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Mots et images de Joe Krapov
1 avril 2020

MISE À PLAT

200401 265 001

 Ils nous font bien rire avec leur confinement !

Nous, ça fait des dizaines d’années qu’on est confinées, dans des boîtes, dans des albums, dans des buffets, dans des greniers ou dans des caves.

Etre confiné, ce n’est pas la mort, quand même ! Tant qu’on ne finit pas chez un antiquaire, un brocanteur, un libraire ou chez un héritier j’m’en-foutiste, tant que personne parmi ces gens-là ne décrète que nous ne valons rien et sommes justes bonnes pour la déchiqueteuse, ça va, c’est qu’on est immortelles ! Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir ! Regardez comme on apprécie Doisneau, Cartier-Bresson et Vivian Maier !

Le confinement ! Est-ce qu’on bouge, nous ? Ben justement oui, on vient de se taper quatre-cents kilomètres dans le coffre d’une bagnole ! Et depuis notre arrivée à Rennes nous vivons notre « second life » comme disent nos anciens proches voisins les Rosbifs de Douvres qui font la gueule depuis qu’on a interdit la promenade des Anglais alors qu’on permet encore la balade des clébards ! Oui je sais, à seulement dix mètres de leur domicile dans le Var, à Sanary-les-Bains ! C’est vrai que ça ne pisse pas loin, ces mesures de confinement du gouvernement !

Donc le dépositaire nous a sorties des boîtes et des albums, triées grosso merdo par famille ou par tranche chronologique, il nous a mises dans des enveloppes et maintenant, comme un confiné lambda qui promène son chien au soleil pâle du début d’avril, il nous fait prendre la lumière.

Qu’est-ce que c’est bon de susciter de l’intérêt, de faire causer, de « ramintuver » : ramintuver, c’est un mot ch’ti du patois d’Erchin comme le parlait la grand-mère. Ca veut dire « rappeler, raviver les souvenirs ».

Figurez-vous qu’aujourd’hui ça va être à mon tour d’être mise en vedette, dites donc ! Mon heure de gloire est arrivée ! Justement je suis une photo du dépositaire qui, maintenant, pour une raison que j’ignore, se fait appeler Joe Krapov !

Ils sont fous dans cette famille ! Pourquoi l’oncle Joseph s’est-il toujours fait appeler René ? Pourquoi la grand-mère portait-elle un autre prénom que l’officiel ? Pourquoi donne-t-on des prénoms, des surnoms, des diminutifs aux gens ? Pourquoi écrivent-ils tous sous pseudonyme ? Et pourquoi Marcel Prout, lui, c’est son vrai nom ? Comment, ça, « j’ai oublié l’s » ?

Jean-Paul et Jojo ca 1956Donc ici, avec l’enfant Joe, c’est son oncle Georges, le jeune frère de sa mère. Ils avaient treize ans d’écart, elle et lui. On le surnommait Jojo la Fleur ou Jojo la Fleur bleue ou, plus court encore, Jo. Comme Moustaki quand Edith Piaf en parlait. Sauf que ce Georges-là, Mustacchi, se prénommait réellement Joseph. Comme l’oncle René. Vous me suivez ?

Vous lui donneriez quoi, comme âge, vous, au gamin à bouille ronde ? Un an ou deux ? Marina Bourgeoizovna, la seule pièce rapportées de Bretagne dans cette famille de Ch’tis, a suggéré quinze mois mais ça ne colle pas bien. Quoique… Joe et Jo sont nés tous les deux à la fin juin. Ils ont huit ans moins un jour d’écart. Ils sont tous les deux en manches courtes avec un grand soleil qui vient taper sur leur tempe gauche, sur le sommet de leur crâne et sur les bords des grands chaudrons. Il ferait beau comme ça dans le Pas-de-Calais en septembre ? Me racontez pas de cacoules ou de carabistoules ! C’est comme si on prétendait qu’il ne pleut jamais à Rennes !

Et il se trouve où, ce marché ? Sur la place de Verdun ? Il a l’air de s’être beaucoup étalé avec ses seaux et ses bassines le Robert Lequelquechose qui vendait du chauffage, de l’électro-ménager et des télévisions à Machintruc-en-Gohelle (Montigny ? Loos ? Sains ? Givenchy ? Arleux ? Fresnoy ?).

Pourquoi il ne fait pas comme Parick Modiano, le Krapov ? Une petite enquête dans un vieil annuaire, un coup de bigophone à Robert Lequelquechose pour lui demander où il s’installait quand il venait sur le marché de L. ?

