01 décembre 2021

En un mot comme en cent. 19 novembre 2021, Aujourd'hui une lumière

Voilà qu’on me consulte comme si j’étais un réel spécialiste de l’histoire littéraire de la seconde moitié du XIXe siècle et en particulier de la vie et des aventures du sieur Rimbaud Arthur ! C’est vrai que je laisse pas mal de traces de mes lectures sur le net ! Voici l’échange :

Bonjour,

Je lis votre site et remarque que vous en connaissez un rayon sur la vie du poète Charles Cros

J'ai une demande particulière au sujet d'un épisode de la vie d'Arthur Rimbaud dont j'ai seulement ouï dire : Arthur Rimbaud a-t-il brûlé un manuscrit de Charles Cros?

Je ne sais pas si l'évènement a pu se produire et s'il s'est produit chez Cros tandis que celui-ci hébergeait Rimbaud ou dans le cercle zutique.

Quoiqu'il en soit, le geste ne me surprendrait pas de Rimbaud ou d'Arthur Craven

Je vous remercie des éclairages que vous pourrez apporter à ma lanterne.

Bonne continuation.

Julie C.

 

21 11 30 henri-fantin-latour-arthur-rimbaud-1872

 

Bonjour

Je n'ai jamais rien lu de tel pour ma part. Le seul élément approchant est celui-ci, tiré du livre de Jean-Baptiste Baronian - Rimbaud  (Folio)

https://www.babelio.com/livres/Baronian-Rimbaud/149068

"Charles Cros est le premier à réagir. Il possède dans la rue Séguier, à deux pas de la place Saint-Michel, un atelier où il travaille à la fabrication de pierres précieuses synthétiques et il se dit prêt à y installer un lit de fortune pour Rimbaud, le temps qu'on lui déniche un meilleur hébergement. Mais à son tour il doit bientôt le chasser, Rimbaud ayant eu la désolante idée d'arracher les pages de la belle et luxueuse revue "L'Artiste" pour s'en servir comme papier hygiénique".

J'ai aussi entendu dans une émission de France-Culture un descendant de Charles Cros évoquer l'épisode de l'acide sulfurique mentionné ici :

http://www.poetes.com/cros/

Un drôle de "vilain bonshomme" que ce Rimbaud ! ;-)

Bonne continuation à vous dans la fréquentation de ces poètes magnifiques mais pas forcément doués pour s'intégrer à la société de leur temps (mais fallait-il vraiment s'y intégrer ? ;-) )

Bien amicalement

 

P.S. Je me suis intéressé à Charles Cros parce que j'ai travaillé un certain temps dans le château de Sablé où il avait fait des essais sur la photographie des couleurs.

J'ai repris cela dans une conférence sur "Les Inventeurs farceurs" donnée à Rennes en 2019 :

http://krapoveries.canalblog.com/tag/Inventeurs%20farceurs

Ma fréquentation de Rimbaud s'est poursuivie quant à elle, de manière humoristique, sous forme d'une dizaine de courriers à lui (virtuellement) envoyés : "Ecrire à Rimbaud ?".

C'est consultable ici, en désordre,  parmi tout un tas de textes allumés qui me font toujours éclater de rire lorsque j'y reviens (merci de m'avoir permis ce retour !)

http://krapoveries.canalblog.com/tag/Arthur%20Rimbaud

Bon amusement !

21 11 30 charles-cros-2_13346

Bonjour,

Je vous remercie de ce complément d'information très riche qui m'a permis de découvrir ce génie de Charles Cros. Quelle destinée injustement reconnue !

Outre ses inventions scientifiques, le genre du monologue est bien amusant !

 Bonne continuation dans vos recherches littéraires

Julie C. 

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19 avril 2021

LA DERNIERE LETTRE

Marseille, le 9 novembre 1891

Mon cher Ernest

AEV 2021-26 - JK Lettre de Rimabud à delahaye

Plus on avance en âge et plus on s’aperçoit qu’on ne sait pas grand-chose de la marche du monde. Et pourtant je ne suis pas un sédentaire, elle a bourlingué, ma valise, j’en ai usé et abusé, du voyage ! J’en ai envoyé des bafouilles et des babillardes à ma mother !

