- Vous n'avez acheté que le haut du mannequin ? - Ça ne va pas la tête ?...
- ...c'est Madame qui porte les jambes. - Même que j'en ai plein les pattes !
S'il y a eu un meurtre de commis ailleurs à Rennes ce jour-là, j'ai un alibi en béton armé : j'ai été bloqué par la pluie sous un auvent d'immeuble de 10 h 26 à 10 h 36. Le propriétaire du chat Moumoune qui est descendu en short, pantoufles et blouse blanche pour faire rentrer son chat pourra témoigner.
- Vu le temps qu'il fait aujourd'hui, ça devrait vous botter, d'acheter la paire ?
Bon d'accord, il a plu dix minutes tout à l'heure mais de là à appeler ça un déluge et à investir dans une arche de Noé, y' a des limites, quand même !
Une jolie fleur dans une peau (un pot) de vache ?
Le chapeau rose était peut-être pour moi mais il était bien taché.
Il n'y avait pas plus jubilatoire que cette phrase là ! Bien sûr elle était très vulgaire à cause de sa deuxième partie mais elle était un appel à respecter la devise de la République, au moins sur son premier tiers : « Liberté Égalité Fraternité » : « La quille bordel ! ».
La société était aussi malade que de nos jours pendant cette période qu'on a baptisée du joli nom de « Trente glorieuses ». La gloire n’a qu’un temps. Pas étonnant, à la longue, que les phrases se fatiguent.
Dans la tête des gouvernants il était bon de priver les jeunes gens de leur liberté pendant un temps déterminé - un an les dernières années avant la suppression du service militaire, bien plus auparavant - pour les envoyer faire un stage d' « égalité » dans des bâtiments appelés casernes.
On leur bourrait le crâne à coup de formules immuables : Garde-à-vous ! Repos ! Vous me balaierez les chiottes ! Corvée de pluche ! Au trou ! Veux pas le savoir ! Parcours du combattant ! Manœuvre ! Scrongneugneu ! Vous fais sauter votre permission ! Debout les Bleus ! Présentez armes ! Une deux, une deux !
Espérait on faire naître de ces mauvais traitements de la fraternité ? Il y en eut ! Mais avec le temps les fameux copains de régiment chers à nos pères et grand-pères sont devenus plus transparents, moins indispensables. Et pendant les derniers mois de ce service militaire elle fleurissait, elle éclatait, bien sonore, bien pétante et provoquante, la phrase « La quille, bordel ! » dans la bouche des les libérables.
"Je veux revoir ma Normandie !" clamaient les Rouennais et les Ébroïciens (habitants d'Evreux). Et les bidasses du Pas-de-Calais, natifs d’Arras ou pas, passaient un peu du temps libre qu’ils avaient à décorer l'objet lui-même, un parallélépipède de bois qu’ils brandissaient comme un trophée le jour où on les rendait à la vie civile, libérés de leurs obligations militaires mais pas de celle d'aller pointer à l'usine ou de retourner travailler à la ferme !
En trouve-t-on encore de ces quilles sur Ebay ou sur Le Bon coin ou bien ont elles brûlé, souvenirs inutiles, dans un feu de cheminée ? Et pourquoi n'a-t-elle pas repris vigueur, l’expression « La quille, bordel ! » lorsque les gens s'apprêtent à partir en retraite ? N’est-ce pas là aussi une libération, une sortie d'un monde de contraintes, d'obligations, de pressions ? La liberté devient elle moins appréciable avec l'âge ? Et si l'on a la chance d'être déjà en retraite, la phrase ne risque elle pas de s'éteindre d'elle-même, de devenir aphasique, de n'être plus qu'une minute de silence ou un mot en travers de la gorge à l’EHPAD ?
Parce qu’à 99 ans, quand on clame « La quille, bordel ! » c'est qu'on n'a plus beaucoup de choix entre la liberté ou la mort !
Les journaux du matin nous apprennent que la phrase « Ça ira mieux demain » vient d'entrer elle aussi à l'hôpital des mots. Elle occupe désormais la chambre voisine de celle ou convalesce « On ira tous au paradis ».
Moi, vous ne me connaissez pas mais je peux vous affirmer que je suis le plus doux des perdreaux de l’année qui viennent de naître. Je ne frappe jamais une fleur, même avec une femme !
Et donc si j’avais pu prévoir que de poser une question à joye sur ses récriminations récurrentes à propos des mots choisis par Walrus déclencherait une telle ire de sa part je me serais bien gardé de suggérer qu’on a le droit, lorsque l’alphabet arrive à sa fin et ne propose plus que des mots d’un usage peu courant, de botter en touche ou de passer son tour sans prendre à partie systématiquement l’animateur de cet atelier d’écriture qui n’en peut mais si les xiphophores ne viennent jamais à bout de la ziggourat, même en usant d’un yatagan.
C’est vrai, quoi : je ne l’ai pas écrit mais je l’ai pensé, chercher des poux dans la tête d’un presque chauve, c’est trop facile !
