STUPEUR ET TREMBLEMENT DANS LE ROSIER DE MADAME HUDSON
- Je m’excuse de vous interrompre pendant vos exercices de violon, Holmes, mais les journaux du soir annoncent que le tueur aux boutons de culotte vient de faire une septième victime !
- Scotland Yard a enfin admis qu’il ne s’agissait pas d’une épidémie de hara-kiri, Watson ?
- Ca ne tenait pas la route : aucune des victimes n’était japonaise et aucun de ces hommes n’était samouraï. Comment expliquer qu’on ne retrouvait jamais l’arme du suicide dans le ventre des gars ? Ils penchent désormais pour un tueur en série. Comme toutes les victimes sont retrouvées éventrées avec un bouton de culotte glissé sous leur langue, ils ont posté un agent de police devant toutes les merceries de la ville.
- Grand bien leur fasse ! Ca ne donnera rien, Watson !
- Pourquoi donc ? Ne me dites pas que vous vous êtes penché sur cette affaire et que vous avez découvert le coupable ? Vous me stupéfieriez, Holmes !
- Stupeur et tremblement sont les deux mamelles des gens qui manquent de logique. J’imagine que le bouton retrouvé cette nuit est lui aussi d’un modèle différent des précédents ?
- Le journal du soir n’en parle pas. La victime a été frappée à minuit pile et à l’arrière de la tête par un objet contondant.
- Il s’agit d’une lampe de poche.
- L’homme a ensuite été retourné, sa chemise déboutonnée et la peau de son ventre proprement entaillée sur une belle longueur. La coupure est rectiligne, nette, propre et sans bavure.
- Je déduis de cela que le coupable est un ancien médecin légiste.
- Mais quel est le mobile de ces exécutions ?
- La vengeance, Watson. La vengeance sociale. On n’humilie pas ainsi les femmes au Japon.
- Parce qu’il s’agirait d’une femme ? D’une Japonaise ? Ce serait… une éventreuse ?
- Je pense qu’elle se prénomme Chiaki et qu’on la surnomme Jackie. Voulez-vous le vérifier vous-même, Watson ? Allez donc voir le film qui passe à 22 heures au Paradiso cinema sur New inn yard. Surtout ne soyez pas radin comme à votre habitude. Quand elle vous aura trouvé une place dans l’obscurité, glissez-lui une vraie pièce de monnaie ayant véritablement cours.
- Qu’insinuez-vous-là, Holmes ?
- Rien, je vous mets en garde, c’est tout. Si vous avez envie d’être le huitième sur la liste, ça vous regarde. Je vous ai bien observé l’autre jour à l’office au moment de la quête. Vous vous êtes défaussé d’un des boutons de culotte que vous avez ramenés de chez Mme Hudson !
- Holmes, je ne vous permets pas ! Ce que je fais chez Mme Hudson ne vous regarde pas ! Et puis d’abord qui est-ce qui va me trouver une place dans l’obscurité ?
- Pas votre clairvoyance, bien sûr. L’ouvreuse ! Moi ce que j’en dis, hein ! Cette affaire ne m’intéresse pas. Trop simple. Laissez-moi donner un dernier coup d’archet après quoi j’irai me shooter un bon coup avant d’aller au dodo.
***
Le lendemain matin, quand Holmes rejoignit son co-locataire au breakfast, celui-ci l’agonit d’injures au motif que le Paradiso n’était rien d’autre qu’un cinéma porno.
- Et l’ouvreuse ?
- Pas de sushi à vous faire, vous avez mis dans le mille. Elle a les yeux bridés et est bâtie comme un karatéka. La caissière m’a d'ailleurs confirmé qu’elle pratiquait ce sport. Quelle que soit sa carrure, aucun gars ne peut résister à un tel mastodonte si elle lui tombe sur le râble et lui fait le coup du lapin. Maintenant vous allez me payer cette mauvaise farce et me rembourser le prix de cette séance de cinéma abject.
- Si vous voulez Watson, mais je vous préviens, je n’ai que de la petite monnaie.
- Je l’accepte volontiers et nous ferons la paix après cela.
- Faites voir le ticket, que je voie combien cela vous a coûté ?
Holmes compte ses pièces et rembourse Watson.
- Holmes ! Qu’est-ce que c’est que ce bouton de culotte ?
- Damned ! On a dû me le rendre parmi ma monnaie à la boulangerie. C’est la dernière fois que je fais des courses pour Madame Hudson !
Ecrit pour le jeu 123 de Lakévio d'après cette consigne.
Le tableau, intitulé "New York movie 1939", est de Edward Hopper.