Au début, elle me marquait à la culotte, ma mère. Elle m’aurait volontiers embrigadé dans la bande à Jésus mais moi j’étais, je suis toujours une tête de mule ! Son ordre de service c’était : « Remonte un peu le niveau ! Prends l’ascenseur social ! Trouve une situation assise pour travailler dans un burelage – elle prononçait « burelage » pour « burlingue » ! – épouse une boulangère, donne un coup de collier, Arthur ! ».

Pour un peu elle m’aurait conseillé de devenir postier ou de fouetter le cheval de la diligence comme a fait mon frangin Frédéric. Ca a dû lui fiche un sacré coup quand j’ai été fourré au bloc à Mazas après avoir brûlé le dur pendant ma première fugue ! Mais bon, moi, ma route passait par Paris.

L’étoile filante de la Commune s’était éteinte quand j’y ai remis les pieds la deuxième fois en septembre 1871. Les Versaillais avaient arrêté la cocotte-minute à coups de fusil, éliminé les rouges pour un sacré bout de temps !

Alors je suis allé taper dans l’œil du Paulot Trousse-couilles ! Dans la cage à poule de ses beaux-parents, c’était du genre collier et étiquette et j’y faisais figure de marchand de peaux de lapin ambulant !

Avec Verlaine, on en a éclusé, des absinthes et des petits bleus sur les zincs des bistrots. Y’a même Fantin-Latour qui nous a tiré la toile, enfin, le portrait, sur un coin de table. On a pris de sacrées pochées et dans la boîte à cocus des poètes parisiens les gars ont avalé une arête de poisson quand je leur ai balancé « Le Bateau ivre » ! Chopez ça dans la dentelure, les nazes, feuille 12 à l’odontomètre, Arthur vainqueur haut le pied !

Après on a quitté ces rebuts, on est partis en bombe, on a joué au trempolino entre Londres et Bruxelles jusqu’à ce fameux coup de feu le jour où on a fait gare pour la dernière fois. J’ai failli être descendu, dis donc, et ça n’aurait fait aucun bruit dans le lanterneau !

Fin de la descente aux Enfers, changement de bitume !

Allégé de l’Europe et de ses bondieuseries, j’ai posé mon chevalet dans la corne de l’Afrique. J’ai vendu du café, des casseroles et des fusils aux pachas du secteur dont et y compris le roi Ménélik ta mère !

A force de combines j’ai fini par amasser une sacrée liasse. J’étais en passe de revenir au pays, d’y épouser une nénette mignonnnette et de finir rentier quand j’ai vu le bout de ligne se profiler.

Cette saleté de genou est devenue comme du camembert, plus moyen d’avancer autrement qu’en tilbury. Ce que j’appelais comme ça était un brancard bricolé avec les restes d’un ponton sur lequel j’ai souffert le martyre lors de mon rapatriement vers l’Europe. A Marseille on m’a amputé : je n’ai plus besoin que d’une botte sur les deux désormais.

***

AEV 2021-26 - JK LErnest_DelahayeA Charlestown j’ai pigé que je ne serais plus désormais qu’un surnuméraire alors j’ai voulu retourner à Aden. Trop tard ! Je t’écris de Marseille pour te dire adieu, l’Ernest. Je t’aimais bien, tu sais ! Ca cocotte l’éther dans tout l’hôpital, je vais sans doute y passer cette nuit. Y’a ma soeur à côté qui prie tout ce qu’elle peut pour le piéton aux semelles de vent mais pas question que cette sauterelle d’Isabelle me fasse intégrer à la dernière minute les brigades calotines de son brêmard divin ! Ça ferait trop plaisir à Claudel !

Seulement… Plus on avance en âge et plus on s’aperçoit qu’on ne sait pas grand-chose de la marche du monde. Tu le sais toi, ce qu’est une gogneuse ?

Ton copain Arthur

***

Cette lettre de Rimbaud a été retrouvée récemment au centre de recherche de La Poste à Libourne. L’auteur de la missive, n’ayant plus tous ses esprits au moment de fermer l’enveloppe, avait écrit «Emile Delahaye» au lieu d’ «Ernest Delahaye» et celui-ci n’habitait plus Charleville-Mézières depuis un certain temps déjà.

Ce genre de courrier impossible à délivrer s’appelle justement… une gogneuse !