Comment ? Il est sans doute mort, maintenant, le quincailler ? Mais qu’est-ce qu’ils ont tous à disparaître comme ça ? Elle est pas belle, la vie ? Ils ne connaissent pas l’immortalité ou quoi, ces gens-là ?

Mais je me tais : voilà que c’est mon tour ! Il m’a posée délicatement sur une vitre froide – Aglagla ! – il a appuyé sur un truc qui ressemble à une souris sans oreilles et Vlang ! Shazam ! Flashcube ! Je me suis pris un grand coup de lumière dans la tronche un peu comme quand ils passent un scanner à l‘hôpital !

Et puis… Miracle ! Me voilà clonée, dédoublée, agrandie, brillante ! Je suis toujours sur la feuille de papier chamois au format 9x14 cm mais j’apparais aussi sur l’écran lumineux.

D’après ce que m’a raconté la photo du grand-père pêcheur mon heure de gloire est arrivée ! Quand il m’aura insérée dans ce qu’ils appellent un billet de blog, deux milliards d’individus confinés chez eux vont pouvoir admirer la photo des affreux Jo-Joe ! 



Pondu pour l'Atelier d'écriture de Villejean le mercredi 1er avril 2020

d'après la consigne ci-dessous

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1 avril 2020

CONSIGNE D'ÉCRITURE 1920-24 DU 31 mars 2020 A L'ATELIER DE VILLEJEAN

Les objets confinés se confient

 

C'est entendu, vous êtes confiné·e chez vous. Mais vous n'êtes pas seul·e. Tous les objets qui vous entourent le sont eux aussi et depuis plus longtemps que vous. Faites-les parler ! Que peuvent nous raconter votre réfrigérateur, le fétiche arumbaya à l'oreille cassée offert par votre oncle Augustin, le miroir magique, le canapé ou la pendule du salon, l'étagère à rouleaux de papier hygiénique (non, quand même pas !) à propos de votre maison, de leur propre vie et de votre tournage en rond "sous leurs yeux" ? Objets inanimés, avez vous donc une âme ? La réponse, cette semaine, sera définivement "oui" !

 

AEV 1920-24 Consigne Snow_White_Mirror_3

26 mars 2020

LE HARENG A LA JAPONAISE

Léon le pêcheur 01 réduit

A la maison, en ce temps-là, il n’y avait que le grand-père pour manger du poisson.

C’est peut-être parce qu’il était lui-même un grand pêcheur devant l’éternel. A revoir les albums et les boîtes de photos que j’ai récupérés récemment on pourrait croire qu’il a passé sa vie à accrocher des vers au bout de son hameçon, à monter des lignes avec des petiti plombs, à amorcer, à surveiller son bouchon, à se faire photographier avec de jolies prises.

C’est peut-être cela, le secret du bonheur : être pêcheur au bord de l’eau.

Tout ça pour dire que Maman, qui faisait les courses des deux familles, s’arrêtait parfois « au Saumon d’or », chez Jules Turbiez, le poissonnier de la grand’rue, et qu’elle ramenait des rollmops ou des harengs saurs qu’on appelait des saurets. Je n’ai pas souvenir qu’elle ou grand-mère aient jamais cuisiné du cabillaud, du thon, du lieu ou du sabre comme je le fais très souvent maintenant. 

Poissonnerie Jules Turbiez 
Photo d'un "mariach' à sabots" extraite du calendrier 2017 de la ville de L.

Alors vous pensez bien, le hareng à la japonaise, ça a été un grand moment de drôlerie dans notre histoire commune !

C’était en 1980, à Cracovie, je crois. Il nous avait emmenés, ma grand-mère, mon frère et moi, passer des vacances en Pologne et en Tchécoslovaquie où il avait des connaissances et des points de chute pour le logement.

Vous-ai-je déjà dit qu'il était un espion du KGB ? Oui, je l'ai dit et ceci explique cela.

Ce jour-là, on était entrés, tous les quatre, sans accompagnateur autochtone, dans un restaurant.

On a regardé la liste des plats sur le menu mais tout était écrit en polonais et uniquement en polonais. Pour demander des explications en allemand ou en russe, les deux langues dans lesquelles, avant même d’être devenu Breton, je pouvais baragouiner quelque peu, c’était compliqué : les Polonais, pour des raisons d’envahissements intempestifs de leur territoire que l’on sait, détestent entendre le sabir de leurs voisins de droite comme de gauche. Tout ce qu’on savait c’est que les knedliky, ces boulettes de farine qu’on vous servait trempées dans une espèce de soupe, c’était pas top.

