La séance débute par un tour du jeu "Concept". A l’aide du plateau de jeu ci-dessous, en sélectionnant quatre icônes ou plus, les participant·e·s doivent faire deviner aux autres un des mots parmi les neufs qui figurent sur la carte qu’ils ont tirée (infra).
A la suite de cela, il est demandé de rédiger un texte-devinette d’une dizaine de lignes sur le même principe. On doit expliquer à un Martien ce que c’est que, par exemple, un rhinocéros, Miss France ou la Chapelle Sixtine… mais sans jamais nommer dans son texte Miss France, le rhinocéros ou la Chapelle Sixtine.
On peut réitérer l’expérience si on est en verve ; d’autres suggestions pour cela : le Tour de France, un bain de pieds, avoir un poil dans la main, "Le Téléphone pleure", les Rois mages, A la recherche du temps perdu...
« Ou on va Ou va-t-on ? Vers où s’en va-t-on ? Vers un cercueil en carton ? Vers la canonisation ? Quel joli mort deviendra-t-on ? Quelle jolie morte sera-t-on ? Deviendra-t-on sainte aux pochons ? 1 Finira-t-on en vieux ronchon Quand nos petits-enfants colleront Sur notre dernière demeure Des Pikachu, des Bob l’éponge, des petits coeurs, Des graffs, des tags ou des pochoirs Pour nous faire passer l’goût du noir Et nous dire adieu en couleurs ? »
Lucile a posé son crayon. Elle n’a pas l’âge, pas l’accordage – cordes en nylon - De composer cette chanson, De poser ces vers de vieux con.
C’est juste une divagation, Un fruit de l’imagination.
Elle n’a aucune préoccupation Concernant la fin du voyage.
Vingt ou vingt-cinq ans ? Un ponton, Une coque, des cordages, Une cabine, un bastingage, Elle vient juste de prendre la mer, Toute tranquille depuis l’aber. Elle a l’âge des bavardages, Des randonnées le long des plages, De marcher sur les coquillages, De se reposer au mouillage Ou de revoir son maquillage.
Son œil se pose sur les roses, Sur les lumières en osmose, Sur la Toussaint des ouvertures Et sur les chemins d’aventures.
Elle a toutes ses facultés Et tous les univers cités Dans la grande encyclopédie Sont de potentiels points d’envol Sans point de chute défini.
Tous les printemps sont d’hirondelle Tous les hivers sont des pays, Rien ne compte, on ne compte rien Et surtout pas le temps qui passe Ni ces gens là-bas qui trépassent.
C’est une espèce d’allégresse Qui a pour nom, je crois, jeunesse. C’est la vie ! C’est l’âge tout glisse, C’est lâge du buzz, C’est l’âge du Blizz, 2 C’est l’âge de la chasse au grizzly Et tous les étudiants justement sont barbus, Baraqués, poilus, chevelus.
Ils se retrouvent le jeudi Pour deux heures à la patinoire.
Pourquoi se demanderaient-ils Où ils vont, Bulles de savons, Puisqu’ils sont à l’âge de l’éclate, A l’âge qu’« un rien nous épate » Où c’que l’alcool vous scie les pattes, Où c’que les patins tiennent salon Dans l’couloir d’entrée d’la maison Épaule contre épaule dans un tendre abandon, L’âge des discours sans oraison Ou des discours sans horizon Que le grand bonheur d’« A jeudi Pour le plaisir, Main dans la main, De tourner en rond sur la glace ! ».
Ils ont raison Lucile, Youssouf, Jeanne, Yannis, Anita, Noémie, Diego...
« Ou on va » N’est pas une question.
« Ou on va » n’est pas une question S’il y manque la mise au point, S’il n’y a point d’interrogation, Pas de point d’interrogation Ni d’accent grave sur le ù !
1 La sainte aux pochons est une tombe particulière dans le cimetière du Nord à Rennes
Sub/objectif est une revue de photographie de l'Université de Rennes dans laquelle on publie des photos argentiques, essentiellement en noir et blanc. Nous avons ôté les agrafes centrales de ce portfolio. Pour les besoins de l'édition les photos se sont trouvées associées deux par deux sur une feuille 21 x 29,7 cm au format paysage. Le hasard fait donc voisiner "Haut le coeur" et "Les douanières", Lucile T. et Jeanne B.