Pondu pour l'Atelier d'écriture de Villejean du 13 avril 2021

d'après la consigne AEV 2021-26 ci-dessous

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30 janvier 2021

L'ALBUM ZUTIQUE

DDS 648 Le Fantôme de l'apéro (Plonk et replonk)

Tous les soirs, au café de l’Univers, à l’heure de l’apéro, le fantôme de Vitalie venait se joindre à nous.

C’était d’autant plus surprenant que la maman d’Arthur était toujours vivante, là-bas ou plutôt là-haut dans les Ardennes. Son fils, notre poteau, lui écrivait régulièrement pour lui demander du matériel photographique, des livres techniques et des…

Non, pas des nouvelles de son trou perdu. Notre copain s’en foutait complètement de Charleville, de Mézières et de la ferme de Roche.

Les nouvelles du trou perdu, c’est le fantôme qui en réclamait.

- Rends-moi l’album, Arthur ! S’il te plaît !

DDS 648 Hôtel_des_EtrangersParis_gravure- Mais je ne l’ai plus, Maman. Je ne l’ai jamais eu d’ailleurs. C’était un recueil collectif. Comme un livre d’or sauf que c’était de la merde !

- Rends-moi l’album Arthur ! Fais pas le clown ! Retrouve-le et rends-le moi ! Ou rends-moi le !

- Je ne vais pas retourner à Paris pour ça ! Je ne sais même pas s’il y est encore d’ailleurs. Et pourquoi le veux–tu ?

Et là, comme gêné d’avoir à se justifier, le fantôme disparaissait. Mais le lendemain, il était là de nouveau, le fantôme de l’apéro, avec sa litanie.

- Rends-moi l’album, Arthur ! Arthur, où t’as mis le corps du délit ? Je t’avais pourtant déconseillé de t’associer à ces vilains bonshommes !

- C’est de nous que vous parlez, Mme Fantôme ? demanda Bardey ce soir-là. Mais le fantôme semblait sourd, aveugle, obsédé par son idée fixe, ne s’adressant qu’à son commerçant de fils.

- Pourquoi ne reviens-tu pas ? Quel intérêt trouves-tu à faire Chabanais chez les zoulous ? Tu ne veux pas revenir chercher l’album ?

- Zut, Maman !

***

DDS 648 Album zutique 1970234Un jour que ce rigolo de Suel, après nous avoir offert la tournée du patron, était venu s’asseoir à notre table, avant même qu’elle ait ouvert la bouche, il avait entrepris Vitalie.

- Alors ? C’est vous, la môme Fouettard ? L’ange aux ailes de plomb ? Vous savez que le bikini blanc vous va à ravir ?

- Arthur, rends-moi l’album !

- Mais ne pensez donc pas qu’à ça, la star d’outre-monde ! Vous ne voulez pas vous envoyer en l’air avec le Don Quichotte des canapés ? Vous ne savez pas ce que vous perdez !

Et c’était devenu la meilleure blague dans le coin, ce fantôme sourdingue auquel on proposait la botte. Tout le monde a rappliqué pour lui proposer de jouer à saute-jarretelles ou à «Enfourchez vos balais !» sans que le fantôme ne dévie d’un pouce et ne réclame «à corps et à cris» son foutu album.

Même Rimbaud ne comprenait plus rien à ce phénomène qu’il avait de son côté baptisé, de façon assez poétique, «le bal des osselets».

C’est Mme Suel qui eut le fin mot de l’histoire. Un soir qu’elle s’était jointe à nous elle avait proposé à Vitalie de venir admirer une éclipse d’étoile.

Le fantôme l’avait suivie derrière l’hôtel et s’était confié à elle

DDS 648 Sonnet du trou du cul- En 1871 mon fils est parti sur un coup de tête s’acoquiner avec Verlaine, la reine des soiffardes. La jeunesse, vous savez ce que c’est ! On se défonce, on ne commet que des polissonneries, on est le diable incarné ! L’autre a été puni d’avoir abandonné femme et enfant : en cabane, Papa ! Surtout parce qu’il avait tiré sur mon Arthur. Ce que je veux, moi, c’est effacer les traces de tout cela. Je veux détruire ces rinçures et surtout retrouver l’album zutique pour le brûler.

- Qu’est-ce que vous gagnerez à cela ?