Alors on s’est lancés au hasard et moi, comme entrée, j’ai pris « Śledź po japońsku ». C’était d’autant plus gonflé qu’à l’époque on avait encore moins idée de ce que pouvait être la cuisine japonaise mais on ne se faisait pas de sushi pour si peu. On verrait bien !

Eh bien figurez-vous que c’est très bon, « Śledź po japońsku » ! C’est du hareng fumé mélangé avec des pommes, des cornichons et de la crème fraîche !J’ai fait goûter le plat à mon grand-père. Tout le restant de sa vie il a regretté de ne pas avoir fait le même choix que moi !

Finalement, la cuisine, c’est comme le jeu d’échecs ! Ce n’est pas vous qui gagnez, c’est l’autre qui fait le premier une erreur dans son choix !

En voici la recette qui est devenu un plat traditionnel de la maison Krapov :

Vous prenez un paquet de filets de harengs fumés doux. Vous les passez sous le robinet histoire de les dessaler un peu, même si, en argot, le hareng est toujours dessalé.
Vous coupez les filets en morceaux d’un centimètres.
Vous les mettez dans un grand saladier.
Vous épluchez un oignon et le coupez en fines lamelles.
Vous ajoutez trois ou quatre petits cornichons coupés en tronçons.
Puis deux cuillères à café de câpres.
Un piment de Cayenne séché que vous découpez très (con)finement.
Puis trois pommes fruit que vous pelez, épépinez et coupez en demi-quartiers.
Vous versez là-dessus deux cuillères à café de jus de citron, une cuillère d’huile d'olive, du poivre et un pot de dix centilitres de crème fraîche.
Vous mélangez et servez frais.

Bon appétit !

Pardon : Smacznego !



Pondu pour l'atelier d'écriture de Villejean le mercredi 25 mars 2020
d'après la consigne ci-dessous

26 mars 2020

CONSIGNE D'ÉCRITURE 1819-23 DU 24 MARS 2020 A L'ATELIER DE VILLEJEAN

Recette

 

Que faire quand on est confiné chez soi, avec interdiction de sortir faire du sport, pour continuer à rester en forme ? Deux solutions : soit jeûner, soit bien manger !

Vous avez certainement par-devers vous une recette (de cuisine, de santé, de zénitude, etc.). Partagez-la avec nous et surtout dites-nous de qui vous la tenez et quels sont les souvenirs qui lui sont attachés.

Vous pourrez aussi si vous le voulez insérer cinq expressions de cette liste dans votre texte : 

AEV 1920-23 consigne61uTKTHHfDL

à la noix de coco
aux petits oignons
beurré comme un petit Lu
boire du petit lait
chacun son pain et son hérin (hareng)
confit en dévotion
courir sur le haricot
donner de la confiture à des cochons
en avoir gros sur la patate
engueuler comme du poisson pourri
être bon comme la romaine
finir en queue de poisson
grand dépendeur d’andouille
il ne faut pas s’endormir sur le rôti
l’avoir dans le baba
la fin des haricots
les carottes sont cuites
manger de la vache enragée
mi-figue mi-raisin
pédaler dans la choucroute
sucrer les fraises
tailler une bavette
tomber dans les pommes

20 mars 2020

Écrire et rire à Villejean… mais pas seulement !

Écrire et rire à Villejean… mais pas seulement ! 

180414 Nikon 020

En ces temps de confinement, l’Atelier d’écriture de Villejean propose les colonnes de son blog pour lire, rire et même écrire.

Joyeux anniversaire, l’Atelier !

25 ans ! S’il n’était pas aussi discret, voire invisible, au sein de la Maison de quartier, l’Atelier d’écriture de Villejean pourrait fêter cette année ses vingt-cinq années d’existence.

Cela fait en effet un quart de siècle que des gens comme vous et moi se réunissent une fois par semaine, le mardi de 18 h 30 à 20 h 30, en salle Mandoline, pour découvrir ou retrouver le plaisir d’aligner les mots d’une drôle de «rédaction» hebdomadaire… mais pas seulement !

Car ici il n’y a pas d’instituteur qui corrige les copies, pas de notes, pas de jugement de valeur. On a même le droit de rendre copie blanche si le petit jeu proposé par l’animateur n’a pas inspiré l’écrivant ou l’écrivante. On a le droit d’être hors sujet, de délirer, de se lâcher, de raconter des tranches de vie, de composer des poèmes, d’inventer des chansons… mais pas seulement !