Le hasard ? Un simple voisinage ? Peut-être, mais vous qui êtes le "Deus ex machina" ou une écrivante imaginative ce jour, vous allez nous raconter le lien qui existe entre des deux photos, ce qui se passe entre les deux. Rédigez un récit qui sera inspiré et illustré par ces deux photos.
J'accuse ! J'accuse ! J'accuse la municipalité de X d'avoir donné le nom de « rue Émile Zola » à une toute petite impasse perpendiculaire à la rue Marius Allégret !
N'allez pas croire pour autant, à partir de la déferlante de mes « J’accuse » que j'ai réellement quelque chose contre X, contre SGXV en fait. C'est une ville bien agréable au contraire. On pourrait l'appeler « La Paisible », ce havre de tranquillité pour les oiseaux voyageurs, ce lieu de villégiature en bord de mer pour ceux qui ont l'espérance de vacances reposantes.
Je regrette de ne pas l'avoir plus parcourue en long, en large et en travers cet été. Si j'avais été seul j'aurais pu me constituer une jolie collection de noms de villas. Ces maisons de vacances semblent avoir été posées là au début du 20e siècle, à la belle époque, et s’y trouver pour l'éternité, enfin l'éternité moins un tsunami ou moins une montée des eaux.
La Villa Félicité, l'hôtel Frédéric, Fleur des dunes… Il y a là de quoi partir en livre. Un jour je le ferai peut-être. Je reviendrai avec mon matériel d'aquarelliste et face à la villa « La Chimère » je suivrai la mienne. Je m'interrogerai : laquelle des trois sœurs Allégret avait bien pu poser dénudée, en cachette de toute la famille, pour ce sculpteur suédois prénommé Hugo ? Était-ce Gaïa Allégret ? Elle avait des formes généreuses et toujours l’air rêveur. La statue, intitulée « La Baigneuse » est toujours en place face à la mer, pas loin de la forêt, prêt du café de la Plage où j'irais, chaque après-midi, relire sur ma tablette l’œuvre de Régis Franc qui porte le même titre.
Ou était-ce Sandy, qu’on appelait « La Sirène » ? Elle se parfumait au patchouli et m'appelait « Toto le clown » ou « le galéjeur ». C'était une garçonne au langage peu châtié. Elle jouait au tennis et faisait du vélo - on disait encore de la bicyclette à l’époque -. Souvent elle proclamait en riant « Je marche, je roule, je reste cool ! » ou provoquait, lucide sur ses extravagances et sa situation de pauvre petite fille riche : « Je ne suis pas toujours chiante : parfois je dors ! A part ça, ici, c’est la maison du bonheur : la Mamma prend soin de nous, la cuisinière est bonne, c'est la bella vita ! ».
Les jolies françaises que c'étaient là ! J'étais plus intrigué par l'aînée, plus réservée, presque toujours silencieuse. On ne lui connaissait aucune liaison, masculine ou féminine. Sandy l'appelait « La fée no men ». Elle m'attirait énormément mais malgré quelques timides travaux d’approche, je n'ai jamais pu percer les secrets de Louison.
Les sœurs Allégret ! Quel joli roman parfumé aux fruits de la passion je prépare là !
Moi, dans ma bulle, à l'instant présent, devant les petits carreaux de mon cahier je suis toujours prêt à laisser mon imagination partir en croisière. C'est mon péché mignon. La galopeuse s'en va danser la farandole sur les vagues, elle invente des souvenirs de vie. S'il y a une bonne brise elle flanque le chaos dans les atolls des vies privées, elle fourre son grain de sable dans la discordance des temps et quand elle manque de tomber dans le trou du diable ou se fait envoyer sur les roses par la réalité elle revient, à l'heure des sages, comme un vieux loup de mer fatigué, sur le quai du Port fidèle ou Violette et moi nous vivons notre Vie.