- Je ne veux pas que mon nom soit associé à ce «Sonnet du trou du cul» qui y figure en bonne place et je sais qu’une fois que j’aurai fait cela, il pourra y entrer tranquille.

- Où ça ?

- Au Panthéon.

- Je vais vous aider, lui proposa Madame Suel.

***

Le lendemain Mme Suel a raconté l’histoire à son mari puis elle a fait ses valises et est repartie pour l’Europe. Adios, chiquita ! Le soir le fantôme n’est plus revenu à l’apéro ; on ne l’a jamais plus revu et Mme Suel non plus. Simplement, depuis ce jour-là, on s’est mis par plaisanterie à appeler Rimbaud «Trouperdu !». C’est d’ailleurs sous ce nom qu’il a été enterré au cimetière européen d’Aden.

 

Ecrit pour le Défi du samedi n° 648 d'après cette consigne : Zut !

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15 juin 2020

AUGUSTIN TRAQUENARD : LE RÉCIT DE MATHILDE FLEURVILLE

 

La dernière fois que j’ai vu Augustin Traquenard c’était ce soir étrange où il a fait si chaud. Je rentrais du travail après avoir récupéré Georges, notre bébé, à la crèche. Nous habitions alors un appartement à l’étage au n° 4 de la rue des Petits-Champs à Paris. Augustin s’apprêtait à promener notre chien, un fox-terrier bizarrement tout blanc que nous avions appelé Emile. On s’est croisés sur le palier.

- Je vais acheter des allumettes. Prépare les pinces en or, je ramènerai aussi du crabe.

Il n’est jamais revenu.

***

murmure_temps 0008 réduite

Il avait arrosé encore tout de travers la pauvre plante en pot qui ornait notre home. Il en mettait partout avec sa cruche antique, de l’eau, sauf là où il fallait. Chaque fois je l’engueulais. Il protestait :

- Hé ! Ho ! Tu ne vas pas en faire toute une affaire de ce que l’eau dégouline sur ton tournesol ?

- D’abord ce n’est pas un tournesol, c’est un azalée et c’est le pied de la plante qu’il faut arroser, pas la fleur !

- Tournesol, lotus, bleuet, orchidée , c’est pareil, espèce de maudite Mathilde ! Fleur vile ! L’azalée, c’est une valse !

Je ne lui répondais pas que la valse, justement, quand nous la dansions, il m’écrasait les pieds. Avec Augustin, il valait mieux ne pas envenimer les situations.

Le soir est tombé puis la nuit. L’angoisse montait. La clarté des étoiles semblait mystérieuse. Par la fenêtre ouverte je scrutais les mouvements de la rue, guettant son retour.

Devant le café où nous avions nos habitudes, le Pharaon, un voyou guettait un client de passage qui fumait le cigare en terrasse. La lune était pleine. Il y avait sans doute du drame dans l’air mais je n’étais pas objective. On a marché sur la moquette du palier mais ce n’était pas lui.

Les lumières de la ville se sont éteintes. J’ai fini par aller me coucher.

***

Il n’a pas donné signe de vie pendant trois jours. Le quatrième une carte postale est arrivée. La Grand’place de Bruxelles au recto. Au verso, ces quelques mots : « Ne t’inquiète pas. Je t’expliquerai. »

Pourquoi donc était-il parti ?Je subvenais à tous ses besoins, même les plus illégaux. Mes parents nous aidaient bien. J’avais toujours de la coke en stock. Je ne lui coûtais rien en bijoux, je n’aime rien tant qu’être habillée simple. Bien sûr les vagissements du bébé la nuit lui cassaient un peu les oreilles mais c’étaient les dents, ça passerait.

Oui, c’est vrai, il buvait, il était violent, m’injuriait et me battait même parfois. A part cela c’était le plus délicat et le plus délicieux des hommes en public. Une espèce de milord noir. D’âme, je parle, pas de peau. Il n’avait rien à voir avec Sydney Poitier.

***

Bruxelles. Pourquoi la Belgique plutôt que l’Amérique ou le Congo ? Est-ce qu’il y avait une autre femme derrière cet envol ?

J’ai fini par aller trouver le détective du rez-de-chaussée. Son agence s’appelait Fiat Panda.

- C’est à moitié en hommage à Léo Malet et à son agence Fiat Lux et à moitié parce que je suis rangé des voitures. Je suis un ancien des R.G.