Vous voulez des exemples de ces consignes d’écritures données par Jean-Paul Legrand, l’animateur, ces derniers temps ? En voici :

- Cours, Kennedy, tout un monde est derrière toi !
Les Etats-Unis nous ont apporté plein de choses : le rock’n’roll, le chewing-gum, Walt Disney, la Harley-Davidson. Dressez-en la liste et classez les en trois colonnes (positif, négatif, indifférent puis racontez en détail votre relation personnelle avec un ou plusieurs de ces éléments (votre accoutumance au MacDo, votre détestation de Donald Trump, etc.)

- La généalogie tintinesque
Sur les pages de garde des albums de Tintin figure une impressionnante galerie de portraits. Imaginez un instant qu’il s’agit de votre propre arbre généalogique. Racontez-nous votre oncle Albert, votre tante Marguerite qui se prenait pour une cantatrice d’opéra. Qui sont ces jumeaux à moustaches, ce marin barbu et tous les autres ?

- Encyclopédie farfelue des compagnons de votre enfance
Expliquez aux plus jeunes qui étaient Zorro, Mary Poppins, François, Claude, Annie, Mick, Dagobert et les autres !

- Le jeu du post-it
Posez des questions pour deviner l’identité dont on vous a gratifié.e

DDS 542 jeu du post-it 1

- Racontez la fin du monde avec humour !
Comment vivez-vous avec cette « attestation de déplacement dérogatoire » ?


Pas si secret que cela !

On imagine bien que de plancher sur de tels sujets n’engendre pas la mélancolie. Malgré sa discrétion qui relève plus de la timidité que d’autre chose l’atelier rend accessibles ses travaux de divagation littéraire.

Par le passé des expositions de textes joliment illustrés ont été présentées dans le hall de la MQV. Depuis 1993 le blog de l'atelier permet de consulter les thèmes d’écriture et certains des textes écrits par les participants. En 2018, à l’occasion des dix ans de Mediapart à Rennes, l’atelier a même réalisé un journal consacré à certains aspects amusants du quartier de Villejean. On peut découvrir dans « Mon amant.e de Villejean » à qui appartiennent les baskets géantes du parc du Berry. On y apprend pourquoi les salles de la Maison de quartier sont désignées par des prénoms. Mais pas seulement !

Lauréat et lauréates du concours Encres d’automne

A force de pratiquer le logorallye, le cadavre exquis ou le lipogramme, les écrivant.e.s ont acquis une aisance d’expression et une maîtrise du récit court qui ont trouvé leur récompense à la bibliothèque de L’Hermitage. Depuis douze ans maintenant la médiathèque de cette commune à l’Ouest de Rennes organise le concours «Encres d’automne». Les membres de l’atelier y participent. Ils doivent rédiger un texte d’une page dans lequel ils insèrent quinze titres de romans récents acquis par la bibliothèque.

Jean-Paul a gagné un prix spécial du jury, Eliane a remporté ensuite le 1er prix, puis ce fut le tour de Dominique l’année suivante. Elle a ensuite gagné le deuxième prix. En 2018 le titre est revenu à Anne-Marie.

En 2019 Maryvonne a été sélectionnée parmi les douze textes retenus par le jury. Elle a eu droit à une belle lecture de son texte par le comédien Michel Monestes lors de la cérémonie de remise des prix.

Tout le monde attend avec impatience le palmarès 2020 !


Temporairement ouvert à toutes et à tous sur Internet !

Nous terminerons ce tour d’horizon en signalant que l’atelier ne recrute que peu de nouveaux membres. Ce monsieur et ces dames sont déjà une bonne douzaine, ce qui est le nombre idéal pour ce genre de rendez-vous. Mais pas seulement ! Cela permet aussi de couper en parts égales un gâteau d’anniversaire qu’on leur souhaite bon !

Compte-tenu du confinement généralisé, l’atelier ouvre temporairement les colonnes de son blog à qui veut bien tenter l’expérience par Internet. Une consigne paraît le mardi soir et vous avez une semaine pour pondre un texte, le taper et l’envoyer à jeanpaul.legrand [arobase] free.fr

Pour plus de précisions, voyez ici : http://aevillejean.canalblog.com/archives/consigne_d_ecriture/index.html

Joe Krapov


Ecrit pour le blog Histoires ordinaire/Villejean le vendredi 20 mars 2020.

