Sur le Défi du samedi n° 184 du 10 mars 2012 j'avais publié ceci :
"Ce n'est sans doute pas une pépite mais cet objet-là, complètement hors normes, complètement unique, est si rare qu'il n'en existe qu'un seul exemplaire. Qui plus est, si vous ne l'enregistrez pas sur votre disque dur, il s'autodétruira dans trente jours !
Quant à savoir pourquoi il m'est si cher, pourquoi il n'a pas de prix à mes yeux, eh bien, sachez-le, c'est très... privé ! Disons que c'est aussi une histoire de roi et de princesse !"
Je n'avais rien trouvé de mieux à l'époque, pour publier ce conte assez long illustré par Mlle Zell, que de le déposer sur dl.free.fr. Las, au bout d'un mois, comme je l'indiquais, le texte disparut.
C'est pourquoi je le republie ci-dessous grâce à Canalblog qui peut afficher des fichiers en .pdf inférieurs en taille à 2 MO. Même si c'est compliqué à faire, merci à eux !
Vous pouvez cliquer sur le lien ci-dessus ou sur l'image en fin de billet pour le télécharger. Un autre clic sur la petite croix en haut à droite permet de l'ouvrir dans une nouvelle fenêtre et d'augmenter la taille des caractères.
C’était un mec balèze Qui faisait du trapèze Dans un cirque ambulant.
Un jour qu’il s’entraînait Il fut désarçonné Par ce qu’il vit sous lui Et tomba comme un steak Dans le filet De protection.
Et l’écuyère aztèque Sur un cheval d’uhlan Vint avec attention Ramasser l’évanoui.
Lorsqu’il ouvrit les yeux Ce fut le coup de foudre. Elle fondit aussi, Se remit de la poudre Pour cacher son émoi.
Ils partirent ailleurs Sur les bords du Zambèze, A Rodez, à Rospez Ou l’on fait le Tro Breizh Et même à Saint-Tropez Où B.B. vit à l’aise.
Moi je suis resté seul Avec mes animaux, Mon cirque miniature : Je suis dompteur de puces Et la belle acrobate Ne m’accorde jamais Un regard en passant Et la contorsionniste M’ignore tout autant Et du coup je suis triste
Une de mes puces m’a dit Que si le trapéziste Et l’écuyère aztèque Ont un jour un enfant Ils l’appelleront Pégase.
On est tous le sagouin d’un autre. Allez savoir si ce petit singe dont on m’a chargé de faire l’éducation ne me traite pas de tous les noms d’oiseaux qu’il connaît dès que j’ai le dos et la soutane tournés ? « Le macaque sent toujours le hareng », comme dit le proverbe touareg made in Breizh.
Si on m’avait prédit au grand séminaire que je passerais ma vie à aller de château en château pour venir à bout, aidé de domestiques plus ou moins évolués, de ce genre de sapajous, j’aurais peut-être bien fait demi-tour et, plutôt que de devenir « ce bon abbé Raquin », précepteur du petit-fils de Madame la duchesse de Chevreuse, je….
Qu’eussé-je fait, au reste ? Nul ne sait ce que sera son destin, son cheminement, sa profession vers les vingt ans. Les voies du Seigneur sont impénétrables.
Et après tout, ce petit Manu dont je m’occupe est peut-être promis à un destin grandiose auquel j’aurai contribué pour une petite part ? Sera-t-il ambassadeur ? Général ? Député-maire ? Propriétaire terrien ? Banquier ? Président de la République ? Il n’en prend pas vraiment le chemin si j’en crois ce que j’ai noté dans mon journal intime :
« Jeudi 7 octobre
Le gosse, impassible, raisonneur, vantard, se moque de M. Moulin, devient insolent, malhonnête, refuse de corriger son devoir, me dit qu’il sera bien content d’être débarrassé de moi pendant la journée, est privé de monter à cheval, en revenant casse un service de porcelaine, jure ses grands dieux que ce n’est pas lui et est malhonnête pour sa grand-mère à laquelle il répond insolemment. Se tient passablement à table, fait presque une scène à la chapelle pour sa prière, ne cesse que devant la menace et s’en va se consoler dans le sein de la belle Julie pendant qu’Albert, le domestique, le cherche partout.