Oui j'ai mis une majuscule à "Vie" parce que j'ai découvert là-bas que c'est une rivière, la Vie. Elle se jette dans la mer à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, SGXV, et du coup c’est même un fleuve. La Vie est un fleuve tranquille et la nôtre, Dieu merci, ne tire pas trop en longueurs !
C’est une ville au bord de la mer. Il y a des choses écrites sur les coques des bateaux, les frontons des maisons, les enseignes des boutiques, les affiches. Vous trouverez bien dans cette liste de quoi raconter une histoire, évoquer un souvenir, écrire un poème, un rêve, un cauchemar... tout cela se déroulant dans une autre ville que la vôtre.
Rue de la Petite île – Sandy – Le Galéjeur – Le Brigand – rue Marius Allégret – rue Emile Zola – Bord de mer – Toto le clown – La Coquillonne – La Farandole – La Chimère – L’Espérance – La Mamma – Grain de sable – Fleur des dunes – Le Trou du diable – Souvenirs de vie - Équateur – Je marche, je roule, je reste cool – Je ne suis pas toujours chiante, parfois je dors – Vieux loup de mer – Le Chaos – Café de la plage – L’Heure des sages – La Baigneuse – Hôtel Frédéric – Chez Marion – Colette – Dune interdit – L’Instant présent – Bonne brise – La Paisible – Villa Félicité – Un ange passe – La Déferlante – Les Roses – Château Mille roses – Les Chouchous – Fruit de la passion – Hugo – Condor – Dans ma bulle – Caraco – La Maison du bonheur – Quai du port fidèle – Fée no men – La Bella vita – La Corvette – Les Jolies Françaises - Les Oiseaux voyageurs – Partir en livre – La Sirène – Je suis Gaïa – Trois sœurs – Violette et moi – Atoll – Patchouli – Péché mignon – La Belle époque - Croisière – Les Secrets de Louison – La Vie
Ah bien sûr, si j'avais eu un gorille, les choses auraient été bien différentes !
Déjà je lui aurais appris à faire des acrobaties, du jonglage, des tours de magie. Je serais allé me poser sur le pont à l'entrée du village le jour du marché. Un petit môme qui montre un gorille, ça les aurait changés, les gens, des montreurs d'ours, des bohémiennes qui dansent et des troubadours. Ils m'auraient glissé la pièce et pas qu’un peu !
Ça aurait arrondi les fins de mois difficiles de mon papa, celles qui commencent dès le neuvième jour du mois et pourtant c'est un bûcheur mon papa. Le boulot ne lui fait pas peur, il en abat comme pas beaucoup. Il sait montrer sa force et tout le monde voit bien de quel bois il se chauffe. Enfin tout le monde se chauffe avec le bois qu'il coupe vu qu’il est bûcheron, mon papa.
Si j'avais eu un gorille Papa m'aurait laissé des sous de mon pestacle « singe-ing in the rain » pour que je m'achète des bonbons. Les bonbons c'est eux que j'aurais semés à la place des boules de mie de pain quand Papa et Maman nous ont perdu la deuxième fois dans la forêt avec mes six frangins. Ça m'aurait fait mal au cœur de les jeter par terre mais au moins on aurait retrouvé le chemin de la maison comme la première fois.
Les bonbons, les oiseaux n'en mangent pas. Il y aurait bien eu le risque des pies voleuses, celles qui prennent tout ce qui brille pour de l'argent comptant, le ramassent dans leur bec et vont le cacher dans leur nid.
Peut-être que le gorille serait venu à notre secours ? Parce que là, en tout cas, présentement, ça commence à craindre un max ! La nuit est tombée, la forêt est immense et on est complètement paumés. Les hiboux hululent dans les hêtres hantés, la hardiesse nous lâche honteusement et cette avalanche de « H » ne nous aide pas à nous frayer notre chemin dans les taillis. Heureusement qu’Averell, notre aîné, le plus grand et le plus idiot des sept frères Poucet a ramassé cette vieille serpe rouillée sur le chemin. Malgré l’entonnoir sur la tête qui le ridiculise et le phénomène de jetlag permanent qui le caractérise, il élague.