- Les Renseignements Généraux ?

- Non, les Recherches Graveleuses. Florent Fouillemerde pour vous servir. Vous par exemple, votre compagnon est parti et vous vous demandez avec qui.

Il y avait des boules de cristal qui lui servaient de presse-papier sur son bureau. J’en ai compté sept. J’étais chez Madame Irma la voyante ou quoi ? Il devinait toutes mes pensées.

- Je les collectionne. J’en ai 714. Vous avez une photo du disparu ? Et une photo du chien ? C’est surtout lui que vous voulez retrouver, non ?

***

Cher mais efficace, le détective. Comme quoi il ne faut pas se fier aux apparences ni au patronyme des gens. Il m’a rappelée quinze jours après.

- Le 21 au soir, après être sorti de chez vous, Monsieur Traquenard a pris l’autocar pour Bicêtre.

- L’hôpital ?

- Non, Le Kremlin-Bicêtre. Là-bas il a retrouvé un ami à lui fraîchement débarqué des Ardennes. Un nommé Archibald Rimbock, pas forcément recommandable d’après mes renseignements. C’est un type barbu qui porte un monocle, une casquette de marinier de la Meuse et n’a que l’invective à la bouche. Le lendemain matin on retrouve leurs traces à la gare du Nord où ils se sont accrochés avec un photographe de rue nommé Karjaboudjan. Rimbock l’a blessé à la main, d’un coup de couteau. Ils ont filé ensuite, le laissant tout saignant, et ils ont sauté dans le train pour Bruxelles. Là-bas ils ont vécu un temps au 26 rue du Labrador. Puis ils sont partis pour Londres.

- Filer le parfait amour ?

- Rien n’est moins sûr, madame Fleurville. C’est une affaire assez bizarre et… c’est pire encore que tout ce que vous pouvez imaginer. Ils vivent très honorablement, là-bas. Ils fréquentent les bibliothèques et ils donnent des cours de français. Et… êtes-vous prête à entendre l’insupportable ?

- Allez-y docteur ! Euh… Madame Irma. Pardon, ça m’a échappé, M. Fouillemerde.

- Je comprends que vous soyez troublée et vous allez l’être encore plus. Ces deux messieurs… Comment vous le dire ? Ils écrivent de la poésie.

***

murmure_temps 0008 détail

Augustin Traquenard ! J’ai vite fait une croix sur ce dégénéré. Je me suis mariée l’année suivante avec un industriel belge nommé Rémi Tatin.

Le plus désolant dans l’histoire a été de perdre le petit chien blanc si intelligent, Emile, dont Fouillemerde n’a pas pu me dire ce qu’il ‘était devenu. Il ne me reste de cette époque que cette photo un peu floue de lui : c’est celle que j’avais confiée au détective et qu’il m’a rendue. Je me souviens qu’on l’avait même fait agrandir et encadrer, quand nous habitions rue des Petits-champs, Augustin, Georges et moi.

C’est du passé. Rémi et moi sommes heureux. Nous habitons avenue Louise à Bruxelles, c’est dire ! Nous venons de donner une petite-demi-sœur à Georges. Elle est adorable. Nous l’avons prénommée Emmylou.

Emmylou Tatin, ça sonne bien, non ?


Pondu pour l'Atelier d'écriture de Villejean le 14 et le 15 juin 2020

à partir de la consigne ci-dessous.

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17 mai 2020

DE RIMBAINE A VERLAUD. 7, "Aa" dit-il car il connaissait les deux langues

M. Arthur Rimbaine
Explorateur de voies intraveineuses
et de traditions orales ou à mettre dans les annales
8, quai Arthur Rimbaud
08000 Charleville-Mézières

                                                                    Monsieur Paul Verlaud
                                                                    Société de géographie des Maladives et du Miraginaire
                                                                    73, rue Sonneleur
                                                                    62812 Vent-Mauvais

                                                     Petit-Fort-Philippe le 12 mai 2020

C’est effectivement un concept très intéressant et le tout récent confinement de mars à mai 2020 nous l’a prouvé contre notre gré : ce sont les lieux les plus connus de nous qui sont les plus surprenants, les plus porteurs d’inattendu.

