Canalblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mots et images de Joe Krapov
20 mai 2013

D'YEU QUE LE GUIDE EST BON S'IL EST FERU D'HISTOIRE (S) ! (2)

130508 023

130508 026

130509 384

- Eh oui ! Ca s’est passé en 1959. Le père Raballand était un vieux gendarme de l’île, alors en retraite et quelque peu décati à cause d’excès de table et de boisson. Outre cela, il se piquait d’histoire locale, de cuisine traditionnelle et de littérature de gare. En cheville avec la bibliothécaire de Saint-Sauveur, mademoiselle Georgette, mais quand je dis en cheville je devrais monter un peu plus haut parce que depuis longtemps déjà ils avaient pris le chemin des amoureux, ensemble donc ils avaient organisé un concours d’écriture littéraire. Quelque jour après avoir rendu leur verdict et décerné les prix du millésime 59 on a retrouvé le corps du père Raballand étendu inanimé sur la plage des Ovaires. Quand je dis inanimé, je devrais dire complètement mort en fait, vu qu’il avait le crâne défoncé, fendu, réduit en bouillie et la bouche pleine de sable car il était tombé sur le ventre. L’arme du crime avait été abandonnée à côté. Il s’agissait d’une hache à deux tranchants mais elle ne portait aucune empreinte digitale. Comme il n’y a de gendarmerie qu’en été sur l’île et qu’on était hors saison, on a fait venir un inspecteur du continent. C’était un drôle de fusil enfin quand je dis un drôle de fusil je devrais plutôt le décrire comme une vraie flèche ! Déjà, il s’appelait Kerpoiraud. Ici on l’a baptisé « Feu de recul » !
- Feu de recul ? Kerpoiraud ?
- Ben oui ! A cause d’Agatha, cristi ! Feu de recul Kerpoiraud ! A le voir tourner dans l’île avec son plan des rues récupéré à l’office de tourisme on a vite deviné qu’il mettrait du temps à trouver la clé de l’énigme voire qu’il ne la trouverait jamais ! Il s’était installé à l’hôtel de l’Escale, chez le Gégé Feudedieu. C’est sa fille Julie qui tient la maison aujourd’hui.
- C’est là que nous sommes logées aussi. C’est très bien !
- Il faut dire qu’au lieu d’aller relever les indices sur la plage du crime ou d’aller farfouiller dans le cabanon du gendarme retraité, il s’était mis à sillonner les rues de Port-Joinville selon un circuit bien particulier et à photographier les volets de couleurs, les vélos, les voitures et les plaques de rues ! Ce n’était pas un inspecteur, c’était un touriste !

Ca amusait beaucoup les gamins de l’île, alors en vacances de Pâques, qui lui avaient emboîté le pas. Ils n’avaient jamais vu Maigret autrement qu’au cinéma sous les traits de Jean Gabin et, pour une fois depuis bien longtemps, il se passait quelque chose dans notre île. D’après eux, l’inspecteur monologuait à voix haute tout le long du chemin. Ca donnait quelque chose comme ça :

« S’il s’agit d’un couple d’assassins, mettons un homme et une femme, ils ont pu venir, lui de la rue des Homardiers, elle de la rue de la Belle poule et se donner rendez-vous rue du Rendez-vous. Tout naturellement, ils ont pris la rue de la Lutine puis la rue du Paradis et la rue des Mariés. Je crois qu’ils ne sont pas du genre à entrer dans l’impasse des Bébés gris. Ils ont plutôt pris le chemin du Grand pas et passé un peu plus de temps dans la rue du Doux zéphyr, rue de la Missionnaire et rue de la Belle maison. Et puis à force de fréquenter l’Escadrille et le Café du centre, ils auraient pu aller rue des Petites côtes (du Rhône !), chemin de la Détourne et rue Gate-bourse. Rien que du classique jusque-là ! La question devient alors : « Est-ce que la rue du Secret mène au phare des Corbeaux ou est-ce que c’est l’inverse ? Vous comprenez, les enfants, il y avait deux endroits logiques pour se débarrasser du corps. L’anse de la Tuée mais c’est un homme qui est mort ou la plage de la Pipe pour qu’elle y paraisse cassée plus naturellement. Il y avait bien aussi le chemin des Poupounes mais la plage des Ovaires, franchement ! Ca ressemble à quoi ? ».

Publicité
Publicité
20 mai 2013

D'YEU QUE LE GUIDE EST BON S'IL EST FERU D'HISTOIRE (S) ! (3)

130509 237 B sépia

Photo de Port-Joinville en 1959 prise en mai 2013 !