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19 mars 2020

AVEUX COMPLETS

200315 265 001Je soussigné KASTIC, Jules-César né le 29 février 1945 demeurant 7, rue Jean-René Xagères à 35000 Rennes avoue que j’ai déjà oublié la chronologie exacte du début de la fin du monde.

Déjà on aurait dû se douter, dès le début du mois de mars, qu’il nous arriverait des bricoles : le 13 était un vendredi ! Maintenant on a la confirmation que les superstitieux ont raison. Mais même ce jour-là on pouvait encore se balader le nez au vent avec un appareil photo, attendre les mômes pour la dernière fois à la sortie de l’école. Non, je ne distribue pas des cachous, j’attends juste les carnavals et les fêtes qui n’auront plus lieu. C’est ce soir-là ou la veille qu’on a interdit les rassemblements de plus de cent personnes.

Malgré cela, le samedi, on était aussi nombreux qu’à l’habitude à faire nos courses sur le marché des Lices. Les libraires de la place Hoche avaient encore droit de cité. Le samedi soir on est passé au stade 3 de la lutte contre l’épipandémie… mais le lendemain il n’était pas interdit d’aller voter ! C’est ce qu’on a fait, à la queue leu leu, un mètre les uns derrière les autres dans le couloir de l’école primaire. Preuve que c’était encore de la rigolade, l’adjoint au maire qui officiait a pris ma carte d’identité et ma carte d’électeur avec ses gros doigts non gantés. J’ai brûlé le tout en rentrant pour ne pas être infecté. Germaine, mon épouse, était tellement perturbée par tout ce cirque qu’elle a écrit son nom en capitales sur le registre au lieu de signer.

Après ils ont été tellement vexés d’avoir perdu les élections, d’avoir encaissé un taux d’abstention de 50% et surtout d’avoir vu les gens qui ne les écoutaient pas et allaient se promener au soleil du printemps, en groupes, dans les parcs et jardins qu’ils ont confiné tout le monde et qu’ils ont tout fermé !

A pus bistrot ! A pus restau ! Plus de ciné ! Plus de biblis ! Plus de mémés dans les sorties !

Juste aller chercher à bouffer et rentrer. C’est ce qu’on a fait le lundi matin à 9 heures. D’habitude j’y vais seul, faire les courses avec mon petit panier qui donne l’air d’un con, mais là Germaine a voulu venir avec son ® caddie. L’hypermarché habite à un kilomètre de chez nous ; on y est allés à pied sans croiser personne. Mais une fois là-dedans, tudieu, quelle cohue-bohu ! On a passé une heure dans les allées et une heure à poireauter pour payer !

Pas moyen de se frayer un passage au rayon conserves de légumes ! A côté un paquet de spaghettis, éventré, rendait glissante l’allée des bonnes pâtes. Les gens avaient dû se battre pour le dernier paquet de Panzani.

AEV 1920-22 Jean-paul 500px-RationnementQuelle ambiance, cette fin du monde ! Nous aussi on a été pris de folie et on a fait n’importe quoi ! J’ai acheté deux plaques de chocolat au lieu d’une, deux paquets de riz, un paquet de café, des tortillons Turini alors que j’avais fait le plein de ça la semaine précédente et qu’on ne mange des pâtes qu’une fois par semaine ! Il n’y avait plus de gaufres liégeoises en rayon ! Dévalisés par les Belges d’honneur du coin ! J’ai acheté des gaufres Rita au café, les seules qui restaient, alors que je n’aime pas trop ça et que je sais fabriquer moi-même les meilleures gaufres flamandes de toute l’Ille-et-Vilaine !

Germaine a racheté du papier hygiénique, que j’avais fait le plein sans même prévoir la crise il y avait huit jours. On aurait été aux Etats-Unis, on revenait avec un 22 long rifle pour se défendre pendant le couvre-feu à venir ! Bref, on a été bien heureux de sortir de là !

Et puis mardi mon beau-frère nous a avertis par mail qu’il faudrait un Ausweis pour circuler ! Une « attestation de déplacement dérogatoire » ! Fort heureusement non tamponnée par la Kommandantur ! On l’a imprimée, on a coché la case « déplacements brefs à proximité du domicile, liés à l’activité physique individuelles des personnes et aux besoins des animaux de compagnie » et on est allés faire un tour de vélo le long de la Vilaine.