Je pense ainsi à toutes ces dames qui ont profité de ce temps libéré pour faire du rangement chez elles et se sont effarées du nombre de paires de chaussures qui encombraient leurs placards.

Petit Fort Philippe 22 03

Aujourd’hui, fort heureusement, ce temps d’enfermement est terminé et j’ai pu reprendre mon travail d’exploration des traditions orales à mettre dans les annales. Je l’ai repris à zéro ou presque, en tout cas au tout début du dictionnaire puisque mon expédition de ce jour, à ta demande de confiné à jambe de bois, m’a amené pas très loin de chez toi, à Petit Fort-Philippe dans le département du Nord. C’est ici que ce fleuve côtier en deux lettres très connu des cruciverbistes et des verbicrucistes, voire de ceux qui font des mots croisés, vient se jeter dans la mer. (In appelle cha eune imbouchur’ ou un estuaire).

Le fleuve est canalisé et se termine par un long chenal qui sépare Petit-Fort-Philippe à sa droite de Grand-Fort-Philippe à sa gauche. C’est un peu comme Buda et Pest à Budapest mais attention ça n’a rien à voir avec Buca et Rest à Bucarest en Roumanie : Buca est en Turquie et Rest n’existe pas !

Petit Fort Philippe Google images 20 bis Salomé

Si Petit-Fort-Philippe fait partie de la ville de Gravelines, Grand-Fort-Philippe est indépendante. Aussitôt débarqué du train à Gravelines j’ai pris l’autobus de Monsieur Salomé (Man mère ! Qoô qu’ch’est que ch’bahut-là ? Y date eud Mathusalème ?) et je me suis mis en quête de l’hôtel Beaurivage tenu par M. et Mme G. Babilaere. Il ne paie pas de mine mais est très correct, accueil chaleureux avec accent ch’ti garanti :

- Allez, Biloute, monte eul valise à ch’t’homme dins l'champe numéro vintte !.

Après m’être installé sommairement, je suis ressorti. Avant de jouer les arpenteurs d’inattendu j’ai pris un café dans un estaminet nommé « Au retour du Transvaal ». (Ah ben dis donc ma loute, c’h’est pas dé l’chirloute qu’in sert ichi ! Y faudrot un bon g’nièv’ pour faire passer ch’tortosa là !). Mon Dieu qu’il était fort ! J’ai commencé par faire le tour de la grand’ place. Elle ressemble un peu à celle de Charleville-Mézières, la place ducale de Charlestown, à ceci près qu’elle n’est pas traversée en son milieu par deux routes perpendiculaires (comme à Carvin, par exemple). Par contre les autocars de Monsieur Salomé ont un petit dépôt ici où ils proposent des excursions vers Dunkerque, Bray-Dunes et même La Panne, de l’autre côté de la frontière belge. C’est gonflé ! Peu de temps après les affaires de Metoo faire le coup de La Panne à toutes les dames d’un bus, il faut oser. Ce Salomé a peut-être des accointances avec le producteur harceleur ? Comment s’appelait-il déjà ? Richard Strauss-Kahn ?

Petit Fort Philippe Inédits 42Je me suis promené ensuite le long du chenal jusqu’au phare blanc et noir que son motif décoratif en spirale fait ressembler à un sucre d’orge de fête foraine (In dit eun’ ducasse, par ichi, Isidore !). Elle commence par devenir énervante cette petite voix intérieure qui m’interrompt tout le temps ! J’ai continué jusqu’au bout de la jetée. Ce n’est pas le sillon de Talberg mais presque. On est peut-être, au bout, au point le plus septentrional de la France ? Qui sait ?

J’ai rebroussé chemin et j’ai tourné à gauche devant les cabines de bain. J’ai longé la plage, suis passé devant le sémaphore, la chapelle des marins, ai poussé jusqu’au camping puis suis revenu par le même chemin. Comme on était proches de midi j’ai décidé de me poser pour déjeuner au restaurant de l’hôtel.

Petit Fort Philippe Inédits 05On m’a proposé de déguster des welsches, un plat typique du Nord (du pays de Galles ?) à base de fromage de Cheddar fondu dans de la bière et gratiné au four avec un œuf miroir par-dessus une de ces tartines de jambon dont Arthur Rimbaud a chanté les mérites dans son poème « Au cabaret vert, cinq heures du soir ». Délicieux mais copieux car on m’a servi avec cela frites et salade. Comme boisson, il n’y avait pas d’autre choix que la bière Motte-Cordonnier. Cordonnier, ça m’a fait penser à « Comme des lyres je tirais les élastiques de mes souliers blessés un pied contre mon cœur ».

