enterrée. Si j’étais une superstition je serais le pot de peinture mal accroché à l’échelle sous laquelle vous passez.
Si j’étais une religion ce serait une religion avec réincarnation : j’ai toujours rêvé, sans en avoir jamais rien montré, d’avoir une seconde vie bien meilleure et bien plus drôle que la mienne.
Si j’étais une épice je serais de celles qu’on laisse plus souvent qu’à leur tour sur l’étagère : l’anis étoilé, le fenugrec, la baie de genièvre.
Si j’étais une caresse je serais une légère tape sur l’épaule. Après ça deviendrait vraiment trop osé.
Si j’étais un animal domestique je serais une tortue. Oubliez-moi dans un coin du jardin, s’il vous plaît ! Je saurai bien m’enfouir toute seule pour hiberner au calme.
Si j’étais une civilisation disparue je serais la ville d’Ys. Pas très sûre vraiment d’avoir existé.
Si j’étais une couleur je serais celles de l’arc-en-ciel et je viderais tous mes pots sur les lettres de l’alphabet. Je garderais le pot-rouge pour en badigeonner des navigateurs imprudents que j’aurais pris pour cible et le pot de violet pour peindre des œillets et les offrir en riant à certains trous du cul !
Si j’étais un animal je serais un sanglier à l’œil bleu.
Si j’étais un parfum je sentirais le coyote. Une odeur très pratique pour se fondre dans le désert et très déplaisante aux bourgeois.
Si j’étais une langue je serais le charabia, le volapük et la novlangue mêlés puis le morse. Je vous chanterais « I’m the walrus » !
Si j’étais un fruit je serais la châtaigne. Vous vous piqueriez à ma bogue, à mon bug et vous sentiriez une décharge électrique dès que vous croiriez me toucher.
Si j’étais une invention je serais un bâton de dynamite géant enduit de colle, histoire que je ne sois pas tout seul à exploser ! Que le monde explose avec moi !
Si j’étais un oiseau je serais un serpent à plumes, un Quetzalcóatl.
Si j’étais une boisson je serais un bock de bière, une absinthe mais pas une limonade et surtout pas du tilleul.
Si j’étais des chaussures je serais des godasses de randonnée qui ont beaucoup servi..
Si j’étais un moyen de locomotion je serais un bateau sans gouvernail puis une paire de béquilles.
Si j’étais un bijou je serais un diamant brut rêvant toujours de se tailler ailleurs..
Si j’étais un outil je serais un tourne-vice.
Si j’étais un élément je serais l’air en mouvement, le vent qui se mêle au sable et tempête dans le désert.
Si j’étais un légume je serais la macédoine d’Alexandre.
Si j’étais un gâteau je serais un vol-au-vent. Oui, je sais, ce n’est pas du gâteau mais moi non plus..
Si j’étais une heure du jour je serais midi ou minuit. L’heure d’être toujours au zénith et jamais au rendez-vous.
Si j’étais un poisson je serais l’exocet. Si j’étais un missile aussi.
Si j’étais un objet de toilette, je serais un rasoir de barbier et je vous tailladerais le cuir.
Si j’étais un meuble je serais un buffet sculpté de chêne sombre empli de vieux secrets indéchiffrables.
Si j’étais un écrivain je serais qui vous voulez mais surtout pas cet Arthur Rimbaud dont j’espère bien que tout le monde aura brûlé les rinçures qu’il a produites..
Si j’étais un monument de Paris je serais le moulin de la Galette.
Si j’étais une superstition je serais un oiseau de mauvais augure.
Si j’étais une religion je serais une croyance avec un enfer pour chaque saison, des illuminations derrière les piliers de mes cathédrales et aucune promesse de paradis ou de quoi que ce soit.
Si j’étais une épice je serais le pavupapri (le pavot-paprika).
Si j’étais une caresse ce serait à mettre dans les annales, comme disent les proctologues à la fin de leurs banquets.
Si j’étais un animal domestique je serais un mille-pattes avec une jambe de bois. 999 tics et un TOC.
Si j’étais une civilisation disparue je serais la poésie française des origines à la fin du XXe siècle. Rappelons que ce monument s’est effondré au XXe siècle, ravagé par l’invention démoniaque d’un serpent à plume qui se prenait pour un missile exocet.
Pondu à l'atelier d'écriture de Villejean le mardi 6 février 2018
O terre des Ardennes à jamais détachée De mes souliers crottés ! Ô gorge desséchée D'avoir eu tant de science et de n'avoir dit rien !
Injustice rendue sous l'absence de chêne Me voici désormais privé de tout soutien ! Porteurs de ma civière, allez, à perdre haleine !
Pour la dernière fois ma trace d'Aquilon Au livre de l'Afrique une corne promène. L’œil bleu, le sang gaulois vont rejoindre la plaine. Vers la rivière fraîche au creux de son vallon Le drapeau du Destin, criblé de trous, nous mène.
O Saisons ! Ô châteaux ! Pourrai-je m'effrayer, Si un jour je découvre, étrange, horrible chose, Sur ma saison d'enfer, sur ma tombe sans rose, Une bibliothèque en guise de laurier ?
Nous avons découvert hier matin dans la revue électronique hebdomadaire "Le Défi du samedi" une contribution magistrale concernant la fameuse "affaire de Bruxelles". Nous la livrons dans son intégralité à nos lecteurs ce jour. Merci infiniment, chère Iowagirl !
Mesdames et messieurs les littéraires samediens,
J'ai le très grand honneur de vous faire part de ma toute dernière découverte académique, à savoir la vraie raison pour laquelle Verlaine a tiré sur Rimbaud. C'est tout simplement parce que celui-ci aurait traité celui-là de Yéti et que celui-là, hors de ce-lui-même, aurait cherché à se venger de l'insulte cruelle. Je viens tout juste de trouver les preuves de ce fait dans ce magnifique manuscrit retrouvé dans des archives obscures et jusqu'ici inconnues qui se trouvaient dans un carton égaré dans un coin poussiéreux d'un sous-sol quand même au sec dans une ferme resplendissante au délicieux Wyacondah Township en Iowa (USA).
Le cortège incessant des pèlerins modernes Eclaire ce grand temple aux fonctions polymorphes : Des remparts pour défendre en théorie les côtes, Des dunes incrustées de fleurs à bacchanales.
Les grands canaux ombreux d’une louche Venise Ont des quais où l’on vend, comme hier à Carthage, Des esclaves plus gris que des bords de Tamise.
Ici sont des Etna aux éruptions mollies, Des glaciers crevassés d’où sortent des lys jaunes.
Menant jusqu’au lavoir, au pied des peupliers, Un cortège de fleurs de cristal et d’hiver, Dans des parcs singuliers, des talus impudents, Penche des têtes rouges : érables du Japon.
Au pied du grand hôtel à l’entrée en rotonde C’est foire à Scarborough, c’est le Royal plazza, C’est Brooklyn, l’Italie, c’est le Scenic railway, L’Amérique et l’Asie jointes sur la terrasse.
Les fenêtres s’allument. Tout devient colossal. La riche et noble clientèle au soir tombant Est emportée par la brise des Fêtes-Dieu.
Joe Krapov est poète, humoriste (?), musicien à ses heures et photographe à seize heures trente. On trouvera ici un choix de ses productions dans ces différents domaines.