Depuis, c’est la rég-pression totale ! On n’entend plus que des commissaires de police au « Téléphone sonne » sur Radio-Paris. On ne parle plus que d’amendes à régler si vous n’avez pas d’Ausweis, que vous rencontrez un Feldgendarm et qu’il n’accepte pas votre justificatif « Je promène Kiki mon poisson rouge dans ma bérouette : il a besoin de prendre l’air depuis que tout le monde est confiné dans son bocal ». A qua ça rium, tout ça je vous demande un peu !

En même temps, comme ils disent, ils ont bien fait d’annuler le deuxième tour des élections municipales car ils n’ont pas prévu de case pour qu’on aille voter à part cette même raison des besoins animaliers : les pauvres hommes politiques aux abois sont perdus sans nos voix !

Bon, j’ai l’air de ricaner comme ça, mais je suis un bon citoyen, j’obéis, je suis con finement et pas con Plautiste : certains rigolos font courir la défèque-niouze comme quoi ce virus nous a été envoyé par les camarades communistes chinois (et russes) pour que nous fassions l’expérience de :

- la queue dans les commerces où il n’y a pas de masques à part celui du boutiquier ;
- la police derrière chaque citoyen dès qu’il bouge ;
- les discours fleuves et récurrents de notre leader maximo ;
- l’interdiction des réunions ;
- la grande guerre patriotique ; etc.

AEV 1920-22 Macron en guerre contre le coronavirus

A leur décharge le gouvernement vient de découvrir les vertus du service public hospitalier et tous ces gens de droite envisagent même… des nationalisations !

Maintenant il me reste à avouer à Madame Brigitte Bardot et aux gens de la SPA le crime impardonnable que j’ai commis au nom de la résistance au coronavirus : pendant qu’on pédalait sur le halage avec Germaine j’ai abattu un canard qui discutait avec sa cane en descendant la Vilaine.

- Darmanin réélu à Tourcoing ! Coin coin ! ricanait-il

Je n’ai rien contre l’humour du « Clair de lune à Maubeuge » mais ils ne respectaient pas, pour se parler, la distance réglementaire d’un mètre.


P.S. Pour survivre pleinement au confinement et au virus, évitez d’écouter « Le Postillon de Longjumeau ». Il paraît que même cela vous contamine l’humeur.
 

Pondu pour l'Atelier provisoirement en ligne de Villejean le mercredi 19 mars 2020
à partir de la consigne ci-dessous.

19 mars 2020

CONSIGNE D'ÉCRITURE 1920-22 DU MARDI 17 MARS A L'ATELIER DE VILLEJEAN

Fin du monde !

 

C’est la fin du monde ! Tout le monde est confiné ! Pour vous déplacer il vous faut remplir une autorisation dérogatoire.

Examinez le document officiel ci-dessous. Inventez-vous un pseudonyme, une date de naissance qui n’est pas la vôtre et une adresse de fantaisie.

Remplissez-le.

AEV 1920-22 attestation de déplacement dérogatoire

Puis racontez vos déplacements de ces derniers jours, 
ce que vous avez vu ou vécu et tout ce que cela vous évoque. 
Si possible avec humour !

AEV 1920-22 carali-collapsologie

13 mars 2020

FORFAIT DÉPASSÉ

AEV 1415-26 NSA

Monsieur et Madame Valentin, selon les informations en notre possession, votre forfait "je t'aime" est dépassé.

Nous vous proposons de le renouveler par le biais d'un voyage à Venise mais nous hésitons car vous ne faites rien comme tout le monde, M. Et Mme Valentin.

Vous avez attendu 10 ans pour effectuer dans cette cité symbolique un voyage de noces au cours duquel vous n'avez même pas sacrifié au rite de la ritournelle en gondole.

Vous avez préféré parcourir un nombre de kilomètres insensé dans la ville sans même avoir pris soin de vous équiper de chaussures de randonnée !

Vous n'avez pas attendu les 10 ans réglementaires pour y retourner : quatre ans après vous remettiez le couvert et l'année suivante, refais-le me le, encore, encore oh oui c'est bon et puis plus rien !

Nous voulions également vous suggérer l'option triplette de Belleville qui consiste en un stage de trekking au Népal. Bien que nous vous sachions assez adeptes de l'humour noir, nous avons récemment remplacé dans notre catalogue "J' voudrais finir ma vie à Katmandou" par "J' voudrais finir ma vie au Lavandou". Mais l'azur peut-il avoir la cote auprès de gens qui ne rechignent pas à aller marcher sous la pluie pendant quatre jours dans des coins perdus de la Manche dont même le bathyscaphe, plongé dans les profondeurs sous-marines d'océans abyssaux, n'a pas idée : Heugueville-sur-Sienne, Hauteville-sur-Mer plage, la Vendelée ou il n'y a même pas de Glolobe challenlenge !