Vendredi 8 octobre
Le gosse fouetté en règle, à 8 ans, par sa grand-mère, Henri, un autre domestique, tenant le patient. La grand’mère vient me l’annoncer tout émue. Le gosse, néanmoins, s’en vient en classe quelques instants après en chantant et en dansant.
Etc., etc. "
Il ne m’appartient pas de porter un jugement sur les gens qui m’emploient et me paient mais cet usage voire cet abus du châtiment corporel par Madame la duchesse me hérisse un peu le poil. Heureusement cette humiliation permanente des fessées cul nu, ces tournées de martinet, n’ont aucun effet sur le comportement du gamin. Il sort de la correction en tirant la langue, faisant les cornes et en chantant ces diableries dont je me demande bien qui a pu les lui apprendre. Peut-être tient-t-il ce caractère mi-rousseauiste, mi-voltairien de sa mère ? Ce serait ça l’âme russe ? En prendre plein la tronche et continuer à chanter Kalinka ou Bayouchki Bayou ? Ce doit être son côté bon petit diable ou général Dourakine. La princesse Galitzin et la duchesse de Chevreuse, à ce qu’on m’a dit, ne s’entendaient pas très bien. Il est bien possible qu’elle ait monté cet enfant contre sa belle-mère.
S’il y eut ce procès retentissant, si je suis là, c’est bien pour que l’étrangère soit dépossédée et que les biens, les terres et le château restent, par l’intermédiaire de ces deux enfants-là, dans la famille d’Albert de Luynes-de Chaulnes- de Chevreuse, je me perds dans leurs titres et me noie dans leurs pages de mauvais roman balzacien. Peu importe leur nom. Mon élève est un âne et tous les ânes s’appellent Martin. Asinus asinum fricat. J’enseigne le latin à un petit sagouin.
Si j’avais un peu de temps en plus, je reprendrais bien aussi l’éducation de la bonne, la petite Julie qui s’occupe d’Emmanuel. Encore qu’elle en sache beaucoup plus que moi sans doute sur les choses de la vie, au moins sur le côté « origine du monde » et Jeanneton prend sa faucille la rillette, la rillette (nous sommes dans la Sarthe). Il y aurait beaucoup à reprendre dans son effronterie et beaucoup à dire sur sa légèreté de cuisse. Je l’ai surprise cet après-midi dans la tour du trésor en compagnie d’un vaurien des alentours de Solesmes qui vient faire les quatre cent coups par ici. Je le reconnaîtrais entre mille : il a des sourcils broussailleux et des opinions socialistes. Je crois que ce banlieusard s’appelle Ulysse.
13 novembre 1886
Tout cela m’indiffère désormais ! Je laisse Julie à son Ulysse et Manu à son destin de 9e duc de Machin Truc qui sera passé chez les Jésuites du Mans. Je pars dans 24 heures pour un autre poste à Louviers chez M. et Mme de La Haye-Josselin. Pas fâché de quitter ce château qui me foutait les boules ! Merci Seigneur !
***
On est tous le sagouin d’un autre et je ne suis pas la dernière des sagouines. Qu’est-ce qui me prend de farfouiller dans la vie de ces gens qui ont peut-être encore des descendants vivants aujourd’hui ? Voilà que je donne libre cours à des tendances «journaliste fouille-merde» au prétexte que je suis échotière très épisodique au journal « Le Défi du samedi » ! Et tout ça parce que monsieur Krapov, mon ancien hébergeur, a fréquenté ce château si empli de fantômes et de phéromones dans sa jeunesse !
Il n’empêche. S’il y a un autre sagouin dans l’histoire, c’est celui qui a entrepris de publier le journal intime de l’abbé Raquin en vue de glorifier ce coin de France qu’on appelle le Charolais ! Un journal intime, ça devrait le rester non ?
Et s’il y a un sagouin ultime c’est forcément monsieur Google-books. Quelle manie il a, celui-là, de caviarder des passages dans les livres qu’il reproduit ! Mille milliards de bachi-bouzouks ! Va jusqu’au bout, espèce d’enflure numérique ! Soit tu as le droit de reproduire le livre et tu nous le donnes dans son entièreté, soit tu es un voleur et alors cache-toi et garde ton butin !
Foi d’Isaure Chassériau, tu m’énerves à faire les choses à moitié ! Toi tu salis et tu salopes quand nous on salive au salon ! Sagouin, va !
Le docteur de Morgnies ouvre la porte de la salle d’attente avec brutalité.