Si seulement on était dans un vrai conte de fée, on aurait vite fait d'arriver dans une clairière enchantée avec une causeuse installée au milieu d’une clairière sous un rayon de pleine lune qui éclairerait comme en plein jour ! Je ne sais pas qui se ferait des bisous dans cet endroit-là. Paraîtrait que Blanche-Neige est morte empoisonné par des chips au paprika et que Cendrillon ne vaut guère mieux depuis que le roi a décidé de faire la chasse aux va-nu-pieds. Comment ça s'écrit en écriture inclusive, « va-nu-pieds » au féminin ?
Mais macache ! Pas plus de causeuse que de bonbons ou de gorille !
- Là-bas ! Une lumière ! Et ici un chemin creux praticable ! s’écrie, enthousiaste, Arrrête II, le troisième des frères Poucet.
Ici, je vous dois une explication parce qu’on ne s’est pas vraiment présentés. Après Averell Poucet nos parents ont décidé de baptiser leurs enfants « Arrête » et de leur donner un numéro d’ordre. Arrête II, Arrête III... Moi je suis Arrête VI. Ce n’est pas une mauvaise idée : les gamins on est toujours obligé de leur dire « Arrête ! ». « Arrête ! »c’est aussi ce que disait Maman à Papa quand il en mettait un en route sans le faire exprès.
Fin de la parenthèse. Nous suivons le chemin en direction de la lumière et effectivement nous voilà maintenant positionnés devant une grande maison en plein milieu de la forêt.
- Qu'est-ce qu'on fait ? On frappe et on demande l'hospitalité en tant que migrants économiques ?
- Ouais ça pourrait marcher mais enlève ton entonnoir du dessus de ta tête, Averell, si c'est toi qui causes.
Averell a tiré la chevillette et de l’autre côté de la porte aucune bobinette n’a cherri ou chu ou cherraton mais la tenancière de cet hôtel s'est pointée. Voyant qui on était à travers le judas, la portière nous a ouvert la portière.
Waooh ! Les jetons qu'on a eus ! Pire qu’au loto où on a les yeux en bille de ! Avec un vieux tromblon à la main et une-lampe tempête dans l’autre, c'était une vieille ogresse de l'armée en déroute qui fixait étonnée notre bande de scouts. Surtout elle avait une tête de chou, ronde, verte, frisée posée sur ses épaules de fumeuse de havanes.
Est-ce que c'est bien ici l’auberge de jeunesse ? a demandé Arrête III « j’crois qu'on est arrivés ».
Arrête III « j’crois qu’on est arrivés » c'est le ravi de notre crèche. Après lui tu tires l'échelle ! C'est pour ça qu'il a ce surnom « J’crois qu'on est arrivés ». Maman a dû dire à papa « On a atteint un sommet, on ne pourra pas faire pire !
Contre toute attente et même contre tout à l'oncle l'ogresse a répondu :
- Oui. Vous êtes combien ?
- Sept, j'ai répondu parce que de tous mes frères je suis le seul qui sait compter.
- Il me reste un dortoir mais vous essayez de ne pas faire de bruit ni de répandre d'odeur en retirant vos chaussures de randonnée. Nos sept filles sont déjà endormies dans la chambre voisine de la vôtre. Elle nous a précédés à l'étage, a ouvert la chambre et elle nous a prévenus.
- Demain dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne, vous partirez. Mon mari qui est juge et sa vieille mère sont des ogres cruels qui dévorent les enfants. Ils reviendront demain de l’enterrement de Barbe-Bleue. Ils sont allés déposer sur sa tombe une raquette de fleurs en souvenir des parties de tennis qu'ils ont disputées ensemble. Allez, maintenant, bonne nuit les petits !
Le lendemain matin on n’a pas demandé notre reste et avec la serpe magique d’Averell on s'est taillés.
On a même retrouvé le chemin du village ! On a jeté un œil sur les titres de « Ouest-France » à la devanture de l'épicerie. Sûr quelle n'était pas près de revoir son mari l'ogre, la femme à la tête de chou !