Petit Fort Philippe Inédits 37

Petit Fort Philippe Inédits 44

Et puis après le café – mon Dieu qu’il était fort aussi ! – je suis allé paresser au pied du sémaphore pour attendre mon rendez-vous de quinze heures. Mon Dieu qu’est-ce que c’est bon de pouvoir à nouveau poser son cul sur le sable. Qui aurait pu imaginer que nous pourrions être assez stupides un jour pour obéir à ces encravatés guindés, xyloglottes de naissance et paralytiques du bulbe, menés par des toubibs aveuglés par la peur de sauter dans le Covid, signer des autorisations de déplacement dérogatoires et accepter d’être enfermés dans un kilomètre carré sans air, sans verdure, sans jase et sans excentricité, les mêmes nous demandant de retourner ensuite, du jour au lendemain, nous confiner-fourrer dans le métro, le train et les bureaux pour relancer l’économie ?

Petit Fort Philippe Inédits 41Je me suis calmé en regardant jouer les mômes et les ados qui n’en ont jamais rien eu à secouer de cette pandémie puis je me suis rendu au Café du Phare.

- C’est bien ici, l’atelier d’écriture de Mimi Crincrin et Justin Chicon ?

- Oui, vous êtes le premier ; je vous sers un demi de bière Carlier et vous allez vous asseoir à la table longue au centre. Les autres ne vont pas tarder à arriver !

Petit Fort Philippe Inédits 04

O tempora o mores ! O Crête de punk de Desireless ! Quel fabuleux voillage-voïache ce fut ! Les participant·e·s étaient empli·e·s de joie de se retrouver après un conconfinement bien trop long à leur gré.

J’aurais peut-être été perdu-noyé parmi ces patoisants folkloriques qui se réunissent ici chaque mardi pour traduire en picard ou en rouchi – c’est le patois du Nord que l’on appelle ainsi – des chansons célèbres écrites à l’origine dans le plus pur des français. Heureusement l’ambiance bon enfant, la bière Carlier , les rires et surtout la petite voix qui m’accompagne depuis le début de mon séjour m’ont aidé à rédiger l’exercice qui m’était demandé : adapter-traduire-trahir « Les gens du Nord » d’Enrico Macias. Je te montrerai cela demain. Je ne suis pas mécontent de mon travail de parolier ! Mais le « Ti Gravelines, té m’as pris dins tes bras » de Mimi Crincrin était irrésistible.

J’étais un peu « torché » quand j’ai quitté mes hôtes mais j’avais bien rigolé. Sur la lancée, dans la chambre 20 de l’hôtel Beaurivage, je t’ai écrit ce pré-rapport en forme de lettre à l’ancienne.

Ce soir ce sera Petit-Fort-Philippe by night. Demain matin je visiterai le musée du dessin et de l’estampe originale de Gravelines et dans l’après-midi je retournerai à Lille puis prendrai le bus pour aller chez toi à Vent-mauvais.

Je suis vraiment très, très heureux à l’idée de vous revoir, toi et ta jambe de bois, après cette séparation de tant d’années !

Bien plus qu’amicalement

P.S. Si tu as des tuyaux sur la petite voix intérieure, je suis preneur. Tu crois qu’ils auraient osé mettre un comprimé de Gougueule-transleïte dans la bière ? Ou sinon, au "Retour du Transvaal", qu’est-ce qu’ils auraient mis dans le café ? (Mais quo qu’ch’est qu’t’as mis dins l’café ?) La même chose que dans la chanson d’Antoine ? Un truc qui donne des élucubrations ?


Pondu le vendredi 16 mai pour l'Atelier d'écriture de Villejean
d'après cette consigne.


11 mai 2020

Revivre à Rennes ! le 11 mai 2020 (3)

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Je crois bien que la réouverture n'a pas eu lieu !

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J'imagine Rimbaud en train de signer son autorisation dérogatoire de déplacement !

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C'est vrai, 23 heures sur 24 de confinement, c'était trop !