Comme on est le 16 septembre 1880, il ne peut pas gueuler, faisant référence à Jacques Brel, tel un sous-off dans un bordel de campagne : « Au suivant !» mais on entend presque ces mots dans la vivacité de son geste. Il a la moustache en bataille, la corpulence d’un escrimeur et la carapace de l’homme prêt à tout voir et tout entendre de la vie sans moufter plus que ça. Une espèce d’aristocrate, le médecin, chez qui tout le monde peut entrer et déballer des horreurs, qu’il soit noble ou roturier.
Aujourd’hui, en ce début d’après-midi, ils sont deux, bien amochés, à faire passer en urgence. Les patients ne sont plus impatients quand quelqu’un poireaute parmi eux avec un œil sanguinolent. Le premier arbore donc deux magnifiques cocards dont l’un bien saignant et l’autre bonhomme a le bras en écharpe, enveloppé dans ce qui ressemble à une serviette de restaurant. L’aveugle et le paralytique mais dans la version bons bourgeois de Paris bien aisés. Cela le docteur de Morgnies l’a déduit de ce que les deux gars ont l’élégance parisienne des dandys et de ce que la serviette est marquée Bignon. Bignon ! Pour un type qui a deux cocards, c’est cocasse !
- Qu’est-ce qui vous amène, Messieurs ? Par lequel de vous deux je commence ?
- Monsieur, permettez d’abord que je me présente. Je suis Aurélien Scholl, journaliste à «L’Evénement». Nous étions en train de déjeuner tout à l’heure chez Bignon et nous allions sortir quand un jeune gommeux excité s’est mis en travers de mon chemin. - Il a demandé à mon ami s’il était bien Aurélien Scholl. - « C’est bien moi, monsieur » ai-je répondu. En quoi puis-je vous être utile ? - « En rien, espèce de petit roturier ordurier ! Prends ça de la part du comte de Dion !» a-t-il dit et il a balancé à Aurélien une gifle et deux pêches dans la poire. - Sans même se soucier de ce que je portais un monocle de chez Tati ! J’eusse pu perdre un œil dans l’histoire. Et c’est pour cela que je viens consulter l’homme de l’art que vous êtes. Y aura-t-il des séquelles à cette violence ? Le saignement s’est arrêté mais pour l’instant, je vous l’avoue, je vois tout flou comme si je m’étais fait flasher à l’issue d’un bal. C’est au point que j’ai eu besoin du soutien de mon ami Turgan pour venir jusqu’à vous. - Et puis il y a aussi cette histoire de carafe. Tu es quand même tombé dans les pommes quand il te l’a lancée et que tu l’as reçue en pleine poitrine. - Certes, mais je l’avais traité de manant, de charretier et de crocheteur. - Tu étais quand même en droit de le faire après t’être ainsi faitboxer, non ? - Laissez-moi examiner cela, dit le docteur. Mouais. Pas fameux, fameux, les yeux, surtout le droit. Déshabillez-vous que je voie le torse. - Attends, Aurèle, je vais t’aider. - Non, laissez, dit le docteur, je vais m’y coller. Avec votre bras en écharpe ce ne serait pas pratique.