Nous avons qui plus est découvert que votre forfait "je t'aime" n'était pas valable et ce depuis l'origine ! Il manque au document original émanant de la mairie de Redon la signature réglementaire des deux témoins !

C'est pourquoi l'alternative est désormais la suivante :

- ou bien nous vous dénonçons aux autorités en tant que couple déviant sans feu ni lieu ni foi ni loi
- ou bien vous déchirez la présente lettre de rappel et continuez de cohabiter comme bon vous semble mais c'est à vos risques et périls surtout depuis le vote de la loi sécurité et le catalogage des citoyens en fonction de leur prénom.

Si vous trouvez le moyen d'inventer ou d'ajouter un troisième terme à cette alternative, nous déclarerons forfait nous aussi.

***

C'est bien simple, quand j'ai vu la médaille "Aujourd'hui plus qu'hier et bien moins que demain" j'ai mis l'enveloppe et le prospectus de la NSA qu'elle contenait à la poubelle !


Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le 5 mai 2015 d'après cette consigne :

Incipit n° 220 de Pascal Perrat

11 mars 2020

DÉFORMATION PROFESSIONNELLE

M. Ferdinand FLURE
Agence Dupondet et Dupontet
120, rue de la Gare
65125 LES HAUTS DU TOURMALET

                                                                                    M. Florent Fouillemerde
                                                                                    Agence Fiat Panda
                                                                                    4, rue des Petits champs
                                                                                    35000 RENNES

                                       
                                                                       Les Hauts du Tourmalet, le 10 mars 2020


                         Mon cher Florent

Avant de mettre définitivement la clé sous la porte de cette agence de détectives privés où nous nous sommes connus, j’ai entrepris de vider tout le pavillon.

Je ne te raconte pas le nombre de voyages que j’ai dû faire vers la déchetterie-déchèterie ! Il y a tellement de vieilleries à virer en pareil cas qu’on ne sait même plus comment s’écrit ce mot !

J’ai également fait l’acquisition d’une broyeuse à documents papier. Inutile en effet de garder trace des filatures que nous avons effectuées à Roubaix ou ailleurs, des photos compromettantes remises à une épouse jalouse ou un mari soupçonneux. Toutes ces pratiques n’ont plus grand intérêt pour personne depuis que les déclarations d’amour ont pris forme d’envois de sextapes par messagerie effaçable (ou pas) sur Internet. Ce qui explique, par ailleurs, la faillite de mon agence. Trop "ancien monde".

Cela me fait penser à l’une des cartes dont je veux t’entretenir ce jour : elle commence par ces mots : «Salut, branleur !». Bonjour la familiarité ! 

Et donc, dans ma folie ménagère d’avant vidage des lieux, j’ai mis la main sur une boîte à chaussures emplie de cartes postales. Les unes sont signées Jean Dupondet et les autres Joseph Dupontet. Ce sont, tu t’en souviens, les deux bonshommes moustachus auxquels on avait racheté la maison. Elles sont toutes adressées à Ernestine Dupontet, à la même adresse que notre agence, 120 rue de la Gare, Les Hauts du Tourmalet.

Est-ce que tout cela sera suffisant pour reconstituer l’histoire des détectives qui nous ont précédés ici ? Maintenant que je suis à la retraite j’ai bien l’intention de me lancer dans l’histoire du 120 rue de la Gare à travers les âges !

02 07 12 Guidel recto

J’ai commencé à dépouiller ce courrier très particulier. Nos deux larrons à chapeau melon ont été de sacrés voyageurs, surtout Joseph qui a beaucoup sillonné la Bretagne, l’Espagne et l’Italie.

Chacune de ses cartes postales est une petite énigme et je soupçonne fort qu’il faut décoder certains des éléments qu’il envoyait à sa chère maman. Ainsi de ce séjour sur la route côtière de Lorient ou il commente avec humour ses « drôles de vacances ».