L’inspecteur Kerpoiraud prenait ses repas le midi au Gavroche et il cuisinait gentiment Eponine la patronne.
« Est-ce qu’il était marié, le père Raballand ? ». Eponine répondait qu’on ne lui avait jamais connu de liaison. C’est bien simple, son gourbi, près de la corne de brume, on l’appelait le jardin du Loup blanc.

A Mademoiselle Georgette il demanda comment s’était passée la remise des prix du concours littéraire. « Mal, avait répondu la bibliothécaire. On a égaré les manuscrits de deux candidats, un malade nous a écrit un texte de cinq pages, un autre nous a envoyé un plaidoyer en faveur de l’homosexualité et les lauréats ne sont même pas venus à la distribution des prix. Il faut dire à notre décharge qu’on avait oublié de prévenir les gagnants ! ».

Il avait épluché la liste des passagers de l’Amporelle, le bateau qui faisait la navette entre Fromentine et l’île d’Yeu, les registres des hôtels et les fiches d’inscription des jours derniers au camping. « Je suis sur le chemin de la Fourche du diable, dit-il au troisième jour après avoir passé toute la journée à lire l’histoire de l’île dans la bibliothèque de Mlle Georgette. Le chemin du Diable, à l’île d’Yeu !".

Le soir il avait téléphoné à son patron à La-Roche-Sur-Yon : « Je crois qu’on va mettre le crime sur le dos d’un vagabond qui logerait dans le vieux château, avait-il déclaré à son commissaire. Ou bien on l’attribuera au capitaine fantôme du Hollandais volant. Quelqu’un ici a aidé un vieil homme à aller se mettre ovaire. C’était un vieux grigou qui mettait des glaçons dans son vin. Ca n’est pas des façons de vivre, non plus !»

« C’est comme vous voudrez, Kerpoiraud, avait répondu le supérieur. On va dire que vous vous êtes octroyé quelques jours de vacances à l’île d’Yeu aux frais de l’administration et que celle-ci va faire des économies en cessant de verser sa retraite au gendarme. De toute façon, il y a d’autres boulots qui vous attendent ici. ». Le lendemain il a repris le bateau pour La Roche. Il est passé d’Yeu à l’Yon.

Je m’arrêtai là, certain d’avoir piqué la curiosité de mes deux touristes.

 

 

20 mai 2013

D'YEU QUE LE GUIDE EST BON S'IL EST FERU D'HISTOIRE (S) ! (4)

130508 166

- Mais alors, demanda la plus grande, vous n’avez jamais su qui avait commis ce meurtre ?
- Si. Après le départ de Feu de recul, mademoiselle Georgette a repris l’enquête. Elle est allée fouiller dans le cabanon du gendarme. Elle y a découvert ses états de services. En 1939, Raballand était un des gardiens du fort de la pierre levée où l’on avait enfermé, dans des conditions assez drastiques et quand je dis drastiques je devrais mentionner le manque de couchage, de nourriture, d’hygiène et la profusion des rats, les 282 élus communistes arrêtés après la dissolution du PCF. C’était l’époque du pacte germano-soviétique. Mademoiselle Georgette a trouvé dans la liste des détenus un nommé Kerpoiraud.
- L’inspecteur ?
- Son père. Elle est allée elle aussi voir les registres des hôtels et de la Compagnie vendéenne de navigation. A l’hôtel du Grand large elle a noté l’arrivée, la veille du meurtre, de devinez qui ?
- Feu de recul !
- Exact.
- Et alors ?
- Et alors, rien. C’est une histoire de vengeance familiale, une affaire d’honneur, peut-être. Nous on ne se mêle pas de ça ni de politique, ici. Tout à l’heure nous nous arrêterons au cimetière et je vous raconterai la tentative d’enlèvement des cendres du maréchal Pétain en 1973.
- Vous nous avez raconté là une belle histoire de Vendée-tta ! Je trouve que vous vous y entendez à merveille pour faire parler les morts !
- Merci, beaucoup, mademoiselle !
- Vous savez, nous on n’a pas de mérite. Les morts, on les fait même voter chez nous. On vient de Corse !

 

 Ce texte a été écrit à l'Atelier d'écriture de Villejean d'après la consigne des Impromptus littéraires du 13 mai.
Le texte n'a cependant pas été envoyé à cause des connotations politiques contraires aux règles de neutralité de ce site.

21 avril 2013

Au carnaval de Nantes le 14 avril 2013 (14)

130414 A 151

Gros plan nantais 1

10 mars 2013

CA TE BOTTE, ANNICK ?