Le docteur examine le thorax où il y a un énorme hématome. Il tâte les côtes du journaliste et demande, intrigué :
- Dites voir ? C’est normal que vous ayez toutes les côtes fendues ? - C’est que j’aime beaucoup rire et me moquer, Docteur ! Mais je n’ai jamais eu l’intention de faire du mal à qui que ce soit. Ca reste toujours de bon aloi. - Je sais, je sais. Bon rhabillez-vous. A part l’honneur du comte de Dion, il n’y a rien de cassé. - Mais je ne lui ai rien fait à ce garçon ! Je ne le connaissais même pas avant cette séance de pugilat! - Vous avez sûrement dû écrire quelque chose le concernant. Mais ce n’est pas mon affaire. Je vais vous prescrire une ITT - Qu’est-ce que c’est ? Ca fait mal ? - C’est juste une interruption temporaire de travail. Vous n’allez récupérer la vue que dans dix-neuf jours et il vous faudra attendre encore onze jours avant que vous ne puissiez retourner au théâtre et rédiger vos comptes-rendus ironiques. - Vous me connaissez donc, Docteur ? - Oui je m’intéresse un peu à ce que vous écrivez. - Et pour les yeux vous me donnez quoi ? - Deux escalopes le matin et deux escalopes le soir, à apposer sur les orbites. - Mais ça va me coûter horriblement cher ce régime carné ! Vous n’avez pas de médicaments, plutôt ? - Je suis contre les prescriptions de produits chimiques ! Je fais de l’homéopathie. Contre la boucherie, j’utilise la boucherie. Si vous avez des problèmes financiers, attaquez le comte en justice et comptabilisez votre facture de bidoche dans les dommages et intérêts que vous lui réclamerez. A vous maintenant monsieur Turgan. Déballez voir un peu ce que vous avez dans votre serviette. - Oh moi c’est juste une estafilade ! - Avec quoi vous êtes-vous fait cela ? - Mon ami Aurélien a voulu se défendre contre le comte. Il a sorti son stylet. - Un stylet ? Les journalistes écrivent avec un stylet maintenant ? C’est fini le stylo ? - Je devais partir ce soir pour Bruxelles, précise Aurélien Scholl. Bien que la Belgique soit un pays d’honnêtes gens j’avais emporté à tout hasard mon parapluie de voyageur dont le manche renferme un stylet. - Vous avez raison, il y a là-bas de vilains bonshommes qui tirent à vue sur les littérateurs français ! - Et comme il n’y voyait plus rien, c’est moi qu’il a blessé. - Ce que je ne vois vraiment pas c’est pourquoi le comte s’en est pris à moi. - Cherchez la femme, Monsieur Scholl ! Quel livre avez-vous publié récemment ? - « Fleurs d’adultère ». Pourquoi ? - Cherchez de ce côté-là. Je suis sûr que l’explication est là. Voici vos ordonnances, Messieurs. Lequel de vous deux règle l’addition ? - C’est moi ! - Non c’est moi ! - Je vous en prie, je vous suis redevable de…
***
Après avoir raccompagné les deux hommes jusqu’à la porte et avant de faire entrer le client suivant le docteur de Morgnies jette un œil au portrait d’Isaure Chassériau qui trône dans son vestibule.
- Eh bien dis-donc, Isaure ! Le journaliste-bashing commence de bonne heure, cette année !
- Vous aussi vous êtes tout seul sur le terrain, sire Banania ?
- Comme vous voyez, bwana Arthur ! J’espère qu’on aura le quorum. Parce que roi contre roi, je ne sais pas si vous savez, c’est nul ! Et nulle même ! Mais je vois votre dame qui arrive ! - Enfin ! Non mais dites donc, Guenièvre, qu’est-ce que vous foutiez ? Je ne sais pas si vous savez mais y’a match aujourd’hui ! Vous séchez les tournois, maintenant ? - Désolé Majesté mais le cavalier Lancelot m’apprenait à jouer d’un instrument de musique africain ! - Alors vous mélangez les pièces avant même qu’on ait commencé ? Du métissage musical, maintenant ? Une blanche vaut toujours deux noires avec cette… chose, là ? - La cora il appelle ça. J’ai l’impression que ça va super-marcher ce truc-là ! C’est bon pour le décorum, qu’il dit, de jouer de la cora. Surtout des chorus. - Chorus, cora, décorum, on va y perdre son latin avec vos lubies ! En attendant, je ne sais pas si vous voyez, on n’a pas le quorum ! - Ah mais maintenant que je suis là on peut y aller. Profitons de ce qu’elle n’y est pas la dondon fessue du gars Mamadou ! - Taisez-vous malheureuse, vous allez nous créer un incident diplomatique ! Tenez la voilà justement avec toute sa cour, le prince noir, Razibus Zouzou, Tornado et compagnie ! Mais qu’est-ce qu’ils foutent, les gars de chez nous ? Les deux autres fous, là, Loreille et Lardu, je n’ai jamais vu des bouffons pareils ! - Vous n’avez vraiment pas le sens de l’humour, vous, Arthur, hein ? Ils doivent juste être encore à fianchetter dans les coins ! - Avant même que j’aie construit mon château ? Ah ben bravo ! - Ecoutez, ce sont des conceptions hypermodernes. Faut pas rester comme ça attaché à l’ancien monde non plus ! - Et les pions, ils sont où ? - Ben c’te question ! Au lycée, à surveiller les mômes ! Tiens non, les voilà tous qui arrivent en poussant les deux tours ! - Bon, manque plus que qui ? Lancelot et Saint-Georges comme d’habitude ! Si les autres en face nous sortent un dragon, on va être mal ! - Ils ont pas des têtes à jouer de la sicilienne ! Faut peut-être arrêter aussi de jouer 1. e4, sire ! lance Lancelot en prenant sa place sur la case c1. - C’est ça, c’est ça, dévoilez nos plans secrets ! Déjà si eux n’avaient pas le quorum pour débuter la partie, ça m’arrangerait assez, voyez-vous ! Ah, voilà Saint-Georges, on est au complet ? - Alors, bwana Arthur ? On commence ? Pendant que vous palabriez avec votre dame, on a atteint le quorum et plus si affinités nous aussi ! Allez-y ! Tirez les premiers, messieurs les Anglais ! - Y m’énerve celui-là, maugrée Arthur, avec sa culture et ses expressions toutes faites. Je ne sais pas ce qui me retient de lui balancer un orang-outang sur la gueule. Non quand même pas b4, c’est trop risqué. Allez tiens, une anglaise. 1. c4 ! Accrochez-vous les noirs !