Mais voilà-t-il pas, - Noméo ! - que l’oncle W. nous propose de régler tout ça cette semaine sur un ring de catch ! Ça va pas, la tête, lui ?
Est-ce bien raisonnable de susciter/ressusciter des combats homériques entre l’Ange blanc et le Bourreau de Béthune ? D’appeler à la castagne, d’attendre des clés, des prises, des empoignades, des muscles, de la testostérone, des mandales au sparring partner, du lourd, du balourd, du punch et pourquoi pas du lancer de punching-balls à l’adversaire ?
Et puis d’où il sort encore tout ce vocabulaire ? Je ne l’ai pas trouvé dans le Gaffiot alors qu’il s’agit bien d’un genre de lutte gréco-romaine, non ? Est-il labellisé « made in France » quelque part ?
Tu as raison de protester, joye ! L’oncle W. n’est qu’un vil agitateur (d’éprouvettes) qui se paie notre fiole et ne fait rien qu’à nous provoquer en allumant le feu, comme l’autre Belge célèbre : après bachi-bouzouk, mousquetaire, hoqueton, kung fu, trophée (de chasse), xiphos, manifestation, Knock Out, polochon (bataille de), baston, rebelle, misogyne, imbroglio, joute, dynamite, etc. tu vas voir qu’il va nous proposer défourailler, étendard, fumerolles, guerre, horions, incendie et autres joyeusetés bellicistes dont il a le sac à malice plein.
J’en suis soufflé ! Hè quoi ? Jamais l’homme n’est las du pugilat ?
La femme non plus, du reste si j’en crois cette chanson de Dame Fréhel que je viens de mettre dans ma guitare.
P.S. Merci quand même, cher oncle ! Grâce à ce mot j’ai découvert qu’il y avait un troisième couplet, jamais entendu auparavant, à cette chanson drôle.
J’y suis allé, moi aussi, à l'hôpital des mots. Dans la chambre voisine de celle où reposait « Je t'aime » il y avait une vieille rengaine qui se traînait lamentablement dans son lit-cage.
Elle disait :
- Qu'est-ce que j'ai pu être conne !
Elle s'appelait « C'était bien, c'était chouette, chez Laurette ». Elle ajoutait :
- Il y avait déjà Simone Signoret qui nous avait prévenu. Elle avait écrit « La Nostalgie n'est plus ce qu'elle était » mais là, franchement, moi, quelle gnangnanterie ! Les années lycée ! C'est comme si on m'offrait un billet pour le concert de Starmania en 2023, qu’on m'emmenait me rhabiller dans une friperie vintage ; j'aurais l'air ridicule comme à l'époque avec mes jupes gitanes, mes parfumées au patchouli, mes freluquet à cheveux longs qui se prêtent des disques vinyles pour les enregistrer sur des mini-cassettes. Je suis sûre et certaine maintenant qu'il était crade, ce rade ! Tous les clients fumaient des gauloises bleues et des gitanes maïs en buvant des coups de rouge genre Gros qui tache, de la Stella Artois ou de la bière d'Alsace au comptoir ! De vieux habitués venaient taper le carton tous les après-midis et ils faisaient la gueule quand on mettait deux thunes dans le bastringue ou qu'on s'excitait autour du flipper parce que Gaston avait décroché un « same player shoots again » ou que Bernadette avait fait tilt.
- Allons ! Allons ! ai-je dit à « C'était bien, c'était chouette chez Laurette ». Vous étiez quand même une belle chanson ! Qu'est-ce qu'on pourrait faire qui vous ferait plaisir ?
- Écoutez, sortez-moi d'ici en loucedé ! Je déteste cet hôpital ! Ils ne font rien pour nous adapter au monde moderne. Ils nous laissent mariner pour qu'on puisse dire de nous « dans son jus ». Emmenez-moi dans un café moderne, un où il y a des afters et des happy hours, où on peut boire des pintes de bière en passant la commande au comptoir !
- Un peu dans le genre des Grands gamins, sur le mail François Mitterrand à Rennes ?
- Ouaipe, a répondu sa voisine de lit. Et si vous arrivez à l’exfiltrer, revenez de sortir de là, moi aussi !
- C’est qui, elle ?
Elle c’est « Au Tord-boyaux le patron s’appelle Bruno ».
- Je ne suis pas ici pour raconter ma vie mais il se trouve que je suis en âge d'avaoir accompli mon service militaire obligatoire. C'était en un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître et en un lieu qui avait pour nom Mourmelon-le-Grand, en fait un très petit village, une rue, vingt-trois bistrots et des casernes tout autour. Pour m'y rendre, je prenais le train et m'arrêtais à la gare de Chalons-sur-Marne ou un bus nous attendait pour nous emmener dans notre "usine". Aussi ça m'a fait drôle en débarquant à nouveau dans cette ville bien des années après de voir que les militaires étaient toujours présents par ici !
Vous avez mis quelle pièce sur la case F1 de votre échiquier ?
Joe Krapov est poète, humoriste (?), musicien à ses heures et photographe à seize heures trente. On trouvera ici un choix de ses productions dans ces différents domaines.