CA TE BOTTE, ANNICK ?

- Il est temps !
- Ouais, il est temps qu’on y aille, y’en a marre de coincer la bulle.
- Marre d’être coincé du bulbe, surtout
- Je me sens tout rachitique !
- Allez, on sort !


***

- Waoh ! Super ce parc !
- Et ce ciel bleu ! Ce soleil !
- Eh les gars, si on montrait aux passants comme on a des étamines réjouies !
- Ah la la, ce Marcel alors ! Quel exhibitionniste !
- Toujours le mot pour rire ! Il ne perd jamais une occasion de déconner !
- Je ne perds jamais les pétales non plus! Allez les p’tites abeilles, faites comme les plagiaires littéraires ! Pompez, pompez !
- Je ne voudrais pas jouer les rabat-joie mais je vous signale tout de même que nous ne sommes pas des angiospermes !
- Ah la la ! Quel diplodocrocus, celui-là ! On le sait bien Savant Cosinocrocus ! C’était de l’humour !
- Je tenais à ce que cette mise au point soit faite, Autofocrocus ! Nous avons affaire à un public évolué ici, pas à du vulgum pebrocrocus.
- Oh l’autre, eh ! Comme il cause en latin ! Mais en fait, foi de Mordicrocus, tu as tout faux. Nous sommes bien des angiospermes. Des plantes à corme, pas des plantes à bulbe ! Ca change tout !
- Hou les cormes !
- Sacré Marcel !
- Eh, regardez, voilà Maya l’abeille ! Ah non, non, la bestiole ! Tu chatouilles trop ! Ah ah ! Qu’est-ce que c’est bon ! Oh oui, continue !
- Ouais, c’est bon de vider son sac et de dire des conneries. Il était temps ! Ca suffisait bien de rester sous terre et se taire !
- Comme des Irlandais !
- Sacré Marcel !

Où voir la joyeuse bande

Publicité
Publicité
2 mars 2013

LHOOQ : DU CHAMP DE CONNAISSANCES LIMITÉ DE MARCEL

Il arrive parfois au musée
Que l’on reste un peu médusé
Devant le portrait d’un radeau.

Le peintre a-t-il peint le bateau
A la spatule ou au râteau ?

Voulait-il fair’ peur aux badauds
Ou dissuader d’un piqu’-nique
A bord du paqu’bot Titanic ?

Il arrive parfois au musée
Que l’on soit aussi amusé
Par le portrait d’une radasse :

- C’est sûr, elle est sal’ment gironde !
Elle sourit à tout le monde
Ell’ n’arrête pas une seconde
Mais on ne voit pas bien sa tête
A cette célèbre gisquette :
Elle a oublié d’se raser ?
Ou alors sa lame est usée ?

Ou ce s’rait-y qu’un grand potache
Lui aurait collé une moustache ?

C’est p’t’êt’ Mona Lisa,
Miss Monde ou Olympia
Mais ces poils montrés à la ronde,
Je vous l’dis franch’ment, c’est immonde !

- Monsieur, ce n’est pas la Joconde !
C’est Courbet ! L’Origine du monde !

Ecrit pour les Impromptus littéraires du 25 février 2013

23 février 2013

Les chaises : pièce à dormir debout (1) Au parc du Thabor à Rennes le 3 mai 2012

120503 017

LES CHAISES : PIECE A DORMIR DEBOUT


Sur la scène du théâtre le plateau est nu. Il y a juste deux chaises qui se font face et un grand écran blanc qui occupe tout le fond. Les deux personnages féminins, Cour et Jardin, arrivent chacune d’un côté différent de la scène. Elles ont chacune un gros dossier plein de feuilles dactylographiées et s’assoient l’une en face de l’autre, ayant vue à la fois sur la salle et sur l’écran. Lorsqu’elles sont en place le technicien projette sur l’écran une photo d’Henri Cartier-Bresson.

COUR. – Aujourd’hui, le patron de la P .J. est venu s’asseoir à la terrasse de la brasserie Dauphine. Il aurait bien mangé une choucroute et bu un verre de Riesling bien frais mais il n’y avait personne au comptoir et personne non plus n’est venu prendre sa commande depuis qu’il s’est assis à la terrasse déserte.
JARDIN. – Alors il attend. C’est un gros monsieur à l’air placide. Il porte un chapeau melon et un pardessus à col de velours. Il a gardé son parapluie à la main. La pointe du pépin fermé touche le sol, trois doigts du bonhomme serrent le manche recourbé et le pouce et l’index de l’homme pendouillent sur la petite queue du J à l’envers. Sans même tapoter du doigt, il attend.
COUR. – Il a une moustache blanche, de faux airs de Pierre Bellemare qui n’est peut-être pas encore né vu que la photo date de 1932. Il est ventru, a le visage massif, la chair flasque au bas des joues, le regard un peu éteint qui fixe le vide. Il attend.
JARDIN. – Dehors, sur la place, les vélums du restaurant voisin dessinent dans la lumière du jour hivernal une France stylisée, un hexagone au Sud-Ouest duquel trois types debout sont immobiles. Deux d’entre eux semblent discuter en marchant alors qu’en fait ils n’avancent pas. Le troisième tourne la tête et regarde derrière eux. Lui aussi a l’air d’attendre quelqu’un.