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Gaston s'est endormi sur son scooter !

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Spécial dédicace à Madame Raymonde qui nous ravit
à l'Atelier d'écriture de Villejean avec ce personnage
de J-C. Van Damme, entre autres!

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01 février 2020

ARTHUR, VOUS DEVEZ ETRE PLUSIEURS ?

Illuminations ? Rimbaud !

Tout le monde se tourne vers moi désormais dès qu'on parle de ce type !  D'aucuns me signalent le "Arthur Rimbaud photographe" de Hugues Fontaine, d'autres essaient de me refiler le "Rainbow pour Rimbaud" de Jean Teulé mais je l'ai rendu !

Il y  a même le hasard qui me met en présence, chez un soldeur local, d'un CD d'un chanteur qui s'appelle Rimbaut et, sur le marché des libraires de la place Hoche, du plus intéressant des bouquins sur celui que j'appelle "le punk à chien sans chien des Ardennes" : "L'Aventure terrestre de Jean-Arthur Rimbaud" de Jean Chauvel.

Même dans les recueils de partitions que j'emprunte pour chanter du Jean-Jacques Goldman - où suis-je tombé ? -, je suis poursuivi par le groupe Nacash qui me dit :

A Charleville-Mézières
Y'a pas beaucoup de soleil
A Charleville-Mézières
C'est tous les soirs pareil
Marie-Christine et moi
On n'a que le cinéma
Et le café-tabac
A Charleville-Mézières
Y'a pas grand chose à faire
A Charleville-Mézières
On rêve de Buenos Aires

Mais bon, depuis que j'ai donné une conférence sur les lettres que j'ai écrites à cet illuminé, je ne m'occupe plus de ce gars-là.

Et donc, choisissant de l'oublier, pour le thème "illumination", je vous propose autre chose : quelques photos prises à Chartres en juillet de l'année dernière. Comme illustration musicale je choisis la chanson évoquée par Pascal dans son texte de samedi dernier, "Tu verras Montmartre" parce que, dans le refrain, on y dit : 

"De là haut s'il fait beau
Tu verras de Paris jusqu'à Chartres"

Jusque là tout baigne... sauf que, dans le troisième couplet (qui est en fait le cinquième) je lis ceci : 

Ell' gémit : "C'est terrible
C'que tu m'donnes du bonheur
Arthur ! C'est pas possible
Vous devez êtr’ plusieurs !"

Il est encore là ! Et il se permet même de donner la réponse aux interrogations de la dame :

- Forcément oui, puisque "je est un autre" !

Y'en a qui, pour ne pas se faire oublier, savent mettre les bouchées doubles ! 

 



Ecrit pour le Défi du samedi n° 596 à partir de cette consigne : illumination.

06 janvier 2020

LE PORTRAIT CHINOIS D'ARTHUR RIMBAUD (diaporama)

Dernier élément de la conférence "Rions un peu avec Rimbaud". Merci à Eliane et Josiane d'avoir assuré la lecture. Tout est prêt pour la grande improvisation collectivre (oh le beau lapsus fait avec les doigts !) de mardi !
 

03 janvier 2020

L'alchimie des ailleurs revisitée : Charleville-Mézières en juillet 2017

Cet intermède poético-cul-turel à base de chaises fait partie de la conférence "Rions un peu avec Rimbaud !" à laquelle les Rennaises et Rennais qui passent par ici sont très aimablement conviés. Ce sera le mardi 7 janvier à 14 heures 30 à l'Espace Ouest-France, 38 rue du Pré-Botté à Rennes. 
 

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15 décembre 2019

La Supplique (d'Arthur Rimbaud) pour être opéré à l'hôpital de la Timone

J'adore faire chanter mes bêtises à des gens très sérieux ! C'est le cas ici avec ce long délire qu'aurait pu avoir Arthur Rimbaud, de retour d'Afrique avec un genou mal en point, s'il avait eu connaissance des chansons citées par Alister dans son "Anthologie des bourdes et autres curiosités de la chanson française".

Il est interpété par les m'A2R1 d'O douce lors d'une répétition quelque part à Rennes le 10 décembre 2019. Ce long morceau sera repris en finale de la conférence "Rions un peu avec Rimbaud" le 7 janvier prochain à 14h 30 à l'Espace Ouest-France.
 

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