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P.S. Et alors comme ça, y'aurait une arnaque ? Je ne serais pas capable de gagner avec les noirs ?
Pas plus tard qu'hier encore, voyez-vous...
(En fait c'est juste que je ne publie pas les parties que je perds !)
Aux différents protagonistes rassemblés autour de cette table, j’ai posé les questions suivantes :
- Suis-je un personnage de fiction ou un être réel ? - Un personnage de fiction.
- Est-ce que je marche sur deux pattes ? - Oui.
- Suis-je un homme ou une femme ? - Un homme.
- Suis-je un personnage de roman ? - Non.
- Un personnage de bande dessinée ? - Oui.
- Mes aventures se déroulent-elles en France ? - Non.
- Exercé-je mes talents aux Etats-Unis ? - Oui.
- Ai-je de grandes oreilles et une petite queue ? - Non.
- Suis-je un personnage de bande dessinée comique ou réaliste ? - Comique.
- Est-ce que je tire plus vite que mon ombre ? - Non.
Comment ai-je fait pour ne pas me reconnaître dans ce portrait ? C’est quand même moi qui, toutes les semaines, achète à Dame Martine, sur le marché des lices, une livre d’épinards !
C’est quand même moi, quelque part, qui suis le roi de la mise en boîte dans cet atelier d'écriture où, pour une fois, je suis plus maso que sado !
Qui d’autre que moi, dopé aux légumes verts, peut inventer ces consignes de fier-à-bras qui ont pour effet de transformer la salle Mandoline en réunion de célébrités positionnées dans un voisinage tel que Marilyn Monroe jouxte Jolly Jumper qui est assis à côté de la Joconde et on trouve ensuite, en allant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, Rantanplan, la Castafiore, Jean-Claude Van Damme, le Petit Poucet, Mary Poppins, Arthur Rimbaud, Louis de Funès et Agatha Christie.
J’ai juste oublié de demander à ces protagonistes du jeu du post-it où je me situais sur l’échelle du temps !
Sûr que je suis une vieille gloire désormais, tout juste bonne à se trouver, place Hoche où se tient à Rennes le marché des libraires, dans un vieux numéro de Charlie Mensuel ou dans un fascicule de «bédé des gars de la rue» comme on disait jadis.
Mais c’est de ma faute aussi. Je n’ai pas posé de question sur mon environnement familial, Olive, Mimosa, Wimpy…
Je tâcherai de faire mieux la prochaine fois qu’on jouera à cette variante à douze joueurs du jeu du post-it. Sauf que ce sera difficile : il n’y a, paraît-il, pas plus de fer dans les épinards que dans les noix de cajou, amandes, noisettes et surtout dans le ti-punch martiniquais (et toujours pas revenu) que nous avons bu avant de monter et qui m’a bien troublé l’esprit !
Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 22 janvier 2019
1 Quand je s’rai plus vieux Que j’perdrai mes ch’veux Dans vraiment longtemps
M’en- Verras-tu en- Cor’ des mots doux Pour la saint-Valentin ? M’offriras-tu du Chambertin ?
Si je rentre fin Soûl au p’tit matin M’ouvriras-tu ta porte ?
Est-ce que j’aurai droit A tes bons p’tits plats Quand j’aurai nonante trois ?