23 février 2013

Les chaises : pièce à dormir debout (2) Au parc du Thabor à Rennes le 3 mai 2012

120503 009

COUR. – Il y a cinq tables avec des nappes blanches à la terrasse du restaurant et seize chaises mais sur la scène…
JARDIN. –… ou dans cette scène…
COUR. – … on n’en voit que quinze.
JARDIN. - Il y a des chaises mâles et des chaises femelles. Toute la journée, écrasées sous les culs des humains, elles rêvent du moment où le soir le garçon en long tablier va les empiler sur la table, les unes sur les autres, enfin, tête-bêche.
COUR. – Quand le dernier autobus n° 69 sera passé, le loufiat éteindra la lumière et l’orgie commencera. Un air de jazz mystérieux descendra de l’appartement du dessus. Toute la journée les chaises attendent ça.
JARDIN. – Elles ont des noms un peu bizarres. Parfois « La tempérance » est montée sur « le diable » et « la justice » sur « le chariot ».
COUR. – Hier soir « le pendu » était sur « la maison-Dieu » et « l’étoile » sur « l’amoureux ».
JARDIN. – « Le bateleur » s’envoie « l’impératrice » et « le soleil » a enfin rendez-vous avec « la lune ».

23 février 2013

Les chaises : pièce à dormir debout (3) Au parc du Thabor à Rennes le 3 mai 2012

120503 007

COUR. – Présentement, c’est « la papesse » qui a attrapé le patron de la P.J.
JARDIN. – Par le fond de son pantalon elle a fait pénétrer une pointe de son paillage et la voilà qui aspire l’âme du type qui attend.
COUR. – Ca a une âme, un policier ?
JARDIN. – A cette époque-là, oui. Dans les trous qu’ont creusés en elle les vers à bois, la chaise niche les différentes parties qu’elle soutire au policier.
COUR. – Son aveu d’impuissance devant le gang des tractions avant.
JARDIN. – Ses rêves de retraite à Meung-sur-Loire : la pêche, le fricandeau à l’oseille de son épouse, la partie de cartes de l’après-midi au café avec le docteur, le boucher et le cabaretier.
COUR. – Bientôt la papesse a tout pompé. La chaise est repue et le commissaire Maigret n’est plus qu’un fantôme creux dans la mémoire de l’auteur de la pièce. Un souvenir lointain.
JARDIN. - Fin de la scène 1 !

23 février 2013

Les chaises : pièce à dormir debout (4)

130219 Cartier-Bresson patron de la P

COUR. – Malgré son Alzheimer, l’auteur a écrit une scène 2 ?
JARDIN. – Tu rigoles ? La pièce est encore inachevée. Elle fait 4208 pages à l’heure d’aujourd’hui.
COUR. – Et… on va tout lire ? Je peux aller faire une pause pipi ?
JARDIN. – Attends la fin de la scène 2. Cette fois c’est une photo de Jacques Prévert par Robert Doisneau.
COUR. – Je crois que j’ai deviné le nom de la chaise !
JARDIN. – Allez, va faire pipi au lieu de dire des bêtises.
COUR. – Je voudrais bien mais… Je n’arrive pas à me lever… Je me sens vidée d’un seul coup.


Elles s’immobilisent toutes les deux. Le rideau tombe. Les spectateurs n’applaudissent pas. Ils ne sortent pas de la salle. Ils ne le peuvent pas. Moi-même j’ai du mal à vous dire où l’on peut voir la photo d’Henri Cart…

Ecrit pour Les Impromptus littéraires du 18 février 2013 en suivant la surconsigne de l'atelier d'écriture de Villejean : "intervenir dans cette photo".

Publicité
Publicité
<< < 1 2 3 4 5 6 7 8 9 > >>
Mots et images de Joe Krapov
Publicité
Derniers commentaires
Visiteurs
Depuis la création 788 385
Archives
Newsletter
Publicité