Au cours de cette même journée nous aurons découvert aussi, à 11 h 30 « Un Esprit malin » par Pierre Rosat. Il s'agit d'une adaptation de « Le règne de l’esprit malin » de Charles-Ferdinand Ramuz, bien racontée mais pas très drolatique non plus.
A 17 h « La véritable Histoire du Haricot magique » par François Vincent. Là c’est fortiche aussi : comment tenir une heure et quart avec cette histoire minimaliste mimée superbement et racontée un poil trop longuement avec le soutien de refrains de guitare. Horizontale, la guitare !
Ne m'invitez jamais à vos festivals (festivaux ? festivaches ? festicochons ?) : je "ne fais jamais rien qu'à" photographier les dos des spectateurs et spectatrices !
Moi aussi j'ai une mémoire d'éléphant. Et je me souviens bien d'avoir déjà envoyé un texte sur ce thème de l'éléphant au Défi du samedi. Grâce à M. Google, mon archiviste préféré, je l'ai retrouvé. Il est ici mais je vous fais grâce de sa republication, même si sa relecture m'a bien fait rire.
J'ai préféré faire oeuvre originale et du coup j'ai traduit très librement la chanson "Effervescing elephant" évoquée là-bas et qui figure sur le deuxième album solo de Syd Barrett, membre fondateur de Pink Floyd un peu trop vite barré à l'acide à mon gré.
En français, c'est bien allumé aussi !
1
Un éléphant effervescent Cogitait dans un verre à dent Il se rappelait le bon temps De ce petit cirque ambulant Il allait de villes en villages N’était jamais que de passage
Il y faisait son numéro Juché sur un petit vélo Il faisait rire les enfants C’est là le lot des éléphants Maintenant c’n'est plus pareil Il fait noir et il a sommeil
Ah mon Dieu quell’ drôl’ de nuit !
2
Mon éléphant effervescent Se rappelle aussi ses parents Son oncle Hathi, l’exceptionnel, Aux Indes il était colonel Mêm' les tigres en avaient la trouille Lorsque déboulait sa patrouille
Il se souvient de Tante Odette Qui habitait dans une éprouvette C’était une femme d’expérience Elle travaillait pour la science Tout d’abord à Gif-sur-Yvette Puis à la Cité d’la Villette
Oui vraiment ça c’est Paris !
3
Mon éléphant effervescent Sait qu’il y a des milles et des cents Un grand oncle phénoménal Fut alpiniste sous Hannibal Et qu’un autre, couvert de poils A fait trembler Neandertal
Il y eut aussi dans la famille Celui qui habitait la Bastille Il y chantait de l’opéra Pour Gavroche au milieu des rats : Le grand aria d’Iphigénie Qui change de pied sur l’coup d’minuit
C’est du moins c' que dit Tardi
4
Mon éléphant effervescent Hyper-mnésique à cent pour cent Se souvient du cousin Dumbo Vêtu d’une cape ridicule Qui volait dans un ciel très beau Sur une vieille pellicule
Il connaît tous les temples où crèche Ce gros rigolo de Ganesh Quand les hommes boivent il devient rose Il se moque de leur cirrhose Et de leur propension notoire A proclamer « défense d’y voir »
Même si c’est en Zambie
5
Mon éléphant effervescent Vous trouverez cela décevant Je l’ai rencontré une nuit Où je souffrais d’une insomnie Et d’un fabuleux mal de crâne : J’avais besoin d’un Doliprane
J’ouvris l’armoire à pharmacie Située au-d’ssus du lavabo J’découvris qu’il n’y avait ici Ni aspirine, ni placebo, Ni même de tube d’Efferalgan Alors j’avalais l’éléphant
Après la lecture d’Orphée, je rejoins Marina B. au 3e étage du Quartier Rochambeau pour y entendre « Réflexions d’Alice » par Anne Boutin-Pied. La « conteuse? » s’excuse d’entrée de jeu en disant qu’elle ne va donner qu'une lecture de "De l’autre côté du miroir" de Lewis Carroll. Pourquoi ? Il était convenu qu’elle nous délivre l’œuvre en la sachant par cœur ? Nous découvrirons plus tard que dans cette secte-là, la réponse à cette question est "oui" ou presque ! Elle s’en tire admirablement, du reste, naviguant d’un pupitre à l’autre et racontant sans rien lire, sauf pour les formules en anglais, la rencontre du morse et du charpentier, le jabberwock, Humpty Dumpty, la reine rouge, Tweedledum et Tweedledee. La chaleur est étouffante dans cette petite salle de spectacle et à la fin l’émotion intense. On devine que la jeune femme a bien plus qu’aujourd’hui sué sang et eau, et pendant deux ans encore, pour arriver à cette maîtrise. Dommage que j’aie rangé ma casquette dans mon sac à dos parce que sinon je tirerais mon chapeau. Je le fais a posteriori.
Une des particularités du Festival EPOs est que les photographes boulimiques dans mon genre se sentent dans leurs petits souliers. Personne ne photographie les "conteurs?" pendant leur prestation. Je n'ai pas osé déroger à la règle. Je voulais aussi publier des illustrations de ce livre par Arthur Rackham mais n'en ai pas trouvé. Par contre il y a ceci qui est bien mais je n'ai pas d'indications quand à l'auteur(e). Le nom du fichier mentionne by Autonoe ?