Pont 1 Depuis l’temps qu’on s’écrit J’crois qu’on s’apprécie Tu t’fais vieille aussi
Mon amie si tu m’ réponds oui J’t’aim’rai pour la vie
Et on ira à la mairie pour se dire « oui »
2 J’ pourrai si tu veux Changer les plombs Quand ils sauteront
Tu tricoteras des pulls au coin du feu Le dimanche on marchera un peu
Tu bêcheras l’jardin J’tondrai l’gazon Quel bel horizon !
M’aim’ras-tu encore Même si j’fais plus d’sport A nonante and more ?
Pont 2 L’été on louera un mobil home dans un camping de l’île de Ré Et on invitera Tes petits-enfants
Ils s’amuseront comme des fous Arthur, Jeanne et Lou Sur leurs consoles qui nous désolent
3 Réponds-moi par mèl Ou par SMS Dis-moi c’que t’en penses
D’ajouter au bas « bien cordialement » Ou un smiley tout souriant Je te dispense
Tu peux si tu veux Cocher la case deux De ce formulaire (en pièce jointe)
Celle qui est marquée « Oui je t’aime, Albert Et bon anniversaire !
Oui tu y auras droit Tu seras mon roi A nonante et trois ! »
N.B. Cette traduction approximative et actualisée peut bien évidemment se chanter sur l’air de « When i’m sixty four » des Beatles. La preuve ci-dessous !
Ne lycoperdons pas de temps Appuyons sur le champignon ! Allumons tous nos lumignons Suivons la route en cahotant Amis 6 basidiomycètes !
Champions de spore automobile Au bruit des vesses de loup qui pètent Affrontons l’énorme tempête Du futur qui nous obnubile En passant gaiement nos vitesses !
Il n’y a d’amanite qu’amère Et le bolet rote au ravin Avec des bruits de chanterelles ! Entends ces chants de collybie Et ces concertos de Coprin !
Le clitocybe nébuleux, Prends donc pied velouté, voisine, Lorsque l’entolome est brillant Et le gymnopile pénétrant ! O le délicieux lactaire !
L’inocybe de patouillard Lorsque la nonnette est voilée Russule émétique et fétide Et pleurote du panicaut Sur la xylaire polymorphe.
Ne lycoperdons pas de temps Appuyons sur le champignon ! Fuyons le vain haineux ! De ce rallye nocturne Devenons les champions !
1.e4 e5 2.Nf3 d6 {Retour à la défense Philidor !} 3.d4 exd4 4.Nxd4 Nf6 5.Nc3 a6 {5... c5 était peut-être meilleur.} 6.a4 Bd7 {Et ici je pense qu'il fallait jouer 6... Fe7 suivi de 7... 0-0.} 7.Bc4 Nc6 8.O-O Qe7? 9.Bg5 h6 10.Bxf6 gxf6 {Bien vu ! La colonne g est ouverte face au roi pour la tour. Encore faudra-t-il avoir le temps de la positionner en g8 !} 11.Nd5 {Menace la dame et la case c7 avec une belle fourchette.} 11...Qd8 12.Nxc6 Bxc6 13.Qf3 Bg7! {Je m'attendais plutôt à 13... Fxd5 14. exd5 et les blancs prennent la colonne e.} 14.Rad1? {Donne le pion a4 par gaffe mais en fait après 14... Fxa4 15. b3 ca devient une espèce de gambit !} 14...Bd7 {Le fou se replie pour viser h3. Il faut encore jouer Tg8 et Fh8 pour que l'attaque noire prenne corps.} 15.Rfe1 c6 16.Ne3 Qe7? {OK, les noirs vont pouvoir faire le grand roque mais les blancs ont maintenant toutes leurs pièces qui jouent !} 17.Nf5 Qf8 18.Nxd6+ Kd8?? {Autre gaffe. Il fallait jouer 18... Re7 et seul le pion b7 (ou f7) tombait.} 19.Nxf7+ Kc8 20.Nxh8 {Abandon. Après 20... Fxh8 les noirs ont perdu une qualité et deux pions et leur tour est enfermée} 1-0
Pour la traduction en clair (????) cliquez ici
puis faites avancer les pièces ci-dessous en appuyant sur la flèche orientée vers la droite.
Joe Krapov est poète, humoriste (?), musicien à ses heures et photographe à seize heures trente. On trouvera ici un choix de ses productions dans ces différents domaines.