Le journal titrait « Un juge et une ancêtre violé·e·s par un gorille !». L’article précisait que, par édit royal de sa majesté le roi du royaume, les deux victimes et le coupable auraient tous trois la tête tranchée pour avoir profané de leurs turpitudes un espace, celui du conte, destiné à la préservation d’un monde parfois cruel des enfants toujours bons, naïfs, innocents et charmants.
Du coup, je ne sais pas bien pourquoi, l’envie de posséder un gorille m’est complètement passée.
Il y avait autrefois, dans la revue de Rennes-métropole, « Sortir », une rubrique nommé « Inventaire à la Prévert ». Une série de six objets y symbolisaient des sorties possibles dans la ville.
On vous remet deux exemplaires de ces conseils amicaux. Vous allez choisir dedans entre quatre et six objets et vous imaginerez un conte, une histoire, une déambulation dans lesquels ces objets auront un rôle essentiel. Ne vous contentez pas de citer six ou douze de leurs noms dans votre texte. Coupez plutôt la tête de l’ogre avec une serpe, imaginez un homme qui a une tête de chou, empoisonnez Blanche-Neige avec une chips au paprika, le pré est vert et le champ est vaste !
Autrefois chez le photographe on vous demandait de sourire pour la photographie.
Encore aujourd'hui lorsqu'on prend une photo de groupe chacun dit « ouistiti » ou « cheese » ou « choucroute garnie » pour avoir l'air gai sur la "tof".
Par contre sur les photos d'identité officielles vous êtes obligé d'enlever vos lunettes et de faire la gueule. C'est bien la preuve que nous sommes gouvernés par des gens vraiment pas drôles pour qui le rire – et le sourire - sont sans doute le sale de l'homme.
Si on lui avait prédit, au gars Dubout du fond de la classe, qui faisait déjà, près du radiateur, des dessins dans les marges de ses cahiers d’écolier…
Si on lui avait prédit au gars Doisneau qui, une fois sorti des usines Renault, s’était mis en tête de fixer pour l'éternité les amoureux de Paris, les poètes attablés devant un verre de vin, les Hercule de foire et les forts des Halles, voire les pissotières des cours d'école…
S’ils avaient su, ces deux-là qui sont au Panthéon de l'observation amusée de la vie dans toute sa drôlerie qu'on peut faire aujourd’hui des photos avec un téléphone ils n'en seraient pas revenus ! « Et où est-ce qu'on branche le fil ? " auraient-ils demandé.
Ils n'en seraient pas revenus, ils ne reviendront pas et c'est à notre tour, en découvrant ce livre, « Les Photographes » d'Albert Dubout de revenir sur les mystères de la chimie photographique.
Je ne suis pas ici pour vous raconter ma vie mais quand j'ai commencé à prendre des photos le support des images était une pellicule argentique. On ouvrait l’appareil, on positionnait la cartouche cylindrique dans un logement prévu à cet effet à gauche de l'appareil. On enclenchait les perforations du film dans les petits ergots d'un autre cylindre pivotant à droite, on enroulait une fois. On refermait le boîtier, on tournait une une molette ou un levier (on « armait). Puis on déclenchait et c'était parti pour 24 ou 36 poses
Je vous fais grâce de la chimie qui suivait pour obtenir à partir de ce film des images en paier. Je l'ai pratiquée beaucoup moi-même ; c'est pourquoi les mots « chambre noire » « lumière inactinique » « révélateur » « fixateur » « glaceuse » « bain d'arrêt » évoquent des souvenirs bien révolus aujourd'hui. Les marques Durst, Agéfix, Ilford, Atomal ou Agfa me parlent encore.
Du reste, pour le commun des mortels qui ne se risquait pas à ces opérations délicates, l'étape du développement du film restait inconnue. Pareil pour la photo couleur. Après avoir déposé la pellicule chez un photographe on retournait une semaine plus tard récupérer chez l'homme de l'art une pochette contenant les photos tirées sur papier d'une part et d'autre part la pellicule qui, après traitement chimique contenait les mêmes images mais en négatif : tout ce qui était blanc dans la réalité était noir sur le film et vice-versa.
