MA RENCONTRE AVEC L'ANIMAL (5)
Au cinéma "Les bigorneaux"
On projette un drôle de porno,
Un film mi-zoophile et à moitié étrusque !
"Les torrides amours de Castor et Mollusque"
Ecrit à l'Atelier de Villejean le 18 février 2014 d'après la consigne
"Notre rencontre avec l'animal" et le texte de Rainer Maria Rilke
"La panthère"
99 DRAGONS : EXERCICES DE STYLE. 20, PORTRAIT CHINOIS
Si j'étais un personnage politique, je serais un roi du Moyen-Orient
Si j'étais un personnage de fiction, je serais une princesse qui attend que son prince vienne la délivrer
Si j'étais un animal, je serais un dragon
Si j'étais un héros, je serais Saint-Georges (mais je ne suis pas un héros, mes faux pas me collent à la peau !)
Si j'étais un plat cuisiné je serais une ratatouille provençale ou des tripes à la mode de Caen
Si j'étais une forme musicale, je serais un medley
Si j'étais un livre, je serais "99 dragons : exercices de style"
SUR LES PAS DE LEON-PAUL FARGUE
1
Je ne fais pas preuve de morgue
Car je ne suis pas un cyborg
Mais j’ai plus de chaleur humaine
Que ce sinistre énergumène :
Je veux déclarer en exergue
Que je ne suis pas l’iceberg
Qui sema jadis la panique
Sur le paquebot Titanic
Parmi les voiles que l’on cargue
Je suis un peu le subrécargue
D’une compagnie de poètes
Et de bateaux ivres de fêtes
2
Comme arguments à nos folies
Ou même à nos mélancolies
Nous n'avons qu'arguties faciles :
Notre adoration de Cécile,
La patronne des musiciens,
L’amour des mots neufs ou anciens,
Des maximes de Vauvenargues ,
Des formules folles qu’on largue.
Parmi les voiles que l’on cargue
Je suis un peu le subrécargue
D’une compagnie de poètes
Et de bateaux ivres de fêtes
3
Je ne monte pas sur les vergues
Pour déclamer du Lichtenberg ;
Plus qu’un pyrargue sur les voiles
Je suis le targui des étoiles,
Le flamant rose de Camargue
Et dans mes plus beaux jours je nargue
Tous ces fiers à bras qui refourguent
Leurs devises du Luxembourg
Parmi les voiles que l’on cargue
Je suis un peu le subrécargue
D’une compagnie de poètes
Et de bateaux ivres de fêtes
4
Seule chose dont je me targue
Sur les pas de Léon-Paul Fargue,
Je suis un piéton de la Terre
Abasourdi par ses mystères,
Par ses beautés de Sorgue, d’îles,
Ses escargots, ses crocodiles,
Ses fleuves, ses flots batailleurs,
Ses vents qui poussent vers ailleurs
Parmi les voiles que l’on cargue
Je suis un peu le subrécargue
D’une compagnie de poètes
Et de bateaux ivres de fêtes
Les photos de l'Etoile du Roy ont été prises à Saint-Malo le 9 mars 2014
Ecrit Pour Un mot une image une citation d'après cette consigne
99 DRAGONS : EXERCICES DE STYLE. 21, CONTE ANIMALIER, FERROVIAIRE ET LUCKY LUKIEN
On venait de quitter l’Iowa. Depuis que l’on avait posé des rails sur la prairie, le train traversait d’Est en Ouest les Etats enfin unis d’Amérique, histoire de confirmer ce que cette sentence du Sussex susurre même aux sourds : « Il faut bien que les guerres de succession et de sécession cessent sinon c’est du souci incessant». On était en 1878 et si on ne se battait plus depuis plus de dix ans entre Nordistes et Sudistes, on n’était pas sortis de l’auberge pour autant vu que les guerres indiennes avaient pris le relais. Enfin bon, ça faisait un an que les Sioux et les Cheyennes du Nord s’étaient rendus. On allait pouvoir assister à une autre ruée vers l’or dans les Black Hills.
A l’arrêt de Mitchell, une femme jeune et jolie, vêtue d’une robe mauve, d’une grande capeline assortie et coiffée d’un chapeau à rubans était montée dans le wagon. Elle l’avait balayé du regard, s’était installée sur la banquette vide tournant le dos aux quatre employés de banque qui jouaient aux cartes. Elle avait sorti un livre de son sac et s’était mise à lire.
Johnny Horse était le seul autre occupant du wagon. Il décida de tenter lui aussi sa chance. Il vint s’asseoir en face d’elle et la dévisagea le plus innocemment du monde.
- Bonjour, dit-il. Tu t’appelles comment ?
- Je m’appelle Lily Lasouris. En fait non, je m’appelle à nouveau Lily Saint-Georges.
- Tu es française ? C’est un pseudonyme ?
- Saint-Georges est mon nom de jeune fille mais je suis la veuve du sergent Lasouris. Et toi, beau blond, comment t’appelles-tu ?
(Les Anglais et les Américains en viennent d’autant plus vite au tutoiement que dans leur langue le «vous de politesse" ne les étouffe pas : il n’existe simplement pas. Cela donne de piquants dialogues comme :
- Permets que je te baise, baronne, le bout des doigts ?
- Fais, Dulogis ! (Car le maréchal se nomme ainsi).
- Les yeux dans les yeux, je te jure que je n'ai jamais eu de compte en Suisse !
- Il y en a un peu plus. Je te le laisse ?
- Comment as-tu trouvé le Minnesota ?
- En remontant le Mississippi !)