« On visite surtout le fond des gamelles qu’on gratte à la paille de fer une fois qu’on a fait cramer l’omelette pour vingt-cinq personnes ; on dort dans le froid et l’humidité et on ne trouve même pas cinq minutes pour finir son Maigret. »

J’ai du mal à l’imaginer en train de faire la vaisselle d’un camp scout mais le métier exige parfois de tels travestissements ! J’ai vérifié : il n’y a pas eu de meurtre au golf de Ploemeur ni de cambriolage à Larmor-plage en juillet 2002. C’étaient peut-être de vraies vacances au bord de la Laïta. Pourtant le cachet de la poste fait foi qu’il y a bien eu un « Festival des sept chapelles » à Guidel. Si ce n’est pas là un titre de polar régional, je veux bien être changé en Land rover du capitaine Marleau !

05 02 Barcelone rectoA côté de ça Joseph Dupondet a mené plusieurs investigations au-delà des Pyrénées. Voilà ce qu’il dit du parc Güell de Barcelone dans lequel l’architecte Gaudi a beaucoup utilisé la mosaïque : « L’Espagne est un pays où l’on tue beaucoup de taureaux dans les corridas, sans doute parce que l’œil noir de Carmen a trop regardé le toréador ».

Le reste de la carte est anodin à première vue : « Hôtel bien situé, très calme, avec petits déjeuners royaux » mais le timbre apposé ne laisse aucun doute : il devait être sur une affaire Miro-bolante. Peut-être enquêtait-il sur les velléités d’indépendance de la Catalogne ? Peut-être s’est-il infiltré dans les réunions secrètes où l’on préparait cela dans les arrière-salles du musée de l’érotisme ou dans un des attelages du musée des corbillards ?

Timbre Miro Barcelone

99 03 18 Lyon-Villeurbanne rectoMais venons-en à Jean Dupontet. Lui envoie à sa tante Ernestine des cartes postales de Lyon où « malgré le soleil du printemps, il est obligé de suivre six heures de cours par jour ». Il dit n’avoir pas emmené son appareil photo mais je pense que c’est pour tromper la censure. Le cachet de la poste indique « Villeurbanne P. Principal 18 mars 1999 ». A cette date il restait certainement encore à la mairie de Villeurbanne des traces compromettantes du passage de Charles Hernu en ces lieux.

SD Jersey rectoCertaines cartes sont parfois signées des deux cousins. Celle de Jersey, par exemple. Je suis sûr qu’ils enquêtaient sur la fameuse affaire du gang des trois trèfles qui a tant défrayé la chronique à l’époque. La carte elle-même est un mystère : les deux timbres ne sont pas tamponnés et pourtant Ernestine a bien reçu le message codé : le montant du transfert du joueur de foot Portelet a été placé dans un coffre du Montorgueil castle. Joseph écrit même « L’île n’est pas attrape-touristes pour deux ronds : ils ont assez à gagner avec leur paradis fiscal et nous sommes bien les seuls à nous y balader à pied.

 

AEV 1920-21 JP Timbres de Jersey

J’ai gardé le meilleur de cette première exploration cartophilique pour la fin. J’ai enquêté sur cette Ernestine Dupondet. J’ai découvert que son nom de jeune fille était Loges. Aujourd’hui Joseph pourrait s’appeler Dupondet-Loges. Je crois me souvenir qu’une rue porte ce nom à Rennes. Peux-tu me le confirmer et mener des investigations là-dessus de ton côté ? Elle avait une sœur jumelle, Eléonore Loges, et c’est justement celle-ci qui a épousé Emile Dupontet, le père de Jean. Les Dupondet-Dupontet sont donc cousins par les femmes, ce qui explique leur extraordinaire ressemblance.

 AEV 1920-21 A Joseph Dupondet
Joseph Dupondet
par Henri Cartier-Bresson

 AEV 1920-21 A Jean Dupontet
Jean Dupontet
par Henri Cartier-Bresson

Je t’enverrai dès que possible la suite de mes investigations.

Bises à Isabelle et bonne fin de carrière à toi !


P.S. Prends note de ma nouvelle adresse à compter du 1er avril : M. Ferdinand Flure, 3, rue du Nombril en forme de cinq à Sète, 34000.

Pondu à l'Atelier d'écriture de Villejean le mardi 10 mars 2020

d'après la consigne ci-dessous

11 mars 2020

CONSIGNE D'ÉCRITURE 1920-21 DU 10 MARS 2020 A L'ATELIER DE VILLEJEAN

Lettre d'après cartes postales

 

L'animateur distribue à chaque participant·e dix cartes postales, rédigées et postées,  de sa collection personnelle.
Il demande de les utiliser, recto ou verso, isolément ou de manière globale, pour écrire une lettre à leur sujet ou à partir d'elles.
Il demande simplement de changer les noms et les prénoms qui figurent sur les versos.

Burano recto

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