Plus rien de tout cela aujourd'hui avec le numérique.
Ce qui est étonnant dans le livre de magie du Grand Albert c’est de voir l'humour qu'il tire de l’appareil de de prise de vues antédiluvien qu'on utilisait sans doute au temps des frères Rimbaud, de Nadar, d'Étienne Carjat et de Tintin au Congo. L'appareil photographique était posée sur un trépied. Il devait rester fixe pour éviter les bougés et conséquemment les photos floues. Le boîtier était une caisse parallélépipédique en bois reliée à l'objectif par un soufflet.
Parenthèse : sachant que l'accordéon utilise lui aussi un soufflet, qu'il est appelé « boest en Diaoul » en Bretagne soit « la boîte du diable » on ne s'étonnera pas du fait que les peuplades indigènes que les explorateurs du XIXe siècle photographiaient pour la première fois voyaient là une machine qui risquait de voler leur âme ! Fin de la parenthèse sur la religion.
Le déclencheur de l’appareil était un genre de poire d'interrupteur comme on en trouvait dans les chambres jadis.
Surtout le photographe cachait sa tête sous un voile noir afin de pouvoir sortir la plaque photographique de son emballage et de l'introduire dans l'appareil . Une plaque par photographie.
Il y avait aussi des flash au magnésium qui permettaient d’oeuvrer en milieu peu lumineux.
La personne photographiée prenait la pose. Elle devait rester immobile au moment du déclenchement.
On allait se faire tirer le portrait chez le photographe qui mettait en scène ses sujets dans son studio à l'arrière de sa boutique. Il fallait sourire devant l'objectif : pour certains pisse-froid ou angoissés notoires c'était parfois très difficile
On immortalisait :
- la moustache du père dans un cadre en bois pour la mettre au-dessus du troupeau qui mange sa soupe froide (Jacques Brel)
- les bébés quelques jours après leur naissance, tout nus sur un coussin ou une couverture en fausse fourrure
- les jeunes filles à marier. Ça, ça plaisait bien au photographe
- les jeunes mariés
- les ébats des jeunes mariés. Non je déconne ! Ce n'est venu que bien plus tard ou si certains le faisaient le résultat était vendu sous le manteau dans des arrières-boutiques de librairies peu fréquentables. A vrai dire je n'en sais rien. C’est Simenon qui raconte ça dans ses nouvelles. Lui a beaucoup cherché ces choses-là, pas moi, même si j'avoue que je possède une édition du Kâmasûtra illustré par Albert Dubout.
Il y a bien entendu dans cette histoire de la photographie au 20e siècle un paradoxe que vous aurez peut-être observé. Celui qui rend le mieux compte de tous ces éléments de sociologie, de la richesse de la relation complexe entre l'image qu'on a de soi, celle que l'on veut donner et celle que le photographe saisit, de ce moment particulier d'échange entre un montreur et des gens qui se montrent, celui-là n'est pas photographe, il est dessinateur !
Comme quoi sans le don la technique n'est rien qu'une sale manie !
A moins que les dessins d'Albert Dubout ci-dessous ne vous inspirent un pamphlet antimachiste, il vous est demandé de choisir une des images et de vous en servir pour illustrer, au choix :
- Une réflexion sur l'histoire et les techniques de la photographie de sa naissance à nos jours ;
- Une réflexion ou des anecdotes sur la pratique de la photographie au sein de votre famille depuis votre enfance jusqu'à aujourd'hui ;
- Ce que vous voudrez d'autre mais qui ait un rapport quelconque avec cette pratique sociale ou artistique.
Le pamphlet antimachiste sera aussi accepté par l'éditeur de ce blog, M. Dubout étant connu pour avoir dressé des portraits assez misogynes des grosses dames de son époque voire commis bien pire encore (illustrations de San Antonio, du Kamasutra, du marquis de Sade...). Mais c'est pour ça qu'on l'aime, dans notre H.L.M. ;-)
Joe Krapov est poète, humoriste (?), musicien à ses heures et photographe à seize heures trente. On trouvera ici un choix de ses productions dans ces différents domaines.