- Je m’appelle Johnny Horse. Je reviens d’un stage de pâtisserie orientale que j’ai effectué à Davenport dans l’Iowa. J’ai pris ce train pour rejoindre mon salon de thé à Rapid City. C’est quand même super le train ! Autrefois on était obligés de prendre la diligence pour faire ce trajet. Et toi, Lily, où vas-tu ?
- Je vais derrière les Collines noires, à Gilette. C’est là que mon mari a rendu l’âme. Je vais me recueillir sur sa tombe et après je m’installerai là-bas pour évangéliser les Cheyennes.
- Evangéliser les Cheyennes ? Après qu’on les a exterminés et parqués dans des réserves ? Je trouve ça un peu Sioux, comme démarche, pour ma part.
Lily ne répondit pas.
- Tu n’as donc peur de rien ? Ne sais-tu pas que plus on va vers l’Ouest, plus il y a de dangers ? Il y a sans cesse du grabuge à Pancake Valley : quand ce ne sont pas des voleurs de chevaux, c’est une alerte aux Pieds bleus ! Et puis toute cette lignée de hors-la-loi, Jesse James, Billy the Kid… sans compter que les Dalton courent toujours !
- J’ai une lettre de recommandation pour le lieutenant Chicken au 20e de cavalerie. Il était sous les ordres de Custer avec mon mari à Little Big Horn. Il pourra me protéger, m’offrir une escorte en cas de besoin.
- En tout cas, tu n’es pas rendue, le voyage est encore long. Sans compter qu’il y a un passage dangereux après Canyon Apache. Et puis… il y a Gulliver.
- Gulliver ? Qui est-ce ?
- C’est une espèce de dragon, un monstre sanguinaire qui dévore tout ce qui s’aventure sur la voie ferrée.
- Tu racontes des bêtises, Johnny ! Tu essaies de me faire peur pour me détourner de mon projet, de ma mission. Je parie que tu es célibataire et que tu rêves de te trouver une bonne petite épouse bien soumise pour tenir ton saloon !
- C’est un salon de thé, Lily, tout ce qu’il y a de plus honorable, destiné aux dames de la ville et pas un abreuvoir à cow-boys.
- Ta ta ta ta ta ! C’était bien essayé mais n’y songe pas, même en rêve ! Et à part ça, à quoi il ressemble ce Gulliver ?
- C’est un chat sauvage du Kansas. Un chat géant qui a la particularité d’être tigré et omnivore.
- N’importe quoi ! Un chat omnivore ! Pourquoi pas un cochon avec des bottes rouges pendant qu’on y est ? Que veux-tu qu’un chat, même géant, puisse faire à un train lancé à toute vapeur sur ses rails vers les promesses de l’Ouest ? Un chat sauvage du Kansas ! Many Dick Rivers to cross ? C'est pas sérieux ! Tiens, je veux bien parier avec toi, Johnny Horse ! Si un jour je rencontre ce Gulliver, je reviendrai m’engager comme femme de mauvaise vie dans ton saloon, foi de Lily Saint-Georges !
- C’est un salon de thé, mais pari tenu, je t’engagerai comme cuisinière pour faire des gâteaux.
- Maintenant, si tu veux bien me laisser lire ma bible, Johnny, je t’en serai reconnaissant. Au moins, là-dedans, il n’y a pas d’histoires aussi abracadabrantesques !
- Mais certainement. Lis, Lily !
Un peu dépité, Johnny retourna s’asseoir à sa place initiale, il posa son front contre la vitre et regarda défiler le paysage.
Plusieurs heures après le train s’arrêta à Rapid city. Johnny prit sa valise et en passant au niveau de Mme Lasouris qui lisait toujours, au lieu de soulever son chapeau, de lui souhaiter bonne route, d’échanger un mot d’adieu avec elle ou de lui reparler de leur pari, il se contenta de faire un signe de croix.
Ce geste, bien que discret, n’échappa pas au regard de la jeune femme. Elle eut un regret. Il était mignon, ce beau blond mais un peu trop craintif, un peu trop crédule et finalement très, très voire beaucoup trop popote. Elle avait besoin d’aventure pour sa part, sans cela elle n’aurait pas épousé un militaire. Et si c’était pour ouvrir un salon de thé, elle pouvait tout aussi bien faire ça sur la côte l’Est.
La souris bibliophile se replongea dans son livre sacré. Le train se remit en marche. Vers la fin de l’après-midi on atteignit les premiers contreforts montagneux des Collines noires. Cela faisait déjà très longtemps qu’on ne voyait plus ni fermes ni barbelés sur la prairie. Un peu avant Sundance, comme le soir tombait, le train pénétra dans un tunnel.
Quand la locomotive et les wagons furent ressortis à l’air libre, le chat géant donna un coup de patte qui fit dérailler le convoi. Puis Gulliver croqua Lasouris, les employés de banque, le jeu de carte, la bible, le wagon, la loco et même le tender avec la réserve de bois et de charbon. A quoi ça servirait sinon, d’être Chat sauvage du Kansas, omnivore et tout le temps affamé ?
Puis il s’en alla ronronner d’aise ailleurs et l’auteur posa sa plume. Lui aussi était satisfait de cette variante dans laquelle le dragon n’a rien d’effrayant, Saint-Georges ne remporte pas la victoire, les animaux ne se font pas bouffer, enfin si mais pas tous et pas comme on s’y attend, et la population autochtone qui n’a rien demandé à personne peut continuer à fumer son calumet électronique (ou pas) en paix.
Ecrit pour le Défi du samedi n° 289 d'après cette consigne.