Le soir, nous nous rendons à la Chapelle Saint-Jacques pour le spectacle « La Solitude du Coureur de Fond » par Patrick Mons, accompagné par Ésaïe Cid (saxophone).
La chaleur est encore plus étouffante et le fait que le comédien dise ce monologue d’un coureur de fond - un jeune homme enfermé dans un pénitencier - en mimant la course n’arrange pas les choses. Ce succédané de roman noir est rudement bien interprété. Mais c’est un roman noir sacrément bien écrit et terriblement réaliste et ça, ce n’est plus ma tasse de thé. Marina B. trouve que le saxophoniste est de trop. Moi je me demande « s’il n’est pas un peu trop jazz » : c’est une blague familiale, un commentaire qui vient dès qu’on est amenés à en entendre, du jâze. On tient quand même jusqu'au bout et on admire la prouesse.
Le samedi matin, nous visitons la ville puis nous nous rendons au Salon du livre de conte, au marché couvert. Grâces soient rendues à Mme Muriel Bloch. Elle nous livre là une prestation bien plus traditionnelle, bien plus captivante, faite de légendes de tous les pays et nous délivre l’histoire de la bibliothécaire paranoïaque : un régal !
Le midi nous déjeunons de mezze au restaurant la Cappadoce. La manifestation « tout le monde conte-lit », en face, semble faire un flop toute la journée. Nous aurions pu y chanter « La légende » avec un soutien de ukulélé mais non car il y a une règle du jeu : vous vous présentez spontanément avec le livre que vous souhaitez partager et c’est parti pour dix minutes.
Je livre ici ce que j’ai noté dans mon cahier orange et qui relate mon jet d’éponge de la soirée du samedi :
"Le Festival EPOS ? C’est un concept basé sur un souvenir littéraire, celui de « Fahrenheit 451 » de Ray Bradbury. Il se trouve donc en Vendômois et ailleurs des gens assez fous pour mettre dès maintenant en pratique cette idée d’homme-livre afin d’en tirer matière à spectacle.
Pourquoi pas après tout ? Ca m’a semblé quand même ressembler par beaucoup, de ce fait, à une secte et n’avoir plus rapport que de loin avec le conte. C’est sans doute que dans « Littérature orale », il doit y avoir un grand L à littérature. Elle a plus de poids que l’oralité de la transmission qui caractérise le conte. Dès lors, le côté supportable ou pas de l’entreprise est lié au choix des textes, au découpage effectué, à la façon dont on agrémente ce pensum intellectuel de la lecture globale, pardon, intégrale d’une œuvre en public.
Je veux bien accepter qu’on réduise la trame de «Ce qu’Alice trouva de l’autre côté du miroir » à cette progression linéaire du pion Alice de la deuxième à la huitième case d’un échiquier mais j’y perds l’aspect labyrinthique et inquiétant du délire Carrollien. Si on dit "Vive le livre", alors qu'on me laisse lire comme je veux, ce que je veux, à ma façon, à mon rythme personnel.
Je supporte "La solitude du coureur de fond", même si je me sens mal à l’aise de voir l’acteur s’agiter sur la scène dans un univers carcéral noir, glauque et humide à souhait alors que nous transpirons nous-mêmes à grosses gouttes dans cette chapelle si peu fraîche du fait de la canicule, même si ce n'est pas un récit que j'irais lire. Nous sortons un peu écrasés de tout cela.
Mais le samedi soir, je dis stop devant cette histoire d’Amérindiens cannibales plongés dans la guerre de 14-18. On ne me forcera pas à l’entendre et on ne me donne pas vraiment plus envie de la lire. Comme je suis libre d’éteindre le poste ou de quitter la salle quand ça ne me convient pas, on sort, effectivement.
Eh bien figurez-vous que nous serons même punis de cette désertion, de cette désobéissance aux codes intellectuels du spectacle sado-masochiste Epossien : tous les bistrots sont fermés ce samedi soir à 22 heures ! Adieu la limonade ! Nous nous contenterons de l’eau du robinet !
Je profite de la fin de la soirée pour terminer le Modiano en cours « Quartier perdu » et je chope une idée géniale : relire chacun des romans du monsieur en compagnie de Google Maps et de Street View afin de localiser la pagode, le boulevard de Courcelles, l’hôtel du narrateur, la maison de Gyp, celle de Carmen Blain. Moi aussi je peux inventer des concepts intellos ! ;-)
Elles arrivent en toute simplicité. Elles sont belles, drôlissimes, talentueuses. Elles vous font vivre un moment musical exceptionnel avec leurs pianos à bretelles et leurs chansons mi-renversante, mi-festive, mi-punk et surtout pas mi-dinette ! Je ne mets pas d's à ces adjectifs parce qu'elles ont inventé une nouvelle règle : elles, ce sont les Délinquante !
Comment voulez-vous après tout ça qu'on ne soit pas favorables à la Délinquance... euh, à Délinquante, tout du moins. Ce duo formidable est composé de Céline, la grande, à droite et de Claire, la petite, à gauche.
Je n'ai pas trouvé sur Youtube ou Deezer ce morceau qu'elles servent accompagné de grimaces tout à fait parlantes : ça raconte les amours permanentes des insectes autour de nous. Ce doit être un titre récent. A la place je vous sers celui-ci, assez proche, qui parle des phobies :
Joe Krapov est poète, humoriste (?), musicien à ses heures et photographe à seize heures trente. On trouvera ici un choix de ses productions dans